ADA 2O12 L Le Rendez-vous Français Fractures et chutes : 2 marqueurs

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Coordonné par :
T. Thomas (Saint-Étienne)
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Fractures et chutes : 2 marqueurs
de la fragilité chez la personne âgée
J.B. Gauvain*
L
e terme de “fragilité” en gériatrie n’est
ni synonyme de maladie ou de handicap, ni adéquat pour caractériser des
sujets très âgés. Il s’apparente à un processus
continu physiopathologique par lequel l’interconnexion progressive de plusieurs facteurs
(maladies, traitements, dénutrition, manque
d’activité, environnement inadapté) devient
délétère sur le plan clinique. L’ostéoporose
et la sarcopénie en sont des conséquences
bien connues, et la diminution des capacités
de réserve va freiner les efforts physiques
de la personne âgée. Le cercle vicieux qui
s’installe ainsi de façon insidieuse aggrave la
sarcopénie, de même que le risque de chutes
et d’événements fracturaires. Une définition
de la fragilité comme syndrome clinique (1) a
permis de cibler ce profil de patient. La personne âgée n’est pas toujours consciente
de cet état de fragilité, de son instabilité, et
le banalise : or, c’est justement l’inverse, le
caractère encore réversible doit inciter à s’y
intéresser. L’existence d’une chute au cours
de l’année passée constitue chez la personne
âgée un mode d’entrée dans la fragilité qui
témoigne d’une désadaptation de l’individu
à son environnement.
La fréquence des fractures et des chutes est
en augmentation du fait de plusieurs phénomènes qui se conjuguent : arrivée à l’âge de
la retraite de la génération des baby-boomers
depuis 2005, profil des patients qui change
(plus de comorbidités), avec un niveau de
“fragilité” qui s’accroît (2). L’incapacité liée
à la fracture de l’extrémité du col du fémur
est d’autant plus importante que l’âge ou le
nombre de comorbidités est élevé et que les
troubles de la marche sont importants. Par
exemple, le suivi prospectif sur 5 ans, avec
une approche holistique, de plusieurs indicateurs chez 193 personnes âgées montre
la forte prévalence de la sarcopénie (71 %)
et de la dénutrition (58 %) [3]. Les caractéristiques du patient au moment de la fracture
influencent les capacités de récupération,
mais aussi le processus de soins (le délai
d’intervention), la précocité de la mobilisation, l’impact d’une intervention gériatrique,
l’adhésion à la réhabilitation, voire le recours
aux compléments nutritionnels, même si ce
dernier point reste discuté.
Mais toute la question est de repérer des
facteurs de risque, facilement mesurables,
et modifiables, soit pour permettre une
récupération postopératoire plus rapide, soit
pour mieux prévenir les chutes et anticiper
les événements fracturaires. Une démarche
préventive telle que recommandée par la
Haute Autorité de santé fait consensus (4). Le
risque de chutes répétées résulte davantage
de l’accumulation de facteurs que d’un facteur
unique : c’est donc une démarche holistique
qui permet d’élaborer des recommandations
efficaces. Il est ainsi recommandé de s’intéresser au mécanisme de la chute, à la recherche
de facteurs intrinsèques dépendant de l’état
de santé de l’individu (pathologies neurologiques et rhumatologiques, vision, traitements
médicamenteux, etc.), mais aussi d’éléments
extrinsèques (chaussures, éclairage, obstacles
au sol) et comportementaux (capacité aux
transferts, aides techniques à la marche).
L’appui monopodal inférieur à 5 secondes,
le get up and go test supérieur à 20 secondes,
la vitesse de marche inférieure à 0,8 m/s et la
variabilité du pas sont prédictifs de chutes (5).
Les résultats des études d’intervention diffèrent selon leurs objectifs (diminution du
nombre de chutes, de leur gravité ; maintien
de l’autonomie, de la qualité de vie), mais
l’effet d’une intervention est d’autant plus
important que la population ciblée est à
risque de chute. Or, le principal facteur de
risque de chute est le fait d’en avoir déjà fait
une. Le développement de consultations
gériatriques pluridisciplinaires spécifiques de
la chute répond à une démarche consensuelle
relevant d’une approche plurifactorielle qui
s’attache à corriger les principaux facteurs
de risque de chute repérés et à remettre en
route la pratique d’une activité physique. Le
manque d’intérêt des personnes âgées pour
ces activités est le témoin de leurs difficultés
d’adhésion aux différentes recommandations.
Plus la personne âgée avance en âge, plus
le suivi de ces recommandations nécessite
donc un travail interdisciplinaire organisé en
réseau : chutes et fractures sont bien l’affaire
de tous.
■
* Gérontologie, hôpital Porte-Madeleine, CHR d’Orléans.
Références
1. Fried LP, Tangen CM, Walston J et al. ; Cardiovascular
3. Fiatarone Singh MA, Singh NA, Hansen RD et al. Methodology
2. Faber MJ, Bosscher RJ, Chin AP et al. Effects of exercise pro-
4. HAS 2009 : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/applica-
Health Study Collaborative Research Group. Frailty in older
adults: evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med
Sci 2001;56(3):M146-56.
grams on falls and mobility in frail and prefrail older adults: a
multicenter randomized controlled trial. Arch Phys Med Rehabil
2006;87:885-96.
200
and baseline characteristics for the Sarcopenia and Hip Fracture
Study: a 5-year prospective study. J Gerontol A Biol Sci Med Sci
2009;64A(5):568-74.
5. Abellan Van Kan G, Rolland Y, Andrieu S et al. Gait speed
at usual pace as a predictor of adverse outcomes in community-dwelling older people. An International Academy on
Nutrition and Aging (IANA) Task Force. J Nutr Health Aging
2009;13(10):881-9.
tion/pdf/2009-06/chutes_repetees_personnes_agees_-_argumentaire.pdf.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012
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