> Nature Medicine > Gastroenterology > Cancer Cell > New England Journal of Medicine > British Medical Journal MyD88, une nouvelle cible thérapeutique dans le cancer intestinal REVUE de presse Coordonnée par Mathias Chamaillard Inserm U795, CHRU de Lille L e cancer est l’une des causes principales de mortalité dans le monde. La plupart des thérapies anticancéreuses actuelles affectent les processus de prolifération cellulaire, ce qui est à l’origine de nombreux effets secondaires parfois “dévastateurs”. Par conséquent, il est essentiel que de nouvelles molécules efficaces et bien tolérées soient développées pour traiter ce fléau. La réponse inf lammatoire et la réparation tissulaire participent activement au contrôle du développement du cancer colorectal, avec notamment un rôle majeur du facteur de transcription NF-κB et du gène APC (adenomatous polyposis coli). L’activation de NFκB au niveau des entérocytes protège contre le développement d’une colite, et des mutations germinales et de novo du gène APC ont été identifiées dans plus de 80 % des formes familiales et sporadiques de cancers colorectaux. Un nouveau lien moléculaire entre inflammation, réparation tissulaire et cancer vient d’être découvert. Deux chercheurs de l’université de Yale, Ruslan Medzhitov et son collègue Seth Rakoff-Nahoum, viennent de publier dans la revue Science leurs observations montrant que la protéine MyD88 participe également à la croissance des tumeurs intestinales. En réponse à divers signaux microbiens et à l’interleukine 1-bêta, MyD88 est impliquée dans l’immunité innée et la réparation tissulaire des dommages causés par l’inflammation en contrôlant l’activation de NF-κB et ainsi l’expression de nombreux gènes. “On a longtemps spéculé que la régénération tissulaire peut être La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 7 - juillet-août 2007 impliquée dans le tumorigenèse, du fait que la croissance des tumeurs peut être considérée comme la conséquence d’une réparation non contrôlée du tissu”, a commenté Ruslan Medzhitov, investigateur du Howard Hughes Medical Institute. Comme chez l’homme, les souris porteuses d’une mutation du gène APC ont une durée de vie limitée à six mois en raison du développement d’environ 60 à 80 adénomes intestinaux, préférentiellement localisés au niveau de l’iléon. L’absence de la protéine MyD88 dans ces souris améliore l’anémie et la survie des animaux. Leurs résultats révèlent que MyD88 semble ne pas influencer la formation des lésions néoplastiques mais contribue plutôt à la croissance et à la progression tumorales. Les auteurs démontrent que MyD88 régule la mort cellulaire et contrôle l’expression de nombreux gènes favorisant la tumorigenèse et la réparation tissulaire. Des données similaires ont été observées dans un modèle de cancer colorectal chimio-induit par un carcinogène, l’azoxyméthane. Actualités recherche A ctualités recherche En conclusion, cette étude suggère ainsi le rôle important de l’immunité innée dans la tumorigenèse intestinale. Des études chez l’homme sont désormais attendues pour confirmer le rôle de MyD88 dans le développement tumoral et démontrer que la voie de signalisation MyD88 est bien une nouvelle cible pour le développement de molécules antitumorales plus efficaces. > Rakoff-Nahoum S, Medzhitov R. Regulation of spontaneous intestinal tumorigenesis through the adaptor protein MyD88. Science 2007;317(5834):124-7. 149 A ctualités recherche Actualités recherche > Nature Medicine > Gastroenterology > Cancer Cell > British Medical Journal Sexe, cytokine, immunité innée et cancer Coordonnée par Mathias Chamaillard L REVUE de presse 150 > New England Journal of Medicine e carcinome hépatocellulaire (CHC) survient préférentiellement chez l’homme (risque de trois à cinq fois plus important par rapport à la femme). La diéthylnitrosamine est un carcinogène chimique induisant (préférentiellement chez des souris mâles) une réponse inflammatoire et l’apparition de tumeurs hépatiques. Récemment publiée dans la revue Science, une étude de chercheurs de l’université de San Diego, en Californie, souligne le lien entre un régulateur de l’inflammation et de la réponse immunitaire innée et la susceptibilité au développement de CHC. En utilisant un inhibiteur pharmacologique et des souris déficientes en interleukine 6 (IL-6), les auteurs démontrent que la survenue des CHC est dépendante de l’IL-6 (dont la source hépatique majeure est la cellule de Kupffer) en favorisant la prolifération hépatocytaire via, notamment, l’activation de STAT3, un facteur de transcription impliqué dans la survenue et la progression de nombreux cancers humains. En empêchant spécifiquement l’activation de NF-κB dans les macrophages, ce groupe avait précédemment établi que, pendant le développement de CHC, l’IL-6 sécrétée par des cellules de Kupffer requiert l’activation de NF-κB. Dans ce modèle de cancers hépatiques, les auteurs mettent en évidence que l’administration de tamoxifène ou d’estrogène (à des taux physiologiques chez les souris femelles) aux souris mâles limite la progression tumorale en réduisant la sécrétion d’IL-6 par les cellules de Kupffer et les taux sériques d’IL-6. À l’opposé, le blocage pharmacologique et génétique de la fonction de cette hormone sexuelle favorise le développement des tumeurs du foie induites par la diéthylnitrosamine. Ces résultats pourraient rendre compte de la relative résistance des femmes au développement du CHC. Enfin, afin de mieux comprendre la nature des signaux responsables de la sécrétion d’IL-6, l’équipe de Mickael Karin a analysé le rôle du TNFα, une cytokine pro-inflammatoire, et de MyD88, une molécule requise pour la signalisation de l’IL-1 et l’activation de l’immunité innée en permettant l’activation de NF-κB et de kinases de stress. Les auteurs démontrent que la protéine MyD88 – mais pas le TNFα – est requise pour l’induction d’IL-6. Dans ce contexte, ils soulignent clairement que les souris déficientes pour MyD88 sont protégées non seulement des hépatites aiguës chimio-induites mais également du développement de CHC induit par la diéthylnitrosamine. En conclusion, les données de Naugler et al. suggèrent que certains activateurs de la voie de signalisation de MyD88, comme des signaux de dangers libérés par les hépatocytes nécrotiques, participent à la progression tumorale. L’utilisation de molécules mimant l’action des estrogènes pourrait enfin représenter une nouvelle piste thérapeutique pour prévenir l’évolution de la maladie inflammatoire chronique hépatique vers le développement du CHC chez l’homme. > Naugler WE et al. Gender disparity in liver cancer due to sex differences in MyD88-dependent IL-6 production. Science 2007;317(5834):121-4. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 7 - juillet-août 2007