MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 10 - décembre 2005
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courte, d’environ 3 mois, nécessitant donc une répétition des
injections 3 à 4 fois par an. Le coût engendré par l’utilisation de
la toxine botulique dans la spasticité limite ainsi sa disponibilité
aux centres possédant un budget suffisant.
La réversibilité de son action peut être un avantage si on veut
l’utiliser comme test thérapeutique et fonctionnel avant, par
exemple, un geste neuro-chirurgical, et évaluer la part de la spas-
ticité et des rétractions musculo-tendineuses dans des limitations
d’amplitude articulaires. L’utilisation de la toxine botulique
dans la spasticité se fait essentiellement hors AMM chez l’adulte
(limitée actuellement à la spasticité du membre supérieur après
AVC), mais de nouveaux cadres réglementaires sont en cours
d’élaboration.
✓ Alcoolisation des troncs nerveux ou aux points moteurs
Cette technique a été progressivement abandonnée en raison du
risque de survenue de douleurs de désafférentation. On la réserve
maintenant à certains troncs innervant des muscles volumineux
qui nécessiteraient des doses importantes si l’on utilisait de la
toxine botulique, comme le nerf obturateur pour une spasticité
des adducteurs de hanche ou le nerf crural pour le quadriceps.
Traitement chirurgical
La tendance actuelle est à l’utilisation croissante de la chirurgie
dans le traitement de la spasticité et de son retentissement ortho-
pédique et fonctionnel. Le recours à la chirurgie est proposé dans
le cadre de consultations multidisciplinaires avec le chirurgien,
le spécialiste de médecine physique et de réadaptation et le
neurologue.
Dans le cadre de l’hémiplégie, le geste neuro-chirurgical le plus
utilisé pour la spasticité est la neurotomie partielle sélective (nerf
médian, soléaire, etc.). Il est souvent intéressant de réaliser dans
le même temps un geste orthopédique : allongement tendineux,
arthrodèse, transfert tendineux (exemple : transfert d’une partie
du tendon du tibial antérieur quand ce muscle entraîne un varus
gênant à la marche).
CONCLUSION
Une meilleure maîtrise des techniques de traitement et la création
de consultations spécialisées ont permis d’améliorer la prise en
charge des patients consultant pour une spasticité gênante. Mais
il reste encore beaucoup à faire pour mieux comprendre les dif-
férents mécanismes en cause en fonction des pathologies impli-
quées et de leur localisation, déterminer les sites d’action des dif-
férentes molécules et développer de nouveaux traitements.
■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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EXEMPLES PRATIQUES
EXEMPLES PRATIQUES
Cas n°1. Patiente de 60 ans présentant depuis 4 mois une
hémiplégie à prédominance brachio-faciale. Elle consulte pour
une demande d’ouverture de sa main hémiplégique qui est
macérée, sent mauvais et entraîne des douleurs ne lui per-
mettant plus de se couper les ongles, lesquels commencent à
lui blesser la paume. À l’examen, pas de commande volon-
taire sur les muscles de la main, du poignet et du coude. On
arrive à ouvrir passivement la main, avec difficulté et lenteur,
dans toute son amplitude. Il n’existe pas d’hypertonie spas-
tique sur les autres groupes musculaires du côté hémiplé-
gique. Il s’agit donc d’une spasticité prédominant sur les flé-
chisseurs des doigts et du poignet, donc plutôt focale. On peut
proposer à cette patiente des injections de toxine botulique
dans les muscles spastiques, dans un objectif hygiénique et
antalgique, et non fonctionnel. Si l’hémiplégie était plus
ancienne, l’alternative à discuter serait celle d’une neuroto-
mie sélective du nerf médian. S’il avait existé une composante
de rétraction sur les muscles fléchisseurs, il aurait été possible
de proposer un geste chirurgical d’allongement.
Cas n°2. Patient de 35 ans présentant depuis un an une
hémiplégie gauche après AVC et consultant pour un varus
équin occasionnant une sensation d’insécurité à la marche et
un défaut d’appui du talon. L’examen montre l’absence de
commande sur les extenseurs des orteils et les fibulaires, un
tibial postérieur déficitaire, mais une commande efficace sur
le tibial antérieur qui entraîne le pied en varus. La spasticité
est marquée sur le triceps sural. La mobilisation passive de la
cheville montre une limitation de la flexion plantaire, surtout
lorsque le genou est étendu. Un bloc anesthésique à la xylo-
caïne est réalisé, confirmant l’existence d’une rétraction sur les
muscles gastrocnémiens. L’objectif chez ce patient est d’obtenir
un pied à plat et stable permettant une marche efficace et en
sécurité. On peut lui proposer une chirurgie comprenant un
geste d’allongement des gastrocnémiens et le transfert d’une
partie du tendon du muscle tibial antérieur sur la partie laté-
rale du pied permettant à ce muscle de relever le pied dans
l’axe en l’absence de commande sur les fibulaires et les
extenseurs des orteils. En fonction de l’importance de la spas-
ticité sur le triceps sural, on pourra proposer, d’emblée ou
dans un deuxième temps, des injections de toxine botulique
dans le triceps sural ou une neurotomie sélective.
Cas n°3. Patiente de 45 ans présentant une paraplégie spas-
tique en rapport avec une sclérose en plaques, confinée au lit
ou au fauteuil depuis 2 ans. La spasticité des membres infé-
rieurs s’aggrave progressivement. Elle ne permet plus l’ha-
billage et la toilette, rend difficiles les hétérosondages uri-
naires pluriquotidiens et peut entraîner parfois une chute du
fauteuil roulant. La patiente a perdu toute capacité de trans-
ferts et de marche depuis plusieurs mois. L’installation au lit
devient de plus en plus inconfortable. Il n’y a pas de foyer
infectieux évolutif. On peut proposer à cette patiente la réa-
lisation d’injections-test de baclofène intrathécal. En fonction
de l’efficacité sur la spasticité et de la tolérance de ces injec-
tions, la pose d’une pompe pourra être envisagée. Si des
rétractions musculaires sont mises en évidence, un geste
orthopédique pourra y être associé.
Piège : un varus du pied à la marche n’est pas obligatoirement lié à une spasticité du tibial
postérieur. Il peut être lié à la présence, le plus souvent syncinétique, d’une commande sur le tibial
antérieur qui, en l’absence de commande sur les muscles fibulaires et extenseurs des orteils,
entraînera une bascule du pied en varus (du fait de la localisation médiale de son insertion distale).
Le varus du pied ne se traite donc pas systématiquement par un geste local sur le muscle tibial postérieur.
Encadré III.