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R evue
de presse
Traitement d’un patient
diabétique par transplantation
de cellules souches autologues :
premier cas mondial
Histoire clinique
Après les premières expériences de
notre groupe, qui ont consisté à implanter des cellules souches en situation
intracardiaque pour traiter des lésions
d’infarctus du myocarde (plus de
70 cas), nous avons décidé de commencer un programme d’implantation de
cellules souches dans le pancréas, afin
de remplacer les cellules β2 pancréatiques productrices d’insuline.
De nombreux travaux ont déjà démontré
que les cellules souches peuvent traiter
le diabète. Un patient de sexe masculin
de 42 ans, diabétique de type 2, a été
admis dans notre service de cardiologie
interventionnelle pour subir une implantation in situ de cellules souches autologues mononucléées (CD34+, CD38-)
dans le pancréas. Le patient a accepté le
traitement et a donné son consentement
éclairé. La glycémie à l’entrée était
égale à 3,5 g/dl ; le patient recevait de
l’insuline NPH et des sulfonylurées. La
moelle osseuse (500 cc) a été extraite de
la crête iliaque sous anesthésie locale.
La suspension des cellules souches a été
préparée pour obtenir un enrichissement
satisfaisant de cellules mononucléées
(13 x 107). Les cellules étaient positives
pour le CD34, indiquant un potentiel
pluripotent et une capacité de différenciation. La suspension enrichie en cellules CD34 positives (22 x 106) a été
réinjectée dans l’artère de la queue du
pancréas 3 heures après l’extraction de
moelle osseuse.
Angiographie
Une cathétérisation sélective de l’artère
splénique a été réalisée en utilisant la
technique de Judkins à partir d’une
ponction de l’artère fémorale avec un
cathéter d’angiographie Side Winder
6 Fr. L’angiographie a montré les artères
pancréatiques postérieures ou caudales
et médianes ou corporéales ainsi que les
branches terminales de l’artère splénique à l’intérieur de la rate (figures).
Procédure
Un cathéter avec guide métallique a été
placé dans l’artère splénique, et il a été
ensuite retiré. Sur ce guide métallique, un
cathéter Judkins RC6Fr a été inséré dans
la portion distale de l’artère splénique
avant l’origine de l’artère de la queue du
pancréas. Deux guides métalliques de
0,014 pouce (0,035 cm) ont été placés
dans les branches terminales de l’artère
splénique. Deux ballons de cathéters
d’angioplastie (4 mm x 20 mm et 3,5 mm
x 20 mm) ont été glissés par l’intermédiaire de chaque guide et placés au début
de la bifurcation de l’artère splénique
après le début de l’artère de la queue du
pancréas. Les deux ballons ont été gonflés
avec une pression basse pour occlure le
flux distal de l’artère splénique et dériver
le débit sanguin à l’intérieur de l’artère
pancréatique de la queue du pancréas. La
suspension enrichie en cellules CD34
positives (22 x 106) a été réinjectée dans la
portion finale de l’artère splénique par
l’intermédiaire de ce cathéter, qui a été
maintenu en occlusion grâce aux ballons
durant la perfusion, afin de dériver ces cellules à l’intérieur du pancréas. Après avoir
injecté la solution de cellules souches, il a
été injecté 50 ml de solution saline pour
améliorer le flux à l’intérieur du pancréas.
53
Les ballons ont été dégonflés et retirés.
Un nouveau contrôle angiographique a
été réalisé montrant l’absence d’occlusion ou d’embolie des artères spléniques
terminales, ainsi qu’un bon flux à l’intérieur des artères de la queue du pancréas.
Le cathéter a été retiré au bout de deux
heures, et le patient est sorti de l’hôpital
après 24 heures sans complication.
Évolution
Durant la première semaine après l’implantation, la glycémie a diminué jusqu’à 2,5 g/dl. La glycosurie s’est également améliorée. Après la deuxième
semaine, la glycémie est passée à
1,5 g/dl, avec une dose minime de sulfonylurées. L’amylase n’a pas augmenté,
ce qui plaide en faveur de l’absence de
pancréatite.
Commentaires
La technique endovasculaire pour
implanter des cellules souches de façon
sélective dans la queue du pancréas afin
d’éviter les complications d’une
implantation massive de cellules
souches est une façon sûre et une procédure facile non seulement d’implanter
des cellules souches adultes, mais également de perfuser des traitements (facteurs de croissance) à l’intérieur du pancréas et d’améliorer la régénération des
cellules β2 des patients diabétiques.
Traduction E. Thervet
Fernandez Vina R, Andrin O, Sosa N et al. First
world report of feasibility of implant autologous
stem cells with endovascular technique in a diabetes mellitus patient. Inédit.
E-mail : [email protected]
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
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Recurrence risk after
organ transplantation
in patients with a history
of Hodgkin’s disease
or non Hodgkin’s lymphoma
e plus en plus, des patients ayant eu
lymphome sont considérés
comme guéris, mais nous sont présentés
ultérieurement comme candidats à une
transplantation en raison de la survenue
de la défaillance d’un organe, défaillance
secondaire aux thérapeutiques utilisées
dans le traitement de leur hémopathie.
L’exemple le plus fréquent est l’apparition chez des sujets jeunes d’une
défaillance cardiaque par toxicité des
anthracyclines.
D un
À partir du registre IPITTR (Israel Penn
International Transplant Tumor Registry)
sont recensés, aux États-Unis, entre
1968 et 2002, les cas de transplantation
de patients ayant eu antérieurement un
lymphome hodgkinien ou non hodgkinien.
Quatre-vingt-onze patients ont ainsi eu
une transplantation, dont 81 permettent
d’avoir des données exploitables, avec
une durée médiane de suivi post-transplantation de 25,7 mois (0,4-131,1).
Quarante-quatre transplantations cardiaques, 2 transplantations pulmonaires,
14 transplantations hépatiques et
31 transplantations rénales ont ainsi
été pratiquées dans cette population
particulière.
La survie globale de ces patients est de
96 %, 94 % et 78 % à 1, 3 et 5 ans posttransplantation.
Sur les 81 patients, 8 ont eu une récidive de leur lymphome, soit environ
10 % des patients, chiffre déjà signalé
dans des publications antérieures. Ce
chiffre de récidive de 10 % concerne
aussi bien les patients ayant eu un lym-
phome hodgkinien (3 récidives pour
34 patients) que ceux ayant eu un lymphome non hodgkinien (5 récidives sur
47 patients). Ces récidives sont apparues après 4 transplantations cardiaques, 3 transplantations rénales et
une transplantation hépatique. Bien
qu’il n’y ait pas de significativité statistique (peu de patients), un délai de
moins de 2 ans de rémission semble
être un facteur de risque de récidive, et
les auteurs conseillent de maintenir
une durée de 5 ans avant de proposer
une transplantation. Les patients qui
n’ont pas eu de récidive avaient une
période médiane de rémission avant
greffe plus longue (115 mois) que ceux
ayant récidivé (30,2 mois) (p = 0,24).
Ce délai de 5 ans n’est cependant en
rien une garantie contre la récidive, et,
notamment, un lymphome a récidivé
malgré 215,5 mois de rémission. La
plupart des récidives surviennent dans
les 2 ans qui suivent la transplantation
(durée médiane : 18,7 mois), avec un
extrême allant jusqu’à 82,2 mois. La
survie des patients dont l’hémopathie
récidive est faible, puisqu’un patient
sur 3 est décédé pour les lymphomes
hodgkiniens et un patient sur 5 pour les
lymphomes non hodgkiniens, avec une
durée médiane de survie après récidive
de 6,8 mois (0-22,1 mois). Il n’y a
pas d’informations concernant les
thérapeutiques employées pour traiter
ces récidives. Comme les auteurs le
déplorent eux-mêmes, il n’existe
pas de données anatomopathologiques
permettant de tirer des conclusions
pronostiques. Les types de traitement
immunosuppresseur et le type de
transplantation ne sont pas cités
comme facteurs de risque de récidive.
Il faut signaler que, malgré ces antécédents, 32 % et 25 % des 91 patients
initiaux ont reçu respectivement un
traitement par OKT3 ou RATG pour
induction ou traitement de rejet aigu
(un seul patient ayant récidivé avait
reçu de l’OKT3).
54
En conclusion, la transplantation
est possible même en cas d’antécédent
de lymphome, mais à la condition
de prévenir les patients du risque de
récidive. La mortalité est importante,
mais les données recueillies sont
antérieures aux nouveaux protocoles
thérapeutiques dont nous disposons
actuellement.
P. Chevalier, Paris
Trofe J, Buell J, Woodle ES et al. Transplantation
2004;78,7:972-7.
Utilisation des cellules
dendritiques
pour contrôler
la réponse allogénique
indirecte et induire la tolérance
e rejet chronique est la première
L cause de perte de greffon, et on ne
dispose à l’heure actuelle d’aucun traitement satisfaisant.
Depuis les expériences de “parking
d’allogreffes rénales” publiées au
début des années 1980 par Lechler et al
(1), il est admis que la voie directe de
présentation des alloantigènes est la
principale responsable du rejet aigu,
tandis que le mode de présentation
indirecte de ces mêmes alloantigènes
conduit au rejet chronique. Plus récemment, des travaux ont montré que
les cellules T capables de transférer
la tolérance au greffon à un receveur
naïf étaient spécifiques des alloantigènes présentés sur le mode indirect
(2).
Ces deux observations, qui soulignent
la nécessité de développer des protocoles visant à contrôler la présentation
indirecte des alloantigènes, permettent
de mieux apprécier l’intérêt du travail
publié il y a quelques mois par l’équipe
de Mirenda (3).
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
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L’originalité du travail repose sur l’utilisation de cellules dendritiques tolérogènes coexprimant les déterminants
allogéniques du donneur avec ceux du
receveur.
Le modèle utilisé était celui de la greffe
rénale entre deux souches histo-incompatibles de rat [AUG (RT-1Au) * LEW
(RT-1Al)]. Le protocole reposait sur
l’administration de cellules dendritiques
(CD) dérivant de la moelle osseuse
d’animaux F1 AUGxLEW. Le choix de
ces cellules était guidé par le fait
qu’elles coexpriment les déterminants
allogéniques des deux souches, et donc
présentent spontanément les peptides
dérivant du CMH du donneur (AUG)
dans un contexte restreint par les CMH
du receveur (LEW). Ces CD étaient cultivées en présence de dexaméthasone,
afin de leur conférer un phénotype tolérogène (cellules différenciées, mais
immatures), et injectées par voie intrapéritonéale à un receveur LEW, 10 jours
avant une transplantation rénale orthotopique avec un greffon AUG. Les receveurs étaient traités pendant les 10 premiers jours par de la ciclosporine, afin
de contrôler la phase initiale de reconnaissance directe, puis étaient laissés
sans traitement immunosuppresseur.
Les auteurs rapportent l’obtention d’une
survie indéfinie de greffons rénaux, à
condition toutefois d’administrer une
injection unique d’anti-CTLA4 24 heures
après l’injection des CD (9 jours avant la
greffe). Cette dernière avait pour objectif
d’empêcher l’uptake des CD injectées et
leur présentation immunogénique par les
CD du receveur. Le même protocole utilisant les cellules dendritiques AUG ne
montrait aucun bénéfice.
Une série d’expériences in vitro a permis
aux auteurs de démontrer que ce protocole induit une “tolérisation” de la voie
indirecte de présentation des alloantigènes AUG. Cette tolérance repose sur
l’induction d’une population CD25+
régulatrice, activée par la présentation
indirecte des alloantigènes AUG par les
CD F1 tolérogènes. Non seulement les
cellules T régulatrices sont capables de
contrôler la reconnaissance indirecte des
alloantigènes AUG, mais elles ont aussi
une certaine efficacité sur la voie de
reconnaissance directe.
Pour conclure, il faut souligner le caractère potentiellement intéressant chez
l’homme de ce protocole original dans
le cadre des greffes avec donneurs
vivants.
O. Thaunat, Paris
1. Lechler RI et al. Restoration of immunogenicity to passenger cell-depleted kidney allografts by
the addition of donor strain dendritic cells. J Exp
Med 1982;115:31-41.
2. Yamada A et al. Recipient MHC class II expression is required to achieve long-term survival
of murine cardiac allografts after costimulatory
blockade. J Immunol 2001;167:5522-6.
3. Mirenda V et al. Modified dendritic cells coexpressing self and allogeneic major histocompatibility complex molecules: an efficient way to
induce indirect pathway regulation. J Am Soc
Nephrol 2004;15:987-97.
CXCR3, CCR5, IP10,
RANTES et I-TAC :
chimiokines et récepteurs
qui interviennent au cours
du rejet
es chimiokines sont une famille de
L petites molécules exerçant un effet
chimioattracteur sur les leucocytes,
grâce à des récepteurs exprimés sur la
membrane leucocytaire. Dans les
modèles animaux, la neutralisation de
CXCR3 ou CCR5 ou l’invalidation des
gènes qui les codent inhibent profondément le rejet. Leur rôle chez l’homme
est moins bien établi. Les auteurs ont
analysé l’expression de CXCR3 et de
ses ligands IP10 (interferon gammainducible protein), Mig (monokineinduced γ-interferon) et I-TAC (interfe-
55
ron-inducible T cell-α chemoattractant)
et de CCR5 et de ses ligands, RANTES
(regulated on activation of normal T cell
expressed and secreted, CCL5), MIP-1β
(macrophage inflammatory protein 1α),
MIP-1β, ainsi que celle de MCP-1
(monocyte chemoattractant protein-1,
ligand de CCR2), sur des biopsies
rénales, réalisées entre J3 et J9. Treize
patients étudiés ont présenté un rejet, et
13 autres n’ont pas présenté de rejet au
moment de l’analyse. Aucun cas de rejet
vasculaire n’a été inclus dans cette
étude.
La présence de cellules exprimant fortement CXCR3 et CCR5 a été constatée
dans la région tubulo-interstitielle des
patients avec rejet (CXCR3 : 140
± 32/30 champs à fort grossissement,
CCR5 : 161 ± 33) par rapport aux
patients sans rejet (22 ± 5 et 36 ± 11,
respectivement, p = 0,002 et p = 0,007).
Il n’y avait pas de marquage dans les
glomérules. La majorité des cellules
CXCR3+ étaient CD3/CD4+, quelquesunes étaient CD3/CD8+. Les cellules
CCR5+ étaient également CD3/CD4+.
Quelques-unes étaient CD68+. En PCR
temps réel, l’expression d’IP10
(5,2 fois ; p < 0,05) et d’I-TAC (7,2 fois ;
p < 0,05) était augmentée en cas de
rejet. Mig était augmentée de façon non
significative (7,5 fois ; p = 0,07).
RANTES (5,7 fois ; p < 0,05) était augmentée de façon significative. MIP-1α,
MIP-1β et MCP-1 n’étaient pas exprimées de façon significative, même en
cas de rejet. L’expression des récepteurs
CXCR3 (2,6 fois ; p = 0,06) et CCR5
(2,9 fois ; p < 0,015) était modérément
augmentée en cas de rejet, correspondant probablement au recrutement de
cellules inflammatoires CXCR3 et
CCR5+ dans le greffon. L’expression
d’IP10 en hybridation in situ était forte
dans la région tubulo-interstitielle au
cours des rejets (et peu ou pas en l’absence de rejet). Cette expression était
liée à la présence de leucocytes infil-
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
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trants, mais des cellules tubulaires
proches de ces cellules inflammatoires
étaient également marquées, ainsi que
des cellules de la capsule de Bowman.
En ce qui concerne I-TAC, un signal
fort était détecté dans les cellules interstitielles, dans l’ensemble du greffon en
cas de rejet. En revanche, les cellules
mononucléées de l’infiltrat inflammatoire n’étaient pas marquées, pas plus
que les cellules tubulaires ni celles de la
capsule de Bowman. La majorité des
cellules marquées étaient des cellules
endothéliales des capillaires péritubulaires. I-TAC n’était pas exprimé en
l’absence de rejet. Enfin, l’excrétion
urinaire d’IP-10 était augmentée en cas
de rejet (250 ± 82 ng/24 h versus 36
± 16 en l’absence de rejet ; p < 0,002).
Il n’existait pas de différence d’excrétion urinaire en ce qui concerne Mig et
RANTES. I-TAC n’était pas détectable
dans les urines.
Il est couramment admis que les cellules T de type TH-1, qui expriment
préférentiellement CXCR3 et CCR5,
jouent un rôle essentiel dans le rejet
d’allogreffe. Ces données sont renforcées par les études expérimentales montrant que l’invalidation de CXCR3 chez
le receveur ou d’IP-10 chez le donneur
réduit l’intensité du rejet d’allogreffe.
Ce travail montre que l’expression d’IP10, de RANTES et d’I-TAC est augmentée chez les greffés rénaux présentant un rejet aigu. De plus, il existe un
recrutement local de cellules CXCR3
positives et CCR5 positives au cours du
rejet d’allogreffe. L’augmentation d’expression d’IP-10 semble être liée à la
présence de leucocytes infiltrant le greffon, mais IP-10 est également exprimée
au niveau des cellules tubulaires du
greffon. I-TAC semble être exprimée
essentiellement au niveau des cellules
tubulo-interstitielles, probablement des
cellules endothéliales des capillaires
péritubulaires. IP-10, exprimée précocement au cours du rejet, pourrait attirer
des lymphocytes T et NK CXCR3-positifs au niveau du greffon. La production
locale d’interféron pourrait augmenter
l’expression locale des chimiokines et
renforcer l’attraction des lymphocytes
inflammatoires. L’augmentation d’expression d’IP-10 dans les urines confirme que les cellules tubulaires ellesmêmes sont l’une des sources prédominantes de cette chimiokine. CXCR3 et
CCR5 sont des cibles potentielles pour
le développement de futurs immunosuppresseurs, au moins en transplantation rénale.
Y. Calmus, Paris
Panzer U et al. CXCR3 and CCR5 positive T-cell
recruitment in acute human renal allograft rejection. Transplantation 2004;78:1341-50.
Chimioembolisation
prégreffe
et chimiothérapie adjuvante
postgreffe sont-elles bénéfiques
en cas de greffe pour CHC ?
a cirrhose posthépatitique C est la
Lpremière indication de transplantation hépatique (TH) aux États-Unis, et la
seconde indication en France. Compte
tenu de l’épidémiologie de cette maladie, les TH pour maladie virale C
devraient augmenter jusque dans les
années 2015 à 2020. Le développement
d’un carcinome hépatocellulaire (CHC)
est fréquent sur les foies de cirrhose
posthépatitique C. En cas de CHC sur
cirrhose posthépatitique C, la TH peut
rester une bonne indication, mais au
prix d’une survie réduite et d’un risque
de récidive. L’équipe de Los Angeles a
revu ses résultats concernant la TH pour
CHC associé à la maladie virale C de
façon à en tirer les facteurs prédictifs de
survie et de récidive.
Entre 1990 et 1999, 463 patients adultes
ont bénéficié d’une TH pour cirrhose
56
posthépatitique C. Soixante-dix d’entre
eux (15,2 %) avaient un CHC concomitant. Trois patients ont été exclus. Dans
cette série, 15 patients ont bénéficié
d’une chimioembolisation prégreffe, et
13 d’une chimiothérapie adjuvante
postopératoire. La chimiothérapie avait
été décidée devant la constatation d’un
stade tumoral plus important que prévu
ou d’un envahissement vasculaire sur la
pièce d’exérèse. Il est intéressant de
noter que le stade tumoral était très
sous-évalué lors de l’évaluation prégreffe : le CHC était inconnu chez
26 patients (il s’est avéré de stade
pTNMI chez 11 patients, II chez
9 patients, III chez 2 patients et IVA
chez 4 patients). Chez 5 patients évalués comme étant de stade I, le stade
s’est avéré II chez un patient, III chez
un patient et IVA chez un patient au
moment de la transplantation, et chez
31 patients évalués comme étant des
stades II, 10 se sont avérés être des
stades III et 7 des stades IVA.
La survie globale des 67 patients a été de
75 %, 71 % et 55 % respectivement à un,
3 et 5 ans, contre 84 %, 76 % et 74 %
chez les patients transplantés pour cirrhose posthépatique C sans CHC
(p = 0,001). La survie était meilleure
chez les patients de stade I que chez ceux
de stade II, III ou IV (p = 0,007,
p = 0,019 et p = 0,034 respectivement),
mais il n’existait pas de différence significative entre les stades II, III et IV.
Vingt-quatre des 67 patients (36 %) sont
décédés : 8 d’une récidive tumorale, 3
d’une récidive virale C et 13 d’une cause
non liée au virus C ou au CHC. Onze
patients (16,4 %) ont développé une récidive tumorale, dans le greffon dans 5 cas
et dans le poumon dans 5 cas. La récidive a eu lieu au cours de la première
année postgreffe dans 81 % des cas, dans
les 3 ans dans 9 % des cas ; la médiane
de survenue de la récidive était de
10,5 mois. En analyse multivariée, la
survie des patients était meilleure en cas
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
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de stade pTNMI, de chimioembolisation
prégreffe (risk ratio = 0,231) ou de
chimiothérapie adjuvante (RR = 0,42).
En ce qui concerne la récidive tumorale,
un stade tumoral plus avancé (p = 0,017),
la présence d’un envahissement vasculaire (p = 0,0001) ou le fait d’avoir diagnostiqué le CHC avant la greffe
(par rapport aux CHC “incidentaux” ;
p = 0,039) étaient les variables significativement associées. Dans ce travail, la
taille de la tumeur (> 3 cm : p = 0,063),
la multilocalité (p = 0,069) et la faible
différenciation (p = 0,067) étaient de
signification marginale. Quatorze
patients ont survécu plus de 5 ans. Parmi
eux, 5 avaient un stade tumoral avancé
(III ou IVA) : 4 de ces 5 patients avaient
reçu une chimiothérapie adjuvante et
n’avaient pas d’envahissement veineux
au moment de l’exérèse.
Les taux de survie observés dans ce travail sont tout à fait comparables à ceux
de la littérature : environ 70 %, 60 % et
50 % à un, 3 et 5 ans dans la majorité
des grandes séries. L’incidence du stade
tumoral sur la survie a été retrouvée,
comme dans la plupart des travaux ; en
revanche, la taille de la tumeur, l’envahissement vasculaire, la différenciation
et le nombre de tumeurs ne ressortaient
pas comme prédictifs de la survie de
façon indépendante au stade TNM. De
façon intéressante, la chimiothérapie
adjuvante et la chimioembolisation
étaient des éléments bénéfiques, indépendamment associés au stade TNM.
L’équipe de Los Angeles est l’une des
premières à avoir préconisé la chimiothérapie adjuvante, traitement qui, à ce
jour, semble intéressant pour la majorité
des équipes, sans qu’il existe de travail
rétrospectif randomisé sur ce sujet. Le
taux de récidive dans cette étude (16 %)
était comparable à celui de la majorité
des travaux antérieurs. L’envahissement
vasculaire et la chimiothérapie étaient,
là encore, des éléments prédictifs
importants. Les messages importants de
L peut prendre des aspects très diffé-
virus, même chez les sujets transplantés.
Une des inconnues est le rôle de l’appariement HLA entre donneur et receveur :
après TH, les lymphocytes du receveur
persistent, et sont capables d’induire
l’apoptose des hépatocytes du greffon, à
condition qu’il existe un appariement
des molécules HLA de classe 1. En cas
de mésappariement total, ces lymphocytes sont en principe incapables d’induire des lésions au niveau du greffon.
Cependant, le rôle de l’appariement
HLA reste obscur : l’absence d’appariement ne semble pas être un facteur associé à une gravité réduite des lésions de
récidive virale C. Par ailleurs, les lymphocytes sont souvent transmis au
niveau du greffon lui-même, et l’expansion de lymphocytes provenant du donneur pourrait également être capable
d’induire des lésions au niveau du greffon lui-même. Le but des auteurs a été
de déterminer s’il existait des lymphocytes du donneur ou du receveur
capables d’induire des lésions hépatiques au niveau du greffon après TH.
rents, allant d’une réponse intense et
multispécifique, permettant l’éradication virale (c’est le cas chez environ
15 % des sujets immunocompétents), à
une réponse apparemment inadaptée,
responsable d’une hépatite chronique
pouvant évoluer vers la cirrhose. La
réponse T cellulaire de type CD8+
semble jouer un rôle majeur dans l’éradication du virus. Les lymphocytes T
CD8+ sont capables de détruire les
hépatocytes infectés par le virus de l’hépatite C (VHC) dans le contexte des
molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type I. Après
translantation hépatique (TH), l’infection
du greffon par le VHC est constante.
Dans la majorité des cas, les lésions
hépatiques sont accélérées par rapport à
la situation observée chez les sujets
immunocompétents, mais un pourcentage
non négligeable de patients présentent
des lésions minimes. Le traitement antiviral peut permettre l’éradication du
Les cinq patients étudiés dans ce travail
étaient infectés par un VHC de génotype 1. Deux d’entre eux ont été traités
après la greffe. Les cellules mononucléées du sang périphérique ont été analysées. Dans les cinq cas, le donneur
était HLA-A2 positif et le receveur
HLA-A2 négatif. La technique des
tétramères a été étudiée pour évaluer la
présence de lymphocytes CD8, VHCspécifiques : des tétramères de molécule
HLA-A2, marquées par un fluorochrome et associées à des peptides immunodominants du VHC, provenant des différentes régions (core, NS3, NS5),
étaient utilisées pour détecter des lymphocytes T CD8+ spécifiques du VHC.
Les auteurs ont ensuite généré des cellules positives par clonage utilisant la
dilution limite. Ces cellules étaient
CD45 RO+, RA-, et exprimaient fortement les marqueurs d’activation CD38
et CD69. Par ailleurs, elles ne portaient
ce travail sont les suivants : le staging
tumoral est souvent pris en défaut au
moment de la greffe ; la technique
d’imagerie, incluant l’IRM, et une répétition du staging dans la période d’attente sont essentielles. En cas d’éléments prédictifs péjoratifs (stade TNM
plus important que prévu ou envahissement vasculaire) au moment de la TH,
une chimiothérapie adjuvante est probablement utile, et mérite d’être évaluée
de façon prospective.
Y. Calmus, Paris
Shimoda M et al. Predictors of survival after liver
transplantation for hepatocellular carcinoma
associated with hepatitis C. Liver Transplant
2004;10:1478-86.
Le foie
est-il un organe
lymphoïde primaire ?
a réponse immunitaire antivirale C
57
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
R evue
de presse
pas CD65L et CCR7, un phénotype
caractérisant les lymphocytes T cytotoxiques mémoires à longue durée de
vie. La stimulation non spécifique de
ces cellules montrait la production
d’interféron gamma et de TNFα, mais
pas d’IL-4 et d’IL-10. La technique
d’hybridation in situ fluorescente (fluorescent in situ hybridization [FISH])
permettait de montrer que les cellules
portaient le chromosome Y, témoignant
de ce qu’elles provenaient du receveur
dans les combinaisons où le donneur
était une femme et le receveur un
homme. L’analyse de l’ADN génomique de ces clones confirmait que les
molécules HLA portées par les cellules
étaient bien celles du receveur. Les
auteurs ont ensuite cherché à déterminer si ces lymphocytes T CD8+ provenant du receveur, restreints uniquement
par les molécules HLA-A2 (qui avaient
servi à les sélectionner), pouvaient également être actifs en présence d’autres
molécules HLA. Les résultats montrent
que les lymphocytes T CD8+ ne sont
capables de produire de l’interféron
gamma (test ELISPOT) que vis-à-vis
de cellules lymphoblastoïdes portant
les allèles HLA-A2 et les peptides spé-
cifiques. La cytotoxicité de ces cellules
n’était observée qu’en présence de cellules lymphoblastoïdes HLA-A2, mais
pas de cellules cibles provenant du
receveur. Les clones T CD8 étaient
capables de synthétiser de l’interféron
gamma, du TNFα, de l’IL-2, du GMCSF et du MCP1α, mais pas de l’IL-4,
de l’IL-5, de l’IL-7, de l’IL-10 ou de
l’IL-13 en présence de lignée cellulaire
exprimant HLA-A2 et transfectées par
un vecteur rétroviral codant pour le
peptide NS3 ayant servi à sélectionner
ces cellules.
L’ensemble de ces données montre qu’il
existe, chez le receveur, des lymphocytes T CD8+ provenant du receveur
lui-même, VHC-spécifiques et restreints de façon sélective par les molécules HLA de classe I du donneur. Les
auteurs ont alors évalué le temps d’apparition de ces cellules T CD8+ dans
quatre couples donneur-receveur
mésappariés pour HLA, et dont les cellules ont été recueillies de façon prospective. Dans deux cas, ils ont pu montrer que la réponse restreinte par les
molécules HLA du donneur apparaissait
tardivement (à 20 mois chez un rece-
58
veur). Cette donnée suggère que le greffon est capable de modifier le répertoire
des cellules T, conduisant à l’apparition
de lymphocytes T cytotoxiques spécifiques des molécules du CMH de classe I du donneur et des peptides viraux,
et provenant bien du receveur.
Le phénomène décrit dans cet article est
tout à fait inattendu. L’un des mécanismes possibles est qu’il existe une
réaction croisée entre donneur et receveur au niveau du récepteur T. Une autre
possibilité est qu’une présentation
directe, intrahépatique, conduise à la
différenciation et à la maturation de
lymphocytes T CD8 naïfs provenant du
receveur. Cela suggérerait qu’il existe
un microenvironnement lymphoïde, au
niveau des espaces-portes ou des tissus
lymphoïdes présents à l’intérieur du
greffon, capable d’initier une réponse
immunitaire.
Y. Calmus
Rosen HR et al. Identification of hepatitis C virus
– specific CD8+ T-cell restricted by donor HLA
alleles following liver transplantation. J Immunol
2004;173:5355-9.
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005
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