fants de l’insécurité alimentaire, sou-
vent avec succès jusqu’à l’âge de dix-
huit à vingt-quatre mois, voire au-delà.
Ces enfants bénéficient d’apports nutri-
tionnels globalement satisfaisants [3].
L’incertitude règne aussi quant à la si-
tuation nutritionnelle réelle des enfants
en situation de pauvreté. En 2009, des
organisations caritatives et humani-
taires ont affirmé que des enfants
pauvres souffraient de faim et de mal-
nutrition sévère en France. Mais si des
cas de malnutrition protéino-calorique
liés à la situation de précarité existent,
ils sont vraisemblablement peu nom-
breux, ce qui témoigne probablement
de la qualité des actions des organismes
sociaux et humanitaires. Quoi qu’il en
soit, la faim et la malnutrition chez l’en-
fant sont moins un problème monétaire
que social et éducationnel. Un seul fait
est prouvé : la carence vraie en fer est
plus fréquente chez l’enfant pauvre [4,
5]. Pour corriger d’éventuelles insuffi-
sances nutritionnelles chez les nourris-
sons et les enfants en bas âge, il suffirait
de leur donner des préparations de sui-
te et des laits de croissance.
DE TROIS ANS À DIX-HUIT ANS
Jusqu’à ces dernières années, on consi-
dérait que les enfants pauvres de cette
tranche d’âge n’avaient pas accès à une
alimentation équilibrée, qu’ils ne man-
geaient pas suffisamment de fruits et de
légumes frais, de poisson et de viande,
et trop de graisses, de protéines, de
sucres et de sodium. Avec comme con -
séquence des carences en fer, en fibres,
en magnésium, en zinc, en vitamines…
Des assertions là encore mises à mal par
trois enquêtes familiales importantes :
Insee 2000-2001 (10288 familles), Se-
codip 2000 (5129 familles) et CCAF-
Credoc 2004 (1042 familles).
Ces études donnent une autre vue de
l’alimentation des enfants de plus de
trois ans vivant au sein de familles pré-
caires. Certes, les familles défavorisées
(< 60 % du RM) achètent moins de pro-
duits céréaliers, de viande, de poisson,
d’œufs, de lait et de produits laitiers,
mais l’alimentation de leurs enfants n’en
est pas moins bien équilibrée pour au-
Médecine
& enfance
décembre 2010
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tant, au contraire. D’après ces enquêtes
en effet, de façon surprenante, la qualité
nutritionnelle de l’alimentation des fa-
milles défavorisées est meilleure que
celle des populations favorisées.
Ces données sont confirmées notam-
ment par l’enquête Inca (Enquête indi-
viduelle et nationale sur les consomma-
tions alimentaires), qui montre que les
enfants de familles pauvres ont les ap-
ports nutritionnels qui se rapprochent
le plus des recommandations du PNNS
et une alimentation de meilleure quali-
té nutritionnelle que les enfants des mé-
nages favorisés.
Plus que le niveau de revenu, c’est donc
le niveau éducationnel qui conditionne
la qualité de l’alimentation des enfants.
Cependant, les études actuelles concer-
nent uniquement des enfants nés dans
des familles à faible revenu recevant
des aides de la Caisse d’allocations fa-
miliales. Elles ne sont donc pas repré-
sentatives de la situation des enfants en
situation de grande précarité, qui reste
largement méconnue.
CONSÉQUENCES
CLINIQUES
DE L’INSÉCURITÉ
ALIMENTAIRE
La sécurité alimentaire est un concept
développé dans les années 70 répon-
dant à une définition simple : l’accès à
tout moment, pour chaque individu, à
une nourriture quantitativement et qua-
litativement suffisante pour une vie sai-
ne et active. Alors que la disponibilité
alimentaire est plutôt une caractéris-
tique des pays dits en développement,
dans les pays industrialisés, les enfants
sont concernés surtout par les difficul-
tés de pouvoir d’achat.
Dans le Baromètre santé nutrition 2008
de l’Inpes, 2,5 % des Français âgés de
vingt-cinq à soixante-quinze ans décla-
rent ne pas avoir assez à manger sou-
vent ou parfois, et 39,7 % disent avoir
assez à manger, mais pas toujours les
aliments qu’ils souhaiteraient [6]. Aux
Etats-Unis, selon le Wall Street Journal
(février 2009), les achats alimentaires
des ménages ont chuté de 3,7 % entre le
troisième et le quatrième trimestre
2008. Ces chiffres témoignent de la dif-
ficile situation économique actuelle,
dont on peut imaginer qu’elle a des
conséquences sur les populations les
plus fragiles.
UN RETENTISSEMENT
SUR LA CROISSANCE ?
Une étude menée sur une cohorte d’en-
fants québécois suivis de la naissance
jusqu’à l’âge de trois ans et demi n’a pas
trouvé de relation significative entre la
pauvreté et le retard de croissance statu-
ral [7]. Une autre analyse des données de
la même cohorte donne des résultats en
faveur d’une influence de la durée de la
pauvreté sur la croissance des enfants :
la probabilité de retard de croissance à
l’âge de quatre ans est plus élevée chez
les enfants vivant dans des familles
ayant connu deux épisodes de pauvreté
(OR : 3,43) que chez ceux élevés dans
des familles qui n’en ont jamais eu [8].
Les auteurs de ces deux études
concluent que les facteurs nutritionnels
ne sont probablement pas les seuls en
cause. D’autres facteurs doivent être pris
en compte, comme les conditions de vie
insalubres, éventuellement les maladies
infectieuses plus fréquentes et le stress
associé aux conditions psychosociales
(le « nanisme psychosocial » est bien
connu des pédiatres).
Une équipe américaine a constaté l’exis-
tence d’une différence significative en
termes d’hypotrophie pondérale entre
les enfants pauvres de moins de trois
ans selon qu’ils vivent dans des familles
bénéficiant ou non d’une aide alimen-
taire [9]. Mais elle précise que, du fait de
sa méthodologie, cette étude ne permet
pas d’établir un lien de cause à effet
entre les bénéfices des programmes
d’assistance, le statut nutritionnel et la
santé des enfants.
D’après les enquêtes Inca 1 et 2, la pré-
valence du surpoids et de l’obésité in-
fantiles est restée stable depuis 1998, y
compris chez les enfants des familles à
faible revenu. En revanche, il existe un
décalage important entre les familles
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