10 ANS Syndrome d’apnées du sommeil INTERVIEW

226 | La Lettre du Pneumologue Vol. XI - n° 6 - novembre-décembre 2008
10 ANS
INTERVIEW
Dr Marc Sapène - Polyclinique Bordeaux-Cauderan
Syndrome d’apnées du sommeil
Un syndrome d’apnées du sommeil
qui concerne 5 à 7 % de la population
Depuis la première description de cette patho-
logie par Guilleminault puis, en 1982, les premiers
traitements par pression positive (Sullivan), nous
avons assisté à la montée en puissance du diagnostic
d’une maladie auparavant considérée comme rare et
marginale, mais qui concerne un nombre important
de patients en France. Le rapport sur le thème du
sommeil remis à Xavier Bertrand en décembre 2006
estime la prévalence à 5 à 7 % de la population géné-
rale, 8 patients sur 10 n’étant pas pris en charge (1).
Environ 230 000 patients (sur 2 millions de sujets
potentiellement atteints) sont actuellement sous
traitement par PPC, ce retard à la prise en charge s’ex-
pliquant par le développement très progressif du SAS
et par le fait que, au départ, le patient ne se plaint que
de somnolence et d’une sensation de fatigue. Le SAS
(dont la principale conséquence est la fragmentation
du sommeil responsable d’une somnolence diurne et
d’épisodes d’hypoxie intermittente nocturne) est une
cause fréquente d’accidents de la circulation liés à la
somnolence et est reconnu comme un facteur prédictif
indépendant de mortalité cardio-vasculaire (deux
études ont également montré une augmentation
du risque d’accident vasculaire cérébral [AVC] chez
les porteurs de SAS). Le SAS est à l’heure actuelle
considéré comme le troisième facteur de risque cardio-
vasculaire après le tabac et le diabète, mais devant
l’hypertension artérielle et les dyslipidémies.
La grande nouveauté de ces dix dernières années
est aussi que les pneumologues ont appris à dépister
et à prendre en charge cette pathologie et qu'ils sont
devenus, en ce qui la concerne, les principaux inter-
locuteurs des médecins généralistes et des médias.
On estime que 80 % de l’activité des centres spécia-
lisés est représentée par les troubles respiratoires
du sommeil. L’amélioration de la connaissance de la
maladie en médecine générale a permis de développer
le dépistage et la prise en charge thérapeutique, et ce
d’autant plus que l’efficacité des traitements proposés
(PPC) est en règle générale exceptionnelle, avec une
observance à 6 ans de l’ordre de 70 % (1). On peut citer
à ce sujet l’Observatoire Sommeil créé à Bordeaux en
pneumologie libérale, puis étendu aux pneumologues
hospitaliers, et qui est devenu l’Observatoire Sommeil
de la Fédération française de pneumologie (OSFP). Il
s’agit d’un outil de travail remarquable (8 000 patients
suivis), de formation interactif pour les professionnels
de santé impliqués, avec validation de leur évaluation
des pratiques professionnelles (EPP) [2].
Un dépistage plus accessible
et un traitement médical
remarquablement efficace
Des progrès ont également été réalisés en termes
de technique du dispositif de dépistage : l’examen de
référence est l’enregistrement polysomnographique,
qui était au départ exclusivement réalisé en labo-
ratoire hospitalier puis, avec le développement de
l’informatique et la miniaturisation des appareils, il
est devenu plus facilement réalisable en médecine
de ville par les pneumologues. Les enregistrements
polygraphiques de la ventilation peuvent suffire dans
les formes évidentes de SAS, mais ils sont insuffisants
pour les patients somnolents atteints d’autres patho-
logies du sommeil.
Enfin, la thérapeutique a considérablement évolué
ces dix dernières années : largement représentée par la
Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) – responsable d’une somnolence diurne et
d’hypoxies intermittentes nocturnes – est aujourd’hui considéré comme un facteur de
risque cardio-vasculaire à part entière et concerne 5 à 7 % de la population française. Ces
dernières années, le dépistage de cette maladie auparavant considérée comme marginale
a considérablement évolué grâce au développement des enregistrements polysomnogra-
phiques et à la forte implication des pneumologues libéraux et hospitaliers. Le traitement
par pression positive continue (PPC), remarquablement efficace, a constitué une véritable
révolution thérapeutique dans un domaine la chirurgie donnait des résultats insuffisants.
Le Rapport Sommeil 2006 comporte de nombreuses propositions concernant l’optimisation
du pistage, de la formation et de l’éducation thérapeutique des patients qui devraient
encore améliorer la prise en charge du SAS dans les prochaines années.
Ce qu’il faut retenir de ces 10 dernières années
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chirurgie (résection de la luette, laser) dans les années
1985-1995, la véritable révolution de la période 1995-
2005 est la mise en évidence de l’efficacité des trai-
tements en PPC. Les résultats de nombreuses études
scientifiques, ainsi que l’efficacité constatée par les
médecins eux-mêmes en pratique médicale courante,
ont été suivis par des Recommandations officielles
(ANAES, HAS, SPLF) visant à une harmonisation de la
prise en charge et à une meilleure indication des actes
chirurgicaux. Fait suffisamment rare pour être signalé
s’agissant d’une nouvelle maladie, la réglementation
de la Sécurité sociale s’est assez rapidement adaptée,
avec une prise en charge obtenue pour les patients
avec un index d’apnée inférieur à 30, mais ayant une
fragmentation du sommeil (index de micro-éveils
respiratoires).
Développer les compétences,
améliorer le dépistage et l’offre de soins
Toutes les actions visant à optimiser la collabo-
ration entre généralistes et spécialistes doivent être
encouragées. Aujourd’hui, il faut certainement aller
vers les cardiologues et les diabétologues, car le SAS
est un facteur de risque cardiovasculaire à part entière,
qui doit être systématiquement recherché chez les
hypertendus ou en cas de pathologie cardiovasculaire
ou métabolique (syndrome métabolique). L’amélio-
ration du dépistage auprès des généralistes suppose
la mise en œuvre de questionnaires bien validés,
comme par exemple l’EPWORTH, équivalent du test
de Fagerström pour le tabac, qui est très discriminant
et permet d’aboutir à un index de somnolence. La
pathologie du sommeil nécessitant des explorations
par une personne ayant une formation spécifique, les
formations actuelles (ateliers d’Arcachon ou autres)
seront validantes dans des conditions qui sont à définir.
On peut également imaginer un réseau français de
pneumo-somnologues, avec un annuaire qui pourrait
se structurer autour de l’OSFP. Tout cela devrait fort
logiquement se structurer dans les prochaines années,
de même que certains liens qui restent à préciser avec
des pathologies ophtalmiques comme le glaucome
ou l’association déclin cognitif (maladies d’Alzheimer
débutantes) et troubles du sommeil. Des actions de
dépistage pourraient être menées auprès des chirur-
giens-dentistes, particulièrement bien placés pour
apprécier l’utilité d’une orthèse mandibulaire. Cette
dernière peut en effet représenter une alternative à
la PPC (5 à 6 000 orthèses actuellement pour environ
230 000 patients traités par PPC).
Sur le plan thérapeutique, on attend beaucoup
des ventilations autopilotées, qui s’adaptent au
patient afin de délivrer un niveau de pression suffi-
sant variant en fonction des périodes de la nuit, ce
qui a déjà permis de réaliser des titrations à domi-
cile. Les appareillages devraient être de mieux en
mieux adaptés à l’avenir et faire appel aux compé-
tences des pneumologues dans le domaine de la
ventilation, qu’il s’agisse de la ventilation de type
PPC dans l’apnée classique ou de la ventilation de
type VNI dans l’insuffisance respiratoire, voire des
ventilations spécifiques émergentes dans l’insuffi-
sance cardiaque avec apnées centrales… La collabo-
ration avec les prestataires de service, qui constitue
actuellement un modèle de prise en charge, avec un
bon maillage du territoire pourrait évoluer vers une
véritable prestation de soins – et non plus une simple
prestation technique – avec de nouveaux modes
de collaboration soignants-prestataires. La prise en
charge éducative est appelée à beaucoup se déve-
lopper dans les années à venir. Le réseau informel
centré sur le patient et composé du prestataire, du
pneumo-somnologue et du généraliste doit être très
impliqué. On peut à ce titre imaginer un véritable
rôle de "chef d’orchestre" pour le pneumologue, avec
une collaboration étroite avec le cardiologue pour
tout ce qui concerne les facteurs associés de risque
cardiovasculaire. Il ne faut pas oublier que les SAS
sont responsables de 30 % des accidents mortels de
la voie publique, mais également que ces patients
sont menacés par la fibrillation auriculaire nocturne,
les infarctus du myocarde et les AVC.
Enfin, une clarification de l’aspect médico-légal
(commissions du permis de conduire, en particulier
pour le permis poids-lourd) devrait se dégager dans
les prochaines années, qui tiendra compte du risque
d’effets pervers d’une attitude par trop sanctionnante
dans le milieu professionnel. On attend beaucoup de la
mise en application du Rapport Sommeil, qui comporte
nombre de propositions intéressantes, comme l’orga-
nisation de la transversalité et de la complémentarité
des compétences grâce à des réseaux régionaux ou
inter-régionaux de ressources.
Ce que l’on peut attendre
des 10 années à venir
1. Giordanella JP. Rapport sur
le thème du sommeil. Ministère
de la Santé et des Solidarités.
Décembre 2006 [http://www.
sante.gouv.fr/htm/actu/giorda-
nella_sommeil/rapport.pdf]
2. Observatoire Sommeil de la
Fédération française de pneumo-
logie : http://www.osfp.fr
Références
bibliographiques
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