P. Giral 6/02/03 17:05 Page 112 Mauisepoint LDL petites et denses, facteur de risque d’athérosclérose et prise en charge thérapeutique Ph. Giral*, É. Bruckert*, M.J. Chapman**, G.Turpin* Rôle du LDL-cholestérol dans les maladies cardiovasculaires Le LDL-cholestérol est un des facteurs de risque principaux des maladies cardiovasculaires. Il est probablement celui qui est le plus impliqué dans la genèse des cardiopathies ischémiques, et son association avec les autres grands facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, diabète et hypertension artérielle) multiplie le risque d’événements cliniques. De nombreux essais de prévention primaire et secondaire ont clairement démontré le bénéfice d’une diminution du taux de cholestérol LDL (LDL-C). Néanmoins, parallèlement à l’évaluation quantitative du taux des LDL qui est effectué le plus souvent, il existe une évaluation qualitative, car ces lipoprotéines de faible densité présentent une hétérogénéité dans leur profil de distribution (1, 2). Celle-ci affecte leur métabolisme et modifie leur potentiel athérogène. Hétérogénéité des LDL en clinique Les LDL normales présentent une distribution unimodale (cf. figure Chapman) avec moins * Unités de prévention des maladies cardiovasculaires, service d’endocrinologiemétabolisme (Pr G. Turpin), hôpital PitiéSalpêtrière, Paris. ** INSERM U321, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. Le Courrier de l’Arcol (1), n° 3, octobre 1999 d’un tiers des LDL qui se situent dans les fractions les plus denses (supérieures à 1,039 Sv de densité). Certaines dyslipidémies sont associées avec une modification de la répartition de ce profil. Cette modification n’est pas anodine, car pour un même taux de LDL-C, les propriétés des lipoprotéines de basse densité LDL sont modifiées. L’implication clinique de cette hétérogénéité dans la répartition des LDL est importante (3). Pour cela, il est nécessaire de resituer les LDL et leur métabolisme au centre du métabolisme des lipoprotéines et ce pour plusieurs raisons : d’une part, parce que les LDL sont les lipoprotéines qui transportent majoritairement le cholestérol, et dont la demi-vie dans la circulation est la plus longue, et d’autre part parce qu’il existe une circulation continue des LDL entre la lumière artérielle et le sous-endothélium, car les LDL peuvent facilement franchir la barrière endothéliale. Or, les LDL petites et denses présentent des particularités qui vont augmenter leur demi-vie et faciliter leur passage dans le sous-endothélium (4). De fait, elles présentent des propriétés qui renforcent leur potentiel athérogène. Dyslipidémies et LDL petites et denses L’hétérogénéité dans la structure moléculaire et les propriétés physicochimiques sont désormais bien établies chez des sujets normo- ou dyslipidémiques. Mais certaines dyslipidémies (5) s’accompagnent de façon préférentielle d’une modification du profil de répartition des LDL, et présentent une augmentation du pourcentage de LDL 112 denses. Il s’agit avant tout des hypertriglycéridémies, et il existe une relation entre l’augmentation du taux de triglycérides et le pourcentage de LDL denses. Il semble que la limite de 1,5 g/l voire 1 mmol/l pour d’autres soit celle au-delà de laquelle le pourcentage de LDL denses puisse être augmenté. En fait, l’hypertriglycéridémie est liée à l’augmentation des VLDL, lipoprotéines de très basse densité très riches en triglycérides. En raison d’une hypersynthèse comme cela existe dans les hypertriglycéridémies endogènes qui sont les plus fréquentes, les propriétés et la composition de ces lipoprotéines sont modifiées, et l’ensemble des modifications qu’elles subissent aboutiront finalement à des LDL avec une forte concentration en cholestérol et en protéines. Cette augmentation peut jouer un rôle dans l’athérogénicité des hypertriglycéridémies. Mais comme plusieurs enzymes (lipoprotéine lipase, lipase hépatique, CETP, ACAT) ainsi que des échanges avec d’autres lipoprotéines vont intervenir, des différences entre les patients hypertriglycéridémiques existent. Ces lipoprotéines de basse densité auront donc un potentiel athérogène différent. Le pourcentage des LDL petites et denses peut encore augmenter s’il existe parallèlement une modification de la synthèse protéinique au niveau de l’apoprotéine B qui est la protéine constitutive des LDL. Dans l’hyperapobêtalipoprotéinémie normocholestérolémique décrite par Sniderman en 1980, la composition des LDL est modifiée avec un rapport protéine/cholestérol augmenté (6). Dans l’hyperlipidémie familiale combinée (7), il semble que plusieurs mécanismes soient intriqués, mais alors que l’expression phénotypique de cette dyslipidémie est variable (hypercholestérolémie isolée, hypertriglycéridémie, dyslipidémie mixte), on retrouve presque constamment une augmentation des LDL petites et denses (8, 9). Il existe donc plusieurs origines aux LDL petites et denses, mais l’augmentation des triglycérides est très fréquemment retrouvée, quoique parfois très modérée. Cette hétérogénéité des particules a donc un déterminisme multifactoriel génétique. Il existe aussi une composante métabolique, car le diabète est souvent associé avec des LDL petites et denses. P. Giral 6/02/03 17:06 Page 113 Mauisepoint Diabète et LDL petites et denses Rôle des LDL denses dans l’athérosclérose Parallèlement à l’hyperglycémie et à l’hyperinsulinémie, l’anomalie métabolique la plus fréquemment retrouvée chez les diabètes de type 2 est l’hypertriglycéridémie. Celle-ci est extrêmement variable et correspond à plusieurs états pathologiques ; l’association d’une hypertriglycéridémie endogène préexistante à la survenue du diabète étant assez fréquente. Elle rend parfois difficile a posteriori l’individualisation entre la véritable hypertriglycéridémie mineure endogène et l’hypertriglycéridémie accompagnant un diabète. L’augmentation du taux des triglycérides (TG) est donc l’anomalie la plus communément retrouvée chez les diabètes de type 2. Celle-ci est principalement liée à une augmentation des VLDL. Cette augmentation étant elle-même multifactorielle avec une surproduction de VLDL, une diminution de la clairance métabolique des particules riches en TG, une diminution de l’activité de la lipoprotéine lipase et aussi une modification de la composition en apoprotéines. L’ensemble de ces anomalies favorise l’augmentation du taux de triglycérides et la modification du profil de répartition des LDL qui tend à augmenter le taux des LDL petites et denses. Il peut être suspecté sur deux types d’arguments : expérimentaux et épidémiologiques. Les arguments expérimentaux sont ceux qui permettent de montrer que ces LDL petites et denses sont plus facilement oxydables, plus fortement liées aux glycosaminoglycanes, pénètrent plus facilement dans l’intima artérielle et présentent un catabolisme ralenti du fait d’une liaison moins forte au récepteur ApoB/E (voir article précédent). Métabolisme post-prandial et LDL petites et denses Il ne faut pas perdre de vue que l’étude des lipoprotéines s’effectue chez des sujets à jeun. Or, il existe des variations importantes de la lipémie en période post-prandiale avec une cinétique des triglycérides extrêmement variable entre les individus. Au cours de la période post-prandiale, il existe des échanges entre les remnants, les HDL et les LDL. Ces anomalies étant encore amplifiées dans les états d’insulinorésistance. Même si le profil des LDL varie d’un sujet à un autre, dans la grande majorité des cas, les patients présentant un pourcentage élevé de LDL petites et denses ont aussi une hypertriglycéridémie, et l’ensemble des études montrent que l’accentuation marquée de l’hétérogénéité dans les hypertriglycéridémies se corrige avec la baisse du taux de triglycérides. Épidémiologie des maladies cardiovasculaires et LDL petites et denses En ce qui concerne l’épidémiologie, il existe une grande variabilité dans l’âge de survenue du premier accident coronarien pour un taux de cholestérol similaire entre différentes populations. À l’échelon individuel, le taux de cholestérol est faiblement prédictif de la survenue d’un événement, et même si le taux de LDL-C permet une meilleure prédiction, on constate une grande disparité. Au sein des familles d’hypercholestérolémie familiale, il existe des variations considérables dans l’expression de la maladie, quel que soit le niveau de cholestérol. Vingt pour cent des hétérozygotes ne présentent pas d’infarctus du myocarde avant 60 ans, malgré une hyperLDLémie. En cas d’hypertriglycéridémie, même en tenant compte de la relation inverse avec le cholestérol HDL (HDL-C), la survenue des événements en fonction du LDL-C n’est pas très précise. Quelques études épidémio-cliniques ont directement corrélé athérosclérose et hétérogénéité des LDL. Il s’agit essentiellement d’études cas-témoins qui montrent de manière concordante une augmentation des coronaropathies chez les patients avec un profil de LDL denses dont le risque relatif est augmenté d’un facteur allant de 3 à 4,5. L’étude faite par Austin en 1988 (10) a montré un risque relatif d’infarctus de 3 quand il existe une prépondérance de “LDL anormales” : essentiellement plus petites, plus denses, plus chargées négativement. Néanmoins ce profil de LDL s’accompagne 113 d’une hausse des triglycérides et d’une baisse du HDL, et n’est pas un facteur de risque indépendant dans cette étude. Ces LDL sont plus fréquemment rencontrées chez l’homme que chez la femme, avec une différence intersexe significative. L’étude appelée “The Quebec Cardiovascular Study” a débuté en 1973 sur une cohorte de 4 637 hommes de 35 à 64 ans (11). En 1985, un bilan lipidique a été effectué chez 2 443 d’entre eux ainsi qu’une évaluation de leurs différents facteurs de risque. Les sujets ayant présenté un accident cardiovasculaire ont été appariés sur de nombreuses variables (âge, IMC, tabagisme, consommation d’alcool) avec des sujets sans accident. La mesure de la taille des LDL sur gel de polyacrylamide a permis de montrer que le risque d’accident coronaire était 3,6 fois plus important en cas de présence de LDL denses et petites et ce de façon indépendante des autres facteurs de risque associés (diabète, médicaments, pression systolique et histoire familiale d’accident vasculaire, HDL-C, taux de triglycérides). Perspectives thérapeutiques Plusieurs axes thérapeutiques peuvent être envisagés suivant trois logiques : • antioxydants ; • régime et prise en charge des facteurs associés ; • hypolipidémiants. Antioxydants Il est assez logique d’utiliser les antioxydants, car une des propriétés délétères des LDL petites et denses est leur capacité à s’oxyder facilement dans le sous-endothélium. Les antioxydants sont des groupes de substances hétérogènes qui interfèrent avec les métabolismes oxydatifs. De très nombreux composés sont antioxydants, mais il existe probablement une grande différence entre un effet antioxydant dans une éprouvette (ou sur une réaction chimique dessinée sur du papier) et ce qui se passe réellement dans le sous-endothélium. En général, on distingue les antioxydants hydrophiles et lipophiles ; ce sont ces derniers qui seraient les plus intéressants car ils circulent fixés sur les lipoprotéines. Une des substances les plus étudiées in vitro est la vitamine E qui est fixée sur les LDL et qui, dans les modèles in vitro, se révèle un Le Courrier de l’Arcol (1), n° 3, octobre 1999 P. Giral 6/02/03 17:06 Page 114 Mauisepoint excellent protecteur de l’oxydation des LDL. Plusieurs études ont été réalisées afin de confirmer (ou d’infirmer) les potentialités thérapeutiques de la vitamine E. Une étude de prévention (étude CHAOS) sur 2 002 patients coronariens a montré que la supplémentation par 400 ou 800 UI de vitamine E entraînait une réduction significative des infarctus non mortels. Mais d’autres études de prévention primosecondaire avec la vitamine E ne semblent pas confirmer cet effet préventif de la vitamine E (étude GISSI et étude HOPE) (12) ; elles ne permettent plus de valider l’utilisation de la vitamine E en clinique. D’autres molécules antioxydantes naturelles sont connues (bêtacarotène, vitamine C, autres antioxydants physiologiques [flavonoïdes] compris dans les fruits et les légumes verts), et les études épidémiologiques de population montrent que les consommateurs de ces substances semblent avoir une moindre incidence d’événements cardiovasculaires, mais il n’existe aucune étude d’intervention en prévention primaire contre placebo qui permettent de suggérer leur application en thérapeutique. Enfin, d’autres substances pharmacologiques (dont le probucol) sont des antioxydants puissants qui circulent fixés sur les LDL. Ils sont efficaces dans des modèles animaux d’athérosclérose, et chez l’homme ils peuvent entraîner une régression des xanthomes cutanés et tendineux, et permettent, en association avec les statines, une amélioration de la fonction endothéliale coronaire. Néanmoins, les résultats cliniques des traitements par antioxydants restent encore insuffisants et peu convaincants malgré leurs effets potentiellement intéressants. Régime et prise en charge des facteurs associés La deuxième logique de la prise en charge des patients présentant une augmentation des LDL petites et denses repose sur une diététique appropriée ainsi que sur une prise en charge active des facteurs associés. En effet, l’examen clinique peut mettre en évidence des associations à la présence des LDL petites et denses, comme une surcharge pondérale androïde (facio-cervicotronculaire) pouvant aggraver le risque athéromateux ; une hypertension artérielle dans 30 % des cas et de type héréditaire dans le cadre de l’hypertension dyslipidémique familiale. De plus, il existe une association fréquente de l’hyperlipidémie familiale combinée Le Courrier de l’Arcol (1), n° 3, octobre 1999 avec d’autres facteurs de risque (diabète, hypertension, obésité), ce qui contribue à aggraver le processus de l’athérosclérose. Les LDL sont plus petites et plus denses chez la femme ménopausée, et le traitement hormonal substitutif peut modifier cet anomalie de répartition. L’effet des régimes est complexe et probablement variable suivant les individus. Les LDL riches en acides gras polyinsaturés sont plus oxydables (tableau IA) et particulièrement les acides gras en ω3 (huiles de poissons), mais il existe de nombreuses variables qui peuvent modifier cette “oxydabilité” comme la richesse de l’alimentation en antioxydants naturels et la combinaison même des acides gras sur les LDL, par exemple, l’enrichissement des LDL en acides gras monoinsaturés les rendent moins oxydables (tableau IB) ; en particulier, les LDL des habitants du pourtour de la Méditerranée qui contiennent 20 % d’acide oléique de plus que les LDL américaines sont moins sensibles à l’oxydation et moins attractantes pour les monocytes/macrophages (alors que leur concentration en vitamine E est similaire). C’est peut-être aussi à ce niveau que réside l’un des intérêts du régime méditerraTableau I. néen. Cliniquement, la perte de poids en cas de surcharge pondérale ou d’obésité reste une des variables la plus pertinente pour abaisser le taux de triglycérides et de LDL-C en cas de dyslipidémie mixte. Une des particularités diététiques du régime recommandé est qu’il est nécessaire non seulement de diminuer les matières grasses saturées, mais aussi de réduire les sucres simples (et fermentés comme l’alcool !) générateurs d’hypertriglycéridémie chez ces patients. Hypolipidémiants 114 Il n’existe pas de thérapeutique spécifique des LDL denses. L’analyse de l’ensemble des données montre toutefois que les médicaments hypotriglycéridémiants ont l’effet le plus net sur cette fraction. Le traitement médicamenteux qui agit contre le défaut métabolique de l’hyperlipidémie familiale combinée est l’acide nicotinique. Il diminue l’afflux d’acides gras libres vers le foie et stimule la lipoprotéine lipase. Par conséquent, il réduit la formation de VLDL et secondairement des LDL, et inhibe la surproduction hépatique de l’apolipoprotéine B100. Les doses nécessaires se situent entre 1,5 à 3 g/j, et il faut les augmenter progressivement pour éviter les effets secondaires à savoir le flush et les gastralgies. La surveillance des transaminases hépatiques, de la glycémie et de l’uricémie est nécessaire. Les formes à libération retard sont mieux supportées, mais elles ne sont pas commercialisées en France ! Le deuxième groupe des médicaments est celui des fibrates. Leur mode d’action est à présent élucidé et fait intervenir l’activation du PPAR-α (peroxisome proliferator-acti- A. Comparaison de l’oxydabilité et de la taille des LDL chez 20 sujets hypertendus traités sous régime enrichi en huile de maïs et en huile de poisson (d’après Suzukawa M. et coll. J Lipid Res 1995). Paramètres lipidiques Avant régime LDL-cholestérol 3,95 ± 1,34 Taille des LDL 12,42 ± 0,35 Taille de latence 57,9 ± 9,4 Après Après régime régime “huile de maïs” “huile de poisson” 3,81 ± 1,25 12,49 ± 0,34 57,9 ± 10,8 4,10 ± 1,26* 12,58 ± 0,34** 43,1 ± 7,5* * différent de la valeur de base et du régime huile de maïs ** différent de la valeur de base B. Comparaison de l’oxydabilité et de la taille des LDL chez 18 hommes volontaires sains sous régime riche en graisses polyinsaturées (huile de tournesol) et graisses monoinsaturées (huile d’olive) (d’après Carmena R. et coll. Atherosclerosis 1996). Paramètres lipidiques LDL-cholestérol Taille des LDL TBARS Après régime riche en polyinsaturés Après régime riche en monoinsaturés p 3,36 ± 0,87 0,39 ± 0,06 581 ± 363 4,08 ± 1,13 0,41 ± 0,07 757 ± 384 < 0,001 < 0,01 < 0,01 P. Giral 6/02/03 17:06 Page 115 Mauisepoint Tableau II. Paramètres lipidiques avant et après traitement (100 mg de ciprofibrate). Les valeurs avant traitement sont obtenues sous régime et poids stables (régime anticholestérol standard). Les concentrations des différentes sous-fractions sont exprimées en mg pour 100 ml. vated receptor). Les PPARs sont des récepteurs nucléaires apparentés aux récepteurs des hormones stéroïdes (superfamille des récepteurs des hormones stéroïdes). Les réponses de l’activation des PPARs sont nombreuses et concernent le métabolisme des acides gras et la régulation des cycles cellulaires. La lipolyse est augmentée grâce à une augmentation de l’activité de la LPL. Par l’intermédiaire de cette augmentation, l’hydrolyse des triglycérides est augmentée et leur taux est donc diminué. D’autre part, les fibrates entraînent une augmentation de l’ApoAI et des HDL. Leur tolérance est meilleure que celle de l’acide nicotinique. Les fibrates, comme le ciprofibrate et le fénofibrate, ont fait l’objet d’études extensives concernant leur capacité à normaliser les profils des LDL chez des patients présentant une dyslipidémie mixte et des LDL denses (13) (tableaux II et III). Néanmoins, il n’existe aucune étude d’intervention avec ces deux fibrates qui montre une efficacité clinique préventive des accidents coronariens. En revanche, le gemfibrozil a entraîné une diminution de l’incidence des accidents coronariens et de la mortalité dans une étude de prévention primaire, la “Helsinki Heart Study” à la dose de 1 200 mg/j (14). Dans cette étude les patients qui ont eu le plus de bénéfice sont ceux qui avaient une hypertriglycéridémie et un HDL-C bas, un profil caractéristique de l’hyperlipidémie familiale combinée. Ce même produit entraîne une baisse de la récidive des événements coronariens dans une étude de prévention secondaire (étude VA-HIT) chez des patients avec un taux de LDL inférieur à 1,60 g/l et avec un taux bas de HDL-C inférieur à 0,4 g/l (15). En revanche, l’étude de prévention secondaire BIP réalisée avec le bézafibrate n’a pas montré de bénéfice global. Plusieurs études de prévention sont en cours dans des populations à risque (diabétiques) comportant des dyslipidémies athérogènes avec des LDL petites et denses. Les statines peuvent être utilisées dans le traitement des dyslipidémies mixtes. Alors qu’au début de leur commercialisation, l’indication préférentielle de cette nouvelle classe médicamenteuse était les hypercholestérolémies familiales, l’ensemble des études cliniques a permis une extension justifiée des indications. Toutes les statines présentent les mêmes indications à savoir les hypercholestérolémies et les dyslipidémies mixtes. Leur principale propriété est tionne les effets de ces deux classes thérapeutiques, à savoir la baisse des LDL avec Cholestérol 296 ± 47 250 ± 25 0,063 les statines et la modiTriglycérides 233 ± 50 156 ± 65 0,055 fication de leur réparHDL-C 39 ± 5 40 ± 6 NS tition avec les fiLDL-C 211 ± 43 179 ± 19 NS brates. Le problème Lp(a) 14 ± 7 15 ± 10 NS est celui d’une posFraction 1 173 ± 37 103 ± 28 0,0065 sible addition d’efFraction 2 233 ± 39 261 ± 81 NS fets indésirables avec Fraction 3 497 ± 185 617 ± 101 NS un risque de myolyse Fraction 4 703 ± 211 403 ± 208 0,037 augmentée. En fait, il Fraction 5 238 ± 62 110 ± 34 0,0065 semble que ce type d’effets secondaires graves soit limité aux Tableau III. Évaluation de la taille des particules LDL avant et après patients en insuftraitement par 100 mg de ciprofibrate. La taille est exprimée en fisance rénale polymédicamentée. Cette Angströms. association doit donc Fractions Avant Après Valeur être réservée aux de LDL traitement traitement de p patients qui présentent une dyslipidéFraction 1 280 ± 4,9 278 ± 5,7 NS mie sévère et un Fraction 2 269 ± 6,3 268 ± 6,8 NS risque cardiovasFraction 3 257 ± 5,2 263 ± 7,2 NS culaire important Fraction 4 249 ± 2,4 258 ± 6,2 0,0095 justifiant ce risque Fraction 5 249 ± 1,9 257 ± 5,8 0,0067 thérapeutique potentiel. Néanmoins, la preuve de cette d’abaisser le LDL-C, et cette baisse est meilleure efficacité seraient les résultats dose-dépendante et peut varier en fonction d’une étude clinique qui montreraient des des doses de 20 à plus de 50 %. L’efficacité résultats cliniques significatifs chez les patients recevant l’association statinesdes statines sur les triglycérides est indiscufibrates. table, mais beaucoup plus variable et inférieure à celle des fibrates. Dans les dyslipidémies mixtes, les statines entraînent aussi une baisse significative des triglycérides Intérêt diagnostique entre 15 et 30 %. En revanche, les statines ne modifient pas ou peu la distribution des des LDL petites et denses particules LDL (16). Néanmoins, du fait de la baisse importante du LDL-C, les statines Ce serait d’avoir une meilleure spécificité entraînent une baisse de toutes les LDL, y du risque cardiovasculaire lié aux paracompris donc de la concentration des LDL mètres lipidiques. En effet, le cholestérol denses. De nombreuses études cliniques total sérique n’est pas un bon marqueur de ayant inclus des patients dyslipidémiques risque cardiovasculaire, car bon nombre de comprenant aussi des dyslipidémies mixtes patients qui vont présenter une maladie ont montré l’efficacité clinique (baisse de la cardiovasculaire ont un taux de cholestérol morbidité coronarienne) de certaines stadit “normal”, c’est-à-dire non différent du tines (pravastatine et simvastatine) (17, 18). taux moyen de ceux qui n’ont pas de malaDes études cliniques sont en cours afin die cardiovasculaire. D’autre part, tous les d’étendre ces résultats aux autres statines. patients dyslipidémiques n’ont pas obligatoirement une maladie cardiovasculaire. Celle-ci peut apparaître à un âge différent. • Association statines-fibrates Même si les études épidémiologiques ont “Sur le papier”, cette association semble très montré qu’en moyenne, le taux du cholesintéressante dans les dyslipidémies comportérol des patients ayant présenté un événetant des LDL petites et denses, car elle addiParamètres lipidiques Avant traitement 115 Après traitement p Le Courrier de l’Arcol (1), n° 3, octobre 1999 P. Giral 6/02/03 17:06 Page 116 Mauisepoint ment coronarien est supérieur à celui de ceux qui sont restés indemnes, du fait de la répartition des taux dans la population générale, la majorité des patients présentant une coronaropathie ont un cholestérol dans les limites de la normale. Par exemple, dans l’étude MRFIT qui a porté sur plus de 300 000 hommes, 69 % des décès coronariens durant les 6 ans de suivi sont apparus chez des patients ayant à l’inclusion un cholestérol total (CT) compris entre 4,71 et 6,83 mmol/l ; de même, dans l’étude de Framingham, 40 % des sujets qui ont présenté un infarctus du myocarde avaient un taux de cholestérol compris entre 2 et 2,5 g/l. Dans l’étude PROCAM, 60 % des patients ayant présenté un événement coronarien ont un cholestérol compris entre 2 et 2,5 g/l, 12 % d’entre eux ayant présenté un événement coronarien avaient, lors de leur entrée dans l’étude, un taux de cholestérol total 2 g/l. Le LDL-C est un meilleur prédicateur, mais qui reste encore insuffisant. La recherche et la mise en évidence d’une augmentation du taux de LDL denses pourraient être encore de meilleurs marqueurs de risque au sein des populations normocholestérolémiques et aussi hypercholestérolémiques. Il existe plusieurs méthodes de mise en évidence des LDL denses qui reposent sur les ultracentrifugations ou sur les électrophorèses après des préparations spécifiques. Ces méthodes sont lourdes et encore peu applicables en routine (rappelons que le LDL-C n’est même pas mesuré en routine, et qu’il est simplement calculé par la formule de Friedwald). Il n’est donc pas envisageable, en dehors de protocoles de recherche, d’utiliser ce marqueur en médecine quotidienne. Néanmoins, il est possible, dans certaines situations cliniques, de penser que les patients présentent une proportion anormale de LDL petites et denses ; il s’agit plus particulièrement des patients qui présentent un syndrome X métabolique qui associe des troubles du métabolisme glucidique, une obésité, une hypertension artérielle, une hypertriglycéridémie. C’est en fait répéter que même si l’élévation du LDL-C, et plus particulièrement des LDL petites et denses est le premier facteur de risque des maladies coronariennes, l’abaissement du risque cardiovasculaire en prévention primaire au travers de la baisse du LDL-C et de ses fractions les plus athérogènes ne se manifestera de façon tangible que chez les patients qui présentent un risque cardiovasculaire élevé qui est aussi dépendant des autres facteurs de risque. ■ Références 1. Shen M.M.S., Krauss R.M., Lindgren F.T., Forte T.M. Heterogeneity of serum LDL in normal human subjects. J Lipid Res 1981 ; 22 : 236-44. 2. Chapman M.J., Laplaud P.M., Luc G., Forgez P., Bruckert É., Goulinet S., Lagrange D. Further resolution of the LDL spectrum in normal human plasma : physicochemical characteristics of discrete subspecies separated by density gradient ultracentrifugation. J Lipid Res 1988 ; 29 : 442-58. 3. Gardner C.D., Fortmann S.P., Krauss R. 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