Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme Bilatéralisation d’une baisse d’acuité visuelle en direct Bilateral visual acuity decrease S. Zarka, F. Thomas, S. Milazzo (Service d’ophtalmologie, centre Saint-Victor, CHU d’Amiens) Acuité visuelle • Maladie de Horton • Occlusion artérielle • Silence choroïdien. Visual acuity • Horton’s arteritis • Arterial occlusion • Choroidal occlusion. U ne femme âgée de 75 ans consulte en urgence pour une baisse d’acuité visuelle rapidement progressive de l’œil droit (OD) sans signes associés. Dans les antécédents, on note une hypertension artérielle, un diabète de type I, une phacoémulsification plus implantation de l’œil droit en 1995 et de l’œil gauche en 1998. Examen Acuité visuelle. Œil droit (OD) : limité aux mouvements de la main ; œil gauche (OG) : 4/10. Tension oculaire. 17/14. Lampe à fente. Les deux yeux ne présentent aucune particularité. Fond d’œil. OD : œdème papillaire (OP) associé à un courant granuleux au niveau des branches de l’artère centrale de la rétine (ACR) [figure 1]. OG : remaniement de l’épithélium pigmentaire maculaire. Angiographie OD : au temps précoce, retard circulatoire choroïdien (figure 2) ; au temps tardif, circulation réduite en courant granuleux au niveau des branches de l’artère centrale de la rétine (ACR) [figure 3]. OG : apparition au cours de l’examen d’un courant granuleux au niveau des branches de l’ACR (figure 4). Légendes Occlusion de l’ACR (OACR) + neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) + ischémie choroïdienne à droite et OACR en voie de constitution à gauche. Figure 1. Œil droit : œdème papillaire et courant granuleux sur les branches de l’ACR. Prise en charge Figure 2. Angiographie, temps précoce, OD, retard circulatoire choroïdien. Il s’agit d’une urgence : le diagnostic indique une maladie de Horton, jusqu’à preuve du contraire. Le bilan inclut la vitesse de sédimentation (VS) et la protéine C réactive (CRP), à la recherche d’un syndrome inflammatoire. On préconise un bolus de méthylprednisolone (Solumedrol®) avec un antiagrégant plaquettaire, de l’acétazolamide (Diamox®) per os et des héparines de bas poids moléculaire à dose efficace. Résultats du bilan Examens biologiques : VS : 75 ; CRP : 122,6 ; anémie inflammatoire. Échographie des troncs supra-aortiques (TSA) : normale pour l’âge, avec des artères ophtalmiques non visibles. Biopsie d’artère temporale (BAT) bilatérale : lésions typiques de la maladie de Horton. 76 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 3 • juillet-août-septembre 2008 Figure 3. Angiographie, temps tardif, OD, circulation réduite en courant granuleux. Figure 4. Angiographie OG, apparition d’un courant granuleux. Figures 5 et 6. Contrôle à J1 et J7, rétrecissement du calibre des vaisseaux. Figures 7 et 8. Contrôle à 1 mois. OD inchangé, OG recoloration du réseau vasculaire. Figures 9 et 10. Angiographie contrôle à 1 mois. OD retard circulatoire choroïdien et artériel. OG réseau vasculaire perméable. Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme 2 3 1 4 9 5 6 7 8 10 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 3 • juillet-août-septembre 2008 77 Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme Contrôle à J1 et J7 (figures 5 et 6) OD : perception lumineuse (PL) ; OG : 1/20. OD : œdème papillaire (OP) évoluant vers l’atrophie, rétrécissement du calibre des vaisseaux. OG : rétrécissement du calibre des vaisseaux. Contrôle à 1 mois sous prednisolone 40 mg/j (figures 7 et 8) OD : PL+ ; OG : 4/10. OD : fond d’œil inchangé. OG : recoloration du réseau vasculaire. Angiographie de contrôle à 1 mois (figures 9 et 10) OD : retard circulatoire choroïdien et artériel. OG : réseau vasculaire perméable. Discussion Quelle conduite adopter devant une OACR en voie de constitution ? ▶ S’il y a un syndrome inflammatoire et/ou une ischémie choroïdienne, on évoque en priorité une maladie de Horton jusqu’à preuve du contraire et une corticothérapie d’urgence s’impose. ▶ Le massage oculaire ne présente aucun intérêt en l’absence d’embole à mobiliser. ▶ Intérêt de la PCA ? Dans notre cas, il existe une possibilité (faible) d’endophtalmie sur un œil potentiellement unique. ▶ Faut-il essayer de diminuer la pression intraoculaire ? ▶ Faut-il privilégier la position en Trendelenburg ? ▶ l’anticoagulation s’avère-t-elle efficace ? Faut-il avoir recours à un vasodilatateur ou bien à un antiagrégant plaquettaire ? ▶ La fibrinolyse in situ par cathétérisme de l’artère ophtalmique requiert de nombreuses précautions et présente des contre-indications. L’association d’une OACR et d’une ischémie choroïdienne évoque en priorité une maladie de Horton. L’OACR est rarement prise en charge précocement ; en l’absence de traitement curatif efficace et de consensus sur le traitement en phase aiguë, II l’OACR reste un problème thérapeutique non résolu. Pour en savoir plus… • Segal N, Spineanu L. Simultaneous bilateral occlusion of the central retinal artery. Oftalmologia 1993;37(4):321-5. • Noble J, Weizblit N, Baerlocher MO, Eng KT. Intra-arterial thrombolysis for central retinal artery occlusion: a systematic review. Br J Ophthalmol 2008;92(5):588-93. • Aldrich EM, Lee AW, Chen CS et al. Local intraarterial fibrinolysis administered in aliquots for the treatment of central retinal artery occlusion. The Johns Hopkins Hospital experience. Stroke 2008 Apr 17. • Lima-Gómez V, Rojas-Dosal JA. Central retinal artery oclussion with visual acuity recovery. Case report. Cir Cir 2007;75(3):207-12. 78 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 3 • juillet-août-septembre 2008