La Lettre du Rhumatologue - n° 245 - octobre 1998
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Le genou : il est souvent peu douloureux, associé à un épanche-
ment et à un pannus de volume variable, limitant la flexion, celle-
ci entraînant une gêne fonctionnelle lorsqu’elle est inférieure à
100°. L’apparition d’un flessum n’est pas systématique, mais sa
correction insuffisante peut entraîner un déséquilibre et une bas-
cule antérieure du tronc.
La cheville : son atteinte entraîne un défaut de déroulement du
pas, souvent douloureux. Elle peut comporter une atteinte de la
tibio-tarsienne avec limitation des mouvements de dorsiflexion
du pied et une atteinte de la sous-astragalienne avec limitation de
l’inversion et de l’éversion, associées à des ténosynovites. Un
œdème péri-malléolaire est fréquent. L’atteinte, parfois sévère,
peut aboutir à un pied varus par enraidissement, ou à un pied plat
valgus, associé à des craquements douloureux à la marche pou-
vant entraîner une gêne fonctionnelle.
Le poignet : il s’agit ici d’une atteinte fluxionnaire douloureuse
du carpe ou de la radiocarpienne, liée à un épanchement intra-
articulaire, à un œdème, à un pannus synovial et à la présence de
ténosynovites. Une limitation de l’extension est habituellement
un signe précoce, qui peut précéder la tuméfaction articulaire. Par
la suite, toutes les amplitudes sont limitées, surtout l’extension
et l’inclinaison cubitale. Le poignet se place en attitude antal-
gique en flexion, puis progressivement en inclinaison cubitale,
favorisée par les troubles de la croissance du cubitus. La sub-
luxation antérieure des os du carpe, assez rare dans cette forme,
réalise l’aspect en dos de chameau. L’ankylose du poignet est
possible. Au stade inflammatoire, la force de préhension est dimi-
nuée et la gêne fonctionnelle est nette, aggravée par la survenue
de ténosynovites. En cas d’arrêt de l’évolution inflammatoire, on
peut observer une amélioration fonctionnelle, et la limitation des
amplitudes extrêmes est souvent la seule déficience. La désaxa-
tion du poignet en flessum-subluxation palmaire ou inclinaison
cubitale diminue la force de préhension et de serrage. En l’ab-
sence d’attitude vicieuse, la fonction peut être acceptable malgré
des limitations d’amplitude et des lésions ostéocartilagineuses
importantes.
La hanche : son atteinte est rare. Elle est alors douloureuse, avec
limitation rapide des amplitudes de flexion et de rotation interne.
L’extension de hanche disparaît. Le flessum de hanche propulse
le tronc en avant, compensé par une hyperlordose et une flexion
de genou.
Les articulations temporo-mandibulaires : souvent insidieuse,
rarement douloureuse, l’atteinte se manifeste par une limitation
de l’ouverture de la bouche, parfois asymétrique. Les troubles de
la croissance des condyles sont très fréquents, pouvant entraîner
une microrétrognathie.
Le rachis cervical : l’atteinte inaugurale est assez fréquente et
peut être responsable d’un torticolis douloureux, d’une limitation
de l’extension et des rotations du cou,plus rarement de sa flexion.
Le coude : son atteinte est en règle peu douloureuse. Le flessum
est généralement modéré et peu gênant.
L’épaule : son atteinte est exceptionnelle d’emblée.
Les doigts et orteils : l’atteinte de l’interphalangienne d’un pouce
ou de l’interphalangienne proximale d’un doigt peut se rencon-
trer, donnant un aspect fuselé au doigt, avec limitation de la
flexion, parfois associée à une ténosynovite du fléchisseur du
doigt. Un flessum peut survenir, parfois difficile à réduire.
Évolution
L’ACJ OA peut guérir, ou persister sous une forme oligoarticu-
laire évoluant par poussées ou d’un seul tenant. Chez environ
30 % des patients, elle devient polyarticulaire dans un délai
variable, en quelques mois ou plusieurs années. Aucun élément
clinique ou biologique ne permet actuellement de prévoir cette
évolution. L’agressivité des atteintes est habituellement moindre
que dans les formes d’emblée polyarticulaires. Néanmoins, un
certain nombre d’enfants présentent un handicap important.
LES MANIFESTATIONS EXTRA-ARTICULAIRES
Elles sont essentiellement oculaires (6, 7). Une uvéite chronique
récurrente survient chez environ 40 à 70 % des enfants atteints
d’ACJ OA. Elle affecte plus fréquemment la petite fille. Les signes
d’appel sont rares, et peuvent être : la présence dans le champ
visuel de taches mobiles ou non, un brouillard visuel, une rou-
geur oculaire, en règle modérée, une complication de l’uvéite
(asymétrie pupillaire, leucocorie), une gêne oculaire plus qu’un
réel syndrome douloureux oculaire (ce dernier étant plus carac-
téristique de l’uvéite aiguë des SPA), et enfin une baisse de
l’acuité visuelle. Rappelons néanmoins que le jeune enfant ne
sait pas signaler une baisse de l’acuité visuelle, même impor-
tante, si elle est unilatérale.
Fréquemment, la découverte de l’uvéite se fait par un examen oph-
talmologique demandé dans le cadre du bilan initial ou du suivi
de la maladie. L’uvéite survient de manière insidieuse, à début
asymptomatique, bilatérale d’emblée ou dans un second temps.
L’uvéite est principalement antérieure, quelquefois totale. Son
évolution est chronique, récurrente. Dans le bilan biologique, envi-
ron 80 % des enfants présentant une arthrite chronique juvénile
avec uvéite ont des AAN à un taux élevé. Toutefois, une atteinte
oculaire sans AAN peut exister. Découverte le plus souvent avec
l’atteinte articulaire, l’uvéite peut quelquefois précéder de
quelques mois ou années ces manifestations articulaires ou leur
succéder. Son évolution n’est pas corrélée à l’atteinte articulaire.
L’
OLIGOARTHRITE JUVÉNILE
Figure 1. Monoarthrite de genou avec amyotrophie quadricipitale.