VIANDE ET SANTE RISQUE CARDIOVASCULAIRE ET CANCER Dr Jean-Michel LECERF Service de Nutrition – Institut Pasteur de Lille Résumé Les liens entre viande et santé sont quasi sentimentaux, quasi émotionnels. Après avoir été portée aux nues par son caractère nourrissant, voire « fortifiant », la viande est aujourd’hui accusée de tous les maux. Qu’en est-il exactement ? D’une part le style alimentaire associé à la consommation de viande est parfois un facteur de déséquilibre alimentaire, d’autre part les quantités excessives consommées et les modes de cuisson peuvent être impliqués dans les risques pour la santé : risque cardio-métabolique (diabète, athérosclérose) et risque de cancers (colorectal surtout). Cependant il n’est pas exclu que certains constituants propres à la viande puissent jouer un rôle propre, lui-même modulé par des facteurs génétiques individuels. De sorte qu’aujourd’hui si l’on ne peut pas encourager une consommation excessive de viande, on peut affirmer qu’une consommation modérée dans le contexte d’une alimentation variée est tout à fait compatible avec une santé préservée. Mots clés Viande, risque cardio-vasculaire, diabète, cancer colorectal, santé. Cet article a fait l’objet d’une présentation aux Journées nationales des groupements techniques vétérinaires (JNGTV), Nantes, 18-20 mai 2016. 1/5 Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2016 - Nantes INTRODUCTION La préoccupation santé de la nutrition est croissante dans la population. Elle est légitime car la relation entre la nutrition et la santé est totalement démontrée. Cependant la perception qu’en ont les consommateurs n’est pas toujours juste, entachée par certains discours simplificateurs. La viande est concernée par tous ces aspects. S’il est admis que les nutriments qu’elle apporte sont précieux car indispensables pour la plupart d’entre eux, sa consommation excessive, comme pour tout aliment, expose à un risque accru de certaines pathologies. Nous nous efforcerons de préciser cela à propos du risque cardio-métabolique et de cancer et de donner les conditions et les limites de ces risques pour la santé. 1. RISQUE CARDIO-METABOLIQUE a. Obésité Les études montrent que les consommateurs de viande ont un poids et un gain de poids modestement plus élevé que les consommateurs de poisson ou les végétariens. Ceci semble lié à un style alimentaire associé comprenant un apport énergétique plus élevé. L’obésité n’est pas liée à la consommation de viande mais à de multiples facteurs prédisposants (génétiques), favorisants (mode de vie – sédentarité) et déclenchants (évènements – psychologie). b. Syndrome métabolique Ce syndrome comprend un certain nombre d’anomalies métaboliques associées entrainant un risque cardiovasculaire, comprenant notamment un excès de poids abdominal. Les gros consommateurs de viande ont un risque accru de syndrome métabolique. Ceci semble lié à un style alimentaire associé comprenant un déficit de végétaux et de poisson, et une sédentarité accrue. Le syndrome métabolique fait le lit du diabète. C’est la pathologie métabolique polygénique la plus fréquente. Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2016 - Nantes 2/5 c. Diabète de type 2 Les études montrent de façon claire une association entre consommation excessive de viande rouge et risque de diabète de type 2. Il semble que ceci passe par la teneur élevée en fer héminique et ses effets sur le stress oxydatif et l’insulino-résistance Le diabète de type 2 concerne aujourd’hui 5% des Français et plus de 350 millions de personnes dans le monde. Ses causes sont multiples: prise de poids, sédentarité, charge glycémique élevée et déficit en fibres, faible apport en produits laitiers sont des facteurs liés au mode de vie bien établis, à côté de facteurs génétiques. d. Risque cardiovasculaire Une consommation excessive de viande rouge est associée à ue augmentation des facteurs de risque cardiovasculaires (lipides plasmatiques (cholestérol…), hypertension artérielle, excès pondéral, syndrome métabolique et diabète de type 2). Les études sont nettement en faveur d‘une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire et en particulier coronarienne en cas de consommation excessive de viande rouge. On a pu incriminer le style alimentaire des gros mangeurs de viande, mais aussi la contribution de la viande à l’apport en acides gras saturés, ainsi que le stress oxydatif induit par le fer héminique. Mais il semble que le rôle de la biotransformation de la carnitine par le microbiote intestinal en TMAO, molécule hautement athérogène, soit en cause. Ainsi les régimes végétariens et/ou à base de poisson ont des effets protecteurs par rapport aux régimes carnés. L’athérosclérose est une maladie multifactorielle. Les facteurs en cause sont multiples: le stress, le surpoids abdominal, le tabac, le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie sont négatifs tandis que l’activité physique, la consommation de fruits et légumes sont positifs (protecteurs). Au total la consommation de viande n’entraine de risque cardio métabolique accru que si • l’on en consomme beaucoup (trop) ; • c’est principalement de la viande rouge ; • le style alimentaire associé est défavorable (déficit de produits végétaux) ; • il existe un excès de poids abdominal et une sédentarité ; • il y a d’autres facteurs de risque associé. Il est donc recommandé de: 3/5 • modérer la consommation de viande ; • de la varier ; Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2016 - Nantes • de maintenir un équilibre alimentaire associé et une activité physique. 2. RISQUE DE CANCER Le rapport de l’IARC (ou CIRC) en 2015 a rappelé qu’une consommation de plus de 100g par jour de viande rouge est associée à un risque accru d’environ 17% de cancer colorectal. Cette augmentation est relative par rapport à un risque basal pour l’ensemble de la population, ce qui est relativement modeste. La consommation excessive de viande est également associée à un risque accru de cancer du sein, de la prostate, de l’endomètre, du pancréas, du poumon… En réalité l’analyse fine des études montre clairement : • un effet dose. Cela concerne donc essentiellement les gros consommateurs ; • un rôle important des modes de cuisson. La cuisson au gril favorisant la production d’amines hétérocycliques cancérogènes ; • une sensibilité individuelle forte sans doute pour des raisons génétiques ; • un rôle protecteur de la consommation associée de fruits et légumes, fibres, produits laitiers et de l’activité physique ; • une responsabilité plus grande des viandes rouges sans doute en raison d’une teneur plus élevée en fer héminique source de stress oxydatif au niveau intestinal ; • le rôle global des styles alimentaires protecteurs (régime méditerranéen). Au total la viande, même rouge, ne donne pas le cancer. Il s’agit là encore d’une maladie multifactorielle mais sa consommation excessive n’est pas souhaitable. Il faut limiter la consommation de viande rouge à moins de 500g/semaine et surtout maintenir une alimentation associée variée, équilibrée riche en végétaux, maintenir un poids normal et stable dans la mesure du possible ainsi qu’une activité physique régulière. CONCLUSION Une consommation élevée de viande, et de viande rouge en particulier, n’est pas souhaitable car elle déséquilibre l’alimentation et est associée à un risque accru de pathologies cardiométaboliques et dégénératives. La question du seuil est donc importante. On peut estimer que l’apport moyen conseillé de viande rouge est de 70g/jour ; or la consommation moyenne de viande rouge en France est inférieure (≈ 55 g/j). Notre attention doit donc se porter sur les gros consommateurs. Ceux-ci cumulent en général les autres facteurs négatifs en termes de mode de vie et des autres facteurs de risque. Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2016 - Nantes 4/5 Une consommation modérée de viande dans le cadre d’une alimentation variée et du maintien d’une activité physique régulière est tout à fait compatible avec une santé préservée. 5/5 Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2016 - Nantes