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Il est possible d’identifier, parmi les mesures prises au lendemain de la guerre, celles qui
concernaient spécifiquement les victimes de persécutions antisémites et celles qui concernaient
les autres victimes des Allemands et du régime de Vichy, dans la mesure où des textes
spécifiques sont venus rétablir les situations qu’avaient suscité les textes discriminatoires. Mais
ces textes ne suffisent pas, à eux seuls, à rendre compte de la totalité de la politique qui a été
menée au lendemain de la Libération.
Il faut également tenir compte, pour apprécier la difficulté de l’étude des restitutions et
réparations, d’une part, de ce que ces opérations ont été poursuivies sur une période bien plus
longue, d’autre part, de ce qu’elles n’ont pas été conduites dans un cadre strictement national,
mais qu’elles ont impliqué les nouvelles autorités de l’Allemagne, à savoir, dans un premier
temps, les organismes interalliés, puis, dans un deuxième temps, le gouvernement allemand.
3. La place de la Mission au regard des institutions publiques et privées doit également
être précisée. Il s’agit d’une mission personnelle d’étude et de proposition et non de
l’institution d’une sorte d’autorité indépendante, ou d’administration de mission, chargée de
prendre en charge les questions qui viennent d’être évoquées. Les compétences et la
responsabilité du Gouvernement en la matière restent donc entières et il ne nous appartient ni
de s’exprimer en son nom, que ce soit dans un cadre national ou international, ni bien entendu
de prendre des décisions qui lui reviennent.
Par circulaire en date du 13 février 1997, le Premier ministre a demandé à l’ensemble
des départements ministériels de coopérer pleinement avec les membres du groupe de travail et
son président, et ces instructions ont été réitérées le 12 novembre dernier. S’il nous est donc
possible de demander aux différentes administrations de l’Etat d’effectuer les travaux et
recherches qui paraissent nécessaires, l’autorité directe dont la Mission peut disposer s’arrête
aux frontières de cette même administration. Notamment, elle ne s’étend pas aux entreprises
publiques et privées, aux dirigeants desquelles il revient, le cas échéant sur la demande des
autorités publiques, d’accepter d’apporter leur concours aux travaux de la Mission. Elle ne
comprend pas davantage l’examen des demandes individuelles qui pourraient être adressées à
l’Etat.
Il reste que la publicité qui a été donnée à la désignation d’une Mission chargée
d’étudier les spoliations et les restitutions a très logiquement suscité des attentes qui dépassent
parfois les limites qui sont imposées à la fois par les termes de la lettre du Premier ministre et
par les moyens dont nous disposons. A ce jour, plus d’une centaine de personnes nous ont ainsi
écrit à divers titres, mais la grande majorité de ces correspondances, qui ont parfois été
transmises par d’autres organismes ou administrations, se présente comme des demandes de
réparation des préjudices qu’ils ont subis personnellement ou que leur famille a subis pendant
la guerre et dont l’étendue est présentée avec une précision qui varie selon les
correspondances. S’il n’était bien entendu pas question de laisser ces lettres sans réponse, il
faut reconnaître qu’il ne nous appartient pas, car nous n’en avons reçu ni la mission ni les
moyens, de statuer sur les demandes qui sont formulées. Cette tâche revient aux différentes
administrations susceptibles d’être concernées par des demandes individuelles : les services
dépositaires d’archives publiques, lorsque ces demandes portent sur des documents relatifs à la
période, les services du secrétariat d’Etat aux anciens combattants, lorsque sont en cause des
questions relatives aux droits à pension, ceux du ministère de l’économie, des finances et de
l’industrie lorsque sont en cause des questions relatives aux immeubles détenus par l’Etat, ceux
du ministère des affaires étrangères, en ce qui concerne la récupération des «biens culturels»