Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 4, septembre 2000 148
neuro-frontières
Neuro-Frontières
Petit rappel
descriptif
La définition du terme
“traumatisme” suscite
d'emblée certaines polé-
miques. Le mot est emprun-
té au langage de la chirurgie
et signifie que les défenses
psychiques de l’individu
sont débordées. Le trauma-
tisme est l’aboutissement
d’un événement soudain
qui agresse ou menace l’in-
tégrité physique et psy-
chique de sa victime. Bref,
inattendu, exceptionnel,
violent : ces attributs per-
mettent de distinguer clai-
rement le traumatisme d’un
événement pénible de la vie
(perte de son emploi,
divorce ou même annonce
d’une maladie grave, par
exemple).
Au cœur du syndrome psycho-traumatique
se trouve le syndrome de répétition. Pour
Crocq (1), il s’agit du signe pathognomo-
nique. Le patient y revit (ou croit revivre) le
traumatisme initial sous différents angles :
physique, avec son cortège de symptômes
neurovégétatifs, psychique, avec l’irruption
d’images et de scènes plus ou moins vio-
lentes, enfin comportemental, avec des réac-
tions de sursaut, des tics ou des répétitions
de différents mouvements.
Sur le plan psychique, le traumatisé peut pré-
senter des pseudo-hallucinations. Les rumi-
nations s’accompagnent souvent de réac-
tions de colère ou d’élaborations de
scénarios, par exemple, ce qui pourrait être
une réponse mieux adaptée.
Le syndrome de répétition se décline souvent
sous forme de “souvenir forcé”, d’idées
obsédantes, d’un besoin de parler de l’évé-
nement ou d’y revenir souvent. Certains
patients expriment le besoin d’assister à des
spectacles violents pour canaliser cette éner-
gie (le film Rambo offre un bon exemple
d’ESPT).
Les symptômes physiques ne sont pas spéci-
fiques : fatigue confinant à l’asthénie (y
compris sexuelle), anxiété diffuse, réactions
émotionnelles exagérées et, bien sûr, état
dépressif. De nombreuses
publications ont insisté sur
la fréquence des affections
somatiques découvertes
dans les suites de trauma-
tismes violents (hyperten-
sion artérielle, ulcère gas-
trique, asthme, etc.).
Cette non-spécificité se
retrouve sur le plan compor-
temental, en particulier au
niveau des évitements pho-
biques, qu’il s’agisse de la
scène initiale ou des lieux la
rappelant. Toute la panoplie
des troubles des conduites a
été observée : crises de
larmes, conduites auto- ou
hétéro-agressives, fugues,
troubles du contrôle des
impulsions, alcoolisme,
délinquance.
On peut ainsi distinguer les
réactions aiguës de stress,
qui se produiront dans les
heures et les jours suivant le
traumatisme, des états de stress post-trauma-
tique proprement dits. Le DSM IV l’a bien
compris, séparant nettement les deux états.
La clinique des ESPT s’observe des
semaines ou des mois après l’agression :
l’état de choc qui suit l’événement ne consti-
tue pas l’ESPT !
Épidémiologie
Longtemps considérés comme rares en rai-
son du caractère exceptionnel du traumatis-
me, les ESPT apparaissent au fil des études
comme l’une des entités anxieuses les plus
fréquentes.
Les enquêtes se sont déroulées en population
générale et au sein de groupes exposés.
L'ESPT (état de stress post-traumatique) est a priori le seul
trouble psychiatrique pour lequel le début peut
clairement être identifié. Il nous interroge sur
les conséquences neurobiologiques d’un traumatisme grave
et pose clairement le problème de la prédisposition
en psychiatrie. Car l’apparition soudaine d’un événement
de nature à menacer l’intégrité de l’individu ne prédit pas
systématiquement l’apparition d’un ESPT ; loin s’en faut.
Nous ne pouvons que constater la (relative) faible incidence
du trouble dans les populations exposées. L’ESPT a, depuis
ses origines, été considéré comme l’exagération d’un
processus normal d’intégration d’une expérience. Plusieurs
données récentes suggèrent au contraire une pathogénie
originale. Nous allons voir que les recherches, menées
en particulier par Rachel Yehuda et Alexander MacFarlane,
démontrent une certaine spécificité du trouble.
Malgré, ou grâce à ces interrogations, les traitements se sont
progressivement codifiés, et plusieurs types de prise en charge
peuvent aujourd’hui revendiquer le beau terme de guérison.
* Psychiatre, Paris
Neurobiologie des états
de stress post-traumatiques
L. Chneiwess*
La neurologie
et les autres
spécialités :
une approche
transversale
149
En population générale, Breslau et al (2)
retrouvent une prévalence de 9 %. Davidson
et al (3) estiment de 8 à 15 % la proportion
de la population générale souffrant de symp-
tômes reliables à un ESPT.
Les différentes études portant sur les popula-
tions exposées évaluent l’incidence des
ESPT entre 3 et 58 % (DSM IV). Les popu-
lations exposées les mieux étudiées sont les
unités de combat.
Dans une étude désormais classique, Kulka
et al. (4) ont retrouvé une prévalence de
15 % d’ESPT actuel et une prévalence sur la
vie entière d’environ 30 % chez les vétérans
du Vietnam. Peut-être en raison d’une expo-
sition plus limitée, les scores d’ESPT retrou-
vés dans les unités combattantes durant la
guerre du Golfe sont moins importants.
Ainsi, Southwick et son équipe (1993) ont
estimé à 9 % la prévalence des ESPT 6 mois
après que les soldats furent rentrés dans leur
foyer.
Les traumatismes apparaissent également
fréquents dans notre vie quotidienne.
Breslau et al. (2) ont exploré les registres
d’une HMO (Health Maintenance
Organization : l’équivalent d’une unité de
Sécurité sociale) de Détroit. Mille sept dos-
siers d’adultes jeunes ont été analysés.
Trente-neuf pour cent d’entre eux ont été
exposés à un traumatisme sévère, et les
auteurs ont retrouvé chez 23,6 % les critères
d’ESPT dans les suites de leur vie.
Évolution du trouble
C’est l’observation systématique des vic-
times qui a permis à Horowitz de formuler
ses hypothèses psychopathogéniques, large-
ment inspirées du modèle freudien. En
accord avec ces hypothèses, nous devrions
observer une succession d’oscillations d’évi-
tements et de retours du traumatisme, dans
l’objectif d’intégrer cette expérience drama-
tique. Dans cette perspective, l’ESPT n’est
qu’une modalité évolutive de l’intégration de
l’expérience. Ce modèle implique nécessai-
ÉCHANGER
Traumatisme
Le sujet a été exposé à un événement trauma-
tique répondant aux deux caractéristiques sui-
vantes :
– la personne a vécu ou assisté à un ou plu-
sieurs événements impliquant, pour soi ou pour
autrui, une menace, réelle ou évaluée comme
telle, mettant en danger la vie ou l’intégrité phy-
sique ;
– le sujet a alors ressenti un sentiment de peur
intense, de désarroi ou d’horreur.
Reviviscence
L’événement traumatique est revécu de manière
persistante à travers au moins une des manifes-
tations suivantes :
– souvenirs répétitifs et envahissants de l’événe-
ment, provoquant un sentiment de détresse
(images, pensées, sensations, jeux répétitifs
chez le jeune enfant) ;
– rêves répétés concernant l’événement et pro-
voquant un sentiment de détresse (chez l’enfant,
cauchemars parfois sans contenu précis) ;
– impressions ou comportements soudains, dic-
tés par le sentiment que l’événement va se
reproduire (sentiments de revivre l’événement,
illusions, hallucinations, épisodes de flash-
back, y compris ceux qui surviennent au réveil
ou au cours d’une intoxication) ;
– détresse intense lors de l’exposition à des évé-
nements pouvant symboliser ou évoquer des
aspects de l’événement traumatique ;
– réactivité physiologique lors de l’exposition
interne ou externe à un élément pouvant sym-
boliser ou évoquer un des aspects de l’événe-
ment traumatique.
Évitements
Évitement persistant des stimuli associés au
traumatisme et émoussement de la réactivité
générale (ne préexistant pas au traumatisme),
comme en témoigne la présence de trois au
moins des manifestations suivantes :
– efforts pour éviter les pensées, sentiments ou
conversations associés au traumatisme ;
– efforts pour éviter les activités, lieux ou per-
sonnes pouvant rappeler le traumatisme ;
– incapacité de se rappeler un aspect important
du traumatisme ;
– diminution marquée de l’intérêt ou de la par-
ticipation à des activités importantes pour le
sujet ;
– sentiment d’être détaché des autres ou de leur
être étranger ;
– émoussement ou incapacité à éprouver des
affects ;
– sentiment d’avenir bouché.
Hyperactivité neurovégétative
Persistance de symptômes d’hyperactivité neu-
rovégétative (ne préexistant pas au traumatis-
me), comme en témoigne la présence de deux
au moins des manifestations suivantes :
– difficultés pour dormir ou s’endormir ;
– irritabilité ou accès de colère ;
difficultés de concentration ;
– hypervigilance ;
– réaction de sursaut exagérée.
Durée
La durée du trouble (critères B, C et D) est d’au
moins un mois.
Handicap
Les troubles provoquent une souffrance signifi-
cative ou un handicap concernant les activités
sociales, professionnelles ou de loisirs du sujet.
Variantes
Spécifier si le caractère des troubles est :
– aigu (la durée des symptômes est de moins de
3 mois) ;
– chronique (la durée des symptômes est de
3 mois ou plus) ;
– à début retardé (l’installation des symptômes
a lieu 6 mois au moins après le traumatisme).
Critères DSM IV des états
de stress post-traumatiques
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rement une relation entre l’intensité du trau-
matisme et l’émergence d’un trouble (plus le
traumatisme est violent et plus forte est la
probabilité de voir apparaître un ESPT).
Plusieurs études confirment cette idée
(Horowitz, 1986, Yehuda, 1992 et 1998),
quand d’autres la contestent (Blank, 1993).
A priori, cette hypothèse semble soutenue
par le discours de nos patients dans lequel les
souvenirs intrusifs ont directement trait à
l’expérience traumatique. Et pourtant, plu-
sieurs études prospectives récentes suggèrent
que nos patients se trompent ! Les symp-
tômes présents au cours des ESPT constitués
ne sont pas ceux qu’ils présentaient au
décours de l’événement.
Une étude de Karlehage (1993) chez les
conducteurs de train exposés à des catas-
trophes ferroviaires retrouve la dissociation
si chère à Janet (5) : la reviviscence de l’ac-
cident et l’évitement des situations ou des
pensées apparaissent à des moments diffé-
rents des manifestations neurovégétatives.
Lorsque aucun traitement n’est appliqué, le
risque de passage à la chronicité est grand.
Kulka et al. (4) ont évalué l’incidence des
ESPT dans une population représentative des
corps expéditionnaires américains au Laos,
au Vietnam et au Cambodge. Les résultats
montrent une prévalence sur la vie entière
des ESPT de 30,9 % chez les hommes et de
26,9 % chez les femmes. Des évaluations à
distance montrent, dans ce groupe, une per-
sistance des troubles à 15 et 20 ans pour
49,2 % des hommes et 31,6 % des femmes.
Ces résultats confortent ceux de Kulznik
(1986), qui estimaient à 47 % la prévalence
des ESPT chez les prisonniers de guerre
américains, 40 ans après leur retour. Les
ESPT sont donc des troubles chroniques.
MacFarlane (1988) chez les pompiers et
Breslau chez les vétérans (2) ont précisé les
facteurs de risque de chronicité. On retrouve
avant tout une confrontation antérieure à des
expériences traumatisantes, des antécédents
de troubles psychiques et une tendance à
dénier ou à éviter le souvenir d’expériences
négatives.
À l’inverse, Bleich (1986) estime que le sup-
port social et la considération dans l’opinion
sont des facteurs de très bon pronostic. Pour
Bremner (1991), une modification initiale du
volume hippocampique traduirait l’existence
de troubles neurologiques et serait associée à
un plus mauvais pronostic.
L’évolution des patients est avant tout mar-
quée par la comorbidité. Bremner (1996)
insiste sur le risque d’alcoolisme et de toxi-
comanie chez les vétérans du Vietnam.
Hypothèses neurobiologiques
Les recherches ont porté sur les systèmes
classiquement impliqués dans les réactions
de stress : le système nerveux autonome et
l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Plusieurs années après le traumatisme, ces
études confirment une régulation neurobio-
logique originale dans les ESPT.
Le système nerveux autonome
Les travaux princeps de Cannon (6) ont
démontré le rôle central du système nerveux
autonome (SNA) dans les réactions aux
situations de danger. Ces réactions physiolo-
giques ont pour objectif la mobilisation des
ressources de l’individu pour combattre ou
fuir (fight or flight). On observe donc une
accélération du rythme cardiaque, une aug-
mentation de la pression artérielle destinées
à une meilleure perfusion des organes
vitaux. Les pupilles se dilatent pour augmen-
ter l’acuité visuelle, les vaisseaux cutanés se
rétractent pour orienter le sang vers les
organes de défense, tout comme la formation
de shunts splanchniques ou rénaux. Le
muscle squelettique est alimenté par des
réserves désormais disponibles en sucre.
Les études psychophysiologiques ont confir-
mé un éveil plus important dans les ESPT,
mais les études biologiques le concernant
restent décevantes.
Dès 1918, Fraser et Wilson observent chez
les vétérans de la Première Guerre mondiale
une augmentation de l’anxiété, du pouls et
de la tension artérielle par rapport à un groupe
témoin en réponse à une perfusion intravei-
neuse d’adrénaline. Pour Grinker et Spiegel
(7), les cathécolamines jouent un rôle essen-
tiel dans les névroses de guerre et partagent
même un temps la position de Crille, pour
qui un traitement possible dans les cas
graves pourrait constituer en une dénerva-
tion bilatérale des glandes surrénales.
Depuis 1980, la plupart des études ont
retrouvé une réactivité plus forte chez les
patients souffrant d’ESPT, mais avec, finale-
ment, très peu de différences à l’état de base
(8). Les plus récentes investigations ont donc
porté sur les capacités d’habituation à des
stimuli nociceptifs. La grande majorité des
études concordent pour retrouver, chez les
patients ESPT, un temps bien plus long pour
voir s’éteindre les réponses à des stimuli
centraux (comme un son grave ou certaines
images visuelles sans relation avec le trau-
matisme). MacFarlane démontra, en 1993
(9), une incapacité chez les ESPT à discrimi-
ner différents stimuli.
Une base psychophysiologique est ainsi
posée : les patients ESPT présenteraient un
SNA incapable de métaboliser ses réactions
par habituation, mal préparé pour trouver des
stratégies adaptatives en raison d’une capaci-
té d’évaluation réduite des ressources dispo-
nibles.
Malheureusement, jusqu’à présent, les
études proprement biologiques n’ont guère
fait progresser le débat. Les excrétions uri-
naires d’adrénaline et de noradrénaline et de
leurs métabolites sont comparables chez les
ESPT et les témoins. Il en est de même des
taux plasmatiques. Les récepteurs adréner-
giques α-2 semblent altérés dans le sens
d’une down-regulation et devraient faire
l’objet de multiples investigations.
L’axe hypothalamo-hypohyso-
surrénalien (HHS)
Dans sa formulation du syndrome général
d’adaptation, Selye (1956) postulait que la
réponse de l’organisme à toute agression se
traduisait par une stimulation de l’axe HHS
et par une augmentation de la cortisolémie.
neuro-frontières
Neuro-Frontières
151
Plusieurs auteurs, dont Mason (1976), ont
par la suite confirmé une relation linéaire
entre intensité de l’émotion ressentie au
cours de l’agression et augmentation de la
cortisolémie.
Les résultats issus des études concernant les
ESPT montrent de toute évidence une régu-
lation différente. Le nom de Rachel Yehuda
est désormais attaché à la description d’une
physiologie originale dans les ESPT.
Ainsi, Mason (1986) et Yehuda (1993)
démontrent une excrétion urinaire de cortisol
plus basse chez les ESPT que chez les
témoins, ou même dans d’autres états patho-
logiques : panique, dépression ou psychoses.
Le traumatisme ne semble pas à l’origine de
cet état, puisque les survivants de l’holo-
causte ne présentant pas d’ESPT restent dans
la fourchette des témoins. Rachel Yehuda a
pu démontrer que les cortisolémies plus
basses des ESPT sont en relation avec un
trouble du rythme circadien de sécrétion
(Yehuda, 1998). La même équipe a mis en
évidence une augmentation du nombre de
récepteurs aux glucocorticoïdes, tant chez
les ESPT (vétérans du Vietnam) que chez les
vétérans présentant un ESPT. Le traumatis-
me créerait donc une situation biologique qui
ne se transformerait en trouble que chez cer-
tains.
La pratique intensive des tests de suppres-
sion à la dexaméthasone confirme une
hyperréceptivité de l’axe HHS (tableau I).
Pour Rachel Yehuda, l’une des clés du mys-
tère réside dans la sensibilité des récepteurs
aux glucocorticoïdes. Dans les ESPT, le
nombre de ces récepteurs est augmenté, tout
comme leur sensibilité. Cette hypothèse est
largement vérifiée par la pratique de tests de
suppression à la dexaméthasone (DST).
Rappelons que la dexaméthasone est un ana-
logue puissant du cortisol. L’administration
de 1 mg de dexaméthasone à 0h00 entraîne
donc normalement un feed-back négatif sur
l’hypophyse et un effondrement des concen-
trations de cortisolémie le lendemain matin à
8h00. Dans les troubles dépressifs, d’innom-
brables études ont montré un échappement à
cette suppression. Dans les ESPT, c’est l’in-
verse qui se produit : il suffit d’administrer
0,5 mg pour obtenir une hypersuppression.
L’équipe du Mount Sinaï, dans le Bronx, a pu
vérifier ces observations au cours d’une
étude concernant les victimes de prise d’ota-
ge. Plusieurs dizaines de victimes ont été
explorées dans les 72 heures suivant leur
traumatisme et furent suivies durant au
moins un an. Les conclusions montrent que
l’hypersuppression immédiate prédit, avec
une sensibilité proche de 100 %, l’apparition
de l’ESPT ! Il a pour l’heure été possible de
regrouper les victimes en trois groupes :
ceux qui ne développeront jamais d’EPST,
ceux qui présenteront un ESPT mais qui s’en
remettront, enfin ceux qui ne récupéreront
pas spontanément de leur ESPT (cortisolé-
mies basses et hypersuppression au DST).
Ces données ont été confirmées par
MacFarlane dans une étude portant sur 40
accidentés de la route : ceux qui ont présenté
par la suite un ESPT avaient à l’origine les
concentrations de cortisol les plus basses, à
l’inverse des futurs déprimés qui présen-
taient les taux les plus élevés.
Toute l’interrogation porte maintenant sur le
mode d’apparition de cette régulation origi-
nale. Les descendants des survivants de l’ho-
locauste apportent des données intrigantes.
L’ e xploration biologique de ces descendants
montre une cortisolémie basale et une hyper-
suppression au DST, comparée aux témoins
lorsque l’ascendant présente ou a présenté
un ESPT et des résultats dans la zone des
témoins si l’ascendant survivant de l’holo-
causte ne présente pas ou n’a jamais présenté
d’ESPT. À l’heure actuelle, il est impossible
de trancher entre l’hypothèse d’une géné-
tique particulière prédisposant à l’ESPT et
une modification transmissible de l’expres-
sion génomique à la suite d’un stress intense
et prolongé.
Un peu d’imagerie cérébrale
Le nom de Bruce McEwen fait référence
lorsque l’on aborde l’impact cérébral des
traumatismes. Ses travaux ont ainsi démon-
tré que des stress sociaux prolongés (la sur-
population, par exemple) pouvaient entraîner
une atrophie de certains neurones hippocam-
piques chez le rat (atrophie dendritique des
cellules pyramidales hippocampiques CA3).
Chez l’homme, l’imagerie cérébrale a
confirmé la présence d’anomalies structu-
rales chez les patients souffrant d’ESPT, en
particulier une atrophie de l’hippocampe
gauche (10). Poussant un peu plus loin le
sadisme habituel des investigateurs, Rauch et
son équipe (11) ont soumis de braves trau-
matisés à une stimulation de leur mémoire
traumatique, les rendant du coup très
anxieux. On observe ainsi une augmentation
du flux sanguin cérébral dans les cortex
droits orbitaire, insulaire, temporo-limbique
et occipital et une diminution dans la région
de l’aire de Broca gauche. En gros, les aires
limbique et para-limbique droites sont impli-
quées lors du déclenchement des intrusions
et des angoisses (12). En ce qui concerne le
déclenchement des intrusions, nous retrou-
vons une fois de plus en première ligne
l’amygdale. Les travaux de Ledoux (13) ont
Tableau I. Régulateur du cortisol chez les volontaires sains et chez les patients souffrant d’ESPT.
Exposition chronique à un stress Patients présentant un ESPT
chez le volontaire sain
Augmentation de la cortisolémie Diminution de la cortisolémie
et de la cortisolurie et de la cortisolurie
Réduction de la sensibilité Augmentation de la sensibilité
des récepteurs aux glucocorticoïdes des récepteurs aux glucocorticoïdes
Érosion du feed-back négatif Augmentation du feed-back négatif
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Neuro-Frontières
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 4, septembre 2000 152
déjà bien démontré son rôle dans le condi-
tionnement des phobies.
Risquons des hypothèses
étiopathogéniques
Dans la perspective purement biologique de
cet article, nous n’aborderons que la ques-
tion “neuronale”, laissant de côté l’esprit ou
l’âme. Que peut-on déduire des recherches
en biologie des ESPT ?
En dehors de l’hypothèse génétique, com-
ment expliquer les particularités des ESPT
concernant leur hypersensibilité aux corti-
coïdes ?
Les récepteurs aux corticoïdes sont présents
partout dans le cerveau. Nous les retrouvons
avec une fréquence accrue dans les struc-
tures fortement impliquées dans la mémoire
émotionnelle : l’hippocampe, l’amygdale, le
cortex frontal et l’hypothalamus. Plusieurs
travaux ont démontré des effets délétères sur
la mémoire à long et court terme des lésions
amygdaliennes (14). Il semble probable que
l’amygdale possède une influence modula-
trice sur l’hippocampe. Cette équipe postule
qu’un stress traumatique est de nature à
surstimuler l’amygdale et l’hippocampe par
des corticoïdes. Les patients présentant déjà
une hypersensibilité seraient donc de bons
candidats à la pathologie
Approches thérapeutiques
Comme pour la plupart des troubles anxieux,
les patients souffrant d’ESPT peuvent retirer
bénéfice d’une double approche, pharmaco-
thérapique et psychothérapique. Seule la phar-
macothérapie sera abordée.
Les essais concernant les traitements biolo-
giques des ESPT découlent des différentes
hypothèses mécanicistes.
Un point toujours discuté est la médication des
patients présentant un état aigu de stress, afin
de prévenir l’apparition des ESPT. Dans une
étude non publiée, Shalev a montré que l’ad-
ministration d’alprazolam à des soldats israé-
liens exposés à un traumatisme récent, dans le
cadre d’une étude contrôlée, entraînait des
effets délétères. À 6 mois, le groupe alprazo-
lam présentait un plus grand nombre de signes
d’ESPT.
La dysrégulation noradrénergique alimente
l’idée d’une nécessaire réduction de l’activité
du locus coeruleus pour traiter avec effica-
cité les ESPT. Les IMAOs, les antidépres-
seurs tricycliques, les inhibiteurs du recap-
tage de la sérotonine, la clonidine, les
benzodiazépines et les bêtabloqueurs
répondent à cette nécessité.
L’évitement conditionné, les troubles du
sommeil, les troubles du contrôle des
impulsions sont des dimensions en rela-
tion avec l’activité sérotoninergique. Les
essais ont en effet montré une efficacité
de la fluoxétine, de la paroxétine et de la
sertraline.
Plusieurs auteurs ont établi un parallèle
entre l’embrasement observé dans l’épilep-
sie et les symptômes intrusifs des ESPT
(Van der Kolk, 1987). Si bien que la théorie
du kindling a été testée. Le kindling est un
effet observé dans la clinique de l’épilep-
sie : après répétition de stimulations de
faible intensité, on observe un seuil de
déclenchement plus bas des crises comi-
tiales. L’efficacité de la carbamazépine dans
les ESPT soutient en partie cette hypothèse.
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Symptômes-cibles Inhibiteurs du recaptage IMAO Tricycliques Benzodiazépines Bétabloqueurs Anticomitiaux
de la sérotonine
Réduction du syndrome ++ ++ +/0 + ++ +
de répétition
Réduction de la tendance ++ + + 0 ++ +
à tout interpréter comme
une récurrence du traumatisme
Réduction de l’état d’hyperéveil + + + ++ + 0
Réduction des évitements + ++ + + ? +
Amélioration de l’état dépression + dépression +
dépressif et de l’émoussement numbing : 0 numbing : 0 + 0 +
affectif (numbing)
Réduction des éléments 0 0 0 0 +
dissociatifs
Réduction de l’agressivité + + + + ++
(auto- et hétéro-)
Tableau II. Impact des différents psychotropes sur les principaux symptomes de l’ESPT.
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