Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 4, septembre 2000 150
rement une relation entre l’intensité du trau-
matisme et l’émergence d’un trouble (plus le
traumatisme est violent et plus forte est la
probabilité de voir apparaître un ESPT).
Plusieurs études confirment cette idée
(Horowitz, 1986, Yehuda, 1992 et 1998),
quand d’autres la contestent (Blank, 1993).
A priori, cette hypothèse semble soutenue
par le discours de nos patients dans lequel les
souvenirs intrusifs ont directement trait à
l’expérience traumatique. Et pourtant, plu-
sieurs études prospectives récentes suggèrent
que nos patients se trompent ! Les symp-
tômes présents au cours des ESPT constitués
ne sont pas ceux qu’ils présentaient au
décours de l’événement.
Une étude de Karlehage (1993) chez les
conducteurs de train exposés à des catas-
trophes ferroviaires retrouve la dissociation
si chère à Janet (5) : la reviviscence de l’ac-
cident et l’évitement des situations ou des
pensées apparaissent à des moments diffé-
rents des manifestations neurovégétatives.
Lorsque aucun traitement n’est appliqué, le
risque de passage à la chronicité est grand.
Kulka et al. (4) ont évalué l’incidence des
ESPT dans une population représentative des
corps expéditionnaires américains au Laos,
au Vietnam et au Cambodge. Les résultats
montrent une prévalence sur la vie entière
des ESPT de 30,9 % chez les hommes et de
26,9 % chez les femmes. Des évaluations à
distance montrent, dans ce groupe, une per-
sistance des troubles à 15 et 20 ans pour
49,2 % des hommes et 31,6 % des femmes.
Ces résultats confortent ceux de Kulznik
(1986), qui estimaient à 47 % la prévalence
des ESPT chez les prisonniers de guerre
américains, 40 ans après leur retour. Les
ESPT sont donc des troubles chroniques.
MacFarlane (1988) chez les pompiers et
Breslau chez les vétérans (2) ont précisé les
facteurs de risque de chronicité. On retrouve
avant tout une confrontation antérieure à des
expériences traumatisantes, des antécédents
de troubles psychiques et une tendance à
dénier ou à éviter le souvenir d’expériences
négatives.
À l’inverse, Bleich (1986) estime que le sup-
port social et la considération dans l’opinion
sont des facteurs de très bon pronostic. Pour
Bremner (1991), une modification initiale du
volume hippocampique traduirait l’existence
de troubles neurologiques et serait associée à
un plus mauvais pronostic.
L’évolution des patients est avant tout mar-
quée par la comorbidité. Bremner (1996)
insiste sur le risque d’alcoolisme et de toxi-
comanie chez les vétérans du Vietnam.
Hypothèses neurobiologiques
Les recherches ont porté sur les systèmes
classiquement impliqués dans les réactions
de stress : le système nerveux autonome et
l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Plusieurs années après le traumatisme, ces
études confirment une régulation neurobio-
logique originale dans les ESPT.
Le système nerveux autonome
Les travaux princeps de Cannon (6) ont
démontré le rôle central du système nerveux
autonome (SNA) dans les réactions aux
situations de danger. Ces réactions physiolo-
giques ont pour objectif la mobilisation des
ressources de l’individu pour combattre ou
fuir (fight or flight). On observe donc une
accélération du rythme cardiaque, une aug-
mentation de la pression artérielle destinées
à une meilleure perfusion des organes
vitaux. Les pupilles se dilatent pour augmen-
ter l’acuité visuelle, les vaisseaux cutanés se
rétractent pour orienter le sang vers les
organes de défense, tout comme la formation
de shunts splanchniques ou rénaux. Le
muscle squelettique est alimenté par des
réserves désormais disponibles en sucre.
Les études psychophysiologiques ont confir-
mé un éveil plus important dans les ESPT,
mais les études biologiques le concernant
restent décevantes.
Dès 1918, Fraser et Wilson observent chez
les vétérans de la Première Guerre mondiale
une augmentation de l’anxiété, du pouls et
de la tension artérielle par rapport à un groupe
témoin en réponse à une perfusion intravei-
neuse d’adrénaline. Pour Grinker et Spiegel
(7), les cathécolamines jouent un rôle essen-
tiel dans les névroses de guerre et partagent
même un temps la position de Crille, pour
qui un traitement possible dans les cas
graves pourrait constituer en une dénerva-
tion bilatérale des glandes surrénales.
Depuis 1980, la plupart des études ont
retrouvé une réactivité plus forte chez les
patients souffrant d’ESPT, mais avec, finale-
ment, très peu de différences à l’état de base
(8). Les plus récentes investigations ont donc
porté sur les capacités d’habituation à des
stimuli nociceptifs. La grande majorité des
études concordent pour retrouver, chez les
patients ESPT, un temps bien plus long pour
voir s’éteindre les réponses à des stimuli
centraux (comme un son grave ou certaines
images visuelles sans relation avec le trau-
matisme). MacFarlane démontra, en 1993
(9), une incapacité chez les ESPT à discrimi-
ner différents stimuli.
Une base psychophysiologique est ainsi
posée : les patients ESPT présenteraient un
SNA incapable de métaboliser ses réactions
par habituation, mal préparé pour trouver des
stratégies adaptatives en raison d’une capaci-
té d’évaluation réduite des ressources dispo-
nibles.
Malheureusement, jusqu’à présent, les
études proprement biologiques n’ont guère
fait progresser le débat. Les excrétions uri-
naires d’adrénaline et de noradrénaline et de
leurs métabolites sont comparables chez les
ESPT et les témoins. Il en est de même des
taux plasmatiques. Les récepteurs adréner-
giques α-2 semblent altérés dans le sens
d’une down-regulation et devraient faire
l’objet de multiples investigations.
L’axe hypothalamo-hypohyso-
surrénalien (HHS)
Dans sa formulation du syndrome général
d’adaptation, Selye (1956) postulait que la
réponse de l’organisme à toute agression se
traduisait par une stimulation de l’axe HHS
et par une augmentation de la cortisolémie.
neuro-frontières
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