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Mise au point
Mise au point
définir la même chose.
En ce qui concerne la définition du
stress, il est habituel de considérer que
c’est une réaction d’alerte adaptative
d’un organisme soumis à des événe-
ments internes ou externes pouvant
mettre en jeu le maintien de son
homéostasie. C’est Selye qui, en 1936,
a décrit un syndrome général d’adap-
tation dans lequel il différencie trois
phases qui sont la réaction d’alarme,
la phase de résistance et la phase
d’épuisement. Pour l’auteur, cette
notion de réponse spécifique de l’or-
ganisme à un événement ou à un agent
pathogène externe constitue les “mala-
dies d’adaptation”, dont fait partie
l’anxiété.
La réponse de l’organisme face au
stresseur a été décrite plus tard comme
un ensemble de bouleversements
neurobiologiques et hormonaux, aussi
bien sur le plan psychique que
physique. C’est dans cette perspective
que l’anxiété pourrait être une consé-
quence possible du stress.
Plus tard, Post (1992) a pu développer
un modèle de causalité entre “facteurs
de stress” et maladie appelé “théorie
de l’embrasement” (kindling). Sous
l’impact de stimuli répétés et majeurs,
certains systèmes neurobiologiques et
certaines structures cérébrales présen-
teraient des modifications qualitatives
qui entraîneraient par la suite, pour
des stimuli mineurs, un dysfonction-
nement neurobiologique et l’appari-
tion de l’état pathologique.
D’où l’importance de bien définir la
symptomatologie pour laquelle seront
émises des hypothèses quant à son ou
ses dysfonctionnements neurobiolo-
giques et, par conséquent, à son ou ses
éventuels traitements.
Hypothèses neurobiologiques de
l’anxiété : tronc commun ou voie
finale commune ?
Qu’on l’appelle anxiété ou non, de
tout temps, on a recherché des
remèdes pour agir sur ces symptômes
ou troubles. L’empirisme et même des
stratégies chimiothérapeutiques appro-
priées n’ont toujours pas permis de
formaliser précisément quel(s) support(s)
neurobiologique(s) pourrai(en)t rendre
compte d’un état anxieux. Il en résul-
terait même une sorte de raisonnement,
voire de pensée unique, essentielle-
ment – pour ne pas dire totalement –
orienté autour des anxiolytiques de la
classe des benzodiazépines (BZD).
Ainsi, depuis la découverte de ces
substances, il est étonnant de constater
que, globalement, aucun progrès
majeur dans la compréhension et la
prise en charge de ces troubles n’a été
réalisé (figure 2). L’implication des
systèmes gabaergiques couplés aux
récepteurs aux BZD n’a pratiquement
jamais été remise en question dans
l’effet clinique de celles-ci.
Or, à l’heure actuelle, nous n’avons
toujours aucune preuve que l’effet
anxiolytique, au niveau central, sur ce
que l’on pourrait appeler “le noyau
dur de l’anxiété” passe par les récep-
teurs aux BZD, et ce, même malgré
l’apport des techniques modernes
d’imagerie (IRM, PETscan, scintigra-
phie, etc.) qui, la plupart du temps,
n’ont permis d’étudier par exemple,
que le métabolisme cérébral in vivo
chez l’homme au repos ou dans des
situations expérimentales spécifiques.
Les observations obtenues se sont
résumées à constater des modifica-
tions plus ou moins significatives de
l’activité corticale et sous-corticale, au
niveau notamment du cortex préfrontal
et cingulaire, de l’amygdale, de l’hip-
pocampe, du thalamus et de l’hypotha-
lamus, ainsi que des régions grises
périacqueducales et du locus coeru-
leus chez les patients anxieux.
De la même manière, les modèles
expérimentaux utilisés chez l’animal
n’ont pas ou peu évolué. Ceux qui sont
utilisés sont toujours les mêmes que
ceux qui ont été créés pour étudier les
BZD (1). Quelques tentatives ont été
faites afin de mobiliser d’autres
comportements dits anxieux ou rele-
vant d’un trouble anxieux (attaque de
panique, phobie, etc.).
Aujourd’hui, si nous considérons l’ar-
senal chimiothérapeutique, il est facile
de constater qu’il n’y a pas de classifi-
cation des anxiolytiques, contraire-
ment aux antidépresseurs, par exemple.
Nous nous référons à une liste de
l’OMS. Il est ainsi intéressant de noter
que les substances répertoriées sur
cette liste sont très hétérogènes, aussi
bien par leur(s) impact(s) sur des
cibles neurobiologiques différentes
que par leur mécanisme d’action varié
(figure 3).
Or, une grande partie de ces molécules
ayant des mécanismes d’action
supposés différents en première
analyse ont en commun une même
Anxiolytiques Autres molécules
benzodiazépiniques anxiolytiques
Figure 2. Troubles anxieux : les grandes
étapes.
1950
1954
1962
1970
1974
1977
1980
1985
1986
1990
2000
Pas de médicament
spécifique :
–barbituriques
– chloral
Méprobamate
Hydroxyzine
Antidépresseurs
imipraminiques
(trouble panique)
Récepteurs aux BZD
BZD→facilitation de
l’action du GABA
BZD :récepteurs
Étifoxine
Récepteurs centraux
BZD et tomographie
par émission de
positron
Buspirone
(5-HTA1A agoniste)
Découverte récep-
AntidépresseursAlpidem
Découverte de sous-
unités aux récepteurs
BZD
(IRM,PETscan,etc.) :
modifications fonction-
nelles de certaines
structures cérébrales
inhibiteurs de la
inhibiteurs de la
recapture delaséro-
recapture delaséro-
tonine (TOC)
tonine (phobie
sociale)
Venlafaxine (TAG)
Antidépresseurs
teurs 5-HTA1A
centraux
Complexe macro-
moléculaire
Chlordiazépoxide
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