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La Lettre de l’Infectiologue • Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009 | 83
L’allogreffe de cellules souches provenant d’un
donneur homozygote pour la délétion Delta32 sur
l’allèle CCR5 guérit-elle l’infection à VIH ?
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) entre dans les cellules de l’hôte en se fixant sur
un récepteur CD4, puis en interagissant avec un corécepteur, principalement le Chemokine
Receptor 5 (CCR5), plus rarement le CXC Chemokine Receptor 4 (CXCR4). Une délétion
de 32 paires de base dans l’allèle CCR5 aboutit, à l’état d’homozygotie, à l’absence de
corécepteur fonctionnel CCR5, ce qui confère un haut niveau de résistance à l’infection
à VIH, sans autre conséquence majeure sur le système immunitaire. Suite à l’amélioration
spectaculaire de l’espérance de vie des patients infectés par le VIH grâce à l’avènement
des combinaisons d’antirétroviraux actifs, des allogreffes de moelle sont parfois effectuées
dans des indications bien sélectionnées chez les patients infectés par le VIH, depuis 2000.
G. Hutter et al., du CHU de La Charité, et de l’institut Robert-Koch, à Berlin, rapportent
une observation inédite et très instructive d’allogreffe de cellules souches provenant d’un
donneur homozygote pour la délétion Delta32 sur l’allèle CCR5 chez un patient infecté
par le VIH (1).
Le receveur est un patient de 40 ans atteint d’une leucémie aiguë myéloïde (FAB M4). Il
présente comme principal antécédent une infection par le VIH-1 diagnostiquée 10 ans aupa-
ravant et bien contrôlée depuis 4 ans par l’association éfavirenz, emtricitabine et ténofovir,
avec des lymphocytes CD4+ à 415/mm3 et une charge virale < 40 copies/ml sur le bilan le
plus récent. La leucémie aiguë est initialement traitée par une cure d’induction et 2 cures
de consolidation, mais le patient rechute 7 mois plus tard. Il bénéficie alors d’une allogreffe
de cellules souches périphériques CD34+ provenant d’un donneur non apparenté, homo-
zygote pour la délétion Delta32, sélectionné parmi les donneurs potentiels HLA-identiques
répertoriés dans le registre allemand des donneurs volontaires (un homozygote Delta32/
Delta32 identifié pour 62 donneurs testés). Les suites sont simples en termes de tolérance,
en dehors d’une réaction du greffon contre l’hôte (GVH), cutanée de grade I. Une seconde
allogreffe, provenant du même donneur, est nécessaire à J391 en raison d’une rechute de
la leucémie aiguë. À la suite de cette deuxième greffe, le patient semble “guéri” de ses
deux maladies. En effet, il était toujours en rémission complète de sa leucémie aiguë avec
un recul de 20 mois au moment où l’article a été soumis. Surtout, les auteurs accumulent
les arguments en faveur d’une disparition de tout stigmate d’infection à VIH active chez le
patient, en prenant sagement la précaution de ne jamais parler de guérison : en l’absence
de tout traitement antirétroviral depuis la première greffe, soit avec un recul de 548 jours,
sa charge virale VIH estimée par PCR ARN (seuil à 40 copies/ml) et ADN (seuil à 5 copies/ ml)
est constamment négative. La recherche d’ADN proviral est constamment négative au-delà
de J61 après la première greffe. La réponse lymphocytaire T spécifique d’antigènes du VIH
disparaît, comme si les lymphocytes T du donneur n’avaient pas pu développer d’immunité
contre le VIH en l’absence de réplication de celui-ci depuis la greffe. En ce qui concerne les
anticorps, on assiste à une disparition progressive des anticorps dirigés contre les protéines
de capside et la polymérase du VIH, alors que les anticorps dirigés contre les glycoprotéines
solubles gp120 et gp41 restent présents. Progressivement, le taux de lymphocytes CD4+
s’est normalisé au décours de la seconde greffe (de moins de 20/mm3 à plus de 400/mm3),
tous les lymphocytes ayant le phénotype des lymphocytes du donneur, avec la présence
constante de la double délétion Delta32/Delta32 pour l’allèle CCR5.
Jay Levy, de l’University of California, San Francisco (UCSF), signe l’éditorial qui accompagne
cette première (2). Il y souligne la nécessaire prudence avec laquelle il faut considérer cette
publication, d’autant que le patient présentait avant la greffe une sous-population VIH de
tropisme CXCR4, dont on sait qu’elle peut émerger tardivement. Il insiste également sur le
caractère très improbable de la disparition complète du VIH chez le patient après la greffe, alors
qu’une biopsie rectale réalisée à J159 de la greffe montre que, si tous les lymphocytes T CD4+