Pathologies malignes associées ou non à l’infection à VIH : interactions médicamenteuses

52 | La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009
MISE AU POINT
Pathologies malignes associées
ou non à linfection à VIH :
interactions médicamenteuses
entre chimiothérapies et
anticancéreux
AIDS and non-AIDS associated malignancies:
pharmacological interactions between antiretroviral
and antineoplastic drugs
J. Ménard*, C. Even*, D. Costagliola**, C. Katlama**, J.P. Spano*
* SOMPS, groupe hospitalier de la
Pitié-Salpêtrière, université Paris-VI,
Paris.
** Inserm, U720, épidémiologie
clinique et thérapeutique de l’infection
à VIH, département des maladies
infectieuses, GHPS, Paris.
plus invasives et étendues, survenant dans une
population plus jeune que d’habitude, et ayant un
pronostic plus défavorable, avec un taux de morta-
lité plus élevé.
L’augmentation du taux de survie des patients
infectés par le VIH peut contribuer à l’incidence
croissante de ces maladies, mais la survie seule
ne peut pas entièrement expliquer l’augmentation
des taux de cancer. La pathogenèse de ces tumeurs
paraît hautement variable : certaines sont liées à des
virus oncogènes tels que l’herpès virus 8 (HHV8), le
virus d’Epstein-Barr (EBV), le papillomavirus humain
(HPV) ; d’autres sont liées à des facteurs environne-
mentaux tels que l’exposition au soleil ou au tabac.
Une récente méta-analyse comparant deux popula-
tions immunodéprimées (patients infectés par le VIH
et transplantés) suggère que le risque accru de cancer
dû aux infections peut être attribué à l’immunodéfi-
cience (3). Les conséquences de l’infection par le VIH
sur l’immunité spécifique antitumorale nécessitent
de plus amples investigations. La restauration de
l’immunité à la suite de la suppression prolongée de
la réplication virale est généralement incomplète et
peut favoriser le processus oncogénique, au même
titre que l’activation de l’immunité persistante.
La prise en charge thérapeutique de ces cancers, dans
un contexte de VIH, reste un défi : comment main-
tenir le meilleur contrôle tumoral sans compromettre
le contrôle de la réplication du VIH ? Comment
L
e lien entre le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) et les néoplasies a été mis en
évidence en 1981 à l’occasion de la première
description de cas de maladie de Kaposi chez des
jeunes hommes homosexuels caucasiens qui présen-
taient une sévère immunodépression, attribuée par
la suite au sida. En plus de cette maladie tumorale
définissant originellement le stade sida, d’autres
pathologies malignes telles que les lymphomes non
hodgkiniens (LNH) de haut grade et les cancers du
col invasifs ont été retrouvées avec une prévalence
accrue chez les individus atteints de l’infection à
VIH et ont été également classées comme tumeurs
définissant le stade sida (1).
L’avènement des traitements antirétroviraux dits
optimaux, qui a débuté en 1996 avec l’introduction
d’inhibiteurs de protéase, a profondément modifié
non seulement la morbi-mortalité due au VIH, mais
également le spectre des différentes néoplasies. Si
certaines des néoplasies directement liées à l’in-
fection à VIH ont significativement diminué avec
le temps, d’autres tumeurs considérées comme ne
définissant pas le stade sida sont apparues chez une
proportion de patients plus importante que dans
la population générale (2) : maladie de Hodgkin,
cancer du canal anal, cancer du poumon, cancers
cutanés et hépatocarcinomes sont devenus un
nouveau défi pour les médecins traitant le VIH.
En outre, ces pathologies malignes paraissent
La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009 | 53
Résumé
Malgré l’impact des thérapies combinées antirétrovirales sur la mortalité due à l’infection par le VIH, les patho-
logies malignes restent une cause importante de décès de nos jours. Tandis que l’avènement des combinaisons
antirétrovirales a permis une réduction de l’incidence de la maladie de Kaposi et des lymphomes non hodgkiniens,
les patients infectés par le VIH présentent un risque accru pour certains cancers non associés au stade sida, caracté-
risés par des aspects cliniques communs, généralement à comportement plus agressif et diagnostiqués à un stade
plus avancé, ce qui explique un pronostic moins favorable. Il y a actuellement un manque de recommandations en
termes de traitement spécifique pour ces nouveaux types de cancer. Par ailleurs, il existe des interactions entre
les agents antirétroviraux et les agents cytotoxiques via le cytochrome P450. Plusieurs traitements antinéopla-
siques étant également métabolisés par ce cytochrome, la coadministration de ces derniers en même temps que
le traitement antirétroviral pourrait aboutir soit à l’accumulation des molécules, ce qui augmenterait la toxicité,
soit à la baisse d’efficacité de l’un des traitements, voire des deux.
Mots-clés
Pathologies malignes
associées à l’infection
VIH
Pathologies malignes
non associées à
l’infection VIH
Antirétroviraux
Chimiothérapie
Highlights
Despite the impact of combi-
nation antiretroviral therapy
(cART) on human immuno-
deficiency virus (HIV)-related
mortality, malignancies remain
an important cause of death.
While the advent of cART has
resulted in reductions in the
incidence of Kaposi’s sarcoma
and non-Hodgkin’s lymphoma,
HIV-infected patients are at
increased risk of non-AIDS-
defining malignancies, char-
acterized by some common
clinical features, generally with
a more aggressive behaviour
and a more advanced disease
at diagnosis, which explain the
poorer outcomes. Specific ther-
apeutic recommendations are
lacking. Antiretroviral agents
have a propensity for causing
drug interactions as a result of
their ability to either inhibit or
induce the cytochrome P450
(CYP) enzyme system. Since
many antineoplastic drugs are
also metabolized by the CYP
system, co-administration with
cART could result in either drug
accumulation with increased
toxicity, or decreased efficacy of
one or both classes of drugs.
Keywords
AIDS-defining malignancies
Non-AIDS-defining
malignancies
Antiretroviral therapy
Chemotherapy
gérer les interactions significatives entre les diffé-
rents traitements, dues à leur capacité à inhiber ou
induire le cytochrome P450 ? Plusieurs molécules
antinéoplasiques sont en effet métabolisées par le
même CYP que les antirétroviraux et peuvent ainsi
induire une accumulation de chacun des produits, et
donc une possible toxicité, ou, à l’inverse, une baisse
d’efficacité pour les deux classes de thérapeutiques.
En vue d’optimiser la prise en charge des patients
et d’améliorer le pronostic, la prise en charge des
patients infectés par le VIH et atteints d’un cancer
concomitant doit donc être multidisciplinaire et
impliquer une expertise du VIH, de l’oncologie et
de la pharmacologie.
Épidémiologie
L’infection à VIH est associée à un risque accru de
développer maladie de Kaposi, LNH (particulière-
ment lymphomes cérébraux primitifs) et cancers
du col utérin. Ces trois cancers définissent le stade
sida (1). La question de la relation entre l’infection à
VIH, l’immunodépression qui en résulte et les autres
types de cancer a été étudiée dans plusieurs études
de cohorte avant 1996 et jusqu’à l’avènement des
thérapies antirétrovirales combinées (3-11). Dans
cette revue, nous nous sommes concentrés sur les
études explorant le risque de cancers définissant ou
non le stade sida chez des patients infectés par le
VIH, au stade sida ou non, par rapport à la population
générale, à partir de la période des thérapies anti-
rétrovirales combinées. Dans ces études, les ratios
d’incidence standardisées ont été estimés. Cette
méthode compare le nombre de cas observés surve-
nant dans la population étudiée (patients infectés
par le VIH, patients au stade SIDA) avec le nombre
attendu d’événements survenant dans la popula-
tion générale. Il s’agit d’une méthode indirecte de
standardisation plutôt que d’une estimation du
risque relatif, mais le résultat est souvent extrapolé
comme équivalent au risque relatif dans la popu-
lation concernée (10). Pour les cancers définissant
le stade sida, comme la maladie de Kaposi, puisque
l’infection à VIH est un facteur de risque très impor-
tant, il faut garder à l’esprit que les ratios d’incidence
standardisés sous-estiment le risque relatif réel des
patients VIH/ sida par rapport à celui des patients non
exposés au virus (10). Quand on compare les résul-
tats des diverses études, il faut tenir compte du fait
qu’il existe des différences entre les patients, liées
à des risques différents entre les groupes (patients
homosexuels, utilisateurs de drogues intraveineuses,
patients hétérosexuels et autres) et à un degré d’im-
munodépression plus important chez les patients au
stade sida que chez les patients uniquement infectés
par le VIH.
Quatre grandes études comparatives sont recensées
à ce jour. G.M. Clifford et al. (11) ont fait le lien
entre les données de l’étude de cohorte des patients
suisses VIH et celles des registres cantonaux suisses
des cancers ; ils rapportent des ratios d’incidence
standardisés chez les patients sous thérapies combi-
nées antirétrovirales ou non.
E.A. Engels et al. (12) ont fait le lien entre les cas
de sida et de cancer enregistrés dans 11 régions des
États-Unis et ont rapporté des ratios d’incidence
standardisés de 1990 à 1995 et de 1996 à 2002.
M. Herida et al. (2) ont estimé des ratios d’inci-
dence standardisés pour les cancers ne définissant
pas le stade sida parmi les patients VIH des bases
de données des hôpitaux français, de 1992 à 1995
et de 1996 à 1999, en utilisant les taux d’incidence
spécifique dans la population générale française,
établis par un ensemble de 12 registres français
de cancer, estimant l’incidence des cancers à une
échelle nationale, par tranche d’âge de 5 ans. Dans
une quatrième étude, réalisée par N.A. Hessol et
al. (13), le risque de cancers ne définissant pas le
stade sida chez les patients au stade sida dans la
population générale a été étudié sur la période de
1990 à 2000, à San Francisco, mais, malheureu-
sement, les auteurs n’ont pas fourni d’estimation
distincte en fonction de l’utilisation ou non d’anti-
rétroviraux combinés, ni en fonction de la date
d’apparition des cancers par rapport à la date de
traitement, au contraire des trois autres études. Quoi
qu’il en soit, leurs résultats étaient similaires à ceux
de E.A. Engels et al. (12).
Ces études dégagent les mêmes tendances évolu-
tives. Parmi les cancers définissant le stade sida,
les incidences du lymphome non hodgkinien et de
la maladie de Kaposi ont significativement baissé
depuis l’utilisation des combinaisons d’antirétro-
54 | La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009
Pathologies malignes associées ou non à l’infection à VIH :
interactions médicamenteuses entre chimiothérapies
et anticancéreux
MISE AU POINT
viraux, tandis que le taux d’incidence des cancers
cervicaux est resté stable dans le temps. Le risque
de ces 3 cancers est pourtant toujours élevé compa-
rativement à ce qu’il est dans la population générale
(tableau I) [2, 11-13]. Globalement, les trois prin-
cipales études sont en accord, avec un ratio d’inci-
dence estimé des cancers ne définissant pas le stade
sida variant de 2 à 3 (3,1 ; IC
95
: 2,4-4,1 [11], 1,7 ;
IC
95
: 1,6-1,9 [12] et 1,9 ; IC
95
: 1,7-2,1 [2]) et restant
stable dans le temps, avec des résultats différents
selon le type de cancer (12). En revanche, le taux
d’incidence spécifique des lymphomes hodgkiniens
a augmenté à partir du moment l’on a utilisé les
antirétroviraux combinés, de manière cohérente
dans l’ensemble des études. Pour d’autres cancers
ne définissant pas le stade sida, il n’y a pas d’impact
clair de l’utilisation des combinaisons d’antirétrovi-
raux sur les taux d’incidence spécifique. Les patients
infectés par le VIH ont également un risque de cancer
du poumon augmenté, dû en partie à l’exposition
plus importante au tabac (14), un risque de cancer
du foie augmenté, principalement lié aux co-infec-
tions par le VHB et le VHC, ainsi qu’un risque accru
de cancer anal lié à l’infection à HPV.
Dans la méta-analyse récente publiée par A.E. Grulich
et al. (3), incluant 7 études avec des patients séro-
positifs ou au stade sida (malheureusement sans
distinguer les maladies apparues avant et après l’ère
des antirétroviraux combinés) et 5 études d’individus
transplantés, on a constaté une augmentation du
risque de cancers dans les deux sous-groupes par
rapport à la population générale, dont la plupart
étaient dus à une cause infectieuse (LNH, Hodgkin,
Kaposi, foie, col utérin, anus), à l’exception du cancer
du poumon.
En 2005, en France (15), une des trois causes de
décès chez les patients infectés par le VIH était une
pathologie néoplasique, dont 42 % de maladie défi-
nissant le stade sida et 58 % ne définissant pas le
stade sida. Un article récent de R.J. Biggar et al. (16)
a décrit la survie après le diagnostic de cancer chez
les patients atteints de sida à New York. Entre 1996
et 2000, le taux de survie à 2 ans chez les patients au
stade sida était de 58 % pour la maladie de Kaposi,
de 41 % pour les LNH systémiques, de 29 % pour les
LNH cérébraux, de 64 % pour les cancers cervicaux,
de 10 % pour les cancers du poumon, de 55 % pour
la maladie de Hodgkin et de 76 % pour les cancers
du canal anal. Il n’y avait pas de résultat pour les
cancers hépatiques. Le hazard-ratio pour le décès des
patients atteints du sida et d’un cancer comparative-
ment aux patients non atteints du sida était de 1,9
pour les LNH systémiques (IC95 : 1,6-2,2) et de 1,8
pour les cancers cervicaux (IC
95
: 1,1-3,2). Il n’y a pas
eu d’évaluation pour les sarcomes de Kaposi, comme
dans la plupart des cas concernant les patients VIH.
Pour les cancers ne définissant pas le stade sida, le
hazard-ratio pour le décès chez les patients au stade
sida atteints d’un cancer était de 2,5 pour le cancer
du poumon (IC
95
: 2,0-3,1), de 2,6 pour la maladie
Tableau I. Taux d’incidence standardisés pour les cancers définissant ou non le stade sida dans des études récentes.
Étude
Cancers associés au sida Cancers non associés au sida
LNH Maladie
de Kaposi
Cancer invasif
du col utérin
Maladie
de Hodgkin
Cancer
du poumon
Cancer du
canal anal
Hépato-
carcinome
Clifford et al.
(11)
*
SIR 24,2 25,3 0,0 36,2 2,8 50,4 6,4
IC95 15,0-37,1 10,8-50,1 16,4-68,9 0,9-6,5 9,5-14,9 0,6-23,7
E.A. Engels et al.
(12)
SIR 22,6 5,3 13,6 2,6 19,6 3,3
IC95 20,8-24,6 3,6-7,6 10,6-17,1 2,1-3,1 14,2-26,4 2,0-5,1
Herida et al.
(2)
†‡
SIR 31,7 2,1
IC95 25,8-38,5 1,7-2,6
Hessol et al.
(13)
&
SIR 11,5 2,6 13,4 3,6
IC95 8,9-14,6 2,1-3,2 10,6-16,7 2,3-5,4
Abréviations : SIR :
standardized incidence ratio
; IC : intervalle de confiance.
* Chez des patients recevant des thérapies antirétrovirales combinées.
† Chez des patients au stade sida en 1996-2002.
‡ Chez des patients VIH+ en 1996-1999.
& Chez des patients au stade sida en 1990-2000.
La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009 | 55
MISE AU POINT
de Hodgkin (IC95 : 1,7-4,1) et de 0,9 pour le cancer
anal (IC95 : 0,4-2,3). Ces résultats montrent que le
cancer chez les patients atteints du sida a tendance
à être plus sévère et/ou moins bien contrôlé.
Néoplasies définissant
le stade sida
Maladie de Kaposi
La maladie de Kaposi, bien que son incidence ait
beaucoup diminué depuis l’avènement des thérapies
antirétrovirales combinées, demeure la deuxième
tumeur la plus fréquente chez les patients infectés
par le VIH (17). Dans la base de données de l’infec-
tion à VIH de la Fédération française hospitalière
(FHDH), son incidence est passée de 32 cas pour
1 000 personnes par an en 1993 et 1994 à 3 cas pour
1 000 personnes par an après 1999, avec une certaine
stabilité jusqu’en 2006 (18). Le risque d’atteinte
viscérale diminue, ainsi que celui de localisation
cutanée (respectivement, baisse de plus de 50 %
et de moins de 30 %). Actuellement, dans les pays
occidentaux, les patients homosexuels et les patients
d’origine subsaharienne représentent les deux popu-
lations principales à risque, notamment dans un
contexte de découverte tardive de l’infection à VIH.
Dans certaines régions d’Afrique subsaharienne, la
prévalence de la maladie de Kaposi reste élevée, à
la fois à cause de la forte prévalence de l’infection à
HHV8 et de l’absence de thérapies antirétrovirales
combinées, ou d’un accès tardif à celles-ci.
En plus de la maladie de Kaposi, associée au HHV8
en 1994 par Y. Chang et al. (19), d’autres patholo-
gies malignes, comme la maladie de Castelman, les
lymphomes primitifs des séreuses ou les lymphomes
extracavitaires sont aussi associées à l’infection à
HHV8.
De multiples facteurs contribuent probablement au
développement de la maladie de Kaposi. Les indi-
vidus infectés par le VIH ont une prévalence impor-
tante de co-infection par le virus HHV8 (20), et la
co-infection HHV8, identifiée soit par la virémie, soit
par la sérologie, est associée à un risque élevé de
maladie de Kaposi. De plus, des mesures de l’immu-
nodépression liée au VIH et de la réplication virale,
reflétées par un taux bas de lymphocytes T CD4+ et
un niveau élevé de réplication virale, sont fortement
prédictives de la maladie de Kaposi (20-21). T. Maurer
et al. ont cependant rapporté récemment des cas de
maladie persistante malgré un taux élevé de CD4 et
une charge virale (CV) basse (22). Ce phénomène
risque d’être de plus en plus fréquent avec le vieillis-
sement de la population infectée par le VIH. Une
surveillance attentive est donc recommandée pour
ce groupe de patients (23).
La maladie de Kaposi est le plus souvent classifiée
selon le système du groupe des essais cliniques de
l’ACTG, qui définit des groupes de bon et de mauvais
pronostic selon trois critères : le volume tumoral,
la fonction immunitaire mesurée par le taux de
lymphocytes CD4 et le caractère systémique de
la maladie (24). Plus récemment, une évaluation
prospective de cette classification, conduite depuis
l’avènement des thérapies antirétrovirales combi-
nées, a montré que seule la combinaison d’une
tumeur de stade avancé et d’une maladie systé-
mique permet d’identifier les patients de mauvais
pronostic (25).
La combinaison des thérapies antirétrovirales a montré
un réel bénéfice non seulement dans le contrôle de
la réplication du VIH mais aussi dans la régression
de la taille et du nombre des lésions de maladie de
Kaposi. Ainsi, le traitement antirétroviral est devenu
le traitement de base de la maladie de Kaposi. Les
bénéfices de la thérapie antirétrovirale combinée sont
l’inhibition de la réplication du VIH, la diminution de
la production de la protéine Tat trans-activatrice du
VIH, l’amélioration de la réponse immunitaire vis-à-
vis de HHV8 et l’activité antiangiogénique directe de
certains inhibiteurs de protéase (23, 26).
Chez les patients avec des lésions cutanées limitées
et une CV basse, une thérapie antirétrovirale efficace
peut représenter le premier palier de traitement de
la maladie de Kaposi. Cette information pourrait être
utilisée à l’initiation d’une thérapie antirétrovirale
chez les patients naïfs de traitement ou lors du recours
à une thérapie plus active dans le cadre d’un échec de
traitement avec une résistance virale. En même temps
que la réplication virale diminue progressivement et
que la restauration immunitaire débute, les lésions de
maladie de Kaposi commencent à diminuer en taille,
après plusieurs semaines ou mois, et elles peuvent
disparaître complètement.
Le recours à une chimiothérapie cytotoxique systé-
mique est nécessaire chez les patients avec une
maladie avancée ou rapidement progressive. La
décision d’instaurer une chimiothérapie nest pas
fondée seulement sur l’extension de la maladie de
Kaposi, mais aussi sur des paramètres comme le
performance status, la fonction de chaque organe,
le degré d’immunosuppression et les traitements
concomitants (26). De larges études randomisées
ont établi comme première ligne de chimiothé-
rapie les anthracyclines liposomales (doxorubicine
ProB/monocytes Diérenciation IFNg
Protéine HIV TAT
Infection
KSHV
Réaction
KSHV
Cellule KS
Vessel
(PDGF, SCF, c-kit)
Infection latente
KSHV
Inammation
(inhibiteur MMP)
IL-6, IL-8
Angiogenèse
VEGF (thalidomide, bévacizumab, TKI)
Production KSHV (activation de PI3K et de JAK/STAT)
Figure. Cibles moléculaires thérapeutiques dans les maladies de Kaposi définissant le stade sida.
56 | La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 2 - mars-avril 2009
Pathologies malignes associées ou non à l’infection à VIH :
interactions médicamenteuses entre chimiothérapies
et anticancéreux
MISE AU POINT
liposomale 20mg/m²/3 semaines, daunorubicine
liposomale 40mg/m²/2 semaines) avec, selon les
études, une tolérance meilleure ou des taux et des
durées de réponse meilleurs que pour l’association
de cytotoxiques (bléomycine avec de la vincristine
avec ou sans doxorubicine) [26-29].
Les taxanes sont également très intéressants. Le
paclitaxel est l’agent cytotoxique le plus récemment
approuvé dans la maladie de Kaposi. Il a démontré
une efficacité importante, même chez les patients
ayant une maladie résistante aux anthracyclines,
avec des taux de réponse compris entre 60 et 70 %
dans les études de phase II (30-31). Par rapport aux
autres chimiothérapies, la durée de réponse avec
le paclitaxel (environ 10 mois) reste parmi les plus
longues observées. En revanche, la prévalence élevée
des alopécies, des myalgies, des arthralgies, de la
myélosuppression et la nécessité d’une perfusion
de 3 heures rendent le paclitaxel moins attractif
que la doxorubicine pégylée comme traitement
systémique initial. Étant donné qu’il peut exister
de nombreuses interactions avec les thérapies anti-
rétrovirales combinées, des réductions de la dose
de paclitaxel peuvent être nécessaires quand il est
administré avec des médicaments métabolisés par
les voies du cytochrome P450 (32). Bien que l’expé-
rience clinique avec le docétaxel soit plus limitée, de
petites études suggèrent que cette alternative peut
produire des réponses significatives (33, 34).
Pour les patients ayant retrouvé une immunité
appropriée avec les thérapies antirétrovirales
combinées mais présentant des lésions cutanées
résiduelles, l’interféron α peut être intéressant,
avec des réponses chez 20 à 40 % des patients (35).
Cependant, les traitements avec de hautes doses
d’interféron sont souvent associés à des effets indé-
sirables importants : fièvre, frissons, neutropénies,
toxicité hépatique et troubles cognitifs.
De récentes avancées dans la compréhension de
la pathogenèse de la maladie de Kaposi (infection
des cellules endothéliales par HHV8), ont mené au
développement de nouveaux agents ciblés, comme
des inhibiteurs de métalloprotéases (Col-3), des
inhibiteurs d’angiogenèse (thalidomide, fumagilline),
des inhibiteurs de tyrosine kinase (imatinib mésy-
late, inhibiteurs de PDGFR et c-kit), inhibiteurs de
m-TOR (mammalian target of rapamycin), des théra-
pies antirétrovirales d’HHV8 (ganciclovir, foscarnet)
[figure] (23, 26).
Lymphomes non hodgkiniens
Actuellement, les lymphomes non hodgkiniens
représentent la pathologie maligne définissant le
stade sida la plus fréquente et l’une des causes les
plus fréquentes de mortalité chez les patients VIH.
En France, dans une étude récente analysant les
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !