S Responsabilité médicale : information, retard diagnostique, erreurs médicales, quels risques ?

La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 107
VIE PROFESSIONNELLE
Responsabilité médicale :
information, retard diagnostique,
erreurs médicales, quels risques ?
D. Kamioner*
* Oncologue médical, expert près la
Cour d’Appel de Versailles ; Hôpital
Privé de l’Ouest Parisien, Trappes.
S
i le nombre d’affaires impliquant les méde-
cins reste stable, en revanche, le montant des
indemnisations et les condamnations de méde-
cins libéraux devant les tribunaux civils ne cessent
d’augmenter. Selon le Dr C. Sicot, secrétaire général
du Sou Médical, la moitié des accidents médicaux
sont évitables (1). Les obstétriciens sont devenus
pratiquement inassurables et les généralistes sont
de plus en plus visés.
La cancérologie nest plus épargnée, les procédures
se font nombreuses devant les tribunaux “au civil ou
au pénal” et la saisine de la commission régionale de
conciliation et d’indemnisation (CRCI) des accidents
médicaux est en constante augmentation.
Les griefs portent le plus souvent sur le manque
d’information, le retard diagnostique et la faute
médicale présumée.
Selon C. Sicot, en 2006, le Sou Médical a couvert en
responsabilité civile professionnelle 288 163 socié-
taires.
Ceux-ci ont adressé 3 589 déclarations, dont
3 443 concernaient des dommages corporels et
146 des dommages matériels. La sinistralité corres-
pondante est de 1,25 déclaration pour 100 sociétaires.
Pour les 117 697 médecins sociétaires du Sou Médical
(toutes spécialités confondues et quel que soit le mode
d’exercice, libéral ou salarié), le nombre de déclarations
est de 2 130, dont 2 104 ont trait à des dommages
corporels et 26 à des dommages matériels. La sinis-
tralité (2 104/117 697) concernant les dommages
corporels est de 1,78 pour 100 sociétaires médecins
(toutes spécialités confondues et quel que soit le mode
d’exercice, libéral ou salarié) [1,82 % en 2005].
La sinistralité concernant les seuls médecins libéraux
est de 2,62 % (1 823/69 626) [2,63 % en 2005].
Si l’on s’en tient à la cancérologie, les déclarations
ont porté notamment sur : un retard de diagnostic
de 2 ans d’un cancer du sein, la prise en charge, la
surveillance ou le traitement (contestés par 6 décla-
rations), notamment lors de décès, sans que le motif
de la plainte soit clairement exprimé.
Un malade atteint de synovialosarcome du genou
reproche l’absence de traitement complémentaire
(chimiothérapie et/ou radiothérapie) après une
exérèse chirurgicale en zone saine qui a été suivie
d’une récidive locale traitée par chirurgie, chimio-
thérapie et radiothérapie et qui a évolué, passé une
période de rémission, vers des métastases pulmo-
naires et une nouvelle récidive locale nécessitant
une amputation.
Les déclarations portent aussi sur des accidents
thérapeutiques : par exemple, une curithérapie
complémentaire pour cancer du col utérin traité
par radio-chimiothérapie puis par colpohystérec-
tomie élargie aurait entraîné une nécrose vésicale,
avec plusieurs fistules, urinaire, digestive et vaginale,
imposant de multiples réinterventions (les fistules
étaient-elles préexistantes ?).
En radiologie, on note 74 déclarations, dont 61 pour
les seuls radiologues libéraux, soit une sinistralité
de 3,6 % (61/1 693) [5,8 % en 2005]. Parmi elles, on
relève 2 plaintes pénales, 7 plaintes ordinales, 21 assi-
gnations en référé, 29 réclamations et 11 saisines
d’une CRCI. Onze déclarations portent sur une erreur
d’interprétation radiographique, dont :
un retard de diagnostic (de quelques jours) d’un
lymphome hodgkinien (élargissement du médiastin
méconnu sur la radiographie thoracique) ;
huit plaintes pour retard de diagnostic d’un
cancer du sein (mammographie interprétée comme
normale 3 mois à 3 ans et, en moyenne, 14 mois
avant la détection). Deux de ces cancers ont été
découverts au stade métastatique, et l’un d’entre
eux a été rapidement suivi d’un décès. Deux des
mises en cause visent un radiologue participant à
une campagne de dépistage. Dans plusieurs de ces
dossiers, la responsabilité du retard paraît partagée
entre les médecins radiologue, gynécologue ou géné-
raliste. Enfin, au nombre des erreurs d’interprétation
radiographique figure la récidive d’un cancer vésical,
pour le diagnostic de laquelle le retard reproché
était d’un mois.
Psychiatrie
Cardiologie
Pédiatrie
et néonatalogie
Hépato-
gastroentérologie
Cancérologie
Neurologie
Autres
Orthopédie
Obstétrique
Chirurgie viscérale
Gynécologie
Neurochirurgie
Chirurgie thoracique
Autres
12 %
8 %
41 %
5 % 11 %
37 %
23 %
4 %
6 %
8 %
11 % 11 %
14 %
9 %
Figure. Répartition des réclamations : services de médecine et de chirurgie.
“Les activités des services de médecine ont
donné lieu à 453 réclamations au cours de
l’exercice.
Sont principalement concernées l’hépato-
gastroentérologie (14 % des réclamations),
la cardiologie (12 %), la cancérologie (11 %),
la pédiatrie et la néonatalogie (9 %), et la
psychiatrie (8 %)”
(2)
.
“Les services de chirurgie ont été mis en cause
au cours de l’année par 2 607 réclamations.
Lorthopédie est toujours la première spécia-
lité mise en cause avec 37 % des réclamations.
Sont également régulièrement impliquées les
spécialités d’obstétrique (11 %), de chirurgie
viscérale (11 %), de chirurgie gynécologique
(8 %) et de neurochirurgie (6 %)”
(2)
.
108 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009
VIE PROFESSIONNELLE
Trois déclarations concernaient la scanographie,
dont un retard de diagnostic de 4 ans d’une tumeur
juxta-aortique (de 60 x 20 mm) de nature lympho-
mateuse.
Dix déclarations portaient sur la prise en charge
et la surveillance, notamment pour retard de
diagnostic d’un cancer du sein ou des propos alar-
mistes concernant la nature d’un nodule hépa-
tique (hyperplasie nodulaire focale après examen
anatomo pathologique).
Les 293 radiothérapeutes sociétaires du Sou Médical
ont adressé 6 déclarations, dont 2 pour les seuls
radiothérapeutes libéraux, soit une sinistralité de
1,4 % (2/145) [3,9 % en 2005].
Ces déclarations ne prennent en compte que les
assurés par le Sou Médical, car les médecins salariés
hospitaliers sont en principe représentés par leur
institution, qui est assurée en général à la Société
hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM).
J.Y. Nouy (2), directeur général de la SHAM, précise :
Jusqu’à présent, la baisse de la fréquence des récla-
mations a compensé la hausse du coût des sinistres
corporels, permettant ainsi une stabilité tarifaire.
Toutefois, la hausse de la fréquence des réclama-
tions et la forte inflation de la jurisprudence des
juridictions administratives, si elles se confirment,
risquent de conduire à un relèvement tarifaire pour
les hôpitaux publics. Le Panorama 2006 met en pers-
pective deux tendances concernant la sinistralité en
responsabilité civile médicale ; après trois années
de maîtrise, la fréquence des réclamations repart à
la hausse sur le premier semestre 2007, le coût des
sinistres corporels graves progresse très fortement,
principalement du fait de l’inflation de la jurispru-
dence des juridictions administratives” (tableau I
et figure).
Analyse des griefs
Information
et consentement du patient (3)
Cas clinique n° 1
Une mammographie de dépistage individuel réalisée
chez Mme X montre deux images étoilées avec
microcalcifications : l’une à la jonction des quadrants
internes, l’autre dans le quadrant supéro-externe
de la glande.
Létude des mammographies antérieures ne met
pas en évidence de lésion suspecte.
Mme X ne montre pas la mammographie à son gyné-
cologue (prescripteur), mais, et seulement 3 mois
plus tard, à son médecin traitant, qui lui conseille une
exploration chirurgicale en raison de lésions suspectes.
Mme X choisit le Dr Y, qu’elle connaît depuis long-
temps car il a opéré des membres de sa famille.
Après avoir examiné la patiente en consultation et
étudié les mammographies, le Dr Y propose d’effec-
tuer une intervention chirurgicale avec, en raison de
l’existence de deux nodules du sein droit, “un repé-
rage préopératoire et un examen extemporané”.
Le chirurgien, dans un premier temps, pratique deux
quadrantectomies centrées sur des fils repères.
Lexamen histologique extemporané précise qu’il
s’agit de deux carcinomes intracanalaires. Le Dr Y
réalise alors une mammectomie avec curage
axillaire.
Tableau I. Nombre de réclamations : services de médecine et de chirurgie.
Services de médecine Services de chirurgie
Spécialités Nombre
de réclamations Spécialités Nombre
de réclamations
Psychiatrie 35 Orthopédie 1 032
Cardiologie 53 Obstétrique 313
Pédiatrie et néonatalogie 39 Chirurgie viscérale 320
Hépato-gastroentérologie 64 Gynécologie 238
Cancérologie 49 Neurochirurgie 165
Neurologie 25 Chirurgie thoracique 106
Autres 188 Autres 633
Total 453 Total 2 807
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 109
VIE PROFESSIONNELLE
L’histologie confirme un double foyer de carcinome
mammaire droit SBR II, RH+ et N0.
À l’issue de l’intervention, la patiente reçoit une
chimiothérapie selon un protocole CMF en raison de
la taille totale des lésions tumorales (1,2 cm + 0,7 cm)
et du grade SBR intermédiaire. La patiente a reçu six
cures et a ensuite été surveillée régulièrement. Il n’y
a pas eu d’hormonothérapie en raison d’antécédents
d’embolie pulmonaire et de phlébites.
Le chirurgien na pas informé la patiente de l’éven-
tualité d’une mastectomie ; la décision d’en réaliser
une a été prise en peropératoire, après avis télépho-
nique du cancérologue.
Le chirurgien n’a pas voulu réveiller la patiente pour
l’informer ni repousser l’intervention.
En conclusion, même si l’indication de mastec-
tomie était justifiée, on constate que la patiente
n’avait pas été informée de son éventualité et de
ses conséquences possibles. Aucun formulaire de
consentement éclairé n’a été présenté à la patiente
et sa signature n’a pas été recueillie. L’information
a donc été incomplète.
Droit à l’information
et principe du consentement libre et éclairé (3)
Le consentement aux soins, qui nécessite une infor-
mation précise dispensée par les équipes soignantes
et médicales, est une des exigences des personnes
malades. De nombreux textes précisent déjà le droit
à l’information et le principe du consentement libre
et éclairé :
la loi 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme
hospitalière consacre le droit à l’information : “Les
établissements de santé, publics ou privés, sont
tenus de communiquer aux personnes recevant
ou ayant reçu des soins, sur leur demande et par
l’intermédiaire du praticien qu’elles désignent, les
informations médicales contenues dans leur dossier
médical” ;
le code de déontologie médicale précise : “Le
médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne
ou qu’il conseille, une information loyale, claire et
appropriée sur son état, les investigations et les
soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie,
il tient compte de la personnalité du patient dans
ses explications et veille à leur compréhension
(art. 35). “Le consentement de la personne examinée
ou soignée doit être recherché dans tous les cas”
(art. 36) et, pour les mineurs ou majeurs protégés :
“Un médecin appelé à donner des soins à un mineur
ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir
ses parents ou son représentant légal et d’obtenir
leur consentement” (art. 42) ;
le code civil stipule : “Il ne peut être porté atteinte
à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité
thérapeutique pour la personne. Le consentement
de l’intéressé doit être recueilli préalablement, hors
le cas son état rend nécessaire une intervention
thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de
consentir” (art. 16-3 et 16-1) ;
dans la charte du patient hospitalisé, titre IV, on
lit : “Aucun acte médical ne peut être pratiqué sans
le consentement du patient, hors le cas où son état
rend nécessaire cet acte auquel il nest pas à même
de consentir.
La loi 88-1138 du 20 décembre 1988 relative
à la protection des personnes qui se prêtent à
des recherches biomédicales (dite loi Huriet)
précise :
“Le droit de consentir aux actes de soins courants
mais aussi à l’expérimentation thérapeutique est
réglementé en matière de dons d’organes, de tissus,
de cellules et de produits issus du corps humain par
les lois de bioéthique du 29 juillet 1994.
Tout patient informé par un praticien des risques
encourus peut aussi refuser un acte de diagnostic
ou un traitement, et à tout moment l’interrompre
à ses risques et périls. En cas de refus de soins, le
médecin doit respecter la volonté du patient après
l’avoir informé des conséquences de ce refus, mais
un équilibre doit être trouvé avec le devoir d’assis-
tance lorsque la vie du malade est en jeu : ‘Lorsque
le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les
investigations ou le traitement proposés, le médecin
doit respecter ce refus après avoir informé le malade
de ses conséquences’ (art. 36 du code de déontologie
médicale).”
Les articles L 1111-1 à 7 dans leur nouvelle rédac-
tion prennent en compte cette responsabilité que
souhaitent avoir les personnes malades à l’égard de
leur propre santé : une relation plus équilibrée doit
s’établir afin de permettre au malade d’exprimer sa
volonté tout au long du processus de soin, compte
tenu des informations que lui donnent les profes-
sionnels de santé et des choix qu’ils préconisent, et
de respecter sa décision (encadré).
La loi de 2002 précise ces dispositions et les
complète, notamment en ce qui concerne l’accès des
personnes à l’ensemble des informations relatives à
leur santé ; elle reconnaît le droit de chacun à prendre
les grandes décisions qui touchent à sa propre santé.
En cas de litige, c’est désormais au professionnel ou
à l’établissement de santé de prouver qu’il a bien
communiqué l’information au malade.
• “Toute personne a accès à
l’ensemble des informations
concernant sa santé déte-
nues par des professionnels
ou des établissements de
santé […]. Elle peut accéder
à ces informations directe-
ment ou par l’intermédiaire
d’un médecin qu’elle désigne
[…] et en obtenir communi-
cation […].
“La consultation sur
place des informations est
gratuite. Lorsque le deman-
deur souhaite la délivrance
de copies, quel qu’en soit le
support, les frais laissés à sa
charge ne peuvent excéder le
coût de la reproduction et, le
cas échéant, de l’envoi des
documents.
Délai de réponse du profes-
sionnel : Au plus tôt après
qu’un délai de réflexion de
48 heures aura été observé,
au plus tard 8 jours, et 2 mois
si les informations datent de
plus de 5 ans ou lorsque la
commission des hospitali-
sations psychiatriques a été
saisie.
Dans tous les cas, la présence
d’une tierce personne peut
être recommandée par le
médecin, mais le patient
peut refuser cette présence,
et son refus n’a pas de consé-
quence sur l’obligation de lui
communiquer son dossier
médical.
Encadré. Articles
L. 1111-7 et L. 1110-4
du code de la santé
publique.
110 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009
VIE PROFESSIONNELLE
Retard diagnostique
Cas clinique n° 2
M. X est décédé d’un cancer bronchique non à petites
cellules, découvert en septembre 2006 à l’occasion
d’une toux apparue en août 2006. Des clichés des
poumons avaient été faits de manière quasi systé-
matique chaque année depuis 1994. Sans autre
indication que le tabagisme, les clichés de 2004
et de 2005 ont été interprétés comme normaux,
et ce n’est que secondairement, en en connaissant
la localisation sur l’image de 2006, que l’on peut
observer une petite opacité apicale droite sur celle
de septembre 2005.
La mise en cause concerne l’interprétation des deux
clichés thoraciques face et profil de 2004 et 2005.
Certes, ces clichés ont été réalisés dans le contexte
du tabagisme, mais M. X n’était pas suivi par un
médecin traitant, il n’y avait aucune symptomato-
logie (ni toux, ni hémoptysie, ni altération de l’état
général, etc.), aucun examen biologique n’avait été
pratiqué, et l’interprétation de ces clichés a, comme
toujours pour ce patient, été réalisée isolément,
sans qu’il ait été possible de se référer aux clichés
précédents. C’est pourquoi il n’était possible de faire
le diagnostic ou de proposer des examens complé-
mentaires ni en 2004 ni en 2005. Le décès ne paraît
donc pas imputable à l’interprétation, en tant que
telle, de ces clichés.
Il n’y a pas eu d’accident médical ni d’infection iatro-
gène, ni, bien sûr, d’infection nosocomiale.
Définition du retard diagnostique
Il est établi, depuis une jurisprudence maintenant
ancienne, que le médecin n’est tenu, à l’égard de
son patient, qu’à une obligation de moyens, et non
de résultat, mais qu’il doit prodiguer à son patient
des soins consciencieux, attentifs et conformes aux
données acquises de la science.
Sa responsabilité ne peut donc être engagée qu’en
cas de faute prouvée. C’est d’ailleurs ce que la loi du
4 mars 2002 affirme de nouveau à l’article L 1142-1
du code de la santé publique.
Il est reconnu qu’une erreur ou un retard de diagnostic
ne constituent pas en eux-mêmes une faute de nature
à engager la responsabilité du médecin dès lors qu’ils
ne résultent pas d’une méconnaissance des données
acquises de la science au moment il agit, c’est-à-
dire dès lors que le médecin a mis en œuvre tous les
moyens en sa possession pour parvenir au diagnostic
conformément à l’article 33 du code de déontologie
médicale. Il est dit que l’erreur de diagnostic non
fautive est celle que tout professionnel diligent, dans
les mêmes conditions, aurait commise.
A contrario, cela signifie-t-il qu’une erreur de
diagnostic reconnue comme fautive – car le médecin
aurait manqué à son obligation de moyens – relève
ipso facto de la responsabilité de son auteur ?
Importance
du critère d’imputabilité
Le simple fait de rapporter la preuve d’une faute ne
suffit pas à engager la responsabilité d’un profes-
sionnel de santé. Encore faut-il que soit également
démontrée l’existence d’un préjudice ou d’un
dommage et celle d’un lien de causalité direct et
certain entre ce dernier et la faute commise.
Ces principes régissant le droit de la responsabilité
en général s’appliquent également naturellement
lorsque le médecin doit poser un diagnostic.
En effet, dès lors que l’erreur ou le retard de
diagnostic sont reconnus, c’est-à-dire, malheureu-
sement, dès lors que le véritable diagnostic est iden-
tifié, la question se pose en ces termes : le retard de
diagnostic a-t-il eu des conséquences sur l’évolution
de la maladie ou sur son traitement ? Un dommage
lui est-il directement imputable ?
C’est à cette délicate question que devront répondre
les experts médicaux et le juge. En effet, nous rappel-
lerons que le retard ou l’erreur de diagnostic, même
avérés, ne suffisent pas à eux seuls à engager la
responsabilité du médecin.
Le patient doit donc prouver que, si le diagnostic
avait été posé plus tôt, les soins auraient pu être
administrés plus tôt, et qu’ils auraient permis la
guérison ou l’amélioration de l’état de santé, ou
même que le traitement mis en œuvre aurait été
différent, car moins lourd. À défaut, la responsabilité
du praticien sera écartée.
Expertises en droit commun
ou judiciaire (4)
Les expertises en droit commun (dites “judiciaires”)
sont réalisées, autant pour les juridictions civiles que
pénales, par des experts inscrits sur la liste établie
par les cours d’appel et la Cour de cassation.
Leur but est de donner aux magistrats un avis tech-
nique portant sur la nature et l’importance du préju-
dice patrimonial et extrapatrimonial consécutif aux
faits motivant l’expertise. Lexpert devra quantifier
ces différents préjudices (incapacité temporaire totale
[ITT], incapacité permanente partielle [IPP], quantum
doloris, préjudice esthétique ou autre) ; il aura aussi
à apprécier la réalité des faits, ainsi que le lien de
causalité les unissant aux préjudices éventuels.
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 111
VIE PROFESSIONNELLE
Ces expertises judiciaires obéissent à une procé-
dure stricte et spécifique qui justifie une formation
spécialisée et qui pose des problèmes particuliers
de responsabilité et d’application du secret profes-
sionnel.
Il existe de nombreux points communs à l’exper-
tise pénale et civile : les experts sont choisis sur les
mêmes listes, le juge peut choisir un expert non
inscrit ; il a également le choix entre désigner un
ou plusieurs experts pour une mission donnée. La
mission des experts est définie par le juge et précisée
dans la décision qui ordonne l’expertise ; un délai est
imparti pour remplir la mission, il en est de même
pour le rapport.
Contrairement à l’expertise civile, l’expertise pénale
n’est pas contradictoire : la victime sera convoquée
seule, le rapport adressé uniquement au juge ayant
ordonné la mission. Lexpert pourra demander l’avis
d’un sapiteur (faire appel à l’avis d’un autre tech-
nicien sur une question échappant à sa spécialité),
mais seulement après en avoir demandé l’autori-
sation au juge.
Principes médico-juridiques (5)
La réparation d’un même dommage corporel dû à
un accident avec tiers responsable obéit, pour une
victime affiliée à la Sécurité sociale, à deux types
de réparation différents.
En droit social
Selon l’article 111.1. du code de la Sécurité sociale :
“Lorganisation de la Sécurité sociale est fondée sur
le principe de la solidarité nationale. Elle garantit
les travailleurs et leur famille contre les risques de
toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer
leur capacité de bien.
Les caisses de Sécurité sociale engagent immédia-
tement les dépenses nécessaires sans préjuger de
la cause de l’affection ni de la responsabilité du fait
accidentel.
Toute victime d’un dommage corporel bénéficie
auprès de son organisme de Sécurité sociale d’une
indemnisation de ses dépenses de santé, et ce de
manière quasi immédiate, dans le cadre de la légis-
lation sociale.
Cette prise en charge, rapide et efficace, relativise les
délais excessifs des règlements de préjudice dans le
cadre d’une responsabilité litigieuse (liée à un contrat
d’assurance ou à la responsabilité d’un tiers).
Les dommages corporels liés à un accident seront
réparés en fonction de leur survenance, soit au titre
de la législation AS (assurances sociales), soit au titre
de la législation AT (accidents du travail).
Pour que les prestations puissent être payées, l’as-
suré doit remplir des conditions administratives
fixées par la loi, que l’on appelle conditions d’ouver-
ture du droit aux prestations” et qui reposent sur
un minimum d’heures de travail salarié, ou sur un
montant minimal de cotisations.
En droit commun
Selon le code civil, la réparation en droit commun
suppose :
un fait générateur mettant en cause la respon-
sabilité de l’auteur ;
un préjudice actuel et certain ;
un lien de causalité entre la faute et le dommage.
La réparation doit être intégrale : “Le propre de la
responsabilité est de rétablir aussi exactement que
possible l’équilibre détruit par le dommage et de
placer la victime, aux dépens du responsable, dans
la situation elle se serait trouvée si l’acte domma-
geable n’avait pas eu lieu” (Cass. civ, 28.10.1954).
Juridictions (tableau II)
Le tribunal des affaires de Sécurité sociale
Le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS)
est une juridiction de première instance compétente
en matière de Sécurité sociale.
Il existe deux types de contentieux en matière de
Sécurité sociale : le contentieux général et le conten-
tieux technique.
Seul le contentieux général relève de la compé-
tence du TASS. Le contentieux technique relève
de la compétence des tribunaux du contentieux et
l’inca pacité relève de la Cour nationale de l’incapa-
cité et de la tarification de l’assurance des accidents
du travail.
Le TASS a une compétence matérielle : il est la
juridiction compétente pour juger du contentieux
général d’ordre administratif qui oppose les usagers
(particuliers, employeurs ou travailleurs indépen-
dants) aux organismes de Sécurité sociale. Il est
notamment compétent pour se prononcer sur les
litiges relatifs :
à l’affiliation à une caisse de Sécurité sociale ;
au calcul et au recouvrement des cotisations et
des prestations de sécurité sociale.
Le TASS nest pas compétent pour juger des décisions
d’ordre médical, des plaintes relatives aux infractions
au code de la Sécurité sociale, ou encore des conflits
liés aux institutions de retraites complémentaires.
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