Cours02
Auteur : Jean-Pierre HUGOT
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GENETIQUE DES MALADIES CHRONIQUES DE L’INTESTIN
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont des maladies multifactorielles. Cela
signifie qu’elles résultent de la combinatoire de plusieurs facteurs de risque dont certains sont
génétiques et d’autres environnementaux. En d’autres termes, la maladie ne survient qu’après
exposition à un (des) facteur(s) de risque environnemental (aux) sur un terrain génétiquement
prédisposé. Ce terrain génétique n’est lui même pas simple à définir et consiste en une association plus
ou moins complexe de plusieurs variants génétiques à risque.
La figure 1 expose le schéma d’une maladie multifactorielle. La maladie (ou phénotype) est
représentée par un ovale. Elle apparait lorsque le patient est exposé à une combinatoire de facteurs de
risque génétiques et environnementaux. Cette combinatoire est variable d’un sujet à l’autre et module
plus ou moins l’expression de la maladie. Il est donc illusoire de rechercher un seul gène de
susceptibilité pour les MICI et la définition pertinente d’un risque (conseil génétique) n’est pas possible
sans la reconnaissance des nombreux facteurs étiologiques nécessaires à l’expression de la maladie.
Figure 1. Modèle de maladie génétique complexe applicable aux MICI. La maladie est symbolisée par
un ovale. La variabilité de l’expression clinique (couleur) est en partie dépendante des facteurs
étiologiques. Ceux-ci sont variables d’un malade à l’autre et combinent des facteurs génétiques et
environnementaux.
ne
environnement
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La complexité des causes sous-jacentes aux MICI est inconnue et on ne sait pas aujourd’hui
combien il existe de gènes de susceptibilité ni de facteurs de risque environnementaux. Les récents
développements en génétique suggèrent toutefois que les gènes de susceptibilité aux MICI se
comptent par dizaines ou peut être même par centaines. On ne sait pas non plus comment doivent
interagir ces facteurs génétiques entre eux. Le modèle « multifactoriel » reflète donc en grande partie
notre incompréhension des causes de la maladie.
I AGREGATIONS FAMILIALES DE MICI
Lorsque l’on parle de génétique, l’idée de familles de malades vient immédiatement à l’esprit.
Dès 1934, Crohn faisait effectivement mention d’une forme familiale de la maladie. Dans les années
1950, des études cas-témoins ont ensuite démontré que les agrégations familiales de MICI sont
beaucoup plus fréquentes que ne le veut le hasard. L'ensemble des données disponibles indique
clairement que l'existence d'antécédents familiaux de MICI est le principal facteur de risque de MICI.
Cette prédisposition familiale semble plus importante pour la MC que pour la RCH. Elle est, au moins
en partie, commune aux deux maladies.
I-1 Fréquence
Pour la plupart des auteurs, 8 à 10% des sujets atteints de MC ont un ou plusieurs parents,
tous liens de parenté confondus, atteints de MC. De larges fluctuations (allant de moins de 4% à plus
de 20%) ont été publiées et peuvent être en partie expliquées par des différences méthodologiques. Il
semble toutefois que la proportion de formes familiales soit plus élevée si le cas index est un enfant.
Pour la RCH, les agrégations familiales sont moins fréquentes et dans la plupart des études, environ
6% des sujets atteints de RCH ont un ou plusieurs parents atteints de RCH. Dans une famille, si la
concordance pour la maladie est la règle, les familles mixtes comportant à la fois une RCH et une MC
ne sont pas rares, ce qui suggère des facteurs de risque partagés (génétiques et/ou de l’environnement
familial) entre les deux maladies.
I-2 Risque pour les apparentés
Il est possible en faisant une compilation de la littérature d’établir un risque empirique moyen
pour les apparentés de malades. Il s’agit d’un risque grossier qui ne tient pas compte de la structure des
populations étudiées en termes d’âge et de sexe. Ce risque est cependant indicatif et donne un ordre
de grandeur pour informer les patients. Il est indiqué sur les figures 2 et 3. Pour la MC, le risque pour
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les apparentés au premier degré (père, mère, frère ou sœur, enfant) d’un malade est de l’ordre de 1 à
3%. Le risque décroît très vite pour les apparentés au deuxième degré (oncle, neveu) puisqu’il est de
l’ordre de 10 fois moindre. Il est probablement de l’ordre de grandeur de celui de la population générale
pour les apparentés plus lointains. Pour la RCH, le risque est de l’ordre de 1% pour les apparentés au
premier degré et décroît lui aussi très vite si on s’éloigne du sujet index sur l’arbre généalogique.
Figure 2. Risque de développer une MICI pour les apparentés de malade atteint de maladie de
Crohn (en rouge). Le risque empirique moyen issu des données de la littérature est indiqué pour
chaque degré d’apparentement (en %).
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Figure 3. Risque de développer une MICI pour les apparentés de malade atteint de maladie de
rectocolite hémorragique (en vert). Le risque empirique moyen issu des données de la littérature est
indiqué pour chaque degré d’apparentement (en %).
Le risque relatif pour les apparentés peut être calculé en faisant le rapport entre la prévalence
chez les apparentés et celle observée dans la population générale. Le risque relatif de MC pour un
parent au premier degré d'un sujet atteint de MC, est alors estimé entre 10 à 40 et le risque relatif de
RCH pour un parent au premier degré d'un sujet atteint de RCH entre 15 à 20. Ces valeurs sont du
même ordre de grandeur que celles observées pour le diabète insulinodépendant ou la maladie
coeliaque, où une prédisposition génétique forte est bien établie.
Un point essentiel dans l’abord avec le malade est souvent la discussion du risque pour la
descendance. Les chiffres mentionnés plus haut donnent un ordre de grandeur utile. Ils sont cependant
à prendre avec prudence car des valeurs assez disparates ont été publiées et car les risques ont été en
général calculés sur des cohortes anciennes. Or le risque de MC a varié dans le siècle, reflétant
probablement le rôle de facteurs environnementaux (voir le cours d’Antoine Cortot). Il est donc possible
que le risque pour les générations à venir soit différent du risque actuel. Il paraît toutefois raisonnable
d’avancer le risque empirique de 1 ou quelques pourcents. Il faut donc rassurer les malades en leur
disant que dans la très grande majorité des cas l’enfant à naître ne sera jamais malade. L’abstention de
grossesse et a fortiori l’interruption thérapeutique de grossesse ne sont donc aucunement justifiées
pour ce motif.
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1,2
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Dans le cas très rare de couples où les deux conjoints sont atteints de MICI, l’analyse de la
descendance montre que leurs enfants sont très souvent atteints. Le risque est de l'ordre de 30% à
50% après 20 ans. Il s'agit le plus souvent d'une MC quelque soit la maladie des parents. L'observation
de MC dans la descendance de couples où les deux conjoints sont atteints de RCH confirme que la
prédisposition familiale aux 2 types de MICI n'est pas indépendante.
I-3. Caractéristiques cliniques des formes familiales :
Elles ont surtout été étudiées pour la MC où les formes familiales sont plus fréquentes. Toutes
les formes cliniques de la MC sont représentées dans les formes familiales. Il n'existe donc pas de
forme clinique spécifique même si il a été rapporté en moyenne un âge de début jeune et une atteinte
du grêle statistiquement plus fréquente dans les formes familiales.
Deux apparentés atteints de MICI ont tendance à avoir des présentations cliniques proches.
Ceci est surtout vrai si on considère le phénotype MC versus RCH. Ainsi, la probabilité de développer
une MC pour un apparenté de malade atteint de MC est supérieure à celle de développer une RCH et
inversement. Il existe toutefois des familles mixtes comportant à la fois des MC et des RCH ce qui
témoigne qu’il n’existe pas une corrélation parfaite entre apparentés pour le type de MICI. Pour la MC,
une concordance entre apparentés malades pour la localisation a été rapportée mais reste elle aussi
limitée. On ne peut donc prédire valablement le type de MC chez un apparenté de malade d’après le
type observé chez le sujet index.
I-4. Interprétation des agrégations familiales
Comme pour les agrégations ethniques (voir le cours d’Antoine Cortot), les agrégations
familiales peuvent traduire soit une prédisposition génétique soit l'existence d'un facteur
environnemental de prédisposition partagé par les membres d'une même communauté. Ces deux
interprétations ne sont d’ailleurs pas exclusives.
Plusieurs arguments suggèrent qu’il existe une cause génétique dans ces agrégations
familiales. Le principal argument repose sur l’étude de la concordance entre jumeaux pour la maladie.
Pour une maladie purement génétique, il est attendu un taux de concordance entre vrais jumeaux
(monozygotes i.e. génétiquement identiques) de 100%. Ce n’est pas le cas pour les MICI où ce taux de
concordance entre jumeaux monozygotes est de 20 % à 62 % pour la MC et 6 % à 19 % pour la RCH,
selon les études. La part environnementale dans l’étiologie de la maladie est donc importante, en
particulier pour la RCH.
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