On ne peut guère espérer obtenir une amélioration substantielle
dans la surconsommation d’examens complémentaires sans veiller
à une bonne valorisation de l’acte clinique, celle-ci devant prendre
en compte l’hétérogénéité des pratiques cliniques. Le SNMR a fait
une proposition très pragmatique de nomenclature des actes cli-
niques à trois niveaux. Une étude nationale menée en 2002 en a testé
la faisabilité (1). Cette étude a par ailleurs montré que les deux items
auxquels l’acte clinique complexe est le plus étroitement lié sont,
d’une part, le fait qu’il s’agisse d’un nouveau malade (c’est-à-dire
n’ayant pas été examiné par le même praticien depuis au moins
six mois) et, d’autre part, le fait que la consultation se termine par
la rédaction d’un courrier au médecin traitant.
La nécessité d’un espace de liberté tarifaire (pour les 58 % de rhu-
matologues qui sont en secteur 1) est liée à la demande de soins qui
augmente, et qui est amenée à augmenter dans les vingt années à
venir plus rapidement que les ressources de la Sécurité sociale,
fondées sur les cotisations sociales. Mais, dès l’instant où chacun
s’accorde à préserver le libre accès de tous, et en particulier des
plus démunis, aux soins qui leur sont nécessaires, quels sont les
soins dont on peut sans risque libéraliser les tarifs, si ce n’est la
consultation directe du spécialiste ?
Par ailleurs, une autre étude, menée en 2003 dans le cadre du Livre
blanc de la rhumatologie (2)et portant sur la trajectoire du patient
rhumatisant dans le système de soins, avait livré des résultats éton-
nants. Un échantillonnage national de 120 rhumatologues libéraux
avait été appelé à décrire les trois premières consultations de
chaque journée pendant une semaine.
Sur les nombreux items qui avaient été étudiés, deux nous concernent
particulièrement.
Dans 50 % des cas, les rhumatologues ont considéré que les malades
qui venaient les voir en première intention auraient tout aussi bien
pu être pris en charge par leur médecin généraliste ; et dans 50 % des
cas, ils ont considéré que les malades qui leur étaient adressés par
le généraliste l’étaient avec un délai excessif, voire préjudiciable.
Il n’était donc pas déraisonnable de penser qu’il était possible
d’améliorer la performance du système, qui en l’état ne semblait
pas se distinguer de celle du simple hasard.
En quoi consiste la réforme ?
La loi du 13 août 2004 (3),pour se limiter aux aspects qui concer-
nent notre sujet, définit dans son article 7 le statut de médecin-
traitant : “Afin de favoriser la coordination des soins, tout assuré ou
ayant droit âgé de 16 ans ou plus indique à son organisme gestion-
naire de régime de base d’assurance maladie le nom du médecin
traitant qu’il a choisi avec l’accord de celui-ci. Le médecin traitant
peut être un généraliste, un spécialiste ou un médecin hospitalier.
Le ticket modérateur peut être majoré pour les assurés n’ayant pas
choisi de médecin traitant, ou consultant un autre médecin sans
prescription de leur médecin traitant.”
Le contrepoint de cette mesure étant l’article 8, qui permet des
dépassements tarifaires en accès direct pour les spécialistes du
secteur 1.
On notera que l’article 6 de la même loi, traitant des affections
de longue durée (ALD), prévoit que “le médecin traitant et le
médecin-conseil établissent conjointement un protocole de soins,
périodiquement révisable, définissant les actes et prestations
nécessités par le traitement de l’affection. Le médecin, qu’il exerce
en ville ou en établissement de santé, est tenu de certifier lors de
l’établissement des documents nécessaires au remboursement qu’il
a pris connaissance du protocole et de s’y conformer”.
C’est un aspect à la marge de notre sujet, mais qui est cependant
susceptible d’interférer avec lui et de peser sur le choix du médecin
traitant par les malades atteints d’ALD.
Enfin, l’article 3 prévoit pour le 1er janvier 2007 “la création d’un
dossier médical personnel informatisé dans lequel chaque profes-
sionnel de santé reporte, à l’occasion de chaque acte, les éléments
diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des
soins”.
La Convention nationale des médecins généralistes et spécialistes
du 3 février 2005 précise dans son article 1.1.1 les missions du
médecin-traitant, qui sont d’assurer le premier niveau de recours
aux soins, d’orienter le patient dans le parcours de soins coordon-
nés, d’assurer les soins de prévention, de favoriser la coordination
par la synthèse des informations transmises par les différents inter-
venants, d’apporter au malade toute information permettant d’as-
surer une permanence d’accès aux soins, et de rédiger le protocole
des soins de longue durée en liaison ou selon la proposition du
ou des médecins correspondants participant à la prise en charge
du malade.
On notera que, sur le plan financier, la valorisation du rôle du
médecin traitant (article 1.1.4) repose sur une forfaitisation de
40 euros par an et par ALD suivie, alors que la valorisation
du rôle de médecin correspondant (article 1.2.2) repose sur une
ébauche de nomenclature des actes cliniques structurés autour du
parcours de soins du patient. Il y aura ainsi trois niveaux de rému-
nération de l’acte clinique du rhumatologue.
L’acte clinique de consultant coté C2 est à la fois étendu à tous les
spécialistes, quel qu’ait été leur cursus de formation (60 % des
rhumatologues n’y avaient pas accès), et redéfini comme un avis
ponctuel, nécessitant d’adresser au médecin traitant les conclusions
et les propositions thérapeutiques et de suivi, pour un patient n’ayant
pas été examiné par le même praticien depuis au moins six mois,
et sans possibilité de demander à le revoir dans les six mois suivants
(mais le patient ou son médecin généraliste peuvent prendre l’ini-
tiative de le reconsulter). Le médecin consultant peut réaliser les
actes techniques nécessaires à son avis de consultant.
Un deuxième niveau de rémunération, comportant la majoration
de coordination de soins (MCS), est affecté à tous les autres actes
spécialisés réalisés dans le cadre du parcours de soins, c’est-à-dire
tous les actes nécessitant un suivi partagé entre le rhumatologue
et le médecin généraliste (CS [consultation spécialisée] + MPC
[majoration provisoire de la consultation] + MCS = 27 euros).
C’est le cas bien sûr dans le suivi partagé des ALD (sauf si le rhu-
matologue a accepté d’endosser le rôle de médecin traitant), mais
aussi dans celui de toute situation où l’importance de la pathologie
justifie un partage de l’information. Il en ressort que le médecin
rhumatologue peut prendre l’initiative de la protocolisation des soins
au vu de la pathologie que présente son patient.
Enfin, dernier niveau de rémunération, l’accès direct au spécialiste
de secteur 1 sera remboursable sur la base CS + MPC, soit
25 euros, mais facturable avec un dépassement autorisé (DA) d’au
plus 17,5 %, soit 7 euros, non remboursable par la Sécurité sociale.
Un même dépassement de 17,5 % pourra être appliqué aux actes
techniques dans les mêmes conditions d’accès direct, et sans que
ÉDITORIAL
La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005
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