Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 2, mai 2000 67
kiosque kiosque
Des centaines !
C’est le nombre d'articles, entre-
tiens et entrefilets parus entre janvier et
mars dans la presse grand public sur la
maladie d’Alzheimer, à l’occasion de la
campagne nationale de sensibilisation. Et
cette dernière trouve tout naturellement sa
place dans les quotidiens, place parfois un
peu inattendue, entre le loto des majorettes
et le tournoi de l’amicale bouliste, offrant
au lecteur la délicieuse incongruité des
associations fortuites. En tout cas, pas de
doute, nul n’est désormais censé ignorer le
B-A-BA de cette douloureuse affection.
J’en veux pour preuve les “dix signes qui
annoncent la maladie”, exposés avec toute
la clarté nécessaire par Dossier Familial de
février en deux petites pages, de la perte de
mémoire au manque d’enthousiasme, en
passant par la désorientation et les pro-
blèmes de langage. Tant d’informations
devraient combler les 77 % de Français qui
s’estiment insuffisamment informés sur ce
sujet (Nord Eclair du 1er février). À l’ex-
ception des malades eux-mêmes, auxquels
on peut remarquer que la parole n’a pas, à
ma connaissance, été donnée une seule
fois. Il est vrai que le langage leur manque
parfois et que leur jugement ne brille pas,
mais est-il totalement exclu d’avoir l’opi-
nion des patients en début de maladie sur,
par exemple, l’annonce du diagnostic ? Le
lecteur pourra se reporter, sur cet aspect,
au livre écrit par Mme Claude Couturier,
Puzzle, journal d’un Alzheimer aux édi-
tions Josette Lyon.
Catastrophe !
Disons-le, la lecture de cette
presse, peut-être par effet d’accumula-
tion, n’encourage pas à l’optimisme, à
moins de se féliciter en tant que neuro-
logue de cette abondance de patients,
véritable garantie contre le chômage. Les
quotidiens régionaux affichent, avec un
bel ensemble, le nombre de patients
atteints dans chaque région, département,
ville (3 000 en Dordogne, 3 500 dans
les Pyrénées-Atlantiques, 2 000 en
Aveyron, 2 200 dans l’Aude, 6 000 à
8000 dans les Bouches-du-Rhône…), a
priori une bonne idée pour cartographier
la répartition de la maladie, mais qui a
aussi pour résultat de donner aux
annonces un côté catastrophique, recen-
sement des victimes de guerre, de cata-
clysme ou d’épidémie. Peut-être une des
dernières frayeurs de l’an 2000,
Alzheimer inquiète l’Alsace du 4 février ;
elle fait franchement peur à la Marne
Libre (même date), à Presse Océan
(même date), et au Courrier de l’Ouest
(même date) ; elle est carrément le fléau
de l’an 2000 pour la Provence du 5
février, enfin, pour la République du
Centre du 2 février, c’est une guerre civi-
le. Difficile dans ces conditions de dédra-
matiser la situation comme s’y emploie
l’Est Éclair du 5 février. Réussite média-
tique indiscutable néanmoins pour cette
campagne d’information, au point que
France Alzheimer, qui en était l’instiga-
teur, s’est vu décerner un Top Com
d’Or dans l’Expression d’Entreprise du
31 janvier. Forte de son succès, on
apprend dans La Tribune et Le Progrès
que France Alzheimer s’est fédérée avec
l’association pour la recherche sur l’épi-
lepsie, l’association pour la recherche sur
la sclérose en plaques, l’association
France Parkinson et l’association pour la
recherche sur la sclérose latérale amyo-
trophique pour former la FRC : fédéra-
tion pour la recherche sur le cerveau
(l’Est Républicain, 3 février).
Dépister…
Est un maître mot de toute cam-
pagne d’information. Santé Magazine de
mars 2000 propose ainsi un article sur le
bilan mémoire, en décrivant les étapes cli-
niques et paracliniques qui mènent au
diagnostic. Muni de sa petite check-list,
le patient va maintenant pouvoir évaluer
la qualité de la démarche de son médecin.
Zorro Alzheimer ?
Pas le vrai, mais cet obstétricien
américain qui, après une césarienne,
apparemment ravi de son œuvre, s’est
mis dans la tête de graver ses initiales au
scalpel sur l’abdomen de sa patiente. Et
qui l’a fait. D’où le surnom donné par
ses collègues de Docteur Zorro. Le
Républicain lorrain du 30 janvier préci-
se par la voix de son avocat qu’il souffre
d’une maladie d’Alzheimer avancée, ce
qui fait froid dans le dos. Faudra-t-il
dépister réguliérement la démence chez
tous les praticiens ?
Alzheimer
Oui, mais Aloïs. Tel
Frankenstein, assimilé à la créature
qu’il a fabriquée, Aloïs Alzheimer se
voit (se verrait s’il était encore en vie)
dépossédé de son patronyme au profit
de la maladie qu’il a découverte.
L’Alsace du 5 février propose ainsi “un
geste contre Alzheimer”, ce qui n’est
pas charitable pour le brillant aliéniste.
C’est la rançon de la gloire posthume
que d’appartenir à ses malades ; ne
disons-nous pas couramment de tel
patient qu’il “a” l’Alzheimer ? Science
et Avenir de mars, pour la publication
du livre Alzheimer, vie d’un médecin,
histoire d’une maladie aux éditions
Michalon, insiste sur le fait qu’Aloïs
était, l’œil rivé au microscope, un
“grand observateur du cœur humain”.
En décrivant les plaques séniles, pen-
sait-il qu’elles siégeaient dans le fais-
ceau de Hiss ? Si tel était le cas,
l’illustre découvreur a dû sécher
quelques cours d’anatomie à la faculté.
Il faut dire que certains n’hésitent pas
à comparer le cerveau à un muscle
qu’une gymnastique appropriée est
propre à entretenir. Mais c’est une
métaphore (L’Alsace du 9 février).
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