CONGRÈS RÉUNION 23e symposium international sur la SLA et les maladies du motoneurone Du 5 au 7 décembre 2012, Chicago, États-Unis P.F. Pradat*, H. Blasco** * Laboratoire UMRS 678, Inserm/ UPMC et département des maladies du système nerveux, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ** CHRU de Tours, laboratoire de biochimie et de biologie moléculaire, unité Inserm U930, équipe 2 neurogénétique et neurométabolomique, université François-Rabelais, Tours. Le 23e congrès international sur la sclérose latérale amyotrophique (SLA) a eu lieu à Chicago au début du mois de décembre 2012. Il a témoigné une nouvelle fois de la richesse de la recherche aussi bien fondamentale que clinique sur la SLA. Des avancées importantes ont été présentées dans le domaine des biomarqueurs neuroradiologiques et biologiques. La découverte récente d’un gène majeur impliqué dans les formes familiales de SLA, le gène C9ORF72, a fait l’objet de nombreuses communications. De nouvelles pistes thérapeutiques se profilent, comme l’utilisation d’oligo­ nucléotides antisens dans les formes familiales liées à une mutation du gène SOD1. Marqueurs de la maladie Marqueurs neuroradiologiques ◆◆ Imagerie par TEP scan : mesurer l’inflammation dans la maladie L’implication de processus inflammatoires a été bien démontrée dans des modèles murins de SLA. L’étude présentée par P. Corcia (Tours) montre que cet état d’activation des cellules microgliales peut être visualisé chez l’homme. Pour cela, les auteurs ont utilisé un nouveau traceur, le 18F-DPA-714, qui se fixe sur les cellules microgliales seulement lorsqu’elles sont activées (figure 1). ◆◆ IRM de la moelle épinière : un marqueur de l’évolution de la maladie Un travail présenté par P.F. Pradat (Paris) a utilisé une méthode permettant de mesurer avec précision la surface de la moelle épinière (figure 2). Cette méthode s’est révélée être suffisamment sensible Figure 1. TEP scan montrant les zones où le traceur radioactif se fixe sur les cellules microgliales. Figure 2. IRM de la moelle épinière au niveau cervical. Il est possible d’extraire des coupes transversales de la moelle épinière. Grâce à des logiciels de traitement de l’image, on mesure la surface de la moelle épinière. La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 | 105 CONGRÈS RÉUNION pour détecter une diminution du volume de la moelle épinière chez les patients atteints de SLA par rapport à des sujets indemnes de la maladie. Lorsque cette IRM est répétée chez les patients après un délai moyen de 11 mois, il est possible de mesurer une diminution du diamètre de la moelle qui est corrélée à l’aggravation clinique de la maladie. Marqueurs biologiques Les publications scientifiques utilisant l’approche métabolomique dans la recherche de biomarqueurs ont commencé à paraître dans le domaine de la SLA. Ces études s’affinent et se complexifient avec des innovations importantes dans les techniques analytiques utilisées. Une équipe suédoise ayant déjà publié dans ce domaine (Wuolikainen et al., 2011 et 2012) a présenté la validation du concept d’analyse métabolomique (spectroscopie par résonance magnétique et spectro­ métrie de masse [SRM]) couplée aux analyses de lipides, de protéomique et de génétique (génome complet) à partir de prélèvements sanguins et de liquide céphalorachidien (LCR) de patients atteints de SLA ou de maladie de Parkinson et de sujets témoins. Un autre travail, présenté par H. Blasco (Tours), portant sur l’analyse du LCR de patients atteints de SLA par 3 techniques analytiques de pointe (SRM et 2 techniques complémentaires de spectrométrie de masse), a mis en évidence qu’il était possible de distinguer le profil métabolique de patients atteints ou non de SLA. Ainsi, ces approches métabolomiques semblent particulièrement adaptées pour, premièrement, identifier la signature métabolique aidant au diagnostic précoce de SLA et à la caractérisation du phénotype et, deuxièmement, isoler les métabolites pertinents, ce qui peut contribuer à une meilleure compréhension des voies physiopathologiques impliquées et des altérations métaboliques décrites dans la SLA. Facteurs génétiques ◆◆ C9ORF72 : une fonction toujours mystérieuse La découverte en 2011 de l’expansion anormale d’un hexanucléotide (GGGGCC) dans le premier intron du gène C9ORF72 a suscité l’intérêt de nombreuses équipes, qui se sont alors focalisées sur l’étude des fonctions de cette protéine et des conséquences de ces répétitions introniques anormales. 106 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 L’une des équipes américaines à l’origine de la découverte de l’expansion d’hexanucléotide dans C9ORF72 (Dejesus-Hernandez, États-Unis) a présenté ses résultats sur l’étude de la taille des répétitions et l’évaluation de la stabilité de ces répétitions présentes dans différentes régions du cerveau et différents tissus périphériques chez des patients porteurs de ces anomalies dans C9ORF72. Cette étude concerne peu de sujets mais elle décrit une intéressante hétérogénéité dans la longueur des répétitions selon les tissus, révélant donc une instabilité somatique. Cette observation pourrait devenir un élément important à prendre en compte dans l’interprétation de ces données tant pour le diagnostic des patients que pour la recherche. Dans un autre travail, parmi les gènes dont l’expression est modifiée par les répétitions de C9ORF72, 40 seraient impliqués dans les maladies neuro­ dégénératives (Baker, États-Unis). Par ailleurs, lorsqu’on reprend les analyses de génome complet et après exclusion des patients mutés pour C9ORF72, il semble exister d’autres variations associées à la SLA dans cette région du chromosome 9 (Jones, États-Unis). ◆◆ Théorie oligogénique Une analyse des gènes TDP-43, FUS, SOD1, ANG et C9ORF72 dans une grande cohorte de cas de SLA familiales, de SLA sporadiques et de sujets témoins montre que la présence de mutations multiples est supérieure à celle prédite par la probabilité de retrouver ces mutations par hasard (Van Es, PaysBas). Ainsi, cette théorie oligogénique doit être prise en compte dans le conseil génétique et les études de gènes candidats par analyse d’exome (Williams, Australie) ou de génome. Essais thérapeutiques CK2017357 (tirasemtiv) : améliorer la contraction musculaire L’étude présentée par J. Shefner (États-Unis) avait pour objectif de faciliter les capacités de contraction musculaire en activant la troponine. Ce travail a regroupé des données provenant de 3 essais antérieurs menés avec le tirasemtiv (laboratoires Cytokinetics), qui avaient chacun des effectifs de patients limités. Les résultats sont encourageants, car il existe peut-être un effet (“une tendance”) améliorant certains scores cliniques comme la CONGRÈS RÉUNION force ou l’endurance. Une étude de phase II internationale (BENEFIT ALS) cherchera à confirmer ces résultats. NP001 : agir contre l’activation des macrophages Il s’agit d’une stratégie thérapeutique qui vise à lutter contre l’inflammation. Si l’acteur principal de l’inflammation cérébrale est la cellule microgliale, un autre mécanisme, qui a été défendu par S. Appel (États-Unis) sur la base de travaux fondamentaux, fait intervenir une activation des macrophages en périphérie qui envahissent secondairement le système nerveux central. La molécule NP001 (laboratoire Neuraltus), par des mécanismes qui ne sont pas complètement élucidés, vise à bloquer ce processus. R. Miller (États-Unis) a présenté les résultats d’une étude de phase II menée chez 136 patients où le produit était administré par voie intraveineuse tous les mois pendant 6 mois. Il existe peut-être une tendance à l’amélioration de paramètres cliniques. Une étude de phase III est prévue en 2013 afin de poursuivre l’analyse des effets de cette molécule. dans la moelle lombaire dans 12 cas et la moelle cervicale dans 6 cas. L’injection, réalisée par un neurochirurgien très expérimenté dans la chirurgie de la moelle épinière, n’a pas entraîné de complications postchirurgicales. Les courbes d’évolution des patients ont été présentées lors du congrès, sans qu’il soit possible de conclure quant à l’efficacité du procédé. Des échantillons de moelle épinière prélevés post mortem ont montré que la procédure d’injection n’entraînait pas de lésions significatives de la moelle épinière. Par ailleurs, des cellules provenant du donneur étaient retrouvées, prouvant que l’injection avait été efficace. En revanche, il est à regretter qu’aucune donnée n’ait été présentée sur le devenir de ces cellules et notamment leur degré de différenciation. Olésoxime : un essai négatif mais qui fournit des informations importantes Les résultats finaux de l’essai thérapeutique avec l’olésoxime ont été présentés par T. Lenglet (Paris). Le mode d’action principal de l’olésoxime est de moduler l’activité du pore de transition mitochondrial, avec pour effet une diminution des phénomènes de stress oxydant et Antisens dans les formes familiales de SLA liées à une mutation de la protéine SOD1 Une étude présentée par T. Miller (États-Unis) a reposé sur l’utilisation d’oligonucléotides antisens pour bloquer l’expression de la SOD1 (figure 3). Il s’agit des premiers résultats portant sur une série de 32 patients présentant une forme de SLA liée au gène SOD1 et traités par voie intrathécale. Le traitement a été très bien toléré, et les oligonucléotides étaient détectables aux doses attendues dans le LCR. En revanche, aucun résultat n’a été communiqué quant à l’effet du traitement sur l’évolution de la maladie. Injection de cellules souches dans la moelle épinière Les premiers résultats d’un essai mené par la société de biotechnologie Neuralstem ont été présentés par J. Glass (États-Unis). Cet essai a concerné 18 patients chez lesquels l’injection a été réalisée Protéine ADN ARN messager STOP Oligonucléotide antisens Figure 3. Mécanisme d’action des oligonucléotides antisens : bloquer la production de la protéine SOD1 en se liant aux ARN messagers. La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 | 107 CONGRÈS RÉUNION d’apoptose. L’essai thérapeutique randomisé incluant 512 patients s’est révélé négatif sur l’ensemble des critères étudiés. Il faut noter que la survie globale des patients inclus dans l’étude était sensiblement supérieure à celle mesurée dans les essais thérapeutiques précédents. Cela souligne sans doute les progrès accomplis ces dernières années dans la prise en charge symptomatique de nos patients atteints de SLA, que ce soit sur le plan nutritionnel ou respiratoire, avec en particulier l’usage plus étendu de la ventilation non invasive. Ceftriaxone : agir contre l’excès de glutamate Un essai nord-américain présenté par M. Cudkowitz (États-Unis) a testé l’effet de la ceftriaxone, qui, en plus de son activité antibiotique, a la propriété d’augmenter la recapture du glutamate par les astrocytes. Cette étude, qui a inclus 513 patients atteints de SLA, n’a toutefois pas montré d’effet sur les différents critères cliniques évalués. Traitements symptomatiques Dans ce travail présenté par M. Abdelnour (Paris), et qui vient d’être publié, 2 échelles adaptées spécifique- ment à la mesure de l’hypersalivation ont été validées sur une série importante de patients souffrant de SLA. Une de ces 2 échelles, appelée SSS (Sialorrhea Scoring Scale), a été utilisée pour l’évaluation de l’effet de la radiothérapie des glandes salivaires pour diminuer l’hypersalivation dans la SLA (Assouline A et Pradat PF, Paris). Les auteurs ont utilisé de nouvelles techniques de radiothérapie pour permettre de cibler précisément la région à irradier, ce qui permet également d’épargner au maximum l’irradiation des organes voisins et donc d’avoir un maximum d’efficacité avec un minimum d’effets indésirables (figure 4). L’efficacité sur les 40 premiers malades de l’étude a été nette. La gêne salivaire a complètement disparu dans 80 % des cas et a diminué de façon significative dans 20 % des cas. Nutrition et épidémiologie Quel est le rôle des habitudes alimentaires avant la survenue de la maladie ? Une étude cas-témoins a porté sur un interrogatoire nutritionnel réalisé chez 747 patients souffrant de SLA comparés à 2 385 sujets témoins (Seelen, Hollande). Les sujets devaient préciser leurs habitudes alimentaires avant la survenue de la maladie. Les sujets qui allaient développer une SLA avaient statistiquement une alimentation plus riche en matières grasses et en nutriments ayant des propriétés antioxydantes. Il n’y avait en revanche pas de relation avec la consommation de glutamate ou de calcium. Les résultats de ce type d’étude doivent être interprétés avec prudence compte tenu de la multiplicité des biais possibles inhérents à ces études cas-témoins. Vitamine D : un nouveau facteur impliqué dans la SLA ? Figure 4. Représentation sur une image reconstruite en 3D des 2 champs d’irradiation (virtuels) : petits rectangles, en bleu (à gauche) et en rouge (à droite) avec, à l’intérieur de ces champs, les 4 principales glandes salivaires (parotides droite et gauche et glandes sous-maxillaires droite et gauche). Juste à côté, la moelle épinière (en rose) et le tronc cérébral (en violet) sont représentés mais sont totalement exclus des champs de radiothérapie. 108 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 Une importante étude rétrospective portant sur le rôle possible d’une carence en vitamine D a été présentée par N. Pageot, qui appartient à l’équipe de W. Camu (Montpellier). Elle suggère que, en présence d’un déficit sévère en vitamine D, la maladie évolue 6 fois plus vite qu’en cas de dosage normal. N. Pageot a insisté sur le fait que ces résultats devaient être confirmés par une étude prospective. CONGRÈS RÉUNION Analyser des foyers d’incidence élevée de SLA : le rôle des cyanobactéries Dans une communication présentée par E. Lagrange, les équipes de Grenoble et de Montpellier ont rapporté l’étude d’un village identifié en HauteSavoie où l’hypothèse d’une toxine sécrétée par des cyanobactéries a été étudiée sur des prélèvements d’eau et de mousse ; l’étude a également détecté la présence d’une toxine appelée BMAA dans le cerveau d’un sujet. Rappelons que cette hypothèse toxique est actuellement évoquée pour rendre compte de l’incidence particulièrement élevée de SLA dans l’île de Guam. Quels modèles choisir pour étudier la SLA ? Cette étude a montré un dysfonctionnement des lysosomes à tous les stades de la maladie. Ce résultat met l’accent sur des anomalies du transport du cholestérol qui induiraient une accumulation de cholestérol, délétère pour les motoneurones. Un modèle in vitro d’astrocytes, neurones et oligodendrocytes issus de cellules souches neurales a montré une toxicité des astrocytes sur les moto­ neurones similaire dans la SLA sporadique et familiale (Meyer, États-Unis). Alors qu’une diminution de l’expression de SOD1 pourrait atténuer la toxicité médiée par les astrocytes issus de SLA sporadiques, une autre étude a montré que les astrocytes issus de modèles murins surexprimant TDP-43 muté n’étaient pas toxiques pour les neurones moteurs, ce qui laisse supposer que le mécanisme de toxicité induite par les astrocytes n’est pas commun à tous les types de SLA. Modèles in vitro Les nouvelles avancées technologiques et méthodologiques permettent de différencier efficacement des cellules souches embryonnaires (ES) en neurones moteurs. Ainsi, on peut programmer la différenciation des ES en différents sous-types de neurones moteurs par l’intermédiaire de facteurs de transcription (Thams, Royaume-Uni). Ces modèles constituent l’avenir en termes de modèle cellulaire. Une équipe a validé cette technique à partir d’ES issus de souris transgéniques TDP-43, permettant ainsi de proposer un modèle préclinique in vitro (Soundararajan, États-Unis). Différentes études soulignent le rôle primordial des cellules non neuronales, rappelant l’importance de leur implication dans la mise au point de modèles cellulaires. Une équipe a analysé l’expression des gènes des astrocytes à différents moments de l’évolution de la maladie dans un modèle murin ­ de SLA, les souris SODG93A (Black ­burn, États-Unis). Modèles in vivo De nouveaux modèles de souris transgéniques sont en développement ou ont déjà fourni des résultats intéressants avec des caractéristiques de la maladie plus ou moins spécifiques. Par exemple, le développement d’une nouvelle souris FUS (exprimant la protéine tronquée FUS-R495X) s’est révélé utile pour l’étude de la toxicité de la protéine mutée (Valori, Allemagne). Un modèle de poisson-zèbre (Robberecht, Belgique ; Schmidt, Allemagne ; Aggad, Canada) s’est révélé pertinent pour la recherche de nouveaux gènes tels que EphA4, ou l’étude de gènes précédemment identifiés tels que TDP-43. De plus, des vers ou encore la drosophile peuvent aussi être des modèles faciles d’utilisation et pertinents dans certaines études ciblées sur des gènes donnés (TDP-43[Aggad, Canada] ; FUS [Jia, États-Unis]). ■ La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 | 109