I Y a-t-il des caractéristiques anatomopathologiques particulières des petites

8 | La Lettre du Sénologue ̐53 - juillet-août-septembre 2011
DOSSIER THÉMATIQUE Les petits cancers du sein
* Service de pathologie. ** Service
de biostatistique. *** Département
d’oncologie médicale, hôpital René-
Huguenin, institut Curie, Saint-Cloud.
Y a-t-il des caractéristiques
anatomopathologiques
particulières des petites
tumeurs du sein ?
Is there any particular pathologic feature of small breast cancer?
J.M. Guinebretière*, D. Stevens**, F. Lerebours***
I
l est connu depuis longtemps que la taille des
cancers du sein constitue un facteur pronos-
tique important, en lien direct avec l’évolution
et la survie. C’est pourquoi Pierre Denoix conçut
et réussit à instituer une classification universelle,
le TNM qui reposait sur 3 paramètres facilement
mesurables, dont la taille, pour constituer des
groupes homogènes de patients et permettre ainsi
des comparaisons entre séries ou traitements. Cette
classification publiée pour la première fois en 1953
en est aujourd’hui à sa 7
e
édition, traduite sous
l’égide de l’Union internationale contre le cancer
(UICC) dans plus d’une dizaine de langues.
C’est aussi la raison de l’essor du dépistage, qui
assure la détection de lésions de petite taille,
souvent infracliniques au meilleur pronostic, et
dont les traitements locaux et généraux peuvent
être plus limités.
Nous évaluerons ici la part qu’elles représentent dans
le recrutement de routine, puis nous détaillerons
leurs principales caractéristiques histologiques et
pronostiques en comparaison avec les tumeurs de
plus grande taille, à partir d’une série hospitalière
récente dont l’évaluation de ces facteurs est homo-
gène et à partir de différentes séries publiées.
Comment définir une petite
tumeur ?
Au regard de la littérature, de nombreuses termino-
logies comme “mininal breast cancer” (1) ou “early
breast cancer”, de multiples définitions et valeurs
seuils ont été utilisées (10, 15, 20 et même 30 mm)
[2]. Avec le temps, ces valeurs tendent à se réduire.
Nous détaillerons les tumeurs T1 dont la taille ne
dépasse pas 20 mm, plus particulièrement les caté-
gories T1a-b (moins de 10 mm). Ce choix est arbitraire
mais il facilite les comparaisons.
Que représentent ces petites
tumeurs dans notre quotidien ?
Si leur part est croissante, elle est difficile à évaluer en
raison des multiples modifications de l’incidence du
cancer du sein observées ces dernières années. Elles
s’inscrivent d’abord dans l’augmentation continue
et graduelle de l’incidence liée à différents facteurs,
notamment l’amélioration des techniques de visuali-
sation (mammographie numérique ou échographe à
sonde de haute résolution) permettant de découvrir
des lésions infracliniques, voire infraradiologiques pour
l’IRM ou le scanner avec perfusion. Ensuite et surtout,
leur diffusion à travers le dépistage à la fois individuel
et, aujourd’hui, organisé sur l’ensemble du territoire
permet une détection de masse. Enfin, l’allongement
de la durée de vie globale, qui augmente la période
d’exposition aux différents facteurs de risque, fait qu’il
devient possible à un plus grand nombre de patientes
de développer un cancer, dont on sait qu’il est statis-
tiquement lié à l’âge.
En France, l’incidence a doublé en l’espace de 20 ans,
passant de 21 200 cas en 1980 à 41 800 en 2000
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Points forts Mots-clés
Cancer du sein
Taille
Tumeurs non
palpables
Dépistage
Pronostic
(3) alors que la mortalité n’a que peu changé. Laug-
mentation a porté principalement sur les lésions de
petite taille.
Ces chiffres se modifient en permanence, comme en
témoigne la baisse récente de l’incidence attribuée à
la réduction de prescription des traitements hormo-
naux substitutifs (4) et qui concernerait davantage
les tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux (5).
Toutes ces variations expliquent qu’il est important
d’évaluer les caractéristiques sur les années les plus
récentes, raison pour laquelle nous présentons ici
les données recueillies dans notre structure sur 1
seule année et dont le recrutement est essentielle-
ment régional, pour limiter les risques induits par
ces variations.
Considérons d’abord la taille clinique (tableau I) :
T1 : les tumeurs malignes les plus fréquentes (un
tiers de la population) ;
T2 et T0 : ces tumeurs représentent chacune un
quart de la population ;
T3 et T4 : la part n’est que de 5 % chacune.
Cette répartition, très différente de ce qui était
rapportée autrefois, est une conséquence directe
des dépistages, individuel et organisé.
Pour la taille histologique (tableau II), le pic d’inci-
dence s’observe pour les lésions entre 10 et 19 mm,
puis entre 20 et 29 mm, et se répartit ensuite entre
les différentes catégories. La série la plus récente
montre que l’incidence progresse pour les lésions
de moins de 20 mm. La taille histologique est plus
précise que la taille clinique, et sa valeur pronostique
est supérieure. Elle peut être mesurée sur la pièce
d’exérèse (taille macroscopique) ou directement
au microscope (taille microscopique) [figure 1].
La corrélation entre taille radiographique, clinique
et histologique n’est pas toujours parfaite, parti-
culièrement pour ces petites lésions. On retrouve
ainsi des variations de plus de 5 mm entre les tailles
macroscopique et microscopique dans 14 % des cas,
et de 3 à 5 mm dans 20 % des cas (6). La taille
microscopique permet de mieux évaluer la portion
infiltrante de la tumeur et aurait la
meilleure valeur pronostique (6).
Quelles sont leurs
caractéristiques ?
Type histologique
Les types histologiques de ces petites
tumeurs diffèrent peu par rapport
à l’ensemble des tumeurs. Ils sont
dominés par la forme canalaire infil-
trante, qui représente entre 70 et
75 % des cas. Ces types histologiques
présentent 2 particularités : d’abord,
une augmentation des types spéciaux
bien différenciés, représentant entre
10 et 15 % des cas, incluant les formes
tubuleuse, papillaire infiltrante, cribri-
forme infiltrante et mucineuse, qui
sont de meilleur pronostic (6, 7) ;
ensuite, une plus faible incidence des
carcinomes lobulaires rapportée par
certaines équipes, allant de 3 % (6) à
7 % (7) pour une moyenne habituelle
aux environs de 10 %, ce qui peut être
lié à la difficulté de leur détection.
Tableau I. Nombre de nouveaux cancers infiltrants du sein
pris en charge à l’hôpital René-Huguenin en 2007 selon leur
taille clinique (T).
Lésions infiltrantes (960)
Taille Effectifs %
T0 236 24,6
T1 314 32,7
T2 242 25,2
T3 48 5
T4 45 4,7
Non précisé 75 7,8
Tableau II. Répartition de la taille histologique (pT) pour la
série de patientes traitées en 2007 à l’hôpital René-Huguenin
(HRH) et pour la SEER (enquête épidémiologique permanente
des États-Unis entre 1990 et 2002).
Séries HRH (%) SEER (%)
0 à 4 mm 4,5 7,1
5 à 9 mm 14,3 12,2
10 à 19 mm 44,8 31,0
20 à 29 mm 21,2 18,0
30 à 39 mm 6,7 7,8
40 à 49 mm 4,8 3,9
50 à 99 mm 3,6 5,6
100 mm et plus 0,1 0,8
Figure 1. Carcinome canalaire infiltrant
bien différencié. Coloration HES x 5. La
taille de la lésion est mieux évaluée au
microscope où il est plus facile de déter-
miner l’extension de la composante infil-
trante. Elle mesure ici 8 x 6 mm et les
spicules, qui convergent vers le centre ne
comportent pas de tumeur.
Highlights
The proportion of small
tumors regularly increases as
a consequence of screening.
– Well-differentiated heteroge-
neous tumors are associated
with good prognosis: low
SBR grading, low incidence
of limited axillary lymph node
involvement and of vascular
emboli, high expression of
hormonal receptors, and low
proliferation rate.
Keywords
Breast cancer
Size
Non palpable tumors
Screening
Prognosis
»
Si elles sont également hétérogènes, les petites tumeurs comportent davantage de formes histologiques
particulières, bien différenciées, comme le carcinome tubuleux.
»Elles sont principalement associées à des facteurs pronostiques favorables : faible grade SBR, rareté
de l’envahissement ganglionnaire qui est limité et des emboles vasculaires, expression forte et diffuse
pour les récepteurs hormonaux, faible taux de prolifération.
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DOSSIER THÉMATIQUE Les petits cancers du sein
Grade histopronostique SBR
Que le grade SBR soit mesuré dans sa forme clas-
sique ou dans sa variante modifiée par Elston Ellis,
qui est aujourd’hui la référence, les différences
de répartition sont plus marquées (tableau III).
Par rapport à l’ensemble des tumeurs, lorsque la
taille diminue, la proportion de tumeurs de grade 1
augmente d’abord, au détriment des tumeurs de
grade 3, puis des tumeurs de grade 2, et devient
majoritaire dans la catégorie des tumeurs de 0 à
10 mm pour certaines séries, en particulier euro-
péennes, qui évaluent systématiquement et en
routine le grade SBR (tableau IV).
Emboles vasculaires tumoraux (figure 2)
Il s’agit, bien sûr, d’un élément pronostique impor-
tant, intégré dans les critères de Saint-Gallen (8),
mais c’est égale-
ment un marqueur
de l’envahissement
ganglionnaire (9).
Leur incidence
(tableau V) est
plus faible dans les
tumeurs de petite taille, ce qui s’accorde avec la
moindre fréquence de l’envahissement ganglionnaire.
En l’absence d’emboles identifiés, seules 10 % des
patientes ont un envahissement ganglionnaire, alors
qu’en présence d’emboles, 27 % (9) et jusqu’à 57 %
des tumeurs T1a-b (6) comportent un envahissement
ganglionnaire. L’utilisation pronostique des emboles a
été limitée en raison de la difficulté pour le patholo-
giste de les reconnaître, de phénomène de rétraction
qui crée un espace clair autour des cellules mimant
une lumière vasculaire. Ce problème est résolu par
l’immunohistochimie grâce au développement de
marqueurs reconnaissant les cellules endothéliales
lymphatiques (figure 3).
Un autre problème plus récent, qui perturbe
aujourd’hui cette évaluation, est lié à la pratique des
micro- et macrobiopsies, qui sont conseillées dans
la prise en charge des lésions mammaires, palpables
ou infracliniques. Elles induisent de façon mécanique
des déplacements de cellules épithéliales, tumorales
ou non, d’abord dans le tissu conjonctif (figure 4),
puis dans le système lymphatique et, enfin, dans les
ganglions lymphatiques, réalisant des images d’em-
boles. Si elles n’ont probablement pas d’effet sur le
pronostic, il est toutefois difficile, voire impossible,
de distinguer les emboles spontanés liés à l’agressi-
vité de la tumeur de ceux induits
par les prélèvements. Les séries
présentées ici sont relative-
ment anciennes et la pratique
des biopsies était alors moins
répandue.
Envahissement
ganglionnaire
Lorsque la taille tumorale
diminue, le risque d’envahisse-
ment ganglionnaire décroît, et
lorsque ce risque est présent, il
est limité à quelques ganglions
(tableau VI). Mais si l’on étudie
les séries publiées concernant les
pT1a et b (tableau VII), il existe
des différences marquées d’inci-
dence qui peuvent s’expliquer par
2 raisons :
Les caractéristiques des
envahissements sont de
petite taille, donc plus diffi-
cile à détecter (figure 5). Leur
reconnaissance est entièrement
conditionnée par la technique
Figure 2. Embole vasculaire tumoral. HES x 200. Présence dans la
lumière d’un vaisseau lymphatique situé près d’un petit nerf et d’une
artériole et d’un massif carcinomateux qui distend la lumière.
Figure 3. HES x 400. Immunomarquage avec le D2-40 (podopla-
nine). Les cellules endothéliales des lymphatiques sont marquées
(rouge) alors que les cellules tumorales situées dans la lumière
sont négatives.
Figure 4. Résection chirurgicale après biopsie
stéréotaxique (HES x 100). Présence de
larges fragments d’épithélium et de glandes
intriquées à de nombreuses cellules inflam-
matoires, au sein d’une fibrose linéaire qui
correspond au trajet de l’aiguille biopsique.
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DOSSIER THÉMATIQUE
mise en œuvre par le pathologiste pour le curage
axillaire et qui varie considérablement : certains
limitent leur analyse à une tranche de ganglion,
d’autres à la totalité du ganglion inclus dans
quelques cassettes ou, comme il est recommandé,
en cassettes séparées.
La seconde raison tient à l’adoption de la technique
du ganglion sentinelle pour cette catégorie de petites
tumeurs. Leur analyse requiert une technique particulière
associant inclusion en totalité, examen de niveaux de
coupe étagés et immunomarquage. Ce procédé permet
une bonne corrélation entre l’état des ganglions senti-
nelles et celui du reste des ganglions axillaires, ce qui
assure sa fiabilité. Lexamen des ganglions avec cette
technique, indispensable pour que la méthode du
ganglion sentinelle soit valide, n’a jamais été aussi
précis, ce qui conduit à découvrir davantage de métas-
tases. Cela induit une augmentation de l’incidence
par simple biais méthodologique (10).
Prolifération
De nombreuses méthodes d’évaluation de la proli-
fération sont disponibles, comme la phase S, l’index
mitotique ou le Ki67. Les 2 dernières sont les plus
fréquemment utilisées. Pour les petites tumeurs,
le Ki67 paraît la méthode la plus précise et la plus
discriminante (11) car, en raison du faible volume
tumoral, le nombre de cellules tumorales est
souvent faible, ce qui rend difficile l’évaluation de
l’index mitotique, dont la valeur pronostique est
d’autant plus grande que le nombre de cellules et
de champs microscopiques analysés est élevé. Le
taux d’expression du Ki67 (tableau VIII) augmente
avec la taille tumorale : les faibles taux d’expression
(< 5 %) représentent 45 % des tumeurs ≤ 10 mm,
36,6 % des tumeurs ≤ 20 mm et seulement 32,4 %
de l’ensemble des tumeurs.
Récepteurs hormonaux
L’immunohistochimie, qui s’effectue sur le matériel
diagnostique (fixé et inclus), a rendu possible l’évalua-
tion de ces petites tumeurs, difficile voire impossible
par biochimie, qui nécessitait un abondant matériel
tumoral congelé. Le taux de tumeurs positives pour
les récepteurs aux estrogènes (RE) et les récepteurs
hormonaux (RH) diminue à mesure que la taille tumo-
rale augmente (tableau IX). Le maximum atteint plus
de 93 % d’expression dans le groupe des tumeurs de
10 mm ou moins, alors que le taux rapporté pour
l’ensemble des tumeurs est de 75 %. Il ne semble pas
que la baisse de l’incidence signalée à partir de 2003,
Tableau III. Répartition du grade SBR ou EE pour l’ensemble des tumeurs infiltrantes traitées à
l'hôpital René-Huguenin en 2007.
Grade SBR ou EE Population complète
(n = 679)
Tumeurs 0 à 20 mm
(n = 494)
Tumeurs 0 à 10 mm
(n = 185)
1
2
3
29,6 %
49,2 %
21,2 %
37,0 %
49,8 %
13,2 %
45,0 %
43,3 %
11,7 %
Tableau IV. Répartition du grade SBR rapportée dans la littérature pour les T1a et b.
Lee (n = 88)
[7]
Joensuu (n = 265)
[25]
Colleoni (n = 410)
[11]
Park (n = 368)
[9]
Grade 1 (%)
Grade 2 (%)
Grade 3 (%)
38
46
16
45,7
40,4
14
41
45
14
32,1
48,1
19,8
Tableau V. Incidence des emboles vasculaires pour les tumeurs mesurant jusqu’à 10 mm.
T1a-b T1-3
Abner
(6)
Lee
(7)
Leitner
(26)
Colleoni
(11)
Park
(9)
Colleoni
(11)
n patients 118 88 218 424 213 2 603
Présence (%)
Absence d'emboles (%)
11
89
11
89
24
71
5,6
94,4
12
88
20,6
77,4
rapportée aux modifications de l’indi-
cation des traitements hormonaux
substitutifs et qui concerne surtout les
tumeurs RH+, soit sensible en 2007.
HER2
Oncoprotéine normalement
exprimée à la surface des cellules,
son expression augmente dans
environ 15% des cas, par amplifica-
tion du gène. Cette hyperexpression
est liée à de multiples paramètres :
le jeune âge des patientes, un grade
histopronostique élevé, certains
types histologiques (canalaire infil-
trant), une dissémination métasta-
tique ganglionnaire ou viscérale, etc.
Elle apparaît d’autant plus fréquente
que la taille de la tumeur est élevée
(tableau X). Pour les tumeurs de
10 mm ou moins, le taux observé
atteint 8,5 %, à rattacher aux taux
rapportés dans la littérature, qui
varient entre 6,8 % (12) et 10 % (13).
Figure 5. HES x 200. Métastase ganglionnaire
axillaire sous forme d’un placard tumoral de
0,1 mm, situé dans un sinus de la capsule.
Il n’était présent que sur 1 des 7 niveaux de
coupe réalisés.
Tableau VI. Envahissement ganglionnaire par taille tumorale sur la série de l’hôpital René-Huguenin.
Population Total (%) 0 à 20 mm (%) 0 à 10 mm (%)
N– 62,6 71,2 79,0
1 à 3 N+ 29,0 26,1 19,3
4N+ et plus 8,4 2,7 1,7
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DOSSIER THÉMATIQUE Les petits cancers du sein
Tableau VII. Incidence de l’envahissement ganglionnaire selon la taille tumorale dans la littérature.
Séries N+/pT1a (%) N+/pT1b (%) n
Mann
(14)
8 13 311
Rivadeneira
(15)
16 18 919
Mincey
(16)
0 11,3 163
Mustafa
(17)
11 17 2185
Port
(18)
7,4 14 ,5 247
que les tumeurs HER2 et basal-like atteignent des
taux faibles (environ 5 %). Les taux habituellement
rapportés dans le cancer du sein sont respectivement
de 75 % (luminales) et 10 à 15 % pour HER2 et les
tumeurs triple-négatives. Concernant les petites
tumeurs, les données publiées sont peu nombreuses
et les définitions, qui ont changé avec le temps, font
qu’il est difficile de les comparer. La fréquence des
formes luminales rapportée dans la littérature est
un peu plus faible qu’ici, entre 79 % et 83 % (9, 22).
Un taux aussi faible pour les tumeurs HER2+ et les
tumeurs triple-négatives s’observe également dans
les séries du dépistage (22). Il n’existe que peu de
variations de la classe HER2 qui correspond aux
tumeurs RH– et HER2+, alors que la classe luminale
HER2 (tumeurs RH+ et HER2+) augmente avec la
taille. De même pour les tumeurs triple-négatives
(RE–, RP–, HER2–), dont l’incidence double.
Que déduire aujourd’hui ?
Que ces tumeurs de petite taille, comme l’en-
semble des cancers infiltrants du sein, sont hétéro-
gènes, constituées de lésions de type et d’agressivité
variés. Elles sont majoritairement représentées par
des lésions avec d’excellents facteurs pronostiques,
qu’ils soient morphologiques (type histologique bien
différencié ou faible grade histopronostique SBR ou
fondés sur l’extension locorégionale [absence de
métastase ganglionnaire]) ou biologiques (faible taux
de prolifération, expression intense pour les récep-
teurs hormonaux, forme luminale, etc.). À l’inverse,
les formes agressives, bien que présentes, ont ici leur
plus faible taux d’incidence, quel que soit le critère
retenu. On peut en déduire certaines conséquences
sur la croissance tumorale :
Un faible nombre de tumeurs sont initialement agres-
sives et il n’est pas certain que leur détection précoce
améliore leur évolution. Cela est montré pour les tumeurs
pT1 HER2+ (22). À l’inverse, nombre de lésions sont
initialement peu agressives et certaines vont le rester,
le dépistage n’apportant pas de bénéfice, à l’exception
du traitement local plus limité. Enfin, certaines tumeurs
vont devenir de plus en plus agressives en se développant,
formant un groupe à part. Ce sont elles qui bénéficient
principalement du dépistage qui permet de les découvrir
à un moment où elles sont encore peu agressives.
Comment s’effectue cette progression tumorale ?
Quelques données issues du dépistage apportent des
éléments de réponse (tableau XII). La progression
tumorale se manifeste d’abord par une modification
du grade histopronostique, avant celle de la taille (2).
Tableau IX. Incidence de l’expression des récepteurs hormonaux évaluée par immunohistochimie
selon la taille histologique sur la série de l'hôpital René-Huguenin.
Population Toutes tailles (%) 0 à 20 mm (%) 0 à 10 mm (%)
Récepteurs aux estrogènes :
négatifs (< 10 %)
positif s
15,3
84,7
11,8
88,2
8,9
91,1
Récepteurs à la progestérone :
négatifs (< 10 %)
positifs
35,5
64,5
31,1
68,9
35,8
64,2
Récepteurs hormonaux :
RE– et RP–
RE+ ou RP+
13,3
86,7
9,7
90,3
6,7
93,3
Tableau VIII. Répartition du marqueur de prolifération Ki67 évalué par immunohistochimie
selon la taille tumorale sur la série de l'hôpital René-Huguenin.
Population Toutes tailles (%) 0 à 20 mm (%) 0 à 10 mm (%)
≤ 5 % 32,4 36,6 45,0
6 à 10 % 20,6 22,2 24,0
11 à 20 % 24,4 22,5 17,6
> 20 % 25,6 18,7 13,4
Classes moléculaires
Cette nouvelle classification des tumeurs est fondée
sur l’homologie d’expression génique entre tumeurs,
dont l’analyse a été rendue possible grâce au progrès
des techniques de biologie moléculaire, particu-
lièrement le microarray, qui permet une analyse
simultanée de milliers de gènes différents (19, 20).
Initialement, 4 grandes classes ont été identifiées :
luminal, HER2, normal-like et basal-like. Progressive-
ment, certaines catégories se sont enrichies de sous-
types, comme les luminal A, B et HER2 ; d’autres ont
disparu, comme normal-like. D’autres, enfin, sont
apparues, mais elles concernent des catégories de
plus en plus faibles de tumeurs. Évaluables encore
aujourd’hui uniquement sur fragments congelés,
les microarrays ne font l'objet d'aucune donnée
publiées sur les tumeurs de moins de 10 mm. Il est
toutefois possible, en utilisant les données immuno-
histochimiques, de l’évaluer selon certaines recom-
mandations (21) [tableau XI]. Les classes luminales
sont les plus représentées (dépassant 90 %), alors
Références
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and axillary lymph node involve-
ment with prognosis in patients
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1998;83:2502-8.
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