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ASA 2004
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CHAPITRE 13
Réanimation et soins intensifs
Anesthésiques locaux
et péritonite septique expérimentale
Survie (%)
Ce travail a reçu le premier prix lors du concours des
résidents de l’ASA.
Pour Gallos et al. (abstract A-2), les anesthésiques locaux
(AL) diminuent la mortalité et la survenue des dysfonctions
rénale et hépatique dans un modèle murin de péritonite
septique.
La mortalité du choc septique augmente avec la survenue
de dysfonctions d’organes. Les AL ont la propriété d’atténuer in vivo et in vitro la réponse aiguë inflammatoire.
L’hypothèse testée de ce travail était que l’injection continue
intrapéritonéale d’AL diminuerait la fréquence de survenue
de la dysfonction rénale et/ou hépatique ainsi que la mortalité au cours de la péritonite septique. Pour cela, les auteurs
ont développé un modèle expérimental de péritonite septique secondaire à une ligature et à une ponction cæcale chez
la souris. Les animaux étaient anesthésiés, une pompe souscutanée était mise en place, et une perfusion continue était
commencée au débit de 1 µL/h de lidocaïne à 10 %
(5 mg/kg/h ; n = 35), de lidocaïne à 5 % (2,5 mg/kg/h ; n = 20),
de bupivacaïne à 2 % (1 mg/kg/h ; n = 21), de bupivacaïne
à 1 % (0,5 mg/kg/h ; n = 27) ou de sérum physiologique
(n = 35) pour une durée initialement prévue de 7 jours. Six
heures après la mise en place de la pompe sous-cutanée intraabdominale, la péritonite septique par ligature et ponction
cæcale était induite.
Comparées aux souris recevant du sérum physiologique, les
souris traitées par lidocaïne ou bupivacaïne avaient une diminution significative de la mortalité (figure 1) ainsi qu’une
survenue moins fréquente de dysfonctions rénales et hépatiques. Elles avaient également une diminution significative
de la production des médiateurs de l’inflammation. Les auteurs
concluent que l’administration continue in situ et précoce
d’AL pourrait avoir un intérêt dans le traitement de la péritonite septique en diminuant la réponse aiguë inflammatoire.
Sérum salé
Bupivacaïne 1 %
Bupivacaïne 2 %
Lidocaïne 5 %
Lidocaïne 10 %
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0
1
2
3
4
Jours
5
6
7
Figure 1. Courbe de survie des souris recevant ou non un anesthésique
local.
Réhabilitation respiratoire intensive
après traumatisme grave du thorax
et ventilation mécanique prolongée
Le déficit fonctionnel respiratoire après traumatisme thoracique et ventilation mécanique prolongée est important et
fréquemment sous-estimé. Les auteurs ont évalué l’intérêt
d’une rééducation respiratoire intensive précoce chez le traumatisé thoracique grave ventilé de façon invasive, ainsi que
ses bénéfices à court et moyen terme.
Dans ce travail prospectif, comparatif, randomisé, mené en
réanimation (Parneix et al., abstract A-1573), 26 patients
traumatisés thoraciques, ventilés pendant plus de 7 jours
puis extubés, ont été inclus et répartis en deux groupes :
– rééducation respiratoire “classique” (NR) : travail diaphragmatique, toux, drainage bronchique ;
Le Courrier de l’algologie (4), no 1, janvier/février/mars 2005
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ASA 2004
ASA 2004
Tableau I. Évolution comparée de la fonction respiratoire (EFR, force et fatigue) obtenue après l’extubation (T1), à la sortie du service (T2)
et à 3 mois (T3) chez les deux groupes de patients étudiés.
Capacité
vitale (L)
Amputation
(% CV)
FR/mn
VT(L)
P0.1
(cm H2O )
PIM
(cm H2O )
TTmus
VEMS
( L/s )
Réhabilitation (n = 13)
T1
T2
T3
1,5
2,1*
3,7**
66
53*
21**
19
14
17
0,36
0,62*
0,54*
3,4
1,5*
1,5*
38
48*
129**
0,35
0,11*
0,06*
1,1
1,9*
2,5*
Standard (n = 13)
T1
T2
T3
0,9
1,1
2,1*
78
72
51*
23
22
21
0,39
0,44
0,45
4
3,2
1,9*
37
41
63*
0,40
0,27
0,11*
0,70
0,77
1,4*
* p < 0,05.
** p < 0,01.
– réhabilitation respiratoire “intensive” (R) : inspiration/
expiration contre résistance à 25 % des pressions inspiratoires et expiratoires maximales (Pmax), spirométrie incitative, oscillations appliquées au drainage respiratoire.
Une PCA morphinique (analgésie intraveineuse contrôlée
par le patient) était disponible dans les deux groupes. La fonction respiratoire était évaluée en exploration fonctionnelle
respiratoire (EFR), selon les paramètres habituels de capacité vitale (CV), de fréquence respiratoire (FR), de volume
courant (VT), de volume expiratoire maximal/seconde
(VEMS), de Pimax, P0.1 (contrôle ventilatoire) et de TTmus
(fatigue des muscles respiratoires), après l’extubation
(T1), à la sortie du service (T2) et à 3 mois (T3).
Les principaux résultats sont représentés dans le tableau I.
Les auteurs en concluent que la réhabilitation respiratoire
intensive précoce améliore la mécanique ventilatoire et les
index de force et de fatigue des muscles respiratoires à court
et à moyen terme. Ce concept de réhabilitation respiratoire
précoce en réanimation pourrait également bénéficier à des
patients de réanimation, ventilés artificiellement, autres que
les traumatisés thoraciques.
à l’origine d’une surmorbidité. Il a été démontré, au cours
de l’anesthésie pour neurochirurgie, que la mesure de la
PVP est bien corrélée à la mesure de la PVC. Dans ce travail, les auteurs rapportent pour la première fois qu’il existe
également une bonne corrélation entre les mesures de la PVC
et de la PVP chez le patient de réanimation lorsqu’une
courbe satisfaisante de PVP est obtenue.
✓ La variation du temps du transit du pouls est une mesure
indirecte de l’analgésie chez le patient anesthésié.
Contrairement à la profondeur du sommeil anesthésique,
qui peut être monitorée par plusieurs moyens reposant sur
l’analyse et le traitement de l’activité électroencéphalographique (EEG, BIS, entropie, etc.), il n’existe pas de
monitorage validé de l’analgésie chez le patient anesthésié
au cours de la chirurgie. Le temps de transit du pouls (TTP)
(figure 2) est une technique de mesure qui utilise un capteur pléthysmographique au doigt et des électrodes d’électrocardiogramme. Le temps mesuré (en moyenne 200 à 300 ms)
SpO2
R
Quelques brèves… de monitorage
✓ Corrélation entre la pression veineuse périphérique (PVP)
et la pression veineuse centrale (PVC) chez le patient de
réanimation (Zafirova et al., abstract A-411).
La pose et le maintien d’une voie veineuse centrale peuvent
entraîner des complications (traumatisme, infection, etc.)
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Le Courrier de l’algologie (4), no 1, janvier/février/mars 2005
P
T
TTP
Figure 2. Méthode de mesure du TTP.
ECG
est celui que met l’onde de pouls depuis l’ouverture des
valves aortiques jusqu’à la périphérie. Cet index est un
reflet indirect de l’activité du tonus sympathique, et il est
déjà utilisé parmi les techniques diagnostiques au cours du
syndrome d’apnées du sommeil (hypnoPTT).
Dans ce travail, réalisé chez 15 patients ASA I-II anesthésiés sous sévoflurane et curarisés pour chirurgie programmée, les auteurs (Leibundgu et al., abstract A-558) ont étudié
l’évolution du TTP lors d’une stimulation nociceptive, avant
et après l’administration d’alfentanil. Les valeurs du TTP
obtenues avant stimulation (252 ms, 230-289) n’étaient pas
corrélées aux concentrations d’alfentanil. De même, les
variations de TTP (∆TTP) n’étaient pas corrélées aux valeurs
de base du TTP obtenues avant stimulation. En l’absence
d’alfentanil, le ∆TTP était de 17,3 ms (13,3-27,7) et, en présence d’alfentanil, il était de 9,5 ms (7,5-13,5). Cette différence était hautement significative (p = 0,0015). Une valeur
de ∆TTP de 13,5 ms a été retenue comme discriminative entre
la présence et l’absence d’administration d’alfentanil.
Les auteurs concluent que les variations de TTP sont le reflet
de la variation du tonus sympathique en rapport avec un
niveau de douleur élevé au cours de l’anesthésie générale.
De plus, une valeur de ∆TTP supérieure à 13,5 ms suggère
une administration complémentaire d’alfentanil. La place
de cet index pour guider l’administration de morphiniques
au cours de l’anesthésie générale doit être évaluée.
✓ Le monitorage de la fonction hépatique : le LiMON.
Le LiMON est un moniteur qui permet de mesurer de
manière non invasive la fonction hépatique excrétrice en se
fondant sur l’élimination du vert d’indocyanine, colorant
éliminé par le foie sans conjugaison ni cycle entérohépatique. Le colorant est injecté par voie intraveineuse, et sa
concentration sanguine est mesurée au bout du doigt à l’aide
d’une pince-capteur. La clairance du vert d’indocyanine
étant exclusivement hépatique, le taux d’élimination peut
être employé pour évaluer la fonction de cet organe, un taux
diminué traduisant une altération fonctionnelle. Dans un
modèle expérimental de choc septique à Pseudomonas aeruginosa chez le porc, une équipe lyonnaise (Kaminski et al.,
abstract A-668) a étudié l’évolution du débit cardiaque (Qc),
de la clairance du vert d’indocyanine (ICG) mesurée par
le LiMON et du taux sanguin des lactates, avec des valeurs
relevées avant l’induction du sepsis (H0), à la troisième (H3)
et à la sixième heure (tableau II).
Les auteurs concluent que le LiMON permet une évaluation fiable et non invasive de la fonction hépatique et qu’il
existe une altération précoce de la fonction hépatique (H3)
au cours du choc septique, avant même que n’augmentent
les lactates (H6).
Tableau II.
Qc (L/mn)
ICG (%/mn)
Lactates (mmol/L)
H0
H3
H6
2,22 ± 0,90
2,78 ± 0,57
3,04 ± 0,46
14,88 ± 1,78
11,84 ± 2,21*
12,60 ± 2,38
3,46 ± 1,02
3,30 ± 1,20
ASA 2004
ASA 2004
6,60 ± 3,02*
* p < 0,01.
Imagerie à l’hélium hyperpolarisé
L’embolie pulmonaire
Le diagnostic d’embolie pulmonaire (EP) reste difficile en
cas de microembolie. En présence d’une EP, il existe une
augmentation de l’oxygène alvéolaire par absence d’extraction capillaire liée à l’absence de perfusion capillaire. L’hélium hyperpolarisé (He3) se dépolarise plus rapidement en
présence d’oxygène, ce qui le rend “non fluorescent” et rend
compte d’une absence de signal à l’origine d’un “defect”
à l’IRM. L’hypothèse des auteurs (Ferrante et al., abstract
A-1575) est que l’IRM (imagerie par résonance magnétique)
à l’He3 aurait une meilleure sensibilité et une meilleure
spécificité pour le diagnostic d’EP. À partir d’un modèle
d’EP de taille variable créé à l’aide de microbilles chez le
porcelet, cette équipe montre que cet examen a permis le
diagnostic dans 100 % des cas pour les EP de taille supérieure
à 2 mm et dans 67 % des cas lorsque la taille était inférieure
à 2 mm ; il pourrait avoir un intérêt majeur chez l’homme
en raison de sa sensibilité et de son caractère non invasif,
n’utilisant pas l’injection de produit iodé, potentiellement
néphrotoxique.
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë
de l’adulte (SDRA)
L’IRM à He3 permet de quantifier la ventilation et le recrutement alvéolaire dans un modèle de SDRA. Un travail
allemand (Herweling et al., abstract A-1576) a montré
que l’IRM à He3 permet également de mesurer de façon
précise, en trois dimensions, le recrutement alvéolaire
induit par une pression expiratoire positive (PEP) de
10 cm H2O dans un modèle de SDRA chez le porcelet. Cet
examen non invasif pourrait à l’avenir supplanter le
scanner multibarrette dans l’exploration des pathologies
pulmonaires.
Le Courrier de l’algologie (4), no 1, janvier/février/mars 2005
43
2,5
2,0
1,5
1,5
µg/mL
2,0
1,0
0,5
* p < 0,001
*
0
Placebo
Dopexamine
72
1,0
*
Heures
0
Placebo
Dopexamine
Dopamine
72
Choc septique, fonction thyroïdienne,
pancréatite aiguë
Les effets de la dopexamine, de la dopamine
ou d’un placebo sur la fonction thyroïdienne
chez le patient en choc septique
Dans une étude prospective, randomisée, menée en double
aveugle, les auteurs (Schmoelz et al., abstract A-449) ont
comparé les effets de la dopamine (3 µg/kg/mn ; n = 12), de
la dopexamine (2 µg/kg/mn ; n = 16) et d’un placebo (n = 11)
sur la fonction thyroïdienne chez 39 patients en choc septique sous noradrénaline. Les dosages des hormones thyroïdiennes (T3, T4, TSH) étaient réalisés avant l’administration
(H0), puis à 72 heures (H72). Comparativement au placebo,
la dopamine entraîne une baisse significative de T3, T4,
TSH (figures 3, 4 et 5). Cependant, la variation des taux
d’hormones thyroïdiennes entre les groupes placebo et
dopexamine n’est pas significativement différente.
Contrairement à la dopexamine, la dopamine à doses
dopaminergiques entraîne donc une hypothyroïdie centrale
au cours du choc septique.
La pancréatite aiguë expérimentale
Les bénéfices de l’hypothermie modérée dans des pathologies telles que l’arrêt cardiorespiratoire et le traumatisme
crânien sont aujourd’hui bien établis. Le concept est fondé
sur la protection cellulaire par l’hypothermie du fait d’une
1,0
0,8
0,6
Heures
Dopamine
Figure 4. Effet de la dopamine, de la dopexamine et d’un placebo sur les taux de tri-iodothyronine (T3) durant un choc septique.
Le Courrier de l’algologie (4), no 1, janvier/février/mars 2005
* p < 0,001
1,2
0
Figure 3. Effet de la dopamine, de la dopexamine et d’un placebo sur les taux de TSH
durant un choc septique.
44
1,4
0,5
0
Effet des trois agents sur T4
Effet des trois agents sur T3
* p < 0,05
µg/mL
Effet des trois agents sur TSH
2,5
µg/mL
ASA 2004
ASA 2004
*
0
Placebo
Dopexamine
72
Heures
Dopamine
Figure 5. Effet de la dopamine, de la dopexamine et d’un placebo sur les taux de thyroxine
(T4) durant un choc septique.
diminution du métabolisme et des lésions induites. Plusieurs
équipes travaillent sur les bénéfices potentiels de l’application de l’hypothermie modérée dans d’autres pathologies.
Une équipe chinoise (Wang et al., abstract A-404) a ainsi
montré que l’hypothermie modérée diminue les lésions pancréatiques et augmente la survie dans un modèle de pancréatite aiguë nécrotico-hémorragique chez le rat. Les auteurs
ont étudié l’évolution des marqueurs biologiques de l’inflammation (IL, TNF, etc.) et la mortalité jusqu’à 72 heures,
avec et sans application d’une hypothermie modérée (3233 °C). Parmi les 100 rats inclus dans ce travail expérimental, 60 ont été répartis en trois groupes : un groupe contrôle
avec des animaux sacrifiés après laparotomie (n = 12) ; un
groupe pancréatite aiguë sous normothermie (37-37,5 °C ;
n = 24) ; un groupe pancréatite aiguë sous hypothermie
modérée (32-33 °C ; n = 24). Les 40 autres rats ayant une
pancréatite aiguë ont été répartis de manière aléatoire en
deux groupes dits “normothermie” et “hypothermie”. La
mortalité a été évaluée à la 72e heure. Le taux d’amylase
dans le plasma et dans l’ascite, les index évaluant la perméabilité vasculaire et l’œdème pancréatique ainsi que les
marqueurs de l’inflammation étaient significativement diminués dans le groupe hypothermie par rapport au groupe
normothermie. La mortalité était également significativement plus diminuée dans le groupe hypothermie. Bien que
les mécanismes d’action de la protection contre l’aggravation des lésions pancréatiques restent mal compris, les auteurs
concluent que l’application d’une hypothermie modérée
(32-33 °C) pourrait avoir un intérêt comme thérapeutique
adjuvante dans cette pathologie.
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