La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 5 - septembre-octobre 2010 | 189
Résumé
avec index d’apnées-hypopnées (IAH) à 48/heure,
tandis que, durant 15 % du temps, la SpO2 est infé-
rieure à 90 %.
Un traitement par application d’une pression positive
continue (PPC) au cours du sommeil est institué par
l’intermédiaire d’un masque nasal, avec un appareil
réglé en mode autopiloté grâce à une fourchette de
pressions allant de 4 à 15 cm H2O.
En octobre, après 1 mois de traitement, on constate
une adaptation assez difficile au traitement, avec,
cependant, une application quotidienne régulière et
une observance moyenne de 5 heures par nuit. L’amé-
lioration clinique est partielle (score d’Epworth à 10),
le relevé des données enregistrées par l’appareil nous
apprend que la pression efficace pendant 95 % du
temps est à 10 cm H
2
O et l’IAH résiduel à 15/heure.
En novembre, la tolérance du traitement nocturne
est médiocre, le patient dit se réveiller plusieurs
fois en seconde partie de nuit et avoir l’impression
que “l’appareil souffle fort”. Il est parfois à nouveau
somnolent dans la journée (score d’Epworth à 12),
et son épouse constate un sommeil agité et des
pauses respiratoires en fin de nuit.
On décide de réaliser une polysomnographie sous
PPC, qui met en évidence (figure 1) que le sommeil
est de qualité médiocre et, surtout, que des apnées
centrales surviennent dans le dernier tiers de la nuit,
à partir d’une pression nasale supérieure à 8 cm H2O,
avec une montée progressive de la pression jusqu’au
maximum programmé (15 cm H2O), sans corriger ces
apnées (figure 2, p. 190). L’IAH est à 32/heure de
sommeil, avec 90 % d’événements d’origine centrale ;
la SpO
2
est constamment au-dessus de 90 % ; l’index
de micro-éveils secondaires aux apnées-hypopnées
est de 29/heure de sommeil.
Devant ces résultats, le réglage de l’appareil est
modifié, passant à une pression constante de 8 cm
H
2
O ; l’amélioration de la tolérance, de l’observance
et de la symptomatologie est rapide et le contrôle des
données enregistrées par l’appareil témoigne d’une
bonne efficacité, avec un IAH résiduel à 7/heure.
Cette observation illustre le fait que, chez les
patients atteints d’une BPCO associée à un SAHOS,
un réglage trop élevé de la pression et un réglage
de l’appareil en mode autopiloté lors de l’instaura-
tion d’un traitement par PPC peuvent induire des
phénomènes apnéiques centraux, surtout en fin de
nuit, du fait de l’hyperventilation et de l’hypocapnie.
Chez ce type de patients, il convient d’instaurer le
traitement en mode à pression fixe et au niveau le
plus bas possible.
Cas clinique n° 2
Monsieur D., 54 ans, est atteint d’une dystrophie
myotonique de Steinert, diagnostiquée en décembre
2008. En 2002, il avait été victime d’un accident
vasculaire cérébral ischémique lacunaire, dont il n’a
pas gardé de séquelles neurologiques.
Il rapporte que, au début de 2009, une polygraphie
ventilatoire nocturne aurait été pratiquée en raison
de pauses respiratoires au cours du sommeil consta-
tées par son épouse, d’un sommeil de mauvaise
qualité et d’une grande asthénie diurne sans véri-
table hypersomnie. Cette exploration aurait mis
en évidence un syndrome d’apnées au cours du
sommeil. Un traitement par ventilation nasale
nocturne au moyen d’un appareil à double niveau
de pressions a été instauré, mais rapidement aban-
donné en raison d’une mauvaise tolérance et, de ce
fait, d’une très faible observance.
En juin 2009, le bilan cardiovasculaire relève une
dysfonction ventriculaire gauche sévère avec
fonction systolique (fraction d’éjection estimée
à 25 %). La coronarographie révèle une sténose
partielle monotronculaire de la circonflexe, qui est
dilatée et stentée, mais sans que cela entraîne une
amélioration de la fonction ventriculaire gauche.
En raison de troubles du rythme cardiaque, un stimu-
lateur à double sonde est implanté. Puis, devant la
persistance d’une fibrillation auriculaire symptoma-
tique, une cardioversion électrique est pratiquée qui
restaure un rythme sinusal. La mesure de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) réalisée au
décours note une valeur stable de 25 %.
Le traitement médicamenteux comporte un anti-
coagulant oral, des antiagrégants, des diurétiques,
du candésartan et un bêtabloquant.
Ce patient n’a pas d’antécédents bronchopulmo-
naires, n’a jamais fumé, sa fonction respiratoire
est normale pour son âge ; la gazométrie artérielle
mesure une PaO
2
normale à 90 mmHg et une hypo-
capnie modérée (PaCO2 = 35 mmHg).
Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) central est moins fréquent que le syndrome d’apnées obstructives.
Le pneumologue peut les rencontrer en présence d’une insuffisance cardiaque, au cours de certaines maladies
neurologiques et lors de la prise d’opiacés. Il doit reconnaître les 2 grandes catégories de SAS central qui
correspondent à des étiologies spécifiques : les hypocapniques (réponses ventilatoires au CO
2
augmentées)
et les hypercapniques, essentiellement dans les maladies neuromusculaires et au cours du syndrome obésité-
hypoventilation. Le pneumologue doit savoir conduire le bilan d’un SAS central avec une polysomnographie,
une gazométrie artérielle et la mesure de la réponse ventilatoire au CO2, également un bilan cardiaque
(échographie) ainsi qu’une imagerie du tronc cérébral si une cause neurologique est suspectée. Il instaure
si besoin les traitements par assistance respiratoire : la ventilation à 2 niveaux de pression dans les SAS
centraux hypercapniques et l’aide inspiratoire variable en cas de SAS central hypocapnique.
Mots-clés
Syndrome d’apnées
du sommeil central
Ventilation
non invasive
Insuffisance cardiaque
Highlights
Central sleep apnea is less preva-
lent than obstructive sleep apnea.
The lung specialist meets them
by patients with heart failure,
with neurological diseases or
chronic opioids use. He has to
know the 2 main categories of
central sleep apnea respectively
related with different under-
lying conditions: hypocapnic
patients (respiratory control
system instability and central
apnea occurs when PaCO2 falls
below the threshold for apnea
during sleep), and patients with
chronic hypercapnia mainly in
the context of neuromuscular
disorders or obesity hypoven-
tilation syndrome. The lung
specialist has to drive the assess-
ment by recording blood gases,
polysomnography and ventila-
tory responses to CO2, and also
cardiologic assessment (cardiac
echography), whereas brain
imaging if necessary. He uses
ventilatory supports for treating
central sleep apnea: noninva-
sive ventilation in hypercapnic
patients and servo-assisted venti-
lation in hypocapnic.
Keywords
Central sleep apnea
Non invasive ventilation
Heart failure