RÉTROSPECTIVE 2004
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004
ronnementaux connus et les mécanismes de la carcinogenèse,
d’identifier les modèles expérimentaux et les axes des recherches
futures. Comment tout savoir en 75 pages de texte et 1 546 réfé-
rences... La revue est divisée en quatre parties. La première traite de
l’épidémiologie, avec les facteurs endogènes (familiaux, hormonaux,
raciaux, liés à l’âge, etc.) et exogènes (régime, environnement,
mode de vie, etc.) ; la deuxième s’intéresse aux modèles cellu-
laires et animaux (modèles de rongeurs, souris transgéniques,
xénogreffes, lignées cellulaires, etc.) ; la troisième examine les
marqueurs biologiques et cytogénétiques (récepteurs d’hormones
et de facteurs de croissance membranaires, facteurs de diffé-
renciation, de prolifération, d’apoptose, du cytosquelette, du
microenvironnement, etc.) ; une dernière partie aborde les méca-
nismes génotoxiques et non génotoxiques de la carcinogenèse.
Étude prospective des taux de sélénium sériques
Des données épidémiologiques ont suggéré que des taux bas de
sélénium étaient associés à un risque accru de cancer de prostate.
Une importante étude prospective (10) à partir d’échantillons
plasmatiques obtenus en 1982 chez des volontaires sains a permis,
en comparant 586 patients diagnostiqués au cours d’un suivi de 13 ans
à 577 contrôles, de trouver une relation inverse entre les taux de base
de sélénium et le risque de cancer de prostate, suggérant que des taux
élevés pourraient ralentir sa progression. Les résultats des essais
de supplémentation en cours seront nécessaires pour conclure.
BRCA dans les cancers de prostate
Une équipe du MSKCC de New-York (11), dans une étude cas-
contrôle, a analysé une population de 251 patients juifs ashké-
nazes ayant un cancer de prostate, non sélectionnés, en recher-
chant les mutations de BRCA1 ou BRCA2. Globalement, une
mutation sur un des gènes augmente significativement le risque
de cancer de prostate (OR = 3,41, IC
95
: 1,64-7,06 ; p = 0,001),
mais cette variation est due spécifiquement à la présence de muta-
tions de BRCA2 (OR = 4,78, IC
95
: 1,87-15,25 ; p = 0,001).
Fréquence de l’éjaculation et risque de cancer de la prostate
L’hypothèse avait été émise que l’activité sexuelle pouvait jouer
un rôle dans le développement du cancer de prostate. Les résultats
d’une étude prospective (12) suggèrent qu’une éjaculation fré-
quente n’est pas associée à une augmentation du risque de can-
cer de la prostate ; au contraire, une fréquence élevée pourrait
s’avérer bénéfique. Les auteurs ont utilisé les données de la Health
Professionals Follow-up Study, dans laquelle 29 342 hommes de
46 à 81 ans ont fourni des informations sur la fréquence de leur
éjaculation (questionnaires en 1992 renouvelés tous les 2 ans
jusqu’en 2000). Pendant le suivi de 222 426 personnes/années,
1 449 cas de cancer de prostate ont été observés (953 confinés à
la glande prostatique, 147 étendus). La fréquence de l’éjacula-
tion était classée en plusieurs catégories (nombre par mois entre
20/29 ans, entre 40/49 ans, et pendant l’année 1991). Une fré-
quence élevée était associée à une diminution de risque. Par rap-
port aux hommes apportant entre 20/29 ans 4 à 7 éjaculations par
mois, le risque relatif de cancer de la prostate pour 21 éjacula-
tions ou plus par mois était de 0,89 (IC
95
: 0,73-1,1). Il était de
0,68 (IC : 0,53-0,86) pour la période 40/49 ans et de 0,49 pour
l’année précédente (IC
95
: 0,27-0,88), soit une moyenne de 0,67
pour la vie entière (IC
95
: 0,51-0,89).
Diabète et risque de cancer prostatique aux États-Unis
Le diabète pourrait influencer le risque de cancer de prostate. La
relation entre cancer prostatique et diabète de type 2 a fait l’objet
d’une étude cas-témoins (13) chez 407 hommes âgés de 65 à
79 ans, recrutés en Caroline du Sud entre 1999 et 2001, compa-
rés à 393 contrôles. Après ajustement sur l’âge, l’origine ethnique
et la présence d’un dépistage du cancer dans les 5 années précé-
dentes, un antécédent familial de diabète était associé à une réduc-
tion du risque de cancer de la prostate (OR = 0,64, IC
95
: 0,45-
0,91). L’effet protecteur était plus important chez ceux ayant des
complications du diabète et chez les Afro-Américains
(OR = 0,36 ; IC
95
: 0,21-0,62). Il n’y a pas d’explications biolo-
giques à ces données (facteurs génétiques ?).
Effets délétères du tabac sur le pronostic de cancers localisés
traités par radiothérapie
Dans une étude rétrospective (14) de 601 patients traités par radio-
thérapie exclusive entre 1994 et 1997 (15 % de fumeurs, 55 %
d’anciens fumeurs, 31 % n’ayant jamais fumé), la probabilité de
survie sans récidive biologique à cinq ans s’est montrée signifi-
cativement diminuée chez les fumeurs par rapport aux deux autres
groupes de patients (respectivement 55 %, 69 % et 73 % ;
p < 0,01). La proportion de patients atteints de cancers classés à
haut risque était plus importante parmi les fumeurs (respective-
ment 60 % versus 40 % et 43 % ; p = 0,017). Avec un suivi médian
de 59 mois, l’analyse multifactorielle a confirmé que la consom-
mation de tabac était un facteur pronostique indépendant pré-
dictifs de survie sans rechute biologique (p = 0,013).
CHIMIOPRÉVENTION
Chimioprévention du cancer de prostate
Une revue générale (15) a fait le point sur les études de chimio-
prévention menées en Europe. Il faut insister sur le manque de
données fiables concernant d’éventuels facteurs diététiques, les
supplémentations en vitamines (E) ou en oligoéléments (sélé-
nium) et le rôle des inhibiteurs de la 5 alpha réductase (attente
des résultats des 2 essais avec le finastéride et le dutastéride).
HISTOIRE NATURELLE
Évolution naturelle du cancer de la prostate de stade précoce
Pour justifier l’attitude de “watchful waiting” dans les cancers
de la prostate de stade précoce, des données existent concernant
l’histoire naturelle des dix premières années, mais on manque
d’indications sur l’évolution de la maladie au-delà de cette
période. Les résultats d’une étude suédoise (16) ayant porté sur
223 patients consécutifs atteints d’un cancer de la prostate, clas-
sifié T0-T2 NX M0 et initialement non traité (hormonothérapie
en cas de progression), suivis sur une période moyenne de 21 ans,
sont en faveur d’un traitement précoce radical chez les patients
ayant une longue espérance de vie. En effet, si la plupart des
cancers restent indolents les dix ou quinze premières années, la