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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004
P
lusieurs messages importants se dégagent de cette
année 2004 : la prévalence non négligeable du cancer
de prostate chez les hommes à taux de PSA normal,
les premières données confirmant les bons résultats à long terme
de la curiethérapie pour le groupe à bon pronostic, les données
préliminaires de l’étude randomisée de l’EORTC en faveur de la
radiothérapie postopératoire immédiate pour les tumeurs pT3, et
enfin le docétaxel, qui devient le nouveau standard des formes
hormonorésistantes, ouvrant de nouvelles perspectives pour une
utilisation plus précoce dans les formes de mauvais pronostic.
BIOLOGIE
Récepteur aux androgènes (RA) et cancer de prostate
Rahman (1) a publié une revue très exhaustive sur RA et cancer
de prostate, plus précisément sur la modulation de l’activité trans-
criptionnelle du RA par ses corégulateurs. Ces derniers influen-
cent ses capacités fonctionnelles, aussi bien la spécificité de
ligand que la capacité de liaison au DNA. L’implication du RA
dans la pathogenèse du cancer de prostate, et en particulier dans
l’acquisition de l’hormonorésistance, est maintenant évidente,
comme le confirme le haut niveau d’expression du RA et des
gènes régulés par le RA dans ce cas (2). L’interruption des inter-
actions RA/corégulateurs représente une cible thérapeutique
potentielle majeure.
IGF-1
L’IGF-1 et sa principale protéine porteuse, IGFBP-3, sont sup-
posés jouer un rôle dans le développement de certaines tumeurs
en modulant l’activité de la croissance tumorale et la survie. Les
concentrations circulantes d’IGF-1 ont été associées à un risque
plus élevé de cancer (c’est l’inverse pour IGFBP-3). Une revue
systématique de toutes les études cas-contrôles avec méta-ana-
lyse (21 études, 3 609 patients, 7 137 contrôles) a été publiée dans
le Lancet (3, 4). De fortes concentrations d’IGF-1 sont associées
à une augmentation modeste du risque de cancer de prostate
(OR = 1,4 ; IC
95
: 1,14-1,95).
Intérêt du rapport kallikréine 11/PSA total pour distinguer
l’hyperplasie bénigne prostatique (HBP) et le cancer de la prostate
La kallikréine humaine 11 (hK11) est fortement exprimée dans
le tissu prostatique et le liquide séminal. Sur une analyse des taux
sériques de PSA total, de PSA libre et de hK11 de 150 patients
(64 HBP et 86 cancers histologiquement confirmés), les taux
d’hK11 et le rapport hK11/PSA total se sont montrés significa-
tivement inférieurs en cas de cancer (5). Dans le sous-groupe pré-
sentant un rapport PSA libre/total inférieur à 20 %, 54 % des
patients pourraient éviter des biopsies en utilisant le rapport
hK11/PSA total. Celle donnée, si elle était confirmée, pourrait
permettre de réduire le nombre de biopsies de la prostate inutiles…
PSA et endothélium médullaire osseux
Le PSA pourrait être impliqué dans les interactions entre cellules
prostatiques et cellules endothéliales médullaires, comme le lais-
sent supposer les résultats d’une étude d’adhésion cellulaire (6).
Mécanismes moléculaires de résistance à l’hormonothérapie
L’étude du profil d’expression génique durant la déprivation andro-
génique a permis à l’équipe du MSKCC de New York (7) d’iden-
tifier les gènes régulés par les androgènes et ceux exprimés diffé-
remment après le développement de l’hormonorésistance. Sous
ablation androgénique, une modification d’expression est consta-
tée sur au moins 149 gènes. Dans les tumeurs résistantes, la plupart
des modifications d’expression de ces gènes ne sont plus présentes,
suggérant une réactivation des voies de signalisation dépendantes
des androgènes en l’absence d’hormones exogènes. En particulier,
une up-régulation du récepteur aux androgènes et d’enzymes clés
de la biosynthèse des stéroïdes laisse penser qu’il existe, dans ce
cas, une sensibilité accrue de ces tumeurs aux androgènes.
Edwards et al. (8) ont étudié par microarrays 38 échantillons
couplés de tissu tumoral prostatique (avant et après la phase d’hor-
monorésistance). Au moins 15 gènes voient leur expression aug-
menter significativement (plus de 10 %), notamment des gènes
impliqués dans la voie PI3-MAP kinases, laissant supposer des
mécanismes d’échappement indépendants du RA.
FACTEURS DE RISQUE
Revue générale
Cancer a publié un supplément (9) sur les facteurs de risque du
cancer de prostate, avec l’objectif d’évaluer les facteurs envi-
Cancer de la prostate
Cancer prostate
P. Beuzeboc*
* Service d’oncologie du Pr P. Pouillard, Institut Curie, Paris.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004
ronnementaux connus et les mécanismes de la carcinogenèse,
d’identifier les modèles expérimentaux et les axes des recherches
futures. Comment tout savoir en 75 pages de texte et 1 546 réfé-
rences... La revue est divisée en quatre parties. La première traite de
l’épidémiologie, avec les facteurs endogènes (familiaux, hormonaux,
raciaux, liés à l’âge, etc.) et exogènes (régime, environnement,
mode de vie, etc.) ; la deuxième s’intéresse aux modèles cellu-
laires et animaux (modèles de rongeurs, souris transgéniques,
xénogreffes, lignées cellulaires, etc.) ; la troisième examine les
marqueurs biologiques et cytogénétiques (récepteurs d’hormones
et de facteurs de croissance membranaires, facteurs de diffé-
renciation, de prolifération, d’apoptose, du cytosquelette, du
microenvironnement, etc.) ; une dernière partie aborde les méca-
nismes génotoxiques et non génotoxiques de la carcinogenèse.
Étude prospective des taux de sélénium sériques
Des données épidémiologiques ont suggéré que des taux bas de
sélénium étaient associés à un risque accru de cancer de prostate.
Une importante étude prospective (10) à partir d’échantillons
plasmatiques obtenus en 1982 chez des volontaires sains a permis,
en comparant 586 patients diagnostiqués au cours d’un suivi de 13 ans
à 577 contrôles, de trouver une relation inverse entre les taux de base
de sélénium et le risque de cancer de prostate, suggérant que des taux
élevés pourraient ralentir sa progression. Les résultats des essais
de supplémentation en cours seront nécessaires pour conclure.
BRCA dans les cancers de prostate
Une équipe du MSKCC de New-York (11), dans une étude cas-
contrôle, a analysé une population de 251 patients juifs ashké-
nazes ayant un cancer de prostate, non sélectionnés, en recher-
chant les mutations de BRCA1 ou BRCA2. Globalement, une
mutation sur un des gènes augmente significativement le risque
de cancer de prostate (OR = 3,41, IC
95
: 1,64-7,06 ; p = 0,001),
mais cette variation est due spécifiquement à la présence de muta-
tions de BRCA2 (OR = 4,78, IC
95
: 1,87-15,25 ; p = 0,001).
Fréquence de l’éjaculation et risque de cancer de la prostate
L’hypothèse avait été émise que l’activité sexuelle pouvait jouer
un rôle dans le développement du cancer de prostate. Les résultats
d’une étude prospective (12) suggèrent qu’une éjaculation fré-
quente n’est pas associée à une augmentation du risque de can-
cer de la prostate ; au contraire, une fréquence élevée pourrait
s’avérer bénéfique. Les auteurs ont utilisé les données de la Health
Professionals Follow-up Study, dans laquelle 29 342 hommes de
46 à 81 ans ont fourni des informations sur la fréquence de leur
éjaculation (questionnaires en 1992 renouvelés tous les 2 ans
jusqu’en 2000). Pendant le suivi de 222 426 personnes/années,
1 449 cas de cancer de prostate ont été observés (953 confinés à
la glande prostatique, 147 étendus). La fréquence de l’éjacula-
tion était classée en plusieurs catégories (nombre par mois entre
20/29 ans, entre 40/49 ans, et pendant l’année 1991). Une fré-
quence élevée était associée à une diminution de risque. Par rap-
port aux hommes apportant entre 20/29 ans 4 à 7 éjaculations par
mois, le risque relatif de cancer de la prostate pour 21 éjacula-
tions ou plus par mois était de 0,89 (IC
95
: 0,73-1,1). Il était de
0,68 (IC : 0,53-0,86) pour la période 40/49 ans et de 0,49 pour
l’année précédente (IC
95
: 0,27-0,88), soit une moyenne de 0,67
pour la vie entière (IC
95
: 0,51-0,89).
Diabète et risque de cancer prostatique aux États-Unis
Le diabète pourrait influencer le risque de cancer de prostate. La
relation entre cancer prostatique et diabète de type 2 a fait l’objet
d’une étude cas-témoins (13) chez 407 hommes âgés de 65 à
79 ans, recrutés en Caroline du Sud entre 1999 et 2001, compa-
rés à 393 contrôles. Après ajustement sur l’âge, l’origine ethnique
et la présence d’un dépistage du cancer dans les 5 années précé-
dentes, un antécédent familial de diabète était associé à une réduc-
tion du risque de cancer de la prostate (OR = 0,64, IC
95
: 0,45-
0,91). L’effet protecteur était plus important chez ceux ayant des
complications du diabète et chez les Afro-Américains
(OR = 0,36 ; IC
95
: 0,21-0,62). Il n’y a pas d’explications biolo-
giques à ces données (facteurs génétiques ?).
Effets délétères du tabac sur le pronostic de cancers localisés
traités par radiothérapie
Dans une étude rétrospective (14) de 601 patients traités par radio-
thérapie exclusive entre 1994 et 1997 (15 % de fumeurs, 55 %
d’anciens fumeurs, 31 % n’ayant jamais fumé), la probabilité de
survie sans récidive biologique à cinq ans s’est montrée signifi-
cativement diminuée chez les fumeurs par rapport aux deux autres
groupes de patients (respectivement 55 %, 69 % et 73 % ;
p < 0,01). La proportion de patients atteints de cancers classés à
haut risque était plus importante parmi les fumeurs (respective-
ment 60 % versus 40 % et 43 % ; p = 0,017). Avec un suivi médian
de 59 mois, l’analyse multifactorielle a confirmé que la consom-
mation de tabac était un facteur pronostique indépendant pré-
dictifs de survie sans rechute biologique (p = 0,013).
CHIMIOPRÉVENTION
Chimioprévention du cancer de prostate
Une revue générale (15) a fait le point sur les études de chimio-
prévention menées en Europe. Il faut insister sur le manque de
données fiables concernant d’éventuels facteurs diététiques, les
supplémentations en vitamines (E) ou en oligoéléments (sélé-
nium) et le rôle des inhibiteurs de la 5 alpha réductase (attente
des résultats des 2 essais avec le finastéride et le dutastéride).
HISTOIRE NATURELLE
Évolution naturelle du cancer de la prostate de stade précoce
Pour justifier l’attitude de “watchful waiting” dans les cancers
de la prostate de stade précoce, des données existent concernant
l’histoire naturelle des dix premières années, mais on manque
d’indications sur l’évolution de la maladie au-delà de cette
période. Les résultats d’une étude suédoise (16) ayant porté sur
223 patients consécutifs atteints d’un cancer de la prostate, clas-
sifié T0-T2 NX M0 et initialement non traité (hormonothérapie
en cas de progression), suivis sur une période moyenne de 21 ans,
sont en faveur d’un traitement précoce radical chez les patients
ayant une longue espérance de vie. En effet, si la plupart des
cancers restent indolents les dix ou quinze premières années, la
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progression de la maladie est ensuite plus fréquente (baisse de la
survie cumulée sans progression de 45 % à 36 %, de la survie
sans métastases de 76,9 % à 51,2 %, de la survie cumulée spéci-
fique de 78,7 % à 54,4 %). La mortalité spécifique est environ
triplée (de 15 à 44/1 000 personnes-années).
DÉPISTAGE
Prévalence du cancer de la prostate chez les hommes dont le
taux de PSA est normal
La limite supérieure optimale du taux de PSA pour le dépistage
n’est pas connue. L’étude publiée dans le New England Journal
of Medicine par Thompson et al. (17) montre que les cancers de
la prostate ne sont pas rares chez les hommes présentant des taux
de PSA 4 ng/ml. Des 18 882 hommes enrôlés dans l’essai de
prévention, 9 459 ont été randomisés pour recevoir un placebo.
Parmi les 2 950 hommes de 62 à 91 ans qui, pendant un suivi de
7 ans, n’ont pas présenté de taux de PSA 4 ng/ml ni de toucher
rectal anormal, 449 (15,2 %) ont développé un cancer de la pros-
tate, dont 67 un cancer de haut grade (score de Gleason 7-9). La
biopsie réalisée à la fin de l’étude montrait une augmentation de
la prévalence du cancer lié à l’accroissement du taux de PSA :
6,6 % pour un PSA 0,5 ng/ml, 10,1 % pour un PSA de 0,6 à
1 ng/ml, 17 % pour un PSA de 1,1 à 2 ng/ml, 23,9 % pour un
PSA de 2,1 à 3 ng/ml et 26,9 % pour un PSA de 3,1 à 4 ng/ml.
La prévalence des cancers de haut grade augmentait également
avec le taux de PSA, de 12,5 % pour les cancers avec un taux de
PSA 0,5 ng/ml à 25 % pour ceux avec un PSA de 3,1 à 4 ng/ml.
Les auteurs soulignent ainsi qu’il n’y a pas de valeur de PSA au-
dessous de laquelle un homme peut être assuré de ne pas avoir
de risque de cancer de la prostate. Au sujet d’un abaissement
éventuel du seuil de PSA pour bénéficier d’une biopsie, ils obser-
vent que cette décision doit être considérée dans le contexte plus
large du débat sur le dépistage systématique par le dosage du
PSA. Notamment, l’abaissement du seuil de PSA augmenterait
les risques de surdiagnostic et de surtraitement.
DIAGNOSTIC
Les biopsies prostatiques
Dans un article publié dans le Lancet, Luscombe et Cooke (18)
ont fait le point sur la prévention de la douleur lors des biopsies
prostatiques.
Le groupe de Dallas (19) a montré l’augmentation significative
de la détection de cancer curable par l’utilisation de 12 biopsies
systématiques par rapport aux biopsies en sextant.
Dans une étude menée au MD Anderson sur 430 patients (20) et
évaluant les données de biopsies en sextant pour prédire une
extension extracapsulaire de la région postérolatérale, il a été
retrouvé en analyse multiparamétrique qu’une longueur tumo-
rale supérieur à 7 mm et une atteinte localisée à la base repré-
sentaient les deux facteurs indépendants les plus forts (p < 0,0001,
p = 0,002). Exclure tous les patients avec une biopsie positive
supérieure à 7 mm plus une biopsie positive de la base quelle que
soit sa longueur permet de diminuer de 10 % le risque de trouver
une extension extracapsulaire.
TRAITEMENT DES FORMES LOCALISÉES : CHIRURGIE
Prostatectomie par cœlioscopie
L’équipe de l’Institut Montsouris (21) a montré que les techniques
transpéritonéales et extrapéritonéales étaient équivalentes en termes
de durée opératoire, de suites et de données anatomopathologiques.
Résultats à long terme de la prostatectomie par voie
rétropubienne
Dans la série de Catalona et al. (22) regroupant 3 473 patients
consécutifs opérés entre mai 1983 et février 2003, avec un suivi
médian de 65 mois, les survies sans progression biologique, spé-
cifique et globale sont respectivement de 68 %, 97 % et 83 %.
Cet article, par la taille de son effectif, peut servir de référence
pour les courbes de survie en fonction du taux de PSA initial, du
score de Gleason, du pT, etc.
Qualité de vie après prostatectomie
Résultats de l’étude CaPSURE
La qualité de vie postchirurgicale est un point crucial (23).
L’étude longitudinale nationale américaine CaPSURE (Cancer
of the Prostate Strategic Urologic Research Endeavor) (24) a
comparé la qualité de vie avant et un an après la prostatectomie
chez 372 patients (25). Après un an, 63 %, 20 %, 80 % et 86 %
des patients retrouvent, respectivement, leur continence, leur
fonction sexuelle, leur santé physique et leur santé mentale préa-
lables. Un âge inférieur à 65 ans est le meilleur garant de la récu-
pération de l’état antérieur.
Faut-il modifier la classification TNM ?
La différence entre pT2a et pT2b est l’envahissement d’un ou
des deux lobes prostatiques. Dans une série de 1 606 patients (26)
traités par prostatectomie radicale pendant 20 ans par un seul
chirurgien (P. Walsh) pour une tumeur pT2N0, les courbes
actuarielles de rechute biologique apparaissent strictement super-
posées (PFS à 10 ans respectivement de 95 % et 93 % ; p = 0,755),
amenant à se poser la question de l’intérêt qu’il y aurait à main-
tenir cette sous-classification.
Diminution de l’incidence des marges positives au cours
du temps
Walsh et al. (27) ont pu montrer dans une impressionnante série
de 9 035 prostatectomies réalisées entre 1982 et 2001 que la baisse
importante des tumeurs avec marges positives étaient essentiel-
lement due, comme on pouvait le penser, à une meilleure sélec-
tion des patients au cours des deux dernières décennies plutôt
qu’à une amélioration des techniques. En effet, le taux de marges
positives pour les tumeurs pT3 est relativement stable au cours
du temps (22,7 % versus 27,8 %). Le problème est surtout celui
du développement de traitements complémentaires adjuvants
pour améliorer le pronostic.
Faisabilité de la prostatectomie après chimiothérapie
néoadjuvante
Konety et al. (28) ont montré la faisabilité d’une prostatectomie
après une chimiothérapie néoadjuvante associant 4 cycles de
paclitaxel, carboplatine et phosphate d’estramustine dans une
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série de 36 patients présentant une forme à mauvais pronostic
(T1-T2 avec un PSA > 20 ng/ml ou une tumeur de grade 8 à 10,
une tumeur T3 ou T4). La tolérance a été acceptable, à l’excep-
tion d’un taux important de complications thrombo-emboliques
(22 %). Des complications postopératoires minimes ont été rele-
vées chez 6 patients. Avec un suivi médian de 29 mois, 89 % des
patients étaient continents. Le taux de marges positives a été de
22 %. Un protocole randomisé est actuellement activé dans la
même situation par le GETUG avec ou sans 4 cycles néoadju-
vants de docétaxel/phosphate d’estramustine avant traitement
local par radiothérapie ou chirurgie.
PRONOSTIC DES FORMES LOCALISÉES
Le pourcentage de biopsies positives est un meilleur paramètre
prédictif de rechute que le taux de PSA préopératoire
Le pourcentage de biopsies positives est un meilleur paramètre
prédictif de récidive après prostatectomie totale que le taux de
PSA, comme cela a été confirmé dans une étude monocentique
réalisée chez 476 patients à Boston (29). Pour un pourcentage
supérieur à 28 %, le risque relatif était de 3,86 (p < 0,001). Le
score de Gleason, le stade et la présence de marges positives
étaient aussi des facteurs prédictifs indépendants.
Progrès pour identifier les formes agressives
Vélocité du PSA préopératoire et risque de décès
Il faut insister sur l’intérêt majeur de l’étude longitudinale pros-
pective rapportée par D’Amico et al. dans le New England Jour-
nal of Medicine (30), qui a inclus 1 095 hommes atteints d’un
cancer localisé de la prostate traités par prostatectomie radicale.
Elle montre que les hommes présentant une vitesse d’élévation
du taux de PSA de plus de 2 ng/ml pendant l’année précédant le
diagnostic ont un risque plus élevé de mortalité globale (p = 0,01)
et spécifique (p = 0,001) que les hommes chez qui cette vitesse
d’élévation est inférieure ou égale à 2 ng/ml. Un taux de PSA
élevé au moment du diagnostic, un score de Gleason de 8, 9 ou
10 et une tumeur de stade T2 étaient aussi prédictifs d’une mor-
talité par cancer de la prostate plus rapide. Pour les hommes
ayant une augmentation annuelle du taux de PSA supérieure à
2 ng/ml, le risque de décès dans les sept ans suivant la prosta-
tectomie radicale était aussi influencé par le taux de PSA
au diagnostic, le stade clinique de la tumeur et le score de
Gleason initial.
La vélocité du PSA préopératoire a fait l’objet dans le même
numéro d’un éditorial d’Eisenberger et Partin (31) reconnaissant
qu’il s’agit d’un nouveau progrès pour mieux cerner le pronos-
tic des patients. Si nomogrammes et tables de Partin permettaient
déjà de prédire l’extension locale initiale et le risque de rechute
biologique, la vélocité du PSA préopératoire a un impact sur la
survie. Néanmoins, il existe des différences démographiques
notables entre des populations selon qu’elles font l’objet d’un
screening ou pas (et dans la population de cette étude, 71 % des
tumeurs étaient T1c, 84 % avaient un score de Gleason 6…).
De plus, la vélocité du PSA préopératoire ne permet pas de
définir a contrario un groupe pouvant justifier une attitude de
watchful waiting.
Influence de l’obésité sur le risque de rechute
après prostatectomie
Dans l’étude rétrospective conduite dans 9 centres médicaux mili-
taires américains, regroupant 3162 patients, 600 considérés
comme obèses avec un IMC (index de masse corporelle) 30 kg/m
2
,
Amling et al. (32) ont rapporté que l’IMC était après prostatec-
tomie un facteur pronostique indépendant en analyse multivariée,
associé à un plus haut grade de Gleason et à un risque plus élevé
de rechute. L’obésité pourrait jouer un rôle dans la variabilité
raciale observée chez les Noirs américains.
Une autre étude de Johns Hopkins School of Medicine sur
1 106 patients (33) a également retrouvé que l’obésité était asso-
ciée à des tumeurs de plus haut grade, à un risque augmenté de
marges positives et de rechute biologique, notamment pour un
IMC > 35 mg/m
2
.
Pronostic à long terme des formes N+
Des patients N+ peuvent avoir une survie prolongée. Dans une
série rétrospective allemande (34) de 147 patients N+ après pros-
tatectomie traités dans 135 cas par une déprivation hormonale
(88% dans les 6 semaines postopératoires), avec un suivi médian
de 41,9 mois, 49 patients (33,3 %) ont rechuté et 36 (24,5 %) sont
décédés (22 de leur cancer). Les probabilités de survies globale
et spécifique étaient respectivement à 5 ans de 76,6 % et 86,5 %
et à 10 ans de 60,1 % et 73,7 %.
CURIETHÉRAPIE
Résultats à long terme
Les résultats de la plus ancienne cohorte de 223 patients traités par
curiethérapie par implantation d’iode 125 ou de Palladium 103
associés à une radiothérapie externe (1987-1994) ont été actua-
lisés (35), montrant avec un suivi de 15 ans une survie sans réci-
dive biologique respectivement de 86 %, de 72 % et de 47 % pour
les formes à bas risque (PSA < 10 ng/ml, Gleason < 7 et stade
< T2c), à risque intermédiaire (PSA > 10 ou Gleason > 7 ou
T > T2c) et à haut risque (deux ou plus de deux facteurs inter-
médiaires). Ces résultats sont encourageants en ce qui concerne le
contrôle à distance dans les formes à bas risque, qui sont les seules
bonnes indications de la curiethérapie.
Comparaison entre dosimétrie calculée sur l’échographie lors
de l’implantation et dosimétrie définitive
Chauveinc et al. (36) ont comparé chez 450 patients traités par
iode 125 deux critères dosimétriques permettant de juger la qua-
lité de l’implantation : la dose minimale reçue par 90 % du volume
cible (D90), et le pourcentage de volume cible recevant au moins
100 % de la dose prescrite (V100). Les mesures de dosimétrie
réalisées lors de l’échographie peropératoire donnent des résul-
tats sensiblement identiques à la dosimétrie de référence calcu-
lée à partir d’une scanographie de l’implantation réalisée deux
mois plus tard, validant leur pratique.
Résection transuréthrale (RTU) postcuriethérapie
Entre mai 1998 et mai 2003, sur 600 patients (68,4 % T1c,
31,6 % T2) traités par l’équipe Curie/Cochin (37) par curie-
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thérapie sans traitement hormonal, 19 patients (3,1 %) ont dû
subir une RTU. Le temps médian d’intervalle entre la rétention
urinaire aiguë et l’implantation était de 2 mois (0,5-32 ). Aucune
RTU n’a été faite dans les 6 premiers mois. La médiane de sur-
venue a été de 7 mois (6-41), avec un taux médian de PSA de
0,5 ng/ml (0,04-3,4). Il n’a pas été relevé d’incontinence post-
RTU.
Migration pulmonaire de grains d’iode radioactifs
après curiethérapie de la prostate
Trois articles ont rapporté l’incidence des migrations pulmo-
naires de grains d’iode radioactifs après curiethérapie de la pros-
tate. L’implantation se faisant essentiellement en périphérie de
la prostate, les grains placés en marge de la prostate peuvent être
entraînés dans le flux sanguin via les plexus veineux péripros-
tatiques et migrer au niveau pulmonaire. À la Mayo Clinic (38),
55 % des 100 patients avaient au moins un implant ayant migré au
niveau pulmonaire. Le faible nombre (nombre moyen = 2,2 : 1-10)
entraîne peu de risques d’avoir des conséquences dosimétriques.
Dans l’expérience de Chauveinc et al. (38, 39), sur 12 179 implants
(170 patients), 44 ont migré (0,36 %). Il faut insister sur l’inté-
rêt de l’utilisation de grains d’iode libres reliés entre eux en cha-
pelet comme l’a publié l’équipe de Leeds (40), qui n’a retrouvé
aucun cas sur 100 radiographies pulmonaires postimplantations.
CHIRURGIE VERSUS RADIOTHÉRAPIE
Comparaison de la chirurgie, de la radiothérapie externe
et de la curiethérapie pour des adénocarcinomes
de la prostate T1-T2
Une analyse rétrospective (41) de 1 819 patients traités exclusi-
vement par radiothérapie externe d’au minimum 70 Gy (19 %),
prostatectomie radicale (41 %) ou curiethérapie (40 %) a retrouvé
des résultats similaires pour les 3 techniques. Les probabilités de
survie sans rechute biologique à 7 ans ont été respectivement de 77 %
après radiothérapie externe, de 79 % après prostatectomie et de
74 % après curiethérapie. L’analyse multifactorielle n’a identifié
que deux facteurs indépendants prédictifs de la rechute biologique :
le niveau de PSA initial et le score de Gleason sur les biopsies. Ni la
modalité thérapeutique, ni l’âge, ni le stade T clinique, ni la race n’ont
été des facteurs indépendants prédictifs de l’échec thérapeutique.
Comparaison des effets secondaires tardifs
de la prostatectomie radicale et de la radiothérapie
Potovsky et al. (42) ont réalisé une étude rétrospective sur une
cohorte de patients âgés de 55 à 74 ans traités pour un cancer
localisé de la prostate par prostatectomie radicale (n = 901) ou
par radiothérapie (n = 286). Cinq ans après le diagnostic, si la
fonction sexuelle globale s’est dégradée de manière similaire dans
les deux groupes, la dysfonction érectile est plus marquée dans le
groupe de patients opérés (79 % contre 63 %, RR = 2,5). Environ
16 % des patients opérés et 4 % des patients irradiés sont inconti-
nents 5 ans après le traitement (RR = 4,4). Les impériosités
rectales sont plus fréquentes dans le groupe radiothérapie (29 %
contre 20 %).
RADIOTHÉRAPIE
Toxicité de la radiothérapie tridimensionnelle pour cancer
de la prostate : étude du bras de niveau de dose IV
du RTOG 9406
Les auteurs (43) se sont intéressés aux 262 patients atteints d’un
adénocarcinome localisé de la prostate T1-T2 qui ont été inclus
dans cet essai d’escalade de dose de radiothérapie tridimension-
nelle (RTE 3D) pour recevoir 74 Gy à raison de 2 Gy par frac-
tion (niveau IV). Les patients pour lesquels le risque d’envahis-
sement des vésicules séminales (VS) était inférieur à 15% (selon
le score de Gleason et le niveau de PSA) recevaient 74 Gy sur la
prostate (groupe 1), et ceux pour lesquels le risque atteignait 15%
recevaient 54 Gy sur les VS et 74 Gy sur la prostate (groupe 2).
Une toxicité aiguë de grade 3 n’a été rapportée que chez 1% et
3% des patients des groupes 1 et 2 respectivement. Les toxicités
tardives de grade 3 ont été rares : urinaires pour 5 patients, et
digestives pour 2 patients. La tolérance de cette RTE 3D déli-
vrant 74 Gy a été meilleure que ce qui était attendu par rapport
à des groupes historiques du RTOG.
Montée de dose (70 Gy versus 80 Gy) : faisabilité et tolérance
immédiate
L’analyse des 306 patients (44) randomisés dans l’essai GETUG 06,
comparant deux niveaux de dose 70 Gy et 80 Gy (les doses
moyennes reçues ont été respectivement de 69,5 Gy et de 78,5 Gy),
n’a pas montré de différence significative de toxicité aiguë entre
les deux bras de traitement : 12 % des patients n’ont pas présenté
de toxicité, 80 % ont signalé une toxicité vésicale et 70 % ont
présenté des symptômes rectaux. Des toxicités urinaires de grade 3
ont été observées chez 6 % des patients et des toxicités rectales
de grade 3 chez 2 % d’entre eux. Cet essai montre qu’il est pos-
sible de délivrer 80 Gy dans la prostate, au prix d’une toxicité
aiguë acceptable. Il faudra attendre pour juger de la tolérance à
long terme.
Radiothérapie conformationnelle : escalade de dose
L’escalade de dose à 76 Gy et plus améliore le pronostic dans
l’expérience du Fox Chase Cancer Center, excepté pour les
groupes extrêmes favorables et défavorables (45). Dans une série
de 839 patients, avec un suivi médian de 63 mois, le PSA initial et
la dose de radiothérapie sont en analyse multifactorielle les deux
facteurs prédictifs les plus significatifs de rechute biologique.
Résultats à 20 ans de la radiothérapie pour cancer de la prostate
Cent trente-six patients irradiés (60 Gy) pour un adénocarcinome
de la prostate (T1 : 7 %, T2 : 68 %, T3 : 25 %) ont été suivis au
minimum pendant 22 ans. Les auteurs (46) ont observé une réci-
dive chez 69 % des patients et un décès spécifique chez 51 % de
l’ensemble du groupe. La moitié des récidives sont survenues
après 10 ans de latence, et certaines sont apparues plus de 20 ans
après le traitement. Les probabilités de survie à 5, 10, 15, 20 et
25 ans ont été respectivement de 81 %, 59 %, 37 %, 16 % et 10 %.
Le taux de survie sans récidive à 25 ans est de 17 %. On pourra
évidemment argumenter d’une dose insuffisante (60 Gy) ! Les
résultats des études avec moins de 15 ans de recul doivent-ils être
considérés comme étant préliminaires ?
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