206 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010
ÉDITORIAL
d’Ignace Semmelweis (1818-1865), chirurgien et obstétricien
hongrois, considéré comme le père de l’hygiène hospitalière
et le précurseur de l’antisepsie des mains. L’utilisation de
l’eau de Javel, pour désinfecter les mains des chirurgiens
avant les accouchements, à partir de mai 1847, a fait chuter
dans son hôpital le taux de mortalité par fièvre puerpérale
des mères en post-partum de 12 % à 2,4 % puis à 1,3 %. Un
grand classique des maladies infectieuses, donc. Mais c’est
l’“expert”, soutenant que le streptocoque, responsable de
cette infection, avait plutôt été transmis par son mari lors de
relations sexuelles orogénitales avant l’accouchement, qui
a été écouté. Et la patiente a été déboutée de sa demande
de conciliation amiable.
Gérer l’erreur médicale
Les solutions à ce mal qu’est l’erreur médicale peuvent
être déduites des histoires racontées. Au-delà des facteurs
humains (sur lesquels nous reviendrons), il existe aussi
des facteurs d’erreurs médicales qui sont propres à notre
système de soins. Et on peut craindre, à la lumière de la
réforme actuelle, qu’ils se multiplient. Ils feront alors le
bonheur des experts judicaires comme des avocats qui
gagneront bien mieux leur vie que les médecins, comme
aux États-Unis, modèle pour certains !
Individuellement
La première étape est de reconnaître l’erreur et de
comprendre les mécanismes qui y ont conduit. Ce n’est pas
toujours évident. On observe deux attitudes possibles. Les
uns acceptent. Les autres réfutent, parfois point par point,
avec une mauvaise foi abracadabrantesque. L’erreur doit
ensuite être corrigée. Le patient doit si nécessaire en être
informé, sous peine d’une perte de confiance. Enfin, il faut
être encore plus attentif au risque d’une autre erreur.
Collectivement
Les erreurs doivent faire l’objet de réunions avec l’équipe
soignante pour partager, trouver les dysfonctionnements
de la chaîne décisionnelle et y remédier. Elles résultent
souvent de divers facteurs : un isolement médical, un défaut
d’encadrement, un manque de dialogue, un grain de sable
dans la chaîne décisionnelle, une insuffisance (parfois de la
suffisance) médicale, une incohérence fonctionnelle, une
absence de direction.
Les erreurs ont souvent lieu le week-end ou pendant les
vacances, le pire étant les week-ends pendant les vacances.
Et ce n’est pas un hasard. Il y a un manque d’encadrement
patent pendant ces périodes. Notre système médical est
excellent pour la formation dans le sens qu’il met à l’épreuve
des malades les médecins assez tôt dans leur cursus. Mais
ils doivent être encadrés par des juniors et des seniors qui
doivent donc être disponibles pour cela.
Prévenir l’erreur médicale
Connaître les erreurs classiques
Certaines erreurs classiques doivent être connues et ensei-
gnées : “un train peut en cacher un autre”, “avoir la syphilis
et le bureau de tabac” ou, autrement dit, une maladie peut
être associée à (ou en cacher) une autre. Parfois, il peut
s’agir d’une maladie rarissime, d’une complication évolutive
inhabituelle, d’une interaction médicamenteuse inattendue,
d’un effet indésirable mal connu. Il ne faut pas non plus attri-
buer au “psychosomatique” des symptômes relevant d’une
maladie organique, tout en sachant que c’est parfois un art
bien difficile de différencier les choses, et que cela nécessite
souvent une débauche d’examens complémentaires inutiles.
Un autre piège classique, chez de tels patients, est de savoir
reconnaître l’événement médical au sein de la cohorte des
symptômes fonctionnels habituels de ce malade.
Modestie, Disponibilité, compétence
Les erreurs médicales résultent aussi de certains défauts
propres à chacun d’entre nous. Le médecin se doit donc
d’avoir certaines qualités.
Mon Maître (en certains domaines), Marc Gentilini, avait
pour habitude, quand il accueillait les internes, de leur
demander quelle était, à leurs yeux, la qualité fondamentale
d’un médecin. Cela marchait bien. Les internes se faisaient
avoir à chaque fois. “La compétence, Monsieur !” Et lui de
leur répondre : “Non, la Modestie, avec un grand M.” Effec-
tivement, une des qualités fondamentales d’un médecin est
d’être conscient des limites de ses compétences. “Savoir
ce que l’on sait, savoir ce que l’on ne sait pas, c’est savoir
véritablement” (Confucius, 551-479 av. J.-C).
Et la deuxième qualité d’un médecin ? “La compétence,
Monsieur !” Non (toujours pas), et il répondait : “la Disponibi-
lité, avec un grand D.” Quand il y avait, parmi ces nouveaux
internes, un major de l’internat, non conscient qu’il devait