Mise au point La voie moléculaire dans la formation des carcinomes basocellulaires Molecular pathway implicated in BCC development N. Basset-Seguin (Polyclinique de dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris ; université Paris-7) ▶ Points forts • • PTCH SMO Patch/sonic/hedegehog : une voie essentielle dans le développement des CBC Des inhibiteurs de SMO ont été developpés pour le traitement des CBC localement avancés ou métastatiques GLI Absence de signa signal ▶ Highlights • • Patch/sonic/hedgehog: a driver pathway in the development of BCC SMO inhibitors have been developped for the treatment of locally advanced or metastatic BCC Inhibition tion de la croi croissance tumorale Figure 1. Voie de signalisation hedgehog inactive. D epuis 1996, grâce aux travaux réalisés chez les patients atteints du syndrome de Gorlin, la voie moléculaire impliquée dans la formation des carcinomes basocellulaires (CBC) a été identifiée : il s’agit de la voie patch/ sonic/hedgehog (1, 2). Ces patients ont une mutation constitutive du gène patch, ce qui explique que, dans toutes leurs cellules, un seul allèle de patch soit normal. Il est donc beaucoup plus facile d’inactiver l'allèle restant, et la double inactivation est responsable de la formation de tumeur chez ces patients. Dans les carcinomes basocellulaires sporadiques, les deux allèles de patch doivent être inactives, ce qui explique que ce phénomène soit plus tardif. Voie patch/sonic/hedgehog et carcinomes basocellulaires La voie patch/sonic/hedgehog contrôle la prolifération et la différenciation cellulaire au cours de l’embryogenèse (3). Elle est composée de 2 récepteurs transmembranaires, PTCH et SMO. En l’absence de son ligand hedgehog (HH), PTCH inhibe l’activation de SMO (figure 1). Lorsque le ligand HH se lie à PTCH, il y a levée de l’inhibition de SMO par PTCH et activation de la voie moléculaire d’aval, entraînant l’activation, via divers protéines interactives, des membres de la famille Gli (Gli1, Gli2, Gli3), qui sont des activateurs transcriptionnels, et qui induisent la transcription de divers gènes impliqués dans le contrôle de la prolifération et la différenciation cellulaires [figure 2]. 20 Images en Dermatologie • Vol. VII • no 1 • janvier-février 2014 Figure 2. Voie patch activée. Au cours des CBC, il y a activation de la voie surtout par mutations inactivatrices de patch (décrites plus haut) mais aussi par mutations activatrices de SMO ou plus rarement de HH (figure 2, étoiles). Molécules anti-SMO disponibles et résultats des essais cliniques Il existe actuellement 2 molécules anti-SMO à l’essai dans le traitement des CBC avancés ou métastatiques : GDC-0449, ou vismodégib (laboratoires Roche) [figure 3] et le LDE225 (laboratoires Novartis). Les études cliniques sont plus avancées avec le vismodégib, qui a été approuvé par la Food and Drug Mise au point Cl Vismodégib GDC-0449 PTCH SMO N Inhibition O HN Cl O S O GLI Absence de signal ign Inhibition ition de la croissanc croissance tumorale Figure 3. Vismodégib (GDC-0449) 4 inhibe SMO. Un médiateur central de la voie de signalisation Hedgehog. Administration (FDA) aux États-Unis en janvier 2012 dans l’indication : traitement des carcinomes basocellulaires avancés ou métastatiques. Plus récemment, une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle a été obtenue en Europe. Les résultats d’une phase I ayant pour objectif la tolérance, l’étude pharmacocinétique et l’évaluation de l’efficacité du vismodégib dans les CBC localement avancés (CBCLa) ou métastatiques (CBCm) ont été publiés en 2009 (4). Dans ce travail, 33 patients avec un CBCLa ou m ont pris du vismodégib à 1 des 3 doses étudiées (150 mg [n = 17], 250 mg [n = 15], 450 mg [n = 1]). Parmi eux, 18 (54 %) patients ont eu une réponse objective clinique (n = 10), sur l’ imagerie (n = 7) ou sur les 2 (n = 1). Parmi les autres patients, 11 sont restés stables (33 %) et 4 ont vu leur maladie progresser (12 %). Parmi les patients ayant un CBCLa (n = 15) et qui avaient été suivis entre 2,1 et 19 mois au moment de la publication, 2 (13 %) étaient en rémission complète, 7 (46 %) en rémission partielle et 4 (26 %) étaient stables. Enfin 2 (13 %) patients CBCLa étaient en progression. La réponse globale pour les CBCLa était de 60 % (IC95 : 33-83). Parmi les patients CBCm, la réponse globale observée était de 50 % (IC95 : 29-71) Ces résultats sont remarquables étant donné l’absence de traitement de référence pour ce type de patients qui n’avaient auparavant aucune solution. Il n’y a pas eu, pendant l’étude, d’effet indésirable dose limitant ou de grade 5. Parmi les effets indésirables de grade 3 les plus fréquemment observés, on notait : une hyponatrémie asymptomatique de grade 3 ou 4, une fatigue, une perte de poids, une dyspnée, des crampes musculaires et une fibrillation auriculaire. Seul 1 patient est sorti de cette étude à cause des effets indésirables. Cette étude de phase I a donc montré la tolérabilité et l’efficacité antitumorale du vismodégib dans le traitement des CBCLa et m. Un essai de phase II international multicentrique a suivi et a été publié en 2012 (5). L’objectif primaire de cette étude était le taux de réponse objective indépendante du vismodégib dans les CBCLa et m (la réponse étant évaluée par un panel d’experts indépendants de l’essai à partir des données photographiques et d’imagerie). Dans cette étude, 33 patients avaient un CBCm, et leur taux de réponse indépendante était de 30 % (IC95 : 16-48). Les patients avec un CBCLa (n = 63) avaient un taux de réponse de 43 % (IC95 : 31-56), dont 13 réponses complètes (21 %). Ces chiffres sont légèrement plus bas, à la fois pour les CBCm et les CBCLa, que lors de l’étude de phase I, mais cela est en partie lié à la sous-évaluation de l’analyse indépendante qui n’a raisonné que sur des documents photographiques. Les effets indésirables étaient observés chez 30 % des patients. Les plus fréquents étaient crampes, alopécie, dysgueusie, perte de poids et fatigue, et correspondent à ceux reportés dans les études de phase I et II avec le vismodégib ou avec d’autres inhibiteurs de hedgehog (LDE225) [6]. Au moment de la publication, environ la moitié des patients avaient arrêté le traitement du fait d’effets indésirables et le temps moyen de prise du médicament était de 10 mois dans les 2 groupes de patients (CBCLa et m). L’arrêt du médicament était lié le plus souvent à la progression de la maladie pour les patients CBCm, et à la décision du patient dans le groupe des CBCLa. Des effets indésirables sérieux étaient notés chez 25 % des patients. Sept décès ont été rapportés. Dans 3 cas, la cause de la mort est restée inconnue. Dans les 4 autres cas, le décès était dû à un choc hypovolémique, une atteinte méningée, un infarctus du myocarde, un accident vasculaire. Ces effets indésirables graves sont survenus chez des patients à risque. La responsabilité du vismodégib dans ces effets graves n’est pas connue. Ce travail a donc confirmé l’efficacité antitumorale du vismodégib dans la prise en charge des patients atteints de CBCLa ou m. Le problème de la tolérance à long terme du vismodégib a été posé et a justifié la mise en place de l’essai STEVIE, qui prévoit a inclus 1 200 patients dans le monde. Cet essai est toujours en cours. Son objectif principal est l’évaluation de la tolérance du traitement. Son objectif secondaire, celle de son efficacité. Conclusion La découverte de l’importance de la voie hedgehog dans certains cancers, et en particulier dans les CBC, et le développement d’inhibiteurs de cette voie ont permis de transformer la prise en charge des formes avancées ou métastatiques pour lesquels nous nous trouvions dans une impasse thérapeutique. Les taux de réponse observés sont très encourageants. ❙❙ L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche. Références bibliographiques 1. Hahn H, Wicking C, Zaphiropoulous PG et al. Mutations of the human homolog of Drosophila patched in the nevoid basal cell carcinoma syndrome. Cell 1996;85(6):841-51. 2. Johnson RL, Rothman AL, Xie J et al. Human homolog of patched, a candidate gene for the basal cell nevus syndrome. Science 1996;272(5268):1668-71. 3. Ingham PW. Hedgehog signaling. Cold Spring Harb Perspect Biol 2012;4(6). pii:a011221. 4. Von Hoff DD, LoRusso PM, Rudin CM et al. Inhibition of the hedgehog pathway in advanced basal-cell carcinoma. N Engl J Med 2009;361(12):1164-72. 5. Sekulic A, Migden MR, Oro AE et al. Efficacy and safety of vismodegib in advanced basal-cell carcinoma. N Engl J Med 2012;366(23):2171-9. Images en Dermatologie • Vol. VII • no 1 • janvier-février 2014 21