Cas clinique Une volumineuse tumeur du cuir chevelu S. Monestier (Service de dermatologie, hôpital de la Timone, CHU de Marseille) Un homme de 65 ans, jardinier, est adressé pour la prise en charge d’une volumineuse tumeur pariétale droite ulcérée du cuir chevelu évoluant depuis plus de 6 ans (figure 1). La biopsie montre des images typiques de carcinome basocellulaire (CBC). L’examen clinique ne retrouve pas d’adénopathie. Le patient pèse 52 kg pour 1 m 65. Des nodules pulmonaires bilatéraux suspects sont découverts au scanner thoracique, ainsi qu’une lyse osseuse crânienne en regard du CBC. Dans ses antécédents, on trouve une hernie hiatale traitée par ­oméprazole et une hypertension artérielle traitée par candésartan. Le patient n’a jamais fumé. 1. Que proposez-vous sur le plan thérapeutique ? ■ a. Une chirurgie car réalisable sans difficultés. b. Il s’agit d’un dossier à présenter en RCP. c. Un traitement par inhibiteur de Hedgehog car il existe une atteinte localement avancée. d. Un traitement par inhibiteur de Hedgehog car il existe une atteinte pulmonaire. e. Son traitement est contre-indiqué avec les inhibiteurs de Hedgehog. 2. Vous optez pour un traitement par vismodégib. ■ Quelles précautions préalables prenez-vous ? a. Un bilan sanguin préthérapeutique est conseillé. b. Vous lui faites signer un accord de soins. c. L’accord de soins n’est pas obligatoire pour les hommes. d. Vous arrêtez l’oméprazole. e. Vous faites une évaluation diététique préalable. Figure 1 3. Le patient s’interroge sur les effets indésirables ■ du traitement : a. Des crampes sont possibles, mais rares. b. Des cas d’hépatite surviennent, mais plutôt à long terme. c. La dysgueusie est l’effet indésirable cité par les patients comme le plus gênant. d. L’alopécie est d’apparition rapide mais régresse totalement à l’arrêt. e. Nous ne disposons pas de traitement efficace pour soulager les crampes induites. 4. Le patient vous demande la durée de son traitement : ■ a. Durée de 6 mois. b. Durée guidée par la clinique, mais au moins 6 mois. c. Jusqu’à négativité d’une biopsie attestant de la réponse complète. d. Durée variable, avec possibilité de réaliser des pauses. Figure 2 Images en Dermatologie • Vol. X - n° 3 • mai-juin 2017 111 Questions Quiz 1 Cas clinique Questions Quiz 1 5. À 6 mois, 90 % de la lésion a régressé, ■ mais il persiste une zone bourgeonnante. Selon vous : a. Il peut s’agir d’une zone de résistance primaire. b. Il peut s’agir d’une zone de résistance secondaire. c. Vous décidez de réaliser une biopsie pour éliminer un carcinome épidermoïde. d. Vous proposez l’exérèse de la zone résiduelle et l’arrêt du vismodégib. 6. Le traitement est arrêté après 10 mois ■ pour réponse complète clinique (figure 2, p. 111). Les nodules pulmonaires ont régressé. Quelle interprétation en faites-vous ? a. Cela est en faveur du caractère métastatique du CBC. b. Cela est normal car le vismodégib est efficace également dans les métastases. c. L’atteinte pulmonaire est fréquente dans les CBC évolués. 7. Le patient vous montre sa fille de 30 ans ■ Réponses Figure 3 1. Que proposez-vous sur le plan thérapeutique ? ■ a. Une chirurgie est réalisable sans difficultés. FAUX, du fait de l’atteinte osseuse. b. Il s’agit d’un dossier à présenter en RCP. VRAI, tous les CBC “difficiles à traiter” sont à discuter en RCP et peuvent également être déclarés au réseau Caraderm. c. Un traitement par inhibiteur de Hedgehog car il existe une atteinte localement avancée. VRAI, l’indication du vismodégib est le CBC localement avancé pour lequel la chirurgie n’est pas indiquée. d. Un traitement par inhibiteur de Hedgehog car il existe une atteinte pulmonaire. VRAI, car ce traitement a une certaine efficacité dans les CBC métastatiques. e. Son traitement est contre-indiqué avec les inhibiteurs de Hedgehog. FAUX, mais il faut tenir compte des interactions médicamenteuses et espacer ces traitements de 2 h par rapport à la prise de vismodégib. qui présente une dizaine de lésions cutanées suspectes et des pits palmaires (figure 3) : a. Vous portez le diagnostic de syndrome de Gorlin. b. Le diagnostic de syndrome de Gorlin doit être confirmé par une analyse génétique. c. Vous la rassurez car le vismodégib est efficace dans les syndromes de Gorlin. d. Vous lui prescrivez du vismodégib en traitement discontinu. b. Je lui fais signer un formulaire d’accord de soins. VRAI, c’est obligatoire également pour l’homme. c. L’accord de soins n’est pas obligatoire pour les hommes. FAUX, en effet, le patient mâle doit notamment connaître les risques de malformations en cas de grossesse de sa partenaire, et ce jusqu’à 2 mois après la fin du traitement. d. Vous arrêtez l’oméprazole. FAUX, l’oméprazole interagit avec le vismodégib, mais il peut être pris à distance du vismodégib (par exemple le soir si le vismodégib est pris le matin). e. Vous faites une évaluation diététique préalable. VRAI, car les inhibiteurs de Hedgehog sont associés à une perte de poids dans 50 % des cas, parfois non négligeable (actions combinées des troubles du goût, de la perte ­d’appétit et action cachectisante propre), en particulier si le patient a un faible poids de départ. Il n’y a pas d’interdit alimentaire (hormis le pamplemousse qui interagit avec le cytochrome CYP3A4, avec un risque de surtoxicité du vismodégib) et il ne faut pas hésiter à prescrire des compléments alimentaires. 2. Vous optez pour un traitement par vismodégib. ■ 3. Le patient s’interroge sur les effets indésirables ■ a. Un bilan sanguin préthérapeutique est conseillé. VRAI, car il servira de repère en cas d’anomalie ultérieure, notamment hépatique, avec un bilan qui peut être perturbé, essentiellement en début de traitement. a. Des crampes sont possibles, mais rares. FAUX, les crampes sont retrouvées dans 71 % des cas dans l’étude ERIVANCE (104 patients) et 64 % dans l’étude STEVIE (500 patients analysés). Quelles précautions préalables prenez-vous ? 112 Images en Dermatologie • Vol. X - n° 3 • mai-juin 2017 du traitement : Cas clinique b. Des cas d’hépatites surviennent, mais plutôt à long terme. FAUX, ils surviennent essentiellement en début de traitement, d’où l’intérêt d’avoir un bilan sanguin de référence. c. La dysgueusie est l’effet indésirable cité par les patients comme le plus gênant (avec les crampes). VRAI, la dysgueusie est retrouvée dans environ 54 % des cas. d. L’alopécie est d’apparition rapide mais régresse totalement à l’arrêt. FAUX, elle se développe progressivement, mais peu de patients conservent une bonne densité capillaire à 6 mois. La fréquence est de l’ordre de 62 à 65 %. Des cas d’alopécie persistante à distance de l’arrêt du traitement sont décrits. e. Nous ne disposons pas de traitement efficace pour soulager les crampes induites. VRAI, les différents traitements proposés sont généralement décevants, mais les crampes sont l’effet indésirable qui ­disparaît le plus vite à l’arrêt du traitement (généralement entre 15 jours et 1 mois). 4. Le patient vous demande la durée de traitement : ■ a. Durée de 6 mois. FAUX, il n’y a pas de durée établie, le traitement est poursuivi jusqu’à réponse complète ou stabilité ou intolérance. b. Durée guidée par la clinique, mais au moins 6 mois. VRAI, il est rare de traiter un CBC localement avancé en moins de 5 à 6 mois. c. Jusqu’à négativité d’une biopsie attestant de la réponse complète. FAUX, une biopsie ne garantit pas l’absence de récidive, même en cas de biopsies multiples. d. Durée variable, avec possibilité de réaliser des pauses. VRAI, voilà le message à donner au patient. Dans les essais cliniques, l’analyse des données des patients ayant réalisé des pauses ne semble pas montrer d’incidence sur la réponse. 5. À 6 mois, 90 % de la lésion a régressé, ■ mais il persiste une zone bourgeonnante. Selon vous : a. Il peut s’agir d’une zone de résistance primaire. FAUX, on parle de résistance primaire lorsqu’on n’obtient pas de réponse sous traitement (réduction < 30 %). b. Il peut s’agir d’une zone de résistance secondaire. FAUX, on parle de résistance secondaire lorsqu’après une réponse initiale, la tumeur “re-progresse”. c. Vous décidez de réaliser une biopsie pour éliminer un carcinome épidermoïde. VRAI, toute évolution défavorable sous vismodégib doit faire suspecter un foyer de carcinome épidermoïde. d. Vous proposez l’exérèse de la zone résiduelle et l’arrêt du vismodégib. VRAI, attitude qui se rapproche de l’utilisation du vismodégib à titre néoadjuvant, actuellement en cours d’évaluation dans un essai multicentrique (VISMONEO). 6. Le traitement est arrêté après 10 mois pour réponse ■ complète clinique. Les nodules pulmonaires ont régressé. Quelle interprétation en faites-vous ? a. Cela est en faveur du caractère métastatique du CBC. VRAI b. Cela est normal car le vismodégib est efficace également dans les métastases. VRAI, même s’il est moins efficace que dans les CBC localement avancés (taux de réponse de l’ordre de 67 %), avec un taux de réponse objective (réponses complètes + partielles) dans les CBC métastatiques variant de 37 à 47 %, sur la soixantaine de patients des études ERIVANCE et STEVIE. c. L’atteinte pulmonaire est fréquente dans les CBC évolués. FAUX, le CBC reste un carcinome à malignité essentiellement locale. On retrouve moins de 300 cas de CBC métastatique dans la littérature : il s’agit surtout de CBC de topographie cervico­ faciale, et les sites métastatiques les plus fréquents sont ganglionnaires, pulmonaires et osseux. 7. Le patient vous montre sa fille de 30 ans qui présente ■ une dizaine de lésions cutanées suspectes et des pits palmaires : a. Vous portez le diagnostic de syndrome de Gorlin. VRAI, mais il existe un certain nombre de critères pour ­correspondre à la définition faisant intervenir des critères majeurs : CBC avant 20 ans ou grand nombre de CBC par rapport à la photoexposition/kyste odontogénique avant 20 ­ans/­pits palmo­p lantaires/calcification faux du cerveau/médullo­ blastome/antécédent familial de Gorlin au 1er degré ; et des critères mineurs (anomalies osseuses, oculaires, etc.). b. Le diagnostic de syndrome de Gorlin doit être confirmé par une analyse génétique. VRAI, il s’agit d’une maladie génétique autosomique dominante par mutations du gène PTCH1. c. Vous la rassurez car le vismodégib est efficace dans les syndromes de Gorlin. VRAI, le vismodégib permet une réduction de la taille des CBC et empêche l’apparition de nouveaux CBC dans les syndromes de Gorlin ; malheureusement, les récidives apparaissent à l’arrêt du traitement ; le taux de résistances secondaires semble néanmoins réduit. d. Vous lui prescrivez du vismodégib en traitement discontinu. FAUX, le vismodégib n’a pas d’AMM dans les syndromes de Gorlin (à moins qu’il n’existe un CBC localement avancé) ; bien que des schémas de prises intermittentes soient étudiés (étude MIKIE), ils ne sont pas non plus validés dans l’AMM actuellement. S. Monestier déclare avoir des liens d'intérêts avec Novartis et Roche. Images en Dermatologie • Vol. X - n° 3 • mai-juin 2017 113 Réponses Quiz 1