L T La transplantation d’organe mérite-t-elle un diplôme national ?

Le Courrier de la Transplantation - Volume VII - n
o 1 - janvier-février-mars 2007
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Tribune
La transplantation d’organe
mérite-t-elle un diplôme national ?
P. Deteix*
* Service de néphrologie et réanimation médicale, hôpital Gabriel-
Montpied, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1.
L
a transplantation d’organe est une réalité
clinique depuis plusieurs décennies ; elle
s’appuie sur une discipline fondamentale,
l’immunologie, et concerne plusieurs spécialités
chirurgicales et médicales impliquées dans le traite-
ment des insufsances de fonctionnement du cœur,
du foie, de l’intestin, du pancréas, des poumons et des
reins. L’activité de transplantation a ses spécicités
physiopathologiques (le rejet), thérapeutiques (les
immunosuppresseurs), évolutives (complications
infectieuses et néoplasiques), éthiques (la gestion de
la rareté des organes disponibles, le donneur vivant).
L’activité de transplantation est intimement liée à la
connaissance des disciplines des organes concernés
par la greffe, cela pour les chirurgiens (techniques
chirurgicales) comme pour les médecins (indication,
récidive de la maladie initiale, dysfonction chronique
du greffon).
Actuellement, l’enseignement initial de la transplan-
tation d’organes est abordé en second cycle des
études médicales (item numéro 127 du module 8,
immunopathologie-réaction inammatoire, dans le
programme ofciel du second cycle), puis dispensé
au cours du diplôme d’enseignement spécialisé
(DES) ou du diplôme d’enseignement spécialisé
complémentaire (DESC) de chaque spécialité. À
titre d’exemple, un séminaire de transplantation
destiné aux étudiants du DES de néphrologie est
organisé tous les deux ans par le Collège universi-
taire des enseignants de néphrologie. Cependant,
au cours du troisième cycle, le volume d’enseigne-
ment de transplantation délivré est très variable
d’une spécialité à l’autre. Un diplôme interuni-
versitaire (DIU) de transplantation d’organes a
été créé en région Rhône-Alpes puis étendu à la
région Auvergne ; il a été transformé il y a quelques
années en DIU national. Il a lieu chaque année,
avec un enseignement en trois périodes à Tours,
Lyon et Paris. Il existe également des séminaires
de transplantation organisés tous les ans, soit par
des équipes de transplantation, soit par l’industrie
pharmaceutique. Il y a aussi des programmes de
transplantation au sein des journées d’enseigne-
ment organisées régulièrement en France (Actualités
néphrologiques et Journées de la Pitié-Salpêtrière
en néphrologie par exemple, Journées annuelles des
Sociétés savantes). Le DIU de transplantation d’or-
ganes est pour l’instant le seul diplôme spécique
(d’université et non national) à pouvoir être délivré à
un praticien de la transplantation comme reconnais-
sance de son apprentissage et de ses compétences.
Les diplômes possibles pour certier la formation
nécessaire à une activité médicale sont les diplômes
universitaires (DU) et DIU, qui sont des diplômes
d’université, et les diplômes nationaux que sont le
DES, le DESC et la capacité.
D’autres disciplines transversales identifiées
par les moyens thérapeutiques (réanimation médi-
cale), la conduite du patient (addictologie) ou la
classe d’âge des patients (gériatrie) sont mainte-
nant enseignées dans un DESC spécique, soit de
groupe I (addictologie), soit de groupe II, qui ouvre
droit dans ce cas à la qualication de spécialiste
correspondant à l’intitulé du diplôme (arrêté du
22 septembre 2004). L’autonomie d’exercice (DESC
de groupe II) de la spécialité ne paraît pas une
évolution souhaitable dans le cas de la transplan-
tation d’organes. D’une part, elle n’est pas dans
les faits et ne pourrait pas être fonctionnellement
viable, par exemple, dans la plupart des centres de
néphrologie et, d’autre part, la connaissance de
la spécialité “mère” est garante de la qualité du
suivi du patient greffé et de son greffon. Cela ne
dispense pas les différentes spécialités concernées
(chirurgie cardiovasculaire, digestive, thoracique ou
urologique, cardiologie, hépato-gastroentérologie,
néphrologie, pneumologie) d’intégrer la transplan-
tation dans leurs enseignements de DES et de DESC
et, dans leur maquette, le passage dans des services
agréés pour la transplantation.
Un DESC de groupe I (exercice non exclusif)
en transplantation d’organes a pour objectif la
formation approfondie des futurs praticiens et
enseignants-chercheurs hospitaliers chirurgicaux et
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médicaux de la transplantation d’organes. La durée
d’un DES de médecine est souvent limitée à quatre
années pendant lesquelles le temps d’apprentissage
actuel d’un interne est réduit du fait des temps de
récupération. En outre, la quantité de connaissances
nécessaires à une activité de transplantation a beau-
coup augmenté depuis une vingtaine d’années. Cela
rend dif cile la formation d’un futur cadre de la
transplantation d’organes dans une discipline et pose
la question du DESC. Un diplôme national exigeant
un post-internat pourrait apporter ce complément
et témoigner de la formation des médecins qui en
seraient titulaires. À l’heure où l’obtention d’unités
d’enseignement théorique en troisième cycle est
évoquée, l’obligation d’une unité d’enseignement
d’immunologie de transplantation, de pharmaco-
logie ou bien d’infectiologie pendant le DESC peut
se justi er. Ce DESC de transplantation d’organes
devra être construit en tenant compte des spécialités
qui en permettront l’accès, avec des enseignements
spéci ques à ces spécialités et d’autres communs à
tous les étudiants. L’évaluation sera, bien entendu,
fonction du DES d’origine de l’étudiant, et une
mention de cette spécialité sera indiquée sur le
diplôme délivré.
Les arguments proposés contre la création d’un
DESC de transplantation d’organes sont le nombre
de spécialités déjà existantes, la crainte de certaines
disciplines de voir l’activité quitter la discipline,
la crainte de voir les prescriptions de médicaments
immuno suppresseurs réservées aux titulaires du
diplôme de transplantation (question d’actua-
lité en cancérologie) et, en n, l’allongement du
temps de formation. On peut y répondre de la façon
suivante :
Il n’est pas créé une spécialité indépendante,
mais une formation à un domaine précis et spéci-
que de spécialités existantes. Les vraies spécialités
à décompter sont celles qui ont un DES ou un DESC
de groupe II.
La création d’un DESC passant par les disci-
plines “mères” est une garantie de maintenir une
activité de transplantation dans ces disciplines où
sera formé le praticien.
Certes, ce qui a pu se passer en cancérologie
doit inciter à la prudence pour la transplantation
d’organes ; la prise en charge et la thérapeutique
des patients transplantés ne doivent pas être réser-
vées aux titulaires du DESC, mais il pourrait être
demandé que, dans chaque groupe de transplan-
tation d’organes, il y ait un ou plusieurs titulaires
du DESC. Par groupe, on peut entendre les équipes
de transplantation elles-mêmes ou bien, en plus,
les services qui ont la coresponsabilité d’un grand
nombre de patients greffés sans pour autant réaliser
eux-mêmes les transplantations. Les praticiens des
disciplines “mères” chirurgicales et médicales
doivent pouvoir continuer à prendre en charge les
malades transplantés avec, au sein des équipes,
un ou plusieurs praticiens titulaires d’un diplôme
national de transplantation plus spéci quement
impliqués en recherche, enseignement et réseaux
de soins en transplantation.
Le DESC de groupe I comprend deux semestres
pendant l’internat et deux semestres en post-internat
dans des services agréés pour le diplôme. Ainsi, un
assistant chef de clinique qui a un contrat minimum
de deux ans en post-internat pourra fort bien intégrer
cette formation dans le cursus qui est actuellement
le sien. Il n’y aura pas d’allongement du temps
de formation si l’on accepte le fait que les cadres
médicaux de la transplantation d’organes ont de
toute manière un post-internat.
Les praticiens agissant en transplantation d’or-
gane font appel à une base fondamentale bien
identi ée, à des traitements spéci ques, et ont à
traiter des complications bien souvent identiques
quel que soit l’organe transplanté. Ils doivent aussi
continuer d’être très impliqués dans l’exercice de
leur spécialité d’origine a n de faire face à des
complications spéci ques de l’organe transplanté.
Les cadres hospitalo-universitaires et hospitaliers
exerçant cette activité doivent avoir une formation
solide qu’il n’est pas possible d’intégrer complè-
tement dans les maquettes pratiques et théoriques
des DES de spécialités d’organes. Pour toutes ces
raisons, le projet de création d’un DESC de groupe I
de transplantation d’organes mérite une attention
toute particulière et doit susciter une ré exion au
sein des instances de toutes les spécialités impli-
quées dans ce domaine.
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