11 Rencontres Scientifiques et Techniques Infirmières Compte-rendu

Objectif qualité de vie
La quête pour la qualité de vie des patients
atteints d’un cancer est une action de tous les instants.
C’est dans cette logique que les équipes soignantes
trouvent un rôle essentiel.
La prise en charge palliative en oncologie n’est pas une prise en
charge de la fin de vie. Elle peut intervenir dès l’annonce du dia-
gnostic ou, pour certains patients, après un long parcours de rémis-
sions et de rechutes. Les soins qui sont prodigués ont pour objectif es-
sentiel de préserver la qualité de vie, ce qui signifie bien davantage que
prolonger la durée de vie. Ces soins médicaux et infirmiers revêtent
quatre spécificités. Ils sont :
adaptés au corps trahi par la maladie ;
donnés à une personne considérée comme un “tout” bio-psycho-
social et spirituel ;
–toujours en relation avec la famille ;
donnés par une équipe pluridisciplinaire de professionnels.
Compte-rendu
Les Rencontres Scientifiques
et Techniques Infirmières (RSTI) se sont déroulées
les 6 et 7 novembre 2001 à La Villette, à Paris.
Compte-rendu de ces journées de formation qui s’adressent
aux infirmières travaillant aussi bien en établissements
hospitaliers qu’au domicile du patient.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002
Sommaire
• Ur
11es Rencontres Scientifiques
et Techniques Infirmières
Cancérologie
Cancérologie
Sommaire
Cancérologie
Diabète
Vasculaire
Neurologie
Hygiène
Chirurgie
11es Rencontres Scientifiques
et Techniques Infirmières
20
Bien-être et espoir
«Tous les soins apportés à ces patients ne peuvent
être donnés que si le corps malmené par la maladie
est calme et apaisé, soulignent Agnès Chauveau et
Élisabeth Viault, infirmières au CHU de Poitiers.
Dans ce contexte, l’évaluation des douleurs et leurs
traitements sont donc nécessairement la clé de voûte
d’une prise en charge adaptée et personnalisée. »
Les soins de nursing, base de la relation qui va
se tisser entre le malade, les soignants et la fa-
mille, devront être un moment de bien-être et
d’espoir, tout comme l’approche humaine apai-
sante, rassurante et relaxante du toucher.
Le massage, lui, permet la conscience corpo-
relle, et favorise l’émergence des émotions et
des sensations. «C’est une communication non
verbale, donc une écoute présente, qui autorise la
personne massée à exprimer son ressenti et ses
angoisses, à valoriser cette personne dans son inté-
gralité corporelle et physique », précisent les deux
infirmières.
Mettre en œuvre le projet de vie
«La qualité de vie passe aussi, ajoutent-elles, par
la possibilité de se “recréer”, de réaliser ses “envies”.
Quoi de plus motivant, pour la personne dont le
corps et l’énergie sont aspirés par la maladie, que
d’avoir une équipe pluridisciplinaire qui met en har-
monie, avec l’aide de sa famille, son projet de vie ? ».
Ce dernier peut prendre diverses formes : per-
mettre au malade, pour le temps qui reste, de re-
vivre encore une fois avec les siens dans un en-
vironnement familier, d’entretenir son corps par
des soins esthétiques, de reprendre confiance en
effectuant quelques pas dans le couloir, de conti-
nuer à déguster ses petits plats favoris, ou en-
core d’agir selon ses croyances et ses valeurs.
«Chaque jour, concluent Agnès Chauveau et Éli-
sabeth Viault, nous recevons et apprenons de ceux
que nous aidons, pour que d’autres puissent bénéfi-
cier d’une prise en charge personnalisée et que, jus-
qu’au bout, ils réalisent leurs “envies” avec leurs fa-
milles et leurs amis. »
Stéphane Henri
D’après les propos tenus
lors de la conférence organisée
avec le soutien des laboratoires GlaxoSmithKline
Le malade isolé
L’isolement du patient immunodéprimé
est une tendance qui se généralise.
La 4eRéunion du GRIOH*,
consacrée à ce thème, en a abordé
deux aspects : le vécu psychologique,
d’une part, et l’aide alimentaire,
d’autre part.
Initialement réservé aux patients greffés ou
en attente d’allogreffe, l’isolement du patient
est, depuis une dizaine d’années, une technique
de plus en plus utilisée pour des autogreffes et
des chimiothérapies lourdes. «Dans le même
temps, indique Frédérique Topall-Rabanes, psy-
chologue-psychanalyste au service de greffe de
moelle de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), on ob-
serve aussi le mouvement inverse puisque, aux
États-Unis, le dispositif utilisé pour les allogreffes
se simplifie, les greffes s’effectuant le plus sou-
vent en chambre banale, sans flux laminaire, et
même sans surchaussure et surblouse. Il y a donc
lieu de s’interroger sur l’impact des mesures d’iso-
lement, sur le plan psychique comme sur le plan
somatique ».
Selon des travaux anglo-saxons, les effets psy-
chiques de l’isolement sont très proches de la
détresse émotionnelle suscitée par la greffe. On
peut donc effectivement questionner la spéci-
ficité de l’impact de l’isolement. «Notre hypo-
Spécial RSTI
Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002
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* Groupe de Recherche des Infirmières en Oncologie et
Hématologie.
©D.Arnoult
Aux 11es RSTI,
visite des stands
après une conférence...
thèse, reprend Frédérique Topall-Rabanes, est
que, dans le contexte d’une maladie à pronostic
réservé, les angoisses exprimées à propos de l’iso-
lement sont en fait un déplacement de l’angoisse
de mort ».
Des manifestations stéréotypées
Dans ce même contexte, une étude déjà an-
cienne, effectuée au moyen d’enregistrements vi-
déo des réactions de jeunes enfants à leur entrée
en bulle, pendant leur séjour sous bulle et à la
sortie de la bulle, permet d’expliquer les réac-
tions spécifiques à l’isolement. Cette étude
montre que, chez le très jeune enfant, on ob-
serve, dans la période qui suit l’entrée en bulle,
un état de sédation et de calme qui précède une
période d’exploration des acquisitions. Au mo-
ment de la sortie, tous les enfants présentent des
expressions d’angoisse et refusent de sortir de la
bulle. Ces manifestations, variables en intensité,
sont stéréotypées en durée. Elles sont indépen-
dantes de l’âge de l’enfant et de la durée du confi-
nement. «Selon notre expérience clinique auprès de
patients adultes et enfants greffés sous flux laminaire,
on peut observer des comportements comparables,
explique Frédérique Topall-Rabanes. Ainsi, alors
que l’angoisse des patients s’exprime de manière pri-
vilégiée à propos de l’isolement avant l’hospitalisa-
tion, cette période est paradoxalement une période
de calme, de récupération, où l’angoisse de mort est
comme suspendue. L’isolement et le soutien émotion-
nel apporté par l’équipe soignante ont donc une fonc-
tion de contenant psychique facilitant la prise en
charge du patient ».
Deux types de contamination
Les patients isolés, très immunodéprimés du
fait de leur maladie ou des traitements qu’ils re-
çoivent, nécessitent aussi que des mesures d’hy-
giène alimentaire stricte soient prises. En effet,
certains aliments comportent un risque de
contamination, soit en raison du produit lui-
même, soit en raison des manipulations qu’ils
ont subies. Une étude menée par le laboratoire
de microbiologie de l’hôpital Saint-Louis a per-
mis d’évaluer la “contamination initiale” des ali-
ments, cette contamination pouvant être de
deux types : bactérienne (pour les aliments qui
peuvent avoir été contaminés par contact ma-
nuel, par du matériel de cuisine souillé, etc.) ou
fongique, en particulier à Aspergillus. Cette der-
nière, qui peut s’avérer particulièrement dan-
gereuse pour les patients, a été plus spéciale-
ment étudiée afin de déterminer précisément
les aliments à risque. Des procédures de dé-
contamination des aliments ou de leurs embal-
lages ont ensuite été testées et mises en place.
Sur le plan des indications médicales, il existe
deux types de prescription alimentaire selon le
degré d’immunodépression du patient. «Le pre-
mier, décrit Françoise Funel, diététicienne, est
l’alimentation protégée, dont le but est de n’appor-
ter au patient aucun germe pathogène tout en ré-
duisant l’apport en germes non pathogènes. Elle doit
être proposée aux patients en aplasie (PN inférieur
à 500/mm3) consécutive à une chimiothérapie. Le
deuxième est l’alimentation décontaminée, dont le
but est de n’apporter aucun germe pathogène et de
limiter au maximum l’apport en germes non patho-
gènes (flore microbienne totale non pathogène infé-
rieure à 10 bactéries par gramme d’aliment). Elle
concerne les patients en aplasie profonde après in-
tensification pour allogreffe ou autogreffe de moelle
osseuse ou de cellules souches, après chimiothérapie
très hématotoxique (leucémie aiguë myéloïde de
l’enfant) ou porteurs d’une aplasie médullaire idio-
pathique grave. Ces patients reçoivent une déconta-
mination contrôlée du tube digestif ».
Éduquer et informer le patient
Évidemment, l’hygiène du personnel doit être
strictement respectée pendant la préparation et
la distribution des aliments : lavage des mains,
port de masque, charlotte, tablier, manipulations
sous flux laminaire pour les patients en alimen-
tation décontaminée. «Il est aussi possible, ajoute
Françoise Funel, d’améliorer l’alimentation de ces
patients en autorisant les familles à apporter des ali-
ments ou préparations “maison”. Mais, pour éviter
tout risque, il est indispensable de leur fournir la liste
des aliments autorisés et de préciser leurs conditions
de préparation et de transport ».
De la même façon, après la sortie de l’hôpital, des
conseils écrits, comportant des listes d’aliments,
des méthodes de préparation et des procédures
d’hygiène et de nettoyage sont remis aux patients
qui doivent continuer à appliquer les principes
d’une alimentation “protégée”. Sont notamment
concernés les patients allogreffés (pendant les
cent jours qui suivent la réinjection), les patients
autogreffés (pendant le mois suivant la sortie de
l’hôpital) et les patients qui restent chez eux pen-
dant une période d’aplasie. «Cette éducation et
cette information du patient sortant d’une période
d’isolement sont indispensables pour que le retour à
domicile se fasse dans les meilleures conditions »,
conclut Françoise Funel.
Stéphane Henri
D’après les propos tenus
lors de la conférence organisée
avec le soutien des laboratoires GlaxoSmithKline.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002
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Ne pas nier
la fatigue
«La fatigue existe,
insiste Pascale Dielenseger,
présidente de l’Association française
des infirmières de cancérologie (AFIC).
Ce n’est pas une plainte incongrue ».
Il reste à bien intégrer cette dimension
dans toute démarche clinique.
La fatigue est devenue le premier sujet de plainte
pour 58 à 80 % des patients cancéreux, selon
les études américaines », précise le Dr Mario
Di Palma, de l’Institut Gustave-Roussy (IGR), à
Villejuif. Les patients se plaignent bien plus de
la fatigue que de l’alopécie, de la douleur ou
des nausées.
L’approche clinique
Toute démarche clinique implique de recon-
naître la fatigue. Le soignant peut faire appel à
l’observation. «On observe la lenteur des gestes
et des déplacements, précise Pascale Witz, infir-
mière à l’IGR et membre de l’AFIC. On observe
les essoufflements, la pâleur, une voix faible, un vi-
sage éteint... Les patients peuvent utiliser des mots
susceptibles de nous guider comme “démotivé”,
“épuisé”, “manque d’énergie”, “ennui”, “faible” ou
“coup de pompe”...».
Les grilles d’évaluation
Il existe des questionnaires visant à évaluer la
fatigue. «Le questionnaire de Piper, créé en 1987,
a été traduit en français par l’IGR, explique le
Dr Di Palma. Il comporte 27 questions sous forme
d’échelles visuelles analogiques. Il explore quatre
dimensions : l’intensité de la fatigue et son impact
physique et social, son ressenti dans la vie person-
nelle, ses caractéristiques physiques ou mentales,
son impact psychologique. » Mais ce question-
naire, précis, complet, constitue avant tout un
outil de recherche. «En revanche, le Brief Fatigue
Inventory ne comporte que 10 questions simples,
souligne le Dr Di Palma. On y répond par “oui”
ou “non”, par exemple, à la question “Êtes-vous fa-
tigué ?” » C’est un outil moins précis, mais plus
pratique. La règle demeure de toujours utiliser
un questionnaire validé de manière scientifique,
dans la langue utilisée.
Ni réponses toutes faites, ni déni
«Nous ne pouvons pas toujours mener des ac-
tions criantes d’efficacité en matière de fatigue,
concède le Dr Di Palma. Mais il est normal
d’en parler. D’autant que ce n’est pas une fatalité.
On peut agir dans certains cas. » La recherche
aide à mieux aborder ce mal jadis ignoré. «Au
début, l’industrie pharmaceutique a financé beau-
coup d’études sur l’anémie, poursuit-il. On a
pu commencer à tirer le fil de la pelote. Ces tra-
vaux ont conduit à d’autres facteurs liés à la
fatigue : l’alimentation, l’hydratation, les troubles
du sommeil, le manque d’activité, les effets des
traitements, etc. »
Spécial RSTI
Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002
«
©D.Arnoult
Une assistance
nombreuse et concentrée
écoute les intervenants
d’une conférence
en cancérologie.
Outre la qualité de leur approche clinique, des
équipes qui peuvent proposer au patient l’inter-
vention d’un psychologue, d’un psychanalyste ou
d’un psychiatre pourront mieux aider le patient.
Il ne faut pas oublier le rôle de l’alimentation.
«Mais, trop souvent, on fait appel à nous quand le pa-
tient a atteint un état général très dégradé. » La dié-
téticienne propose in extremis au patient des pré-
parations ou des compléments alimentaires qu’il
refuse. S’ils avaient été proposés plus tôt, le patient
les aurait trouvés meilleurs, et, quand il en aurait
vraiment eu besoin, il en aurait connu les mérites.
Marc Blin
D’après les propos tenus
lors de la conférence organisée en collaboration avec l’AFIC
(Association française des infirmiers en cancérologie)
et le soutien de Ortho Biotech (division de Janssen-Cilag).
Saga de la lutte
anti-douleur à l’hôpital
Geneviève Borde-Muller
se veut une “soixante-huitarde
de la douleur”. Elle a vu la création
de la première consultation douleur
en 1983 à l’Institut Curie (Paris).
Elle y est aujourd’hui
cadre supérieur infirmier.
Le patient hospitalisé pour des douleurs souffre
depuis plusieurs jours ou semaines, dit Gene-
viève Borde-Muller, cadre supérieur infirmier
d’une unité spécialisée dans les cancers du sein
et les cancers gynécologiques, à l’Institut Curie,
à Paris. Leur souffrance peut être telle que certains
sont prêts à attenter à leur vie ! S’ils ont enfin trouvé
le sommeil, soulagés par les traitements, je ne veux
pas qu’on les réveille s’ils dorment à six heures du
matin, afin de faire le ménage dans la chambre. Il
est possible d’être charitable : faire cet effort d’or-
ganisation pour trois patients sur vingt-cinq reste
réalisable.»
Pour favoriser une meilleure approche clinique,
Geneviève Borde-Muller participe à la création
d’un questionnaire d’auto- et hétéro-évaluation
de la douleur. «Il est fiable et simple d’utilisation,
dit-elle. Il faut dix à quinze minutes pour le rem-
plir. » Ce questionnaire comporte quatre axes :
l’évaluation de la douleur, sa traduction dans le
langage, dans l’activité, ainsi que dans le som-
meil. La graduation obtenue dans chaque do-
maine permet de dessiner un losange, dont la
taille se trouvera réduite si le malade souffre
moins, augmentée s’il souffre plus. «Pour le lan-
gage, par exemple, l’envahissement complet de ce-
lui-ci par la douleur correspond à la graduation 5,
explique Geneviève Borde-Muller. L’envahisse-
ment partiel correspond à la note 4. Dans ce cas, le
patient parle à tout le monde de sa douleur, mais
reste capable de parler d’autre chose. La plainte
spontanée, mais peu fréquente, correspond à la
note 3. Nous notons 2 la plainte émise uniquement
à l’interrogatoire, et 1 l’absence de plainte même à
l’interrogatoire. Pour le sommeil, la graduation va-
riera selon que le patient dort, se réveille une ou plu-
sieurs fois par nuit, ou ne parvient pas à dormir .»
D’autres critères que ceux de cette représenta-
tion graphique entrent en jeu. «C’est pourquoi les
infirmières relèvent aussi la présence ou non de
nausées, de vomissements, de constipation, de som-
nolence, de désorientation, de troubles respiratoires
ou urinaires. »
Ainsi, l’évaluation comme les traitements de la
douleur évoluent. Geneviève Borde-Muller a vu
l’essor et le développement des progrès en ma-
tière de prise en charge de la douleur et de soins
palliatifs. «Mais j’en veux tout de même un peu aux
médias, dit-elle. Ils ont un peu trop dit que l’on pou-
vait soigner toutes les douleurs. Or, même si nous
avons 98 % de réussite, il nous reste tout de même
2% d’échecs. »
Marc Blin
D’après les propos tenus lors de la conférence
organisée avec le soutien des laboratoires Janssen-Cilag.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002
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©D.Arnoult
L’occasion d’une prise de contact avec les publications
spécialisées à destination des infirmières.
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