thèse, reprend Frédérique Topall-Rabanes, est
que, dans le contexte d’une maladie à pronostic
réservé, les angoisses exprimées à propos de l’iso-
lement sont en fait un déplacement de l’angoisse
de mort ».
Des manifestations stéréotypées
Dans ce même contexte, une étude déjà an-
cienne, effectuée au moyen d’enregistrements vi-
déo des réactions de jeunes enfants à leur entrée
en bulle, pendant leur séjour sous bulle et à la
sortie de la bulle, permet d’expliquer les réac-
tions spécifiques à l’isolement. Cette étude
montre que, chez le très jeune enfant, on ob-
serve, dans la période qui suit l’entrée en bulle,
un état de sédation et de calme qui précède une
période d’exploration des acquisitions. Au mo-
ment de la sortie, tous les enfants présentent des
expressions d’angoisse et refusent de sortir de la
bulle. Ces manifestations, variables en intensité,
sont stéréotypées en durée. Elles sont indépen-
dantes de l’âge de l’enfant et de la durée du confi-
nement. «Selon notre expérience clinique auprès de
patients adultes et enfants greffés sous flux laminaire,
on peut observer des comportements comparables,
explique Frédérique Topall-Rabanes. Ainsi, alors
que l’angoisse des patients s’exprime de manière pri-
vilégiée à propos de l’isolement avant l’hospitalisa-
tion, cette période est paradoxalement une période
de calme, de récupération, où l’angoisse de mort est
comme suspendue. L’isolement et le soutien émotion-
nel apporté par l’équipe soignante ont donc une fonc-
tion de contenant psychique facilitant la prise en
charge du patient ».
Deux types de contamination
Les patients isolés, très immunodéprimés du
fait de leur maladie ou des traitements qu’ils re-
çoivent, nécessitent aussi que des mesures d’hy-
giène alimentaire stricte soient prises. En effet,
certains aliments comportent un risque de
contamination, soit en raison du produit lui-
même, soit en raison des manipulations qu’ils
ont subies. Une étude menée par le laboratoire
de microbiologie de l’hôpital Saint-Louis a per-
mis d’évaluer la “contamination initiale” des ali-
ments, cette contamination pouvant être de
deux types : bactérienne (pour les aliments qui
peuvent avoir été contaminés par contact ma-
nuel, par du matériel de cuisine souillé, etc.) ou
fongique, en particulier à Aspergillus. Cette der-
nière, qui peut s’avérer particulièrement dan-
gereuse pour les patients, a été plus spéciale-
ment étudiée afin de déterminer précisément
les aliments à risque. Des procédures de dé-
contamination des aliments ou de leurs embal-
lages ont ensuite été testées et mises en place.
Sur le plan des indications médicales, il existe
deux types de prescription alimentaire selon le
degré d’immunodépression du patient. «Le pre-
mier, décrit Françoise Funel, diététicienne, est
l’alimentation protégée, dont le but est de n’appor-
ter au patient aucun germe pathogène tout en ré-
duisant l’apport en germes non pathogènes. Elle doit
être proposée aux patients en aplasie (PN inférieur
à 500/mm3) consécutive à une chimiothérapie. Le
deuxième est l’alimentation décontaminée, dont le
but est de n’apporter aucun germe pathogène et de
limiter au maximum l’apport en germes non patho-
gènes (flore microbienne totale non pathogène infé-
rieure à 10 bactéries par gramme d’aliment). Elle
concerne les patients en aplasie profonde après in-
tensification pour allogreffe ou autogreffe de moelle
osseuse ou de cellules souches, après chimiothérapie
très hématotoxique (leucémie aiguë myéloïde de
l’enfant) ou porteurs d’une aplasie médullaire idio-
pathique grave. Ces patients reçoivent une déconta-
mination contrôlée du tube digestif ».
Éduquer et informer le patient
Évidemment, l’hygiène du personnel doit être
strictement respectée pendant la préparation et
la distribution des aliments : lavage des mains,
port de masque, charlotte, tablier, manipulations
sous flux laminaire pour les patients en alimen-
tation décontaminée. «Il est aussi possible, ajoute
Françoise Funel, d’améliorer l’alimentation de ces
patients en autorisant les familles à apporter des ali-
ments ou préparations “maison”. Mais, pour éviter
tout risque, il est indispensable de leur fournir la liste
des aliments autorisés et de préciser leurs conditions
de préparation et de transport ».
De la même façon, après la sortie de l’hôpital, des
conseils écrits, comportant des listes d’aliments,
des méthodes de préparation et des procédures
d’hygiène et de nettoyage sont remis aux patients
qui doivent continuer à appliquer les principes
d’une alimentation “protégée”. Sont notamment
concernés les patients allogreffés (pendant les
cent jours qui suivent la réinjection), les patients
autogreffés (pendant le mois suivant la sortie de
l’hôpital) et les patients qui restent chez eux pen-
dant une période d’aplasie. «Cette éducation et
cette information du patient sortant d’une période
d’isolement sont indispensables pour que le retour à
domicile se fasse dans les meilleures conditions »,
conclut Françoise Funel.
Stéphane Henri
D’après les propos tenus
lors de la conférence organisée
avec le soutien des laboratoires GlaxoSmithKline.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No33-34 - janvier-février 2002