La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000
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MISE AU POINT
Mode d’action
Le mode d’action du léflunomide est connu (1, 2). Il inhibe la
dihydroorotate déhydrogénase (DHODH), qui est une enzyme
clé de la voie de biosynthèse de novo des pyrimidines. L’in-
hibition de cette enzyme réduit la synthèse d’ADN et d’ARN
cellulaire (figure 2). L’inhibition de la DHODH produit une
réduction du pool des pyrimidines à l’origine d’un arrêt du
cycle des cellules sensibles, notamment des lymphocytes T
activés. Ceux-ci utilisent huit fois plus la voie des pyrimidines
que celle des purines lors de leur prolifération.
Ce mode d’action du léflunomide est à rapprocher du rôle clé des
lymphocytes T dans la pathogénie de la PR (3), et explique que
les premiers essais cliniques de ce nouveau médicament réalisés
chez l’homme l’aient été dans la PR. À noter qu’il existe une voie
de récupération des pyrimidines (figure 2), ce qui permet d’évi-
ter une cytotoxicité vis-à-vis des autres types cellulaires.
Léflunomide et modèles animaux
Le léflunomide a été utilisé avec succès dans de nombreux
modèles animaux de maladies auto-immunes, en particulier
dans l’arthrite induite par l’adjuvant chez le rat, par le colla-
gène de type II ou par des protéoglycanes chez la souris (1).
Pharmacocinétique du léflunomide
Le léflunomide est bien absorbé après administration orale.
Le Tmax du métabolite actif est de 6 à 12 heures.
Sa demi-vie est de deux semaines, ce qui est particulièrement
long. Il faut une dose de charge de 100 mg par jour pendant
trois jours pour atteindre plus rapidement le plateau d’équi-
libre plasmatique (deux à trois jours au lieu de huit à dix
semaines).
La pharmacocinétique est linéaire. Le léflunomide a un faible
volume de distribution, mais une forte liaison, bien que labile,
aux protéines plasmatiques (99 %). L’élimination se fait à 43 %
dans les urines et à 48 % dans les selles.
Il n’y a pas d’interaction avec l’alimentation, ni d’interaction
médicamenteuse significative connue (contraceptifs oraux,
cimétidine, diclofénac, ibuprofène, MTX, etc.).
Enfin, il y a une possibilité d’élimination accélérée du produit
par le charbon actif ou, mieux, par la cholestyramine. Le
schéma proposé est l’administration de cholestyramine 8 g,
trois fois par jour pendant onze jours.
Tolérance préclinique du léflunomide
Les études chez l’animal ont retrouvé des cas d’anémie, de
leucopénie et de thrombopénie reflétant le mode d’action de
la molécule (inhibition de la synthèse de l’ADN). Il n’a pas
été montré d’effet mutagène ni d’effet carcinogène chez le rat.
En revanche, le léflunomide est embryotoxique et tératogène
chez le rat et le lapin, à des doses correspondant aux posolo-
gies utilisées chez l’homme. La fertilité n’est pas diminuée.
RÉSULTATS DES ÉTUDES CLINIQUES
Études de phase II
Sept études de phase II ont été réalisées, dont une étude pivot
contrôlée en double aveugle (5, 10, 25 mg/j contre placebo)
(4). Quatre cent deux patients atteints de PR ont été traités
pendant six mois. L’efficacité a été confirmée contre placebo,
la dose la plus efficace étant celle de 25 mg/j. Cependant, à
cette dose, les effets secondaires étaient plus importants,
notamment les diarrhées. Grâce à un modèle d’adaptation de
posologie, la dose optimale retenue est celle de 20 mg/j, qui
sera utilisée dans toutes les études ultérieures.
Études cliniques de phase III
Cette phase comporte trois études multicentriques internatio-
nales contrôlées en double aveugle (5, 6, 7).
L’étude US 301 (n = 482 patients) a comparé le léflunomide
au placebo et au méthotrexate (MTX) sur une période de
12 mois, aux États-Unis et au Canada (5). L’étude MN 301
(n = 358) a comparé le léflunomide au placebo et à la sulfa-
salazine sur une période de six mois, avec une extension à
12 mois pendant laquelle le groupe placebo a reçu de la sul-
fasalazine. Cette étude a été menée essentiellement en Europe,
mais également en Afrique du Sud, en Australie et en Nou-
velle-
Zélande (6). L’étude MN 302 (n = 999) a comparé le
léflunomide et le MTX sur une période de 12 mois en Europe
et en Afrique du Sud (7). Dans les trois études, le léflunomide
a été administré à 100 mg par jour pendant trois jours, puis à
20 mg par jour en une prise. La sulfasalazine a été adminis-
trée à 2 g par jour dans l’étude MN 301, et le MTX à une poso-
logie de 7,5 à 15 mg par semaine dans les études US 301
(moyenne = 10,6 mg) et MN 302 (moyenne = 11,1 mg). De
l’acide folique a été administré conjointement au MTX à 2 mg
par jour de manière systématique dans l’étude américaine,
mais pas dans l’étude européenne.
Figure 2. Le léflunomide inhibe la biosynthèse de novo des pyrimidines.