8 | La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011
CAS CLINIQUE
1. Pélissier J, Petiot S, Bénaïm C, Asencio G. Prise en
charge des paraostéoarthropathies neurogènes (POAN)
chez le traumatisé cranio-encéphalique : étude de la
littérature. Ann Readapt Med Phys 2002;45(5):188-97.
2. Seipel R, Langner S, Platz T, Lippa M, Kuehn JP, Hosten
N. Neurogenic heterotopic ossification: epidemiology
and morphology on conventional radiographs in an early
neurological rehabilitation population. Skeletal Radiol
2011 Feb 18 [Epub ahead of print].
3. Flin C, Curalucci H, Duvocelle A, JM Viton. Paraos-
téoarthropathies neurogènes et traumatisme crânien
sévère. Ann Readapt Med Phys 2002;45:517-20.
Références bibliographiques
Des muscles en béton…
M. Godfrin-Valnet*, G. Godfrin**, J. Godard**, D. Wendling*
* Service de rhumatologie, hôpital Jean-Minjoz, CHU de
Besançon.
** Service de neurochirurgie, hôpital Jean-Minjoz, CHU de
Besançon.
Mots-clés
Ossification hétérotopique périarticulaire – Traumatisme cérébromédullaire – Paraostéoarthropathie neurogène
I
l s’agit d’une patiente de 24 ans, sans antécédents particuliers, victime d’un accident
de la voie publique occasionnant un grave traumatisme crânien à l’origine d’un coma
de plusieurs jours sans lésion médullaire associée. À la prise en charge, la patiente
présente également un déficit hémicorporel gauche complet, expliqué par les lésions
mésencéphaliques. Un mois après son admission, elle présente des douleurs d’horaire
inflammatoire de la hanche gauche associées à une impotence fonctionnelle totale
limitant la mobilisation.
Quelles sont les hypothèses diagnostiques à évoquer ?
▶Fracture du col fémoral gauche.
▶Arthrite septique de la hanche gauche.
▶Paraostéoarthropathie neurogène (POAN) de la hanche gauche.
Le premier diagnostic clinique suspecté était celui d’une arthrite bactérienne aiguë
de la hanche gauche, motivant la réalisation d’un scanner de hanche (figures 1 et 2).
Commentaire
La POAN est une ossification hétérotopique des tissus périarticulaires. Elle survient dans
les suites d’une atteinte cérébrale et/ou médullaire principalement post-traumatique, le
plus souvent asymptomatique, de découverte fortuite. Certaines atteintes neurologiques
périphériques peuvent conduire à cette pathologie (1). Elle touche des patients jeunes
(âge moyen : 28 ans) avec une incidence allant de 11 % à 25 %, selon la littérature. Cette
manifestation d’étiologie mal connue est à l’origine de séquelles fonctionnelles graves,
avec risque d’ankylose, chez des patients déjà souvent lourdement déficitaires. Il ne
semble pas exister d’influence du sexe ou de l’âge, mais des études épidémiologiques
rapportent des taux de POAN 2 fois plus fréquents chez les hommes jeunes (2). Il existe
par ailleurs des facteurs de risque reconnus : un score de Glasgow initialement bas, un
coma d’une durée supérieure à 30 jours et la survenue d’une spasticité. Il semblerait
également que la présence d’au moins 2 fractures augmente l’incidence de la POAN,
surtout si celles-ci ont été traitées chirurgicalement (3).
La POAN atteint préférentiellement les grosses articulations : la hanche est le site le plus
souvent touché, puis, avec une fréquence moindre, les coudes, les épaules et les genoux. Le
délai d’apparition est variable (entre 3 et 12 semaines pour les extrêmes) [2, 3]. Dans près de
75 % des cas, une atteinte pluriarticulaire pourrait survenir (atteinte bilatérale des hanches) [2].
Le diagnostic est suspecté devant un enraidissement articulaire associé à des signes
inflammatoires locaux. Il est confirmé par une scintigraphie osseuse mettant en évidence
une hyperfixation des tissus abarticulaires, témoignant du caractère évolutif de l’ossifi-
cation. Le scanner montre des calcifications hétérogènes des structures périarticulaires.
La radiographie standard n’objective les lésions que plus tardivement. La seule anomalie
biologique est une augmentation de la fraction osseuse des phosphatases alcalines.
Les traitements médicaux, inhibiteurs de l’ostéoformation, n’ont fait la preuve d’aucune
efficacité scientifique ni de consensus : anti-inflammatoires, biphosphonates, radiothérapie,
mobilisation articulaire (1). La résection chirurgicale est le seul geste capable de restaurer la
mobilité articulaire. L’indication opératoire doit être posée lorsque le processus de maturation
est achevé (après 12 mois) en raison du risque de récidive en cas d’intervention trop précoce.
Nous rapportons ici le cas d’une POAN de la hanche gauche apparue très précocement
chez une jeune patiente victime d’un traumatisme cérébral. Cette pathologie peut être
à l’origine de graves atteintes articulaires ; il est donc indispensable de mettre en œuvre
un traitement préventif chez les patients à risque, le traitement curatif étant très limité
et décevant. ■
Légendes
Figure 1.
Scanner du bassin en fenêtre osseuse
en coupe axiale. Ossification partielle de la
loge antéro-externe du quadriceps gauche.
Figure 2.
Scanner en fenêtre osseuse centré
sur la hanche gauche en coupe frontale. Ossi-
fication hétérogène des adducteurs gauches.