Ces complications ont amené les anesthésiologistes à une réflexion en profondeur, qui a
montré qu'elles étaient en grande partie évitables. Deux types de situations peuvent être
schématiquement séparées.
D'une part, il existe des cas où l'état du patient, ou l'importance de l'intervention, pourraient
expliquer une issue défavorable, mais où, de fait, des soins d'anesthésie-réanimation plus
adaptés auraient pu éviter une telle issue. Ceci correspond à environ 14 % de la mortalité péri-
opératoire précoce et l'amélioration passe notamment par une meilleure appréciation
préopératoire du patient, permettant d'ajuster les traitements, de prévoir la technique
anesthésique la plus appropriée et de s'entourer des précautions nécessaires, tant en per-
opératoire qu'en post-opératoire.
D'autre part, des sujets en bonne santé par ailleurs, sont victimes d'accidents purement liés à
l'anesthésie. Ces accidents, s'ils ne participent que pour environ 4 % à la mortalité péri-
opératoire précoce, n'en sont pas moins intolérables. Pour 40 % environ d'entre eux ils
surviennent durant la période de réveil : après un réveil apparemment normal sur la table
d'opération, certains sujets se rendorment plusieurs dizaines de minutes plus tard, avec une
absence de respiration qui peut conduire à l'arrêt cardiaque par hypoxie. Ce phénomène,
inhérent à la variabilité biologique, est connu de longue date, et la prévention de ses
conséquences passe par la surveillance en Salle de Réveil, à condition qu'il y en ait une. Pour
60 % environ les accidents d'anesthésie surviennent en per-opératoire, et leur cause principale,
l'hypoxie, peut très souvent être détectée et traitée en temps utile au moyen d'appareils de
monitorage adaptés, à condition d'en disposer.
La possibilité de prévenir les complications de l'anesthésie a conduit les Autorités Publiques
et la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR), à l'instar de la plupart des
sociétés d'anesthésie des pays développés, à publier des textes très incitateurs sur la sécurité
dans la pratique de l'anesthésie : circulaires pour les premières, "Recommandations" pour la
seconde. Mais, faute d'un caractère réglementaire, ces textes sont inégalement appliqués et
une politique volontariste s'avère nécessaire si l'on veut éviter le rappel quotidien que des
morts résultent de conditions d'anesthésie insuffisantes. Afin d'envisager quelle devrait être
une politique efficace dans la prévention des accidents, il convient d'avoir à l'esprit certaines
données de base concernant les complications liées à l'anesthésie, à savoir leur fréquence, leur
type, leurs conséquences et les facteurs de risques qui les favorisent.
1.1. Evaluation de l'activité anesthésique en France
Curieusement, il n'existe pas de données précises sur le nombre d'anesthésies pratiquées
annuellement en France. Les seules indications concernant l'activité sont fournies par le
recensement des actes cotés AREK dans la nomenclature de la Sécurité Sociale, ce qui donne
un chiffre de 8.000.000 d'actes pour 1990 (Source : Ministère de la Santé, in (24) ). En fait, ce
recensement inclut les actes réalisés par les anesthésistes-réanimateurs, mais qui ne
correspondent pas tous à des anesthésies, car les anesthésistes-réanimateurs interviennent dans
bien d'autres domaines : services de réanimation, Urgences, SAMU-SMUR, traitement de la
douleur. les seules données fiables dont nous disposons actuellement, et qui sont relativement
anciennes, ont été apportées par l'enquête INSERM réalisée entre 1978 et 1982 sur un
échantillon représentatif d'établissements publics et privés dans lesquels des anesthésies
étaient pratiquées. A cette époque, le nombre annuel d'anesthésies réalisées en France était
estimé à 3.500.000 (29) . Ce nombre sous-estime sans aucun doute l'activité actuelle, quand
on sait le développement important qu'ont connu les actes d'endoscopie sous anesthésie, de