C`est l`hiver! Finie l`abondance de fruits et légumes frais. Plus que

Cest lhiver ! Finie labondance de fruits et légumes frais. Plus que
jamais, cest le moment de sortir les bocaux de ratatouille, la
choucroute, les tomates séchées, le jambon sec. Autant de produits
qui mettent en œuvre des techniques de conservation vares.
dossier réali par MARIE-LAËTITIA MELLIAND
Vous en avez sans doute déjà fait l’expérience :
oubliez un aliment à l’air libre et c’est la
porte ouverte aux moisissures, bactéries et à
divers mécanismes biochimiques de dégra-
dation ! Bref, peu d’aliments résistent au
temps sans se détériorer voire devenir in-
consommables. Depuis le néolithique et la sédentarisation
de l’homme, la conservation est une cessité pour pouvoir
consommer les aliments au-delà de leur période de récolte
ou de transformation. Si les graines de céréales et de légu-
mineuses sont ramassées suffisamment sèches, ce n’est pas
le cas pour les aliments rapidement périssables que sont
fruits, légumes, produits laitiers, viandes et poissons. Ou-
tre la prolifération des micro-organismes, les aliments su-
bissent également une oxydation, une déshydratation, et
l’action des enzymes qu’ils contiennent entraîne des chan-
gements de couleur, d’odeur, de saveur, de texture.
Avant le début de l’ère industrielle, trois méthodes domi-
nent, et de loin, l’histoire de la conservation : la conserva-
tion en l’état pour les quelques fruits et gumes qui s’y prê-
tent (pomme, poire, pomme de terre…), le chage,
surtout pour les fruits, et la lacto-fermentation, principa-
lement pour les légumes. Les autres techniques tradition-
nelles sont toujours restées plus marginales : froid (dans
une cave ou de la glace quand on en avait…), sucre, sel,
huile, vinaigre, vin et alcool. Même si leur usage est res-
treint, certaines ont perduré et restent incontournables
pour quelques aliments : sel pour la morue, huile ou vi-
naigre pour certains aromates, sucre pour la confiture…
La découverte en 1795 de l’appertisation (du nom de son
inventeur Nicolas Appert) a constitué une véritable révo-
lution en permettant de lutter contre les famines récur-
rentes tout en améliorant la qualité sanitaire des aliments
et le maintien de leur teneur en vitamines. Une révolution
telle qu’aujourd’hui, dans le langage courant, les conserves
n’évoquent plus rien d’autre que des boîtes talliques sté-
rilisées alors que ce terme recouvrait à l’origine tous les
procédés de conservation. Conserves et surgelés sont alors
devenus les seules alternatives ou presque pour manger des
fruits et légumes hors saison et prêts à consommer. Heu-
reusement en bio, toute la palette des techniques est encore
utilisée. .
La conservation
des aliments
LA CONSERVATION
DES ALIMENTS
28 consomaction n°61
janvier-février 2012 dossier
n
Le séchage
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Particulièrement adapté aux fruits, aux champignons, aux aromates, aux poissons, le séchage est la tech-
nique la plus répandue dans les pays chauds et secs, mais avec un séchoir, solaire ou à chauffage arti-
ficiel, il peut se pratiquer partout.
«La tradition du fruit séché autour du bassin méditerranéen est millénaire,
raconte Philippe Sendral, di-
recteur passionné de Agrosourcing-Biothemis, spécialiste des fruits secs.
Ces pays ont réussi à en faire
un produit d’exportation et une vraie force commerciale. La Turquie est le premier producteur mondial de
raisin, de figue et d’abricot secs. Nos produits sont séchés à l’ancienne, tout simplement au soleil pen-
dant une semaine. S’il fait humide la nuit ou que des orages menacent, il faut alors les rentrer, sinon la
qualité finale s’en ressent (brunissement, moisissures…). Seuls l’ananas, la mangue ou la papaye, pro-
duits dans des pays au climat humide, sont séchés dans des fours à basse température (50 °C) pendant
24 heures.»
Autre exemple, celui de Bio Cambrésis, spécialiste des condiments secs :
«Pour une soupe
déshydratée,
explique son directeur Stéphane Abes,
les légumes sont récoltés à maturité puis séchés à
basse température (40 °C) pendant 48 heures dans des tunnels balayés par de l’air chaud pulsé. Plus on
sèche à haute température, plus on dénature le produit. Or il est moins coûteux de sécher juste 24 heures
à 90 °C, ce que font des industriels conventionnels et parfois bio.»
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Quels procédés ?
Le séchage et la lacto-fermentation ont longtemps été les principales méthodes de
conservation des aliments. Les procédés jouant avec la température (chaud, froid)
sont apparus plus tard, avec la révolution industrielle.
Les +Consommation d’énergie limitée voire nulle (grâce au
soleil!), prix attractif car «on ne vend pas de l’eau à prix d’or »,
comme le précise Stéphane Abes, gain de place et de poids pour
le transport et le stockage, vente en vrac ou avec peu d’embal-
lage, destruction des vitamines limitée (pour les fruits et avec
séchage lent), goût prononcé des fruits.
Les -Peu adapté aux légumes qui en séchant perdent leurs
vitamines et peuvent voir leur goût transformé.
La lacto-fermentation
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Conserver des aliments pendant des mois,
sans chauffer ni refroidir, sans conserva-
teurs, tel est le miracle opéré par les micro-
organismes (bactéries, levures, moisis-
sures) responsables de la fermentation.
«Imaginons la gastronomie française sans
aliments ni boissons ayant subi une fer-
mentation,
propose Claude Aubert, ingé-
nieur agronome et auteur d’ouvrages sur
l’alimentation.
Il faudrait oublier le pain, le
yaourt, les fromages, le saucisson sec, le
jambon cru, la choucroute, bien entendu le
vin, la bière et tous les aliments d’autres
pays comme la sauce soja ou le miso.»
Eh
Les +Aucune consommation d’énergie, augmen-
tation de la teneur en certaines vitamines, destruc-
tion de substances indésirables (lactose…), amé-
lioration de la digestibilité.
LA CONSERVATION
DES ALIMENTS
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janvier-février 2012 dossier
Le chaud
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Il y a des produits qu’on n’imagine plus qu’en conserve! Vous voyez-vous préparer une salade de thon
sans sortir une conserve du placard? Et le pâté végétal, emblématique de la bio? Ou encore les épi-
nards de Popeye? En bocal ou en boîte!
Le traitement des aliments par la chaleur est effectivement aujourd’hui la technique de conservation
longue durée la plus répandue. Elle détruit totalement ou partiellement les enzymes ainsi que les
micro-organismes et leurs toxines selon la température de chauffe. On parle de pasteurisation
lorsque le chauffage est inférieur à 100 °C (généralement entre 65 et 85 °C) et de stérilisation lorsqu’il
est supérieur. L’appertisation est une forme de stérilisation faite dans des récipients hermétiques,
boîtes métalliques ou bocaux. Quant au traitement UHT très répandu pour le lait, c’est une stérilisa-
tion à ultrahaute température (135 °C à 150 °C) pendant 1 à 5 secondes. Avec la pasteurisation en re-
vanche, tous les micro-organismes ne sont pas éliminés, il faut donc ensuite conserver le produit au froid
(4 °C) et/ou ajouter des agents chimiques de conservation (interdits en bio), emballer sous vide…
Lise Sage, responsable qualité chez Danival, leader de la conserve 100 % bio en France, explique :
«Les
barèmes de chauffe sont identiques en bio et en conventionnel, les process sont peu différents. Le trai-
tement thermique est choisi en fonction des caractéristiques physico-chimiques du produit. Si c’est un
produit à risque, par exemple avec pH élevé, teneur en sucres faible ou teneur en lipides élevée, la sté-
rilisation est incontournable. Alors que pour les produits acides comme une sauce tomate ou un des-
sert à base de pomme, une pasteurisation suffit. Cependant, chaque transformateur peut décider de
diminuer la température et d’augmenter la durée de pasteurisation. Des marges de manœuvre sont pos-
sibles, notamment en jouant sur la qualité des matières premières. Nous n’utilisons que des fruits et lé-
gumes conformes à un cahier des charges exigeant.»
Les industriels ont la possibilité d’utiliser des ma-
tières premières de moins bonne qualité, ou d’être moins regardants sur l’hygiène de production. Ils
compensent par des conservateurs chimiques ou des exhausteurs de goût. Ces pratiques ne sont pas
possibles en bio.
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uvrages sur
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n entendu le
nts d’autres
Eh
oui, on l’oublie souvent mais ce procédé de
conservation est incontournable. D’ailleurs,
on n’a encore rien inventé de mieux que la
fermentation pour prolonger la durée de
consommation du lait : plusieurs semaines
en yaourt, plusieurs années sous forme de
comté ou de parmesan. Cru, le lait tourne
en quelques jours, de même que le lait sté-
rilisé UHT une fois la bouteille ouverte. Pour
les gumes aussi, la lacto-fermentation
prolonge considérablement la durée de
conservation. Entreposé au frais, le chou
ne se garde que quelques semaines. Lacto-
fermenté, il se garde une année, voire plus.
gie, augmen-
nes, destruc-
se…), amé-
Les -Méconnaissance des produits et de leur uti-
lisation culinaire, offre réduite, saveurs inhabituelles. Les +Conservation très longue, teneur en nutriments peu
modifiée et variable pour les vitamines (vitamine C fragile,
celles du groupe B plus résistantes).
Les -Consommation d’énergie pour le chauffage, problé-
matique liée aux emballages.
LA CONSERVATION
DES ALIMENTS
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consomaction n°61
janvier-février 2012
dossier
EMPREINTE ÉCOLOGIQUE
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Il semble qu’il n’existe pas d’étude globale
comparant le bilan écologique des divers
procédés de conservation. A priori, si l’on
considère l’énergie nécessaire à la fabrication
puis au stockage, le bilan carbone de la
congélation semble le plus mauvais, suivi de la
stérilisation, de la déshydratation, et enfin de la
lacto-fermentation et du séchage solaire qui
sortent gagnants.
HIGH-TECH
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Ces 50 dernières années ont vu fleurir de
nouveaux procédés haute technologie.
.Ionisation (ou irradiation). Des
rayonnements ionisants électromagnétiques
réduisent ou éliminent micro-organismes et
insectes, et retardent la germination.
Utilisée principalement pour les herbes
aromatiques, les fruits secs, l’ail…
Interdite en bio.
.Microfiltration. Des membranes
poreuses (diamètre des pores de l’ordre du
micromètre) retenant les micro-organismes
permettent une forme de «stérilisation à
froid ». Idéale pour les liquides, vin ou lait. Ce
dernier doit d’abord être écrémé pour éviter de
colmater les filtres. Il est ensuite recomposé avec
la teneur en matière grasse voulue (les taux de
matière grasse sont standardisés pour l’entier, le
demi-écrémé, l’écrémé) et être conservé au froid.
Quelques industriels utilisent ce procédé
spécifique, ce qui a rendu possible la disponibilité
de ce produit dans tous les circuits de distribution,
bio compris.
.Lyophilisation. Surtout réservée à
l’alimentation de personnes en conditions
extrêmes (astronautes, alpinistes) ou à certains
potages instantanés. Elle consiste à congeler un
aliment puis à le soumettre au vide. L’eau passe
ainsi directement de l’état solide à celui de vapeur,
c’est la sublimation de la glace. Autorisée en bio
L’atmosphère
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L’idée est simple : indispensable au dévelop-
pement des micro-organismes aérobies, l’oxy-
gène dégrade aussi la qualité nutritionnelle
des aliments par des actions chimiques
complexes, alors retirons-le ! Pour cela, l’air
contenu dans l’emballage (qui n’est autre que
l’atmosphère que lon respire : oxygène,
azote et CO2) est remplacé par un mélange
d’azote et de CO2, auquel on ajoute parfois un
autre gaz (mais là c’est secret industriel!). On
parle datmosphère protectrice. Quant au
sous vide, on a tout simplement retiré l’air du
sachet. Les premiers aliments ainsi conser-
vés furent les cacahuètes décortiquées et le
café torréfié. Depuis, ces deux procédés sont
largement utilisés pour la viande, la charcu-
terie, les crudités, le pain, le fromage. Exem-
ple avec Biofournil dont les longues re-
cherches ont permis de mettre au point un
process unique : constatant que le pain au le-
vain se conserve bien lorsqu’il est en pré-
sence du gaz qu’il dégage lui-même après
cuisson, Biofournil a créé une atmosphère
modifiée à base de ce gaz. Son pain précuit
vendu en sachet hermétique se conserve
alors plusieurs mois
Les +Excellente préservation des textures et des sa-
veurs, aucun risque sanitaire.
Les -Nécessité d’un emballage étanche à l’air, sou-
vent couplé à une autre méthode de conservation (pré-
cuisson…).
Le froid
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Le froid conserve en arrêtant ou en ralentissant l’activité cellulaire, les réactions enzymatiques et le
développement des micro-organismes. Contrairement aux idées reçues, il ne détruit ni les toxines
ni les microbes éventuellement contenus dans les aliments. Ces derniers redeviennent actifs dès que
la température remonte ! La congélation consiste à amener un aliment à très basse température (au
minimum -18 °C), l’eau des aliments est alors transformée en glace. Quant à la surgélation, c’est un
procédé industriel : on amène le produit à une température variant de -35 °C à -196 °C de manière
ultra rapide. Congelés, fruits et légumes se conservent 12 mois, les poissons, de 2 semaines à 4
mois, la viande de 2 à 9 mois et les plats cuisinés maison jusqu’à 3 mois.
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Les +Peu d’emballage, process rapide, pratique d’uti-
lisation.
Les -Process gourmand en énergie à la fabrication
puis au stockage.
LA CONSERVATION
DES ALIMENTS
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