Éditorial Les critères nouveaux sont arrivés

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Éditorial
Les critères nouveaux sont arrivés
É. Roullet*
É. Roullet
L
Les critères de diagnostic jalonnent
l’histoire de la SEP. Chacun reflète
les préoccupations de son époque.
Ceux dits de Schumacher (1965),
simples et robustes, visaient à
inclure dans les essais thérapeutiques une seule catégorie de patients, au
diagnostic certain (def inite). Ils ont
toujours une grande pertinence pour le
diagnostic en pratique de routine. Ceux dits
de Poser (1983) ont aussi été conçus pour
la recherche ; ils ont intégré les apports au
diagnostic que représentaient alors les
potentiels évoqués et l’IRM cérébrale. Dans
les essais thérapeutiques, leur valeur ajoutée
par rapport aux critères précédents n’a
jamais été évaluée et était probablement
très faible. Ils ont eu l’inconvénient de
divulguer largement la catégorie “SEP
probable”, concept sans utilité pour les
patients, qui ne retenaient que le mot
“SEP”, ainsi que pour les neurologues,
pour qui la réalité “probable” était très
variable, et même pour les épidémiologistes, pour qui on l’avait conservée. Leur
application au diagnostic différentiel de
routine – pour lequel ils n’étaient pas
conçus – n’était ni facile ni efficiente. En
1991, de nouveaux critères axés sur le diagnostic différentiel, destinés aux études
génétiques ont été énoncés (Goodkin, 1991) ;
très stricts, ils sont restés confidentiels.
Les critères proposés par le groupe réuni
*Étienne Roullet est PU-PH de neurologie, chef
de service à l'hôpital Tenon, à Paris, et spécialiste
de la SEP. Il a notamment travaillé sur les formes
de l'enfant, la grossesse et la SEP, et l'impact
de la vaccination contre l'hépatite B et, actuellement, sur les associations familiales entre la SEP
et les autres maladies auto-immunes dans le
cadre d'un PHRC dont il est le coordinateur.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 2, février 2002
autour de W.I. McDonald ne sont pas destinés
aux chercheurs mais aux neurologues non
nécessairement spécialistes de la SEP et, à
ce titre, ils se distinguent très nettement de
leurs prédécesseurs. Leur principal objectif
annoncé est d’aider au diagnostic en assimilant
les connaissances acquises au cours des
vingt premières années d’utilisation de
l’imagerie par résonance magnétique
(IRM). Qu’en est-il ?
Les points positifs sont nombreux. Tout
d’abord des disparitions : celle de la catégorie de diagnostic “probable” et celle des
potentiels évoqués “multimodaux”, exaspérants
dans les comptes rendus d’hospitalisation ;
les potentiels évoqués visuels, seuls véritablement utiles, sont remis à leur véritable
place. C’est aussi l’apparition d’une véritable
définition des formes progressives d’emblée,
et la réaffirmation de l’importance
diagnostique de l’examen du LCR, à condition
d’utiliser une technique de référence, l’isoélectrofocalisation. C’est enfin la plus
grande place accordée à l’IRM médullaire,
souvent sous-utilisée.
Les critiques viennent plus des craintes que
l’on peut avoir sur l’utilisation future de ces
critères. Ils marquent une étape conceptuelle
majeure : le diagnostic de SEP peut maintenant
être porté, et donc annoncé, dès la première
manifestation clinique, même si celle-ci
reste unique. Les mentalités (et la jurisprudence) évoluent rapidement et, en un sens,
ces critères suivent le mouvement. En ont-ils
les moyens ? Non, ou plutôt pas encore.
Amplement diffusés avant même leur publication (voir la récente “Conférence de
consensus” sur la SEP), les critères de
McDonald vont bientôt être largement utilisés,
alors qu’ils ne sont pas encore validés. On
peut craindre, comme l’écrit Poser, qu’une
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lecture réductrice, limitée aux tableaux
diagnostiques, soit souvent la seule qui en
soit faite. Quelles que soient les recommandations d’utilisation, le poids accordé à
l’IRM peut alors paraître excessif. En effet,
la sensibilité et la spécificité des critères
radiologiques choisis sont estimées d’après
un article ne regroupant que 70 patients.
La valeur prédictive de ces critères
radiologiques vis-à-vis du diagnostic de SEP
est inconnue. Leur application, en population générale, et non plus dans le contexte
de la recherche, à l’ensemble des “premiers
événements démyélinisants” se fera avec
une marge d’erreur dont l’amplitude sera
d’autant plus grande qu’elle sera le fait de
médecins non spécialistes de la SEP.
Quels sont donc les risques ? L’annonce du
diagnostic de SEP peut avoir des conséquences individuelles dommageables,
d’autant plus grandes qu’elle est faite à
tort. Les neurologues savent ce qu’est une
SEP et chacun d’eux jouera pleinement son
rôle de médecin. Mais il faut les aider, car
leur tâche est difficile. La possibilité d’accès
direct du patient à l’information médicale
brute le concernant et la pression ambiante
qui pousse à l’emploi d’un traitement de fond
dès les stades très précoces sont des facteurs
qu’il faudra prendre en compte. On ne
s’étonne pas de ce que la conception de ces
critères accompagne les essais de l’interféron
bêta dans les “premiers événements démyélinisants”. On peut s’étonner que ces préoccupations, qui ne peuvent avoir échappé
aux membres du groupe réuni autour de
W.I. McDonald, ne transparaissent pas dans
les recommandations d’utilisation. La part
d’incertitude qui entoure toujours le
diagnostic de SEP au début de l’évolution
devra être d’autant mieux expliquée au
patient et quantifiée rapidement par de
véritables études de validation de ces nouveaux
critères. La présentation qui en est faite
dans ce numéro de février des Actualités en
Neurologie pourra y participer.
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