V O C A B U L A I R E La stéréo-électroencéphalographie (SEEG) ● E. Landré* L a SEEG est l’une des techniques d’enregistrement des activités électriques intracérébrales, utilisée lors du bilan préchirurgical d’une épilepsie partielle pharmacorésistante, à l’aide d’électrodes implantées en conditions stéréotaxiques. En fait, il vaut mieux parler d’une méthodologie d’exploration de l’épilepsie partielle, basée sur l’établissement de corrélations anatomo-électrocliniques, concepts élaborés dans les années 50 par Bancaud et Talairach (1, 2). Ces corrélations anatomo-électrocliniques découleront de l’analyse des activités électriques intercritiques, des décharges critiques et de l’observation clinique des crises obtenues en vidéo-SEEG, ainsi que des données anatomiques fournies par l’imagerie. En définitive, il s’agit de définir, pour chaque patient, la zone du cortex cérébral dont l’exérèse est nécessaire pour supprimer les crises, en respectant, lors de l’intervention, les régions fonctionnelles. L’avantage du mode d’implantation des électrodes, par technique stéréotaxique, est de pouvoir enregistrer simultanément les structures internes et le cortex externe, mais aussi d’explorer conjointement plusieurs lobes, voire d’effectuer une exploration bilatérale. Actuellement, l’indication d’une SEEG, lors du bilan préchirurgical, est réservée aux cas où l’analyse des corrélations anatomo-électrocliniques, établies à partir des enregistrements vidéo-EEG de scalp, ne permet pas de définir avec cohérence un schéma opératoire. La vidéo-SEEG se pratique dans des centres hautement spécialisés et nécessite une hospitalisation de trois semaines environ. En France, plusieurs centres utilisent cette méthodologie, principalement à Paris (Sainte-Anne, Pitié-Salpétrière, Fondation Rothschild), Rennes, Grenoble, Lyon, Bordeaux, Marseille... LE SCHÉMA D’IMPLANTATION Un schéma d’implantation (figure 1) des électrodes intracérébrales est élaboré pour chaque patient en fonction des hypothèses sur la localisation de la zone épileptogène et des voies de propagation des décharges critiques. Ces hypothèses émanent des corrélations électrocliniques recueillies par l’anamnèse, la sémiologie des crises, l’examen neurologique et neuropsychologique, les enregistrements vidéo-EEG (anomalies intercritiques et décharges critiques). Ce schéma doit également * Service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, Paris. 308 Les électrodes explorent de dedans en dehors : À droite : A : noyau amygdalien, gyrus temporal moyen B : corne d’Ammon antérieure, gyrus temporal moyen C : corne d’Ammon postérieure, gyrus temporal moyen P : pôle temporal face interne, pôle temporal face externe T : gyrus temporal supérieur O : gyrus cingulaire antérieur, gyrus frontal inférieur G : gyrus cingulaire antérieur (aire 24), gyrus frontal inférieur Q : gyrus cingulaire postérieur opercule pariétal, lobule pariétal inférieur À gauche : A’ : noyau amygdalien, gyrus temporal moyen Figure 1. Schéma de SEEG, projection de profil et de face. Patient de 21 ans, épilepsie cryptogénique depuis l’âge de 11 ans, à l’EEG : anomalies intercritiques bitemporales asynchrones, décharges critiques temporales droites à propagation frontale droite et temporale gauche. La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998 Figure 2. Enregistrement d’une crise spontanée. Tracé SEEG : Décharge inaugurale à droite en A1 (noyau amygdalien), B1 (corne d’Ammon antérieure), C1 (corne d’Ammon postérieure), propagée en 20 secondes au gyrus temporal moyen, en frontal, puis à gauche (A’1). prendre en compte les données anatomiques et les images lésionnelles éventuelles (artériographie et IRM en condition stéréotaxique). Le nombre d’électrodes varie de 8 à 15 en moyenne. Chaque électrode, d’un diamètre de 0,8 mm, comporte 5, 10, 15, ou 18 plots d’enregistrement espacés de 1,5 mm. tique soit des chocs de 1c/s durant 1 à 3 ms, soit un train de 50 c/s durant 1 à 5 secondes. Le but de ces stimulations est d’établir une cartographie fonctionnelle (repérage des aires motrices, sensitives et sensorielles) mais aussi de déclencher des crises, au sein du réseau épileptogène, que l’on compare aux crises spontanées (3). LA MISE EN PLACE DES ÉLECTRODES CONCLUSION La mise en place des électrodes est effectuée au bloc opératoire, sous anesthésie générale, selon la méthodologie stéréotaxique (1, 2). L’introduction des électrodes est effectuée par des orifices cutanéo-osseux d’un diamètre limité au passage de celles-ci. Le trajet des électrodes est choisi en fonction de la vascularisation et des aires corticales à atteindre, soit orthogonal soit oblique. En respectant ainsi la vascularisation, cette technique d’implantation permet d’écarter au maximun les risques hémorragiques. Bien que restant une méthode invasive, les autres complications (infectieuses par exemple) sont exceptionnelles (1, 2). Au terme d’une SEEG : • L’analyse des tracés intercritiques et critiques permet de définir : - la zone “lésionnelle”, au sens physiologique du terme, siège des ondes lentes, - la zone irritative, aire de projection des pointes, - la zone épileptogène à partir de l’origine, de l’organisation spatio-temporelle et de la propagation immédiate des décharges critiques. • Cette analyse est confrontée aux images lésionnelles (en IRM) et aux données de l’imagerie fonctionnelle (en IRM, SPECT et PET scan). Ainsi, la SEEG permet de proposer, pour chaque patient, une exérèse corticale “à la carte”, d’en évaluer les risques fonctionnels et le pronostic à long terme. Cependant, cet examen peut aboutir à une contre-indication en raison des risques fonctionnels et/ou du faible bénéfice attendu sur l’incidence des crises. ■ LES ENREGISTREMENTS VIDÉO-SEEG Les enregistrements vidéo-SEEG (figure 2) sont effectués, dès le réveil du patient, au bloc opératoire. Lors de la semaine précédant la mise en place des électrodes, le patient est sevré (partiellement ou complètement) de son traitement antiépileptique, afin d’obtenir le plus rapidement possible une crise spontanée. Dans certains cas, en particulier chez les enfants, la SEEG peut se dérouler sur une seule journée. Dans la plupart des cas, les enregistrements se poursuivent les jours suivants au laboratoire. En moyenne 5 à 10 jours sont nécessaires pour analyser les anomalies des tracés intercritiques, enregistrer des crises et effectuer les stimulations électriques intracérébrales. LES STIMULATIONS ÉLECTRIQUES INTRACÉRÉBRALES Les stimulations intracérébrales, de faible intensité (< 5 mA), sont appliquées entre deux plots contigus de chaque électrode. On praLa Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bancaud J., Talairach J. et coll. La stéréo-électroencéphalographie dans l’épilepsie. Paris, Masson, 1965. 2. Munari C. Depht electrode implantation at hospital Sainte-Anne, Paris. In : Engel J. Jr. Surgical treatment of the epilepsies. Raven Press, New York 1987 : 583-8. 3. Chauvel P., Landré E. et coll. Electrical stimulation with intracerebral electrodes to evoke seizures. In : Electrical and magnetic stimulation of the brain and spinal cord. O. Devinsky, B., Aleskandar, M. Dogali (eds). Raven Press, New York 1993 : 115-21. 309