Aladin Farré Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne UFR 09 (Histoire) Master 2 d‟histoire des relations internationales Institut Pierre Renouvin - Centre d'Histoire de l'Asie contemporaine Les conseillers militaires étrangers en Chine (1923-1942) 0 Remerciements Quand on est un jeune étudiant-chercheur, l‟écriture d‟un mémoire peut s‟avérer semée de doutes et d‟embûches. Ainsi, la présente étude que je vous propose de lire n‟aurait pu aboutir sans le concours des personnes ci-après que je remercie vivement : M. Hugues Tertrais et M. Pierre Singaravélou qui, par leurs conseils et leur suivi m‟ont permis de mieux aborder les différentes problématiques et les questions de méthodologie pour l‟écriture de ce travail de recherche ; Ma famille et le programme ERASMUS qui, grâce à leur soutien matériel, m‟ont donné la possibilité d‟étudier à Berlin ; Les archivistes et bibliothécaires des lieux suivants : les archives diplomatiques du Quai d‟Orsay, les Archives nationales des États-Unis (National Archives and Records Administration), les « archives politiques » du ministère des Affaires étrangères allemand (Politischen Archivs), les Archives fédérales allemandes du département cinématographique (Bundesarchives – Abteilung Filmarchive), les bibliothèques de la Freie Universität, le Collège de France, la BDIC de Nanterre (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine), la BULAC (Bibliothèque universitaire des langues et civilisations), les bibliothèques de l‟Université Paris 1 et tout particulièrement la Staatsbibliothek zu Berlin située à Potsdamer Straße ; Julie Bre, Alessandra Cocchi, Marion Coste, Bénédicte Golob, Louise Molière, Marion Petitdemange, Valérie Pouteau, Anita Sarreau, Edgard Strigler, Marie-Claud Strigler, Mathilde Villechevrolle et Guillaume Waret pour leur relecture ; Clément Viktorovitch pour m‟avoir donné accès à une bibliothèque universitaire pratiquant la rétention des ouvrages auprès des étudiants de la Sorbonne ; Alexander Chen, « David » Kwok Wai Ho et « Gary » Lam Yu Hin pour les traductions ; Louis de Coppet et Alessandro Tirapani pour leur soutien moral ; Et surtout l‟équipe de la société Paradox Interactive sans laquelle l‟idée de ce mémoire n‟aurait certainement pas germé. Comme quoi les activités vidéoludiques peu vent parfois se révéler plus productives qu‟on le croit. 1 Préface À la fin du XVIIIe siècle, la Chine était qualifiée d‟« homme malade de l‟Asie ». La manière dont le pays, incapable de se défendre, était la victime des puissances occidentales et du Japon eut pour conséquence d‟infliger à l‟« empire du Milieu » moult humiliations pendant de nombreuses années – comme les concessions internationales et le payement de lourdes dettes. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir la fin de ces agissements qui avaient transformé la Chine en un État semi-colonisé. À l‟aube du XXIe siècle, la République populaire de Chine est maintenant considérée comme un pays très puissant dans tous les domaines : sa flotte commence à rivaliser avec celle des USA dans l‟océan Pacifique, son économie dépasse en 2010 celle du Japon qui depuis 1968 était la deuxième puissance mondiale. Dorénavant, quand des dirigeants rencontrent le dalaï-lama, ils sont considérés comme courageux car l‟on sait que Pékin fait pression sans relâche pour empêcher ces entrevues, voire réagit abruptement contre celles-ci. Mais est-ce que l‟histoire chinoise a toujours été linéaire entre le début des guerres de l‟opium et les Jeux olympiques de 2008 tenus à Pékin ? En grand passionné d‟histoire de la Chine, j‟ai voulu démontrer dans ce mémoire qu‟à une certaine période du XXe siècle, entre la fin du régime de Yuan Shikai et la Deuxième Guerre mondiale un parti politique a réussi à réunifier la Chine. Ce gouvernement de Tchang Kaï-chek commença à remettre la Chine sur le chemin de la puissance militaire et économique, en grande partie grâce à la présence de conseillers étrangers et plus particulièrement allemands. Il atteignit en partie son objectif mais suite à la Seconde Guerre sino-japonaise et la guerre civile chinoise, tous ses efforts furent vains. Cependant, cette période précise de l‟histoire chinoise est à mon sens particulièrement intéressante car elle prouve que la Chine aurait pu devenir bien plus tôt le géant qu‟elle est aujourd‟hui. Par ailleurs, savoir comment et surtout par quel moyen une classe politique est capable de réunifier un pays peut être considéré comme très actuelle à l‟heure de la construction européenne. Paris, le 7 juin 2013 2 « En Chine les politiciens n'ont aucune influence s'ils ne s'appuient point sur une force armée. Les seconds, pour s'imposer doivent faire appel à la politique. » Rapport de renseignements du Deuxième Bureau de l‟armée française, Juillet 1931 3 Plan du mémoire Introduction……………………………………………………………...page 7 Chapitre 1 : Le rôle des conseillers militaires soviétiques dans la conquête du pays (1923-1927)...…………………………………………………page 13 Vers le front unis Kuomintang-PCC………………..……………………………….page 13 Le premier front unis……………………………………………….………………..page 18 L‟expédition du nord………………………………………………………………...page 33 Chapitre 2 : La décennie de Nankin (1928-1937)…………………...page 48 La mission militaire allemande sous le commandement de Max Bauer et Hermann Kriebel (1928-1930) ……………………………………………...…………….......page 48 La mission militaire sous le commandement de Georg Wetzell (1930-1934)…….page 61 La mission militaire sous le commandement de Hans von Seeckt (1934-1935) et Alexander von Falkenhausen (1935-1938)…………………………………………page 68 Les problèmes de la mission militaire allemande……………………………..……page 76 La construction d‟une armée de l‟air chinoise (1932-1937)……………………….page 80 Chapitre 3 : Résister à la menace japonaise………………...………..page 86 Situation de la Chine de 1929 à 1937 …………………………………………..….page 87 Les conseillers allemands pendant la guerre (1937-1938)……………..........….....page 97 La guerre des conseillers russes et américains (1937-1942)………………..........page 114 4 Conclusion……………………………………………………...…….page 122 Annexe 1 : Les autres missions militaires en Chine (1925-1939)….page 130 Annexe 2 : Étude de cas sur l‟apport industriel et idéologique de la mission militaire allemande de 1930 à 1937………………………………….page 144 Crédits photos et vidéos………………………………………………page 158 Bibliographie …………………………………………………………page 160 5 Introduction Au début des années 1840 le puissant empire plurimillénaire qu‟était la Chine commença à montrer des difficultés pour s‟imposer face à la puissance militaire des nations occidentales. Tout commença avec l‟empereur Daoguang (1782 -1850) qui voulait empêcher les marchands anglais de vendre de l‟opium en Chine, mais l‟Empire britannique dépêcha une flotte de guerre pour forcer les Chinois à accepter la vente de cette marchandise. Suite à cette première guerre de l‟opium, le traité de Nankin (1842) entérina cette situation et très vite de nombreuses nations commencèrent à imiter les Anglais afin de se partager les ressources de la Chine au vu de l‟incapacité des Chinois à se défendre. Alors que cet empire était puissant et presque entièrement fermé aux étrangers pendant des siècles il devint rapidement, à partir des années 1860, une semi colonie suite aux nombreux « traités inégaux » qui durent être signés entre l‟Empereur et les représentants des autres puissances. En plus des vexations des puissances étrangères, le gouvernement de Pékin dut faire face à des menaces aussi bien internes que régionales. Tout d‟abord le gouvernement fut grandement affaibli par des révoltes populaires qui durèrent des années comme le mouvement Taiping dans la région de Nankin (1851-1864) ou la révolte Nian (1851-1868) dans la partie nord de l‟empire. Les dirigeants de ces mouvements de rébellion tinrent tête au gouvernement de Pékin pendant plus d‟une décennie et faillirent même remplacer aux yeux des occidentaux la légitimité du pouvoir du régime impérial 1. Ensuite le Japon qui était autrefois considéré avec mépris par l‟empire du Milieu avait commencé son industrialisation et battu les armées chinoises sur terre et sur mer lors de la première guerre sino-japonaise en 1895. Signant un nouveau traité humiliant la Chine donna à l‟empire du Soleil Levant le contrôle de la Corée, de Taïwan et dut payer de lourdes réparations. À l‟orée du XX e siècle de nombreux pays avaient ainsi des concessions en terre chinoise. Ils pouvaient y faire ce qu‟ils souhaitaient. Un véritable pillage des ressources fut organisé alors qu‟une corruption généralisée commença à s‟installer parmi la société chinoise. Des villes comme Hong-Kong, Tsientsin ou Port-Arthur appartinrent à des nations étrangères tandis que des pays vassaux de la Chine comme la Corée ou le Vietnam devinrent la possession coloniale d‟autres États. 1 Caleb Carr, Le diable blanc, collection Pocket, Paris, France, 2002 6 Le gouvernement chinois était simplement incapable de s‟opposer aux vues expansionnistes des autres nations et ce malgré ses tentatives de riposter avec son imposante armée. Une ultime tentative de se venger de 50 ans d‟humiliations ne fit qu‟accentuer le délabrement politique, militaire et financier du pays. En 1899 débuta la Révolte des Boxers (1899-1901) qui avait pour cible les missionnaires étrangers, les convertis au christianisme et les étrangers. Une série de sabotages et d‟as sassinats commencèrent à avoir lieu en Chine et le gouvernement de l‟impératrice douairière Cixi (1835-1908) tenta de profiter de cette vague de mécontentement. Pour cela elle plaça des membres de l‟armée à la tête de milices Boxers 2 et fit assiéger le Quartier des légations de Pékin où se trouvaient les diplomates étrangers. Mais en quelques semaines une armée internationale composée de troupes de huit pays se mit en place pour briser le siège des légations et mettre en déroute les troupes hostiles aux Occ identaux. Les puissances étrangères punirent ainsi le gouvernement pour cette tentative de soustraction aux traités inégaux en faisant signer un protocole politiquement bien plus humiliant que les précédents et financièrement très couteux. Une tentative pacifique de sauver le régime eut lieu aussi à travers la figure du politicien Kang Youwei (1858-1927) avec la Réforme des Cent Jours en 1898. Mais les conservateurs de la cour impériale eurent raison de ce réformiste. C‟est un régime sclérosé qui fut emporté par la fièvre révolutionnaire au début de l‟année 1912. De là s'ensuivirent des luttes intestines pour gagner le « mandat du Ciel ». Et ce ne fut qu‟en 1928 que l‟on vit de nouveau flotter le même drapeau sur l‟ensemble du pays. Cette réunification politique se fit sous l‟égide de la faction politique du Kuomintang. Elle apparut à l‟époque comme un exploit car pour la première fois depuis 1916 le pays possédait de nouveau un véritable gouvernement central. Le Parti était à ce moment-là dirigé par le futur maréchal Tchang Kaï-chek et c‟était une victoire posthume pour son fondateur, le docteur Sun Yat-Sen, considéré depuis, des deux côtés du détroit de Taïwan, comme le père fondateur de la Chine moderne. Cette réunification était le résultat d‟un long combat politique qu‟il avait mené depuis plus de 30 ans et que ses héritiers politiques terminaient en son nom. Sun Yat-Sen qui provenait d‟une famille pauvre mais dont le frère était devenu un riche négociant dans l‟archipel de Hawaï démarra sa carrière comme médecin en 2 John K. Fairbank, Kwang Ching-liu (dir), The Cambridge History of China, Late Ch'ing, 1800–1911, Volume 11, Cambridge University Press, 1980, p. 122 7 1893 à Hong-Kong. Frustré de voir son pays s‟enfoncer dans le conservatisme le plus extrême, il souhaitait la fin de la cour impériale mandchoue qui ne lui semblait plus en mesure de gouverner correctement le pays. C‟est pourquoi il organisa avec des camarades un coup d‟État après le traité de Shimonoseki qui entérinait la victoire du Japon sur la Chine de la première guerre sino-japonaise. Le plan d‟action consistait, au cours du printemps 1895, à prendre le contrôle de la ville voisine, Canton, depuis la colonie britannique pour s‟en servir comme base afin de renverser l‟impératrice douairière Cixi et fonder une république. Mais le complot fut éventé par les partisans de Pékin. Suite à leurs pressions politiques les Anglais expulsèrent Sun Y at-Sen de HongKong. Celui-ci partit pour un exil qui dura 16 ans à travers l‟Europe, le Canada, le Japon et les États-Unis. En 1905 il fonda une alliance révolutionnaire du nom de Tongmenghui (littéralement « société de loyauté unie ») sur les bases de la précédente association dite du Xingzhonghui (traduit « société pour le redressement de la Chine ») qui regroupait en 1895 les partisans du complot de Canton. Cette association politique, tout comme la précédente, avait pour objectif de rendre le pouvoir au peuple en fondant une république après l‟éviction de la famille impériale et pratiquer une politique de redistribution des terres. Il tenta de restructurer de nouveaux mouvements de rébellion depuis la ville de Huizhou en 1900 et à la frontière sino-vietnamienne en 1907. Mais ces tentatives n‟arrivèrent pas à s‟établir durablement et échouèrent très rapidement sans inquiéter outre mesure le pouvoir mandchou 3 à la différence des grandes révoltes qui avaient eu lieu dans les années 1860. Sun Yat-Sen aurait pu rester ainsi toute sa vie en exil si une occasion unique ne s‟était pas présentée à l‟automne 1911, alors qu‟il voyageait aux États-Unis pour trouver des fonds pour le Tongmenghui. Au cours du mois de mai de la même année le ministre Sheng Xuanhuai (1849-1916) avait décrété que les chemins de fer chinois privés devaient être nationalisés afin de pouvoir aider au remboursement des indemnités du « Protocole de paix Boxer »4. De nombreuses protestations éclatèrent dans le pays contre cette décision autoritaire, ce qui inquiéta le gouvernement central. Puis en octobre plusieurs groupes révolutionnaires aidés de militants du Tongmenghui préparèrent une 3 Gao James Zheng, Historical dictionary of modern China (1800–1949), Scarecrow press, Toronto, Canada, 2009 4 Jonathan Spence, The Search for Modern China, W.W. Norton & Company, 1990, p. 250-256 8 insurrection dans la ville de Wuhan et en prirent le contrôle dans la journée du 10 octobre, après avoir défait les troupes de l‟Empire. De cette rébellion naquirent des révoltes à travers toute la Chine. Après plusieurs semaines d‟incertitudes politiques une réunion entre les régions du sud prorévolutionnaires et le gouvernement de Pékin fut organisée. L‟institution d‟une république fut établie à partir du 1 er janvier 1912 avec à sa tête Sun Yat-Sen comme président, juste quelques semaines après son retour en terre chinoise. Il se voyait ainsi récompensé pour sa longue action politique menée lors de son exil. Cependant le pays avait dorénavant deux dirigeants car le jeune empereur Puyi (1906-1967) résidait encore à Pékin avec toujours le titre d‟empereur. Si Sun Yat-Sen était le dirigeant de la faction des révolutionnaires, l‟homme fort des Mandchous était le général Yuan Shikai (1859-1916). Celui-ci depuis le 30 octobre 1911 était le nouveau Premier ministre et l‟ancien commandant de l‟armée du Beiyang. Ce corps de l‟armée chinoise possédait un armement moderne créé par le gouvernement central suite à la défaite de l‟Empire face au Japon. Disposant ainsi d‟une puissance de feu supérieure aux révolutionnaires du sud du pays et protégeant la Cité interdite il arriva à prendre dès la mi-février la place de Président de la République tout en faisant abdiquer l‟Empereur. Jouant sur les deux tableaux, il avait promis aux révolutionnaires de faire capituler l‟Empereur en échange que Sun Yat-Sen se démette de son poste de président tout en menaçant parallèlement l‟Empereur de ne pas assurer sa sécurité s‟il refusait d‟abandonner le trône. La cour impériale ainsi que les révolutionnaires acceptèrent les demandes de Yuan Shikai et trois jours après l‟abdication de l‟empereur Puyi, le 12 février 1912, il devint le nouveau président du pays. Sans force militaire face à l‟armée du Beiyang que contrôlait Yuan Shikai, Sun Yat-Sen prit la décision de regrouper le Tongmenghui avec d‟autres mouvances révolutionnaires au sein d‟un nouveau parti, le Kuomintang (littéralement le « Parti nationaliste chinois ») pendant l‟été 1912. Ainsi assuré d‟une grande force politique ce nouveau parti remporta lors des élections nationales de février 1913, 269 sièges sur 596 à la Chambre basse et 123 sur 274 au Sénat. Un résultat fort encourageant pour ce nouveau parti qui était en concurrence contre 300 autres formations politiques. Mais de la rivalité latente entre le nouveau président et Sun Yat -Sen résulta le début d‟une seconde révolution à l‟été 1913. Suite à l‟assassinat en gare de Shanghai de Song Jiaoren (1882-1913), un proche de Sun Yat-Sen, cette nouvelle révolution se 9 prépara à Canton. Incapables de résister aux armées de Pékin les hommes du Kuomintang furent écrasés par les forces de Yuan Shikai qui devint ainsi l‟unique homme fort du pays. Profitant de cette occasion il réinstaura la monarchie en son nom en devenant empereur pendant quatre mois jusqu‟à sa mort en 1916. Sa disparition entraîna la Chine dans la période dite des « Seigneurs de la guerre » qui allait durer jusqu‟en 1928. Comme tout le système de gouvernement reposait sur la forte personnalité de Yuan Shikai ses héritiers politiques furent totalement inopérants pour sauver l‟unification du pays. On vit ainsi dans tout le pays des gouverneurs de régions ainsi que certains généraux s‟établirent des principautés pendant que le gouvernement central à Pékin n‟arrivait pas à faire respecter son autorité. Bien que dépositaires de la légitimité du pouvoir central, les différents gouvernements basés à Pékin étaient au mieux impuissants face aux seigneurs de guerre, au pire des marionnettes dans les mains de ceux-ci. En effet comme ils gardèrent le contrôle des soldats ainsi que la perception des taxes il était illusoire de pouvoir s‟opposer à l‟ensemble de ces roitelets. Le pays était donc découpé entre de multiples factions qui tentaient de s‟étendre au profit de leurs voisins via l‟utilisation de troupes armées et de complots. Cette anarchie politique engendra le banditisme, la famine et des conflits incessants. Du fait des guerres permanentes, les soldats qui étaient au nombre de 500 000 en 1911 passèrent à 1,8 million au début de 1920 5 puis à 2 millions en 1927. Quant au plan financier les gouvernements chinois qui voulaient, faute de fonds, emprunter de l‟argent aux banques étrangères devaient rembourser avec des taux d‟intérêts d‟usurier de 23% car les banques avaient peur de ne pouvoir être remboursées 6. Il arrivait certes que certaines factions, parvenaient à s‟imposer face aux autres seigneurs de guerre en prenant le contrôle de Pékin. Mais ces moments trop brefs étaient insuffisants pour apporter une quelconque stabilité au pays. Des solutions d‟envergure internationale furent mises en place contre cette guerre permanente en Chine. C‟est ainsi qu‟en 1919, les grandes puissances (Etats-Unis, Japon, France, Royaume-Uni, Russie, Brésil) décidèrent d‟interdire le commerce d‟armes 7. 5 Service Historique de la Défense, série 7N, archives des conseillers militaires à l‟étranger (1919-1940), carton numéro 3297, note du 25 juin 1930 6 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 25 juin 1920 7 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 29 avril 1929 10 Mais cela n‟empêcha en rien la guerre continuelle entre les seigneurs de guerre car d‟autres pays non-signataires du traité vendaient du matériel de guerre, ou alors les signataires de l‟accord contournaient les clauses. C‟est ainsi que des avions civils, c‟est à dire vendus sans armes, qui pouvaient être rapidement transformés en avion de combat étaient régulièrement livrés aux seigneurs de guerre 8. Cette période de désordre incessant s‟arrêta quand le parti du Kuomintang réussit en 1928 à imposer son autorité sur l‟ensemble du pays. Plus de quinze années après sa défaite le parti politique de Sun Yat-Sen passa du statut de faction partisane à celui de gouvernement légitime de la République de Chine et déplaça la capitale à Nankin. Ce gouvernement sera dès lors reconnu par les autres États comme l‟unique représentant de la Chine9. Mais pour arriver à un tel résultat Sun Yat-Sen et ses camarades comprirent qu‟il n‟était pas envisageable de remporter une telle lutte uniquement avec les moyens qu‟offrait leur pays. De nombreux chefs de factions tentèrent pendant ces années d‟obtenir le « mandat du Ciel ». Mais il était tout bonnement impossible de triompher des autres factions car les alliances politiques ne duraient jamais et les armées étaient plus constituées de « coolie » déguisés en soldat que de vrais professionnels de la guerre. C‟est pourquoi les hommes du Kuomintang durent solliciter le concours de personnes se trouvant hors du pays pour combattre les seigneurs de guerre qui se déchiraient de façon continue. Sans aide extérieure, nul doute que le Kuomintang aurait rejoint la cohorte des partis et factions de cette période qui, n‟arrivant pas à se faire reconnaître, disparurent du jeu politique. Pour suivre la trajectoire politique et militaire du Kuomintang et de ses dirigeant s nous nous pencherons dans cette étude sur l‟utilisation des conseillers militaires qui y furent employés entre 1923 et 1942. Ces bornes chronologiques correspondant à l‟arrivée des conseillers russes et à l‟arrivée des américains dans le conflit. Nous pensons que cette stratégie de faire appel aux conseillers soviétiques, allemands, italiens et américains contribua en grande partie au Kuomintang à s‟imposer dans le jeu politico militaire de la Chine de l‟entre-deux-guerres afin de devenir le représentant légitime du pays face à d‟autres factions. Ensuite nous verrons que pour s‟accrocher au pouvoir 8 Guangqiu Xu, War wings, The United States and Chinese military aviation (1929-1949), Greenwood press, Westport, USA, 2001 9 SHD, série 7N, carton numéro 3311, note du 25 juillet 1928 11 Tchang Kaï-chek continuera d‟avoir recours à des conseillers afin de posséder la meilleure armée de Chine face à ses vassaux. De plus l‟apport de ces conseiller s permit au Kuomintang de s‟équiper en matériel de guerre et de former les officiers de l‟armée à des méthodes de guerre moderne. Nous examinerons comment ces avantages tactiques non-négligeables seront jalousés, critiqués et combattus aussi bien par les a utres factions chinoises que par l‟Empire du Japon au début du deuxième conflit sino -japonais. Cependant nous exclurons de cette analyse les conseillers japonais présents en Mandchourie du fait que cet État était un pays fantoche de l‟empire Nippon. Quant aux aventuriers et mercenaires, anciens généraux de l‟Empire russe et pilotes de chasse américains, ils étaient trop peu nombreux dans une période extrêmement resserrée dans le temps pour avoir une quelconque influence sur le cours des évènements. Ne sero nt pas mentionnés non plus les quelques conseillers civils venus aider le gouvernement de Nankin dans le domaine de la politique ou des finances publiques. Il y sera question en premier lieu des premiers échecs du Kuomintang dans sa lutte pour le contrôle du pays puis de la fructueuse alliance politique effectuée avec la « Troisième Internationale » et le Parti communiste chinois au début des années 1920. Puis nous nous pencherons sur l‟arrivée des conseillers allemands au moment où le Kuomintang basé à Nankin devenait le gouvernement légitime de la Chine. Enfin, nous aborderons la question des missions appelées dans les années 1930 aussi bien par le Kuomintang que par ses concurrents. Deux annexes nous paraissant importantes complèteront cette étude afin de montrer la place de la mission allemande dans l‟histoire industrielle de la Chine et sur l‟emploi des conseillers dans d‟autres factions chinoises (Mandchourie, Parti communiste chinois, régime de Canton) qui comprirent que recourir à des conseillers militaires pouvait être un mouvement stratégique de grand intérêt. Chapitre 1 : Le rôle des conseillers militaires soviétiques dans la conquête du pays (1923-1927) 12 1) Vers le front unis Kuomintang-PCC A la mort de Yuan Shikai en juin 1916 la Chine rentra, pour plus d‟une décennie, dans une période trouble où de nombreux seigneurs de guerre se taillèrent des principautés dans tout le pays pendant que le gouvernement central perdait toute son autorité. Sun Yat-sen, qui avait dû s‟exiler en 1913 après l‟échec de la seconde révolution chinoise, avait par divers moyens tenté de renverser Yuan Shikai. A la mort de ce dernier il put retourner en Chine pour essayer de nouveau d‟instaurer un modèle républicain dans une Chine déchiré par la guerre civile. Le Kuomintang de 1916 à 1922 Le chef du Kuomintang retourna en Chine dès l‟année 1917 et réesseya, tout comme en 1896, de créer un gouvernement révolutionnaire. Cette fois-ci cependant Sun Yat-sen souhaitait fonder un régime républicain qui d‟une part réunirait la Chin e et ensuite réduirait au silence les seigneurs de guerre. Mais rapidement, sans avoir la moindre puissance militaire, il dut partir en exile à Shanghai sans pouvoir réaliser quoi que ce soit. C‟est pendant ce nouvel exil qu‟il décida de réformer le Kuomin tang le 10 octobre 1919, date hautement symbolique puisqu‟elle marque le huitème anniversaire de la révolution chinoise. Après avoir réorganisé le parti, Sun Yat-sen repartit avec ses fidèles à Canton à la fin de l‟année 1920 grâce au soutien d‟un seigneur de guerre local, Chen Jiongming (1878-1933). Ce dernier, avec l‟aide des militants du Kuomintang, avaient repris la ville, occupée par une clique 10 militaire depuis 1918, sous le mot d‟ordre « Canton aux Cantonnais ». A peine arrivé dans la ville, Sun Yat-sen appela au retour des anciens parlementaires de l‟assemblé de 1912 à venir à Canton. En avril 1921 lors d‟une séance extraordinaire avec 200 de ces parlementaires, un vote fut organisé et Sun Yat -sen fut élu président par intérim de la Chine. Sur le plan économique les fidèles du chef du parti travaillèrent beaucoup pour améliorer l‟état des finances, de l‟éducation et de l‟urbanisme de la ville. Sun Yat-sen voulait dès possible lancer une expédition militaire sur le nord du pays afin de renverser le gouvernement de Pékin ainsi que les seigneurs de guerre. Mais le protecteur du Kuomintang, Chen Jiongming, ne l‟entendait pas ainsi. 10 L‟utilisation de ce mot n‟est en rien péjoratif. Il reprend un expression fort usitée à cette période où les seigneurs de guerre représentaient des « cliques », c‟est à dire des groupes d‟intérêt militaire et politique. Le Kuomintang fut lui même dénommé dans les sources « clique du Kuomintang ». 13 Il s‟était allié avec Sun Yat-sen afin de profiter de son aura politique pour s‟emparer de la région de Canton, et depuis qu‟il en avait la jouissance, il ne comptait absolument plus suivre le Kuomintang dans une aventure militaire où il risquait fort de perdre sa position. Avoir le contrôle de la région du Guangdong avec Sun Yat -sen comme caution politique lui suffisait amplement 11. Malgré tout, avec ses alliés militaristes, Sun Yat-sen parvint à organiser une première expédition pendant l‟été 1921 dont l‟objectif était la prise de la région de Guangxi. Quelques victoires récompensèrent les armées sudistes, avec par exemple la prise de la ville de Nanning le 1 er août, mais rapidement faute de matériel, de munitions et surtout à cause du manque criant de motivation de Chen Jiongming l‟opération fut un véritable échec12. La situation politique se détériora entre Chen Jiongming, partisan d‟un fédéralisme favorable aux seigneurs de guerre, et Sun Yat-sen qui souhaitait réunifier toute la Chine avec la création d‟un puissant gouvernement central. Au cours du printemps 1922 Chen Jiongming ordonna à ses soldats d‟attaquer la résidence du chef du Kuomintang qui dut, pour la troisième fois de sa vie, s‟enfuir de Canton sous peine d‟y perdre la vie et se réfugia à Shanghai. Se retrouvant une nouvelle fois en exil, sans aucun soutien, ni armée, Sun Yat-Sen devait reléguer au rang des chimères son projet politique de réunir la Chine. Cependant il reçut quelques mois plus tard l‟aide du Kominterm et des communistes chinois pour réunifier la Chine sous la bannière du Kuomintang. La création du Parti Communiste Chinois (1920-1922) Au moment où Sun Yat-sen tentait de créer un nouveau gouvernement républicain et de réunifier le pays, un nouveau courant politique apparut pendant l‟été 1921 en Chine. Dans la concession française de Shangai fut fondé le Parti Commu niste Chinois qui devint en moins de 30 ans le parti régnant sur le pays. Mais à cette époque les forces du PCC étaient insignifiantes au regard de la taille de la Chine : elles ne comptaient lors du premier congrès de 1921 que 13 délégués qui représentaie nt 53 membres. La naissance du PCC fut en grande partie la responsabilité des soviétiques russes qui voulaient étendre la révolution à travers l‟organisme dédié à ça, le Kominterm. Après les échecs des spartakistes à Berlin en janvier 1919 et du régime communiste de la République des conseils de Hongrie la même année, le rêve d‟une 11 12 Chesneaux Jean, Sun Yat-Sen, Le club français du livre, Collection Portraits de l‟Histoire, Paris, France, 1959 Journal, The Peking Chronicles, 27 novembre 1938, Pékin, Chine 14 insurrection mondiale semblait avoir disparu. Surtout, avec l‟instauration d‟états tampons sur la frontière occidentale de l‟Union Soviétique, l‟Armée rouge n‟était plus en mesure d‟aider militairement toute forme de rébellion. Isolée diplomatiquement, l‟Union Soviétique commença à chercher de nouveaux moyens d‟étendre la révolution à travers le monde. Des agents du Komintern furent alors envoyés en Chine afin d‟analyser la situation du pays pour essayer de le faire basculer dans le camp soviétique. Mais en ce début des années 1920, comme le raconta l‟agent hollandais Henk Sneevliet (1883-1942) qui utilisait le nom d‟emprunt Maring, personne ne savait ce qu‟il se passait véritablement en Chine et les agents qui y furent envoyés partirent sans aucune instruction. Selon les propres mots de Maring « Il n‟y avait pas d‟instructions parce que seul le bureau de renseignement d‟Irkusk (qui travaillait exclusivement avec la République de Chita) avait des informations sur ce qu‟il se passait en Chine »13. Les dirigeants du Kremlin ne savaient donc même pas s‟il existait en Chine un parti communiste. Les seules informations qui parvenaient à Moscou provenaient de l‟éphémère République d'ExtrêmeOrient, or les analystes de cette république communiste pensaient qu‟il fallait s‟appuyer sur le seigneur de guerre Wu Peifu (1874-1939), alors que celui-ci était déjà proche de l‟empire britannique. Et selon ces mêmes analystes, Sun Yat-sen n‟était pas un chef politique sérieux car il n‟était selon eux qu‟un « doux rêveur »14. Maring partit pour Shanghai en avril 1921 où il s‟entretint avec plusieurs agents russes qui travaillaient dans la ville afin d‟établir un réseau de renseignements pour le Kominterm. Il y rencontra le premier agent qui avait été envoyé le Komintern : Grégoire Voitinsky qui était arrivé une année avant Maring et avait rencontré plusieurs Chinois sympathisant de l‟Union Soviétique. Ces personnes formaient un petite groupe d‟intellectuels et d‟universitaires qui depuis 1920 se définissait comme marxiste, mais il n‟avait jamais formellement crée un parti communiste. Sous l‟impulsion de Maring, ce fut chose faite le 31 juillet 1921. Le congrès, qui se tenait dans la concession française, fut soudainement interrompus par l‟arrivée de la police Française qui soupçonnait une réunion politique dans la maison. Le congrès dut se terminer au milieu d‟un lac dans les environs de Shanghai. Le rapprochement du PCC et du Kuomintang 13 Harold R. Isaacs and Albert Treint, Documents on the Comintern and the Chinese Revolution, The China Quarterly, No. 45, janvier-mars 1971, p. 102 14 Ibid., p.103 15 Après la création du PCC Maring fit comprendre que, malgré le soutien financier de Moscou, il était illusoire de vouloir prétendre à un rôle politique d‟envergure avec le peu d‟adhérents présent dans le parti. Entre le premier congrès de juillet 1921 et le deuxième, qui avait eu lieu en juillet 1922, l‟augmentation du nombre d‟adhérent était passé de seulement 53 à 123 membres. Il pensait qu‟il fallait mener une politique de front uni avec le Kuomintang car les deux partis possédaient de nombreux points communs dans leur programme comme la fin des seigneurs de guerres, la réinstauration de la république et l‟abolition immédiate des traités inégaux. De par son expérience à Java, où il avait travaillé comme agent de 1913 à 1918, il pensait qu‟une alliance entre partis « bourgeois » et communiste avait toute les chances d‟être profitable à la Révolution. C‟est pourquoi en décembre 1921 il partit rencontrer Sun Yat-sen à Canton. Le chef du Kuomintang, fin stratège, accepta l‟idée de s‟allier avec les communistes chinois si cela lui permettait de recevoir l‟aide des soviétiques 15. Mais la proposition n‟alla pas plus loin car d‟une part le chef de Canton qui venait de lancer la première expédition vers le nord récoltait quelques succès tandis que les militants du PCC firent comprendre à Maring qu‟ils ne voulaient en aucun cas s‟allier avec un parti politique qu‟ils considéraient comme conservateur. Ils pouvaient faire appel à des arguments d‟autorités car Sun Yat-sen avait été accusé par Lénine lui même d‟être un réactionnaire16, alors que celui-ci lui avait envoyé un message de soutien après la victoire des communistes en Russie. Lors du deuxième congrès du PCC, qui se tint à une année d‟intervalle du premier, les participants acceptèrent quelques concession à l‟égard du Kuomintang mais la proposition de Maring d‟établir « front uni » avec Sun Yat-sen fut refusée. Comme celui-ci avait dû retourner à Moscou d‟avril à août 1922 il ne put influencer les participants. Quand il revint en Chine pour sa deuxième mission, il voyagea avec l ‟un des diplomates de l‟Union Soviétique, Adolph Joffe (1883-1927). Cet homme rencontra Sun Yat-sen en janvier 1923 et ils discutèrent de l‟aide que l‟URSS pouvait apporter au Kuomintang dans sa lutte pour la réunification de la Chine. Le 26 janvier 19 23, ils rédigèrent une déclaration commune d‟amitié qui fut rendue publique. Dans ce manifeste, qui n‟avait qu‟une portée symbolique, les deux signataires déclarèrent leurs sentiments d‟amitié. Mais aucune ligne ne fit mention d‟une aide matérielle et il était 15 Jérémie Tamiatto, Un missionnaire de la révolution en Chine, L'action de Maring au sein du mouvement communiste chinois, 1921-1923, IRICE | Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, 2008/1 - N° 27 p. 159-174 16 Dan N. Jacobs, Borodin, Stalin‘s Man in china, Harvard University Press, Cambridge, Etats-Unis, 1981 16 clairement stipulé que « les conditions pour l‟établissement du communisme ou des soviets [n‟existent pas en Chine] ». Or une semaine avant la rencontre de Sun Yat-sen et d‟Adolph Joffe, Chen Jiongming avait été expulsé de Canton par des militants du Kuomintang. Profitant de la situation, Sun Yat-sen s‟embarqua pour Canton quelques jours après sa rencontre avec Joffe pour reprendre les rênes du gouvernement de Canton. Mais rapidement Sun Yat sen fit face à des problèmes de trésorerie. Pour arriver à payer la solde des soldats qui protégeaient la ville, il dut accepter que l‟opium, pourtant interdit, soit remis en vente afin de pouvoir taxer ce produit et de remplir les caisses du gouvernement 17. Puis, en mai 1923, les soldats de Chen Jiongming tentèrent de reprendre Canton et ce ne fut qu‟à grande peine que Sun Yat-sen garda le contrôle de la ville. Des négociations entre les Anglais, qui possédaient la ville voisine d‟Honk Kong, ainsi qu‟avec la guilde des marchands s‟établirent pendant cette période concernant une aide militaire et financière du Kuomintang. Mais le prix du soutien qu‟ils pouvaient apporter au Kuomintang était trop couteux pour que Sun Yat-sen acceptasse de s‟allier avec eux 18. A cause de cette situation déséspérée, il dut repenser plus sérieusement à l‟offre que lui avait fait Maring en décembre 1921. Malgré l‟opposition de l‟aile droite du Kuomintang à cette alliance deux éléments le poussèrent à demander l‟aide de l‟URSS. Le premier était qu‟en juin 1923, le Parti Communiste Chinois tint son troisième congrès dans la ville de Canton. Maring n‟avait pas abandonné l‟idée d‟une alliance entre le PCC et le Kuomintang. Il expliqua à ses camarades chinois que ce « front uni » avait pour but d‟infiltrer le parti nationaliste afin de le noyauter po ur ensuite s‟emparer du pouvoir en Chine. Sachant que la Russie pourvoyait à 95% des ressources financières du parti, Chen Duxiu avec ses camarades acceptèrent finalement de se plier aux injonctions de Maring lors du congrès ; la politique de « front uni » préconisée par Maring y fut officiellement adoptée. Le deuxième élément fut que la Russie avait apporté son aide au gouvernement mexicain en mars de la même année en lui donnant deux millions de dollars mexicain, un montant très intéressant quand un respo nsable 17 F. Gilbert Chan, An Alternative to Kuomintang-Communist Collaboration: Sun Yat-Sen and Hong Kong, January-June 1923, Cambridge University Press Stable, Modern Asian Studies, Volume 13, Numéro 1, 1979, p. 135 18 Ibid., p.134 17 politique en Chine souhaitait survivre face aux autres factions 19. Quelques mois plus tard, les premiers conseillers russes et du matériel de guerre arrivaient dans le port de Canton, et ce pour plusieurs années. Maring quant à lui fut rappelé à Moscou et remplacé par un autre agent, Mikhaïl Borodine (1884-1951), qui eut tout comme lui la responsabilité de veiller au PCC. Maring fut profondément humilié par la décision de ses supérieurs, il s‟en confia même au futur dissident Peng Shuzhi (1895-1983) 20, mais tel était les ordres du partis et il ne pouvait pas désobéir. Maring poursuivit sa carrière d‟agents du Kominterm avant d‟être fusillé par les Allemands en 1942 pendant l‟occupation de la Hollande. Il laissait certes derrière lui un petit parti d‟à peine 500 adhérents, mais il avait réussi par lui-même à allier le PCC avec la formation politique républicaine la plus importante de l‟époque. Comme les communistes étaient trop faibles pour s‟emparer du pays, il valait mieux s‟allier avec le Kuomintang pour essayer de le contrôler par la suite. De part cette alliance Sun Yat-sen fit même un voyage à Moscou au cours de l‟année 1923 où il put rencontrer de nombreuses personnalités soviétiques. 2) Le premier front unis Le profil des conseillers russes Au-delà des armes, de l‟argent et du soutien du PCC, l‟Union Soviétique apporta une aide précieuse avec les conseillers qu‟elle envoya à Canton. Au début peu nombreux, leur nombre augmenta rapidement afin de soutenir le Kuomintang sur la plupart des domaines touchant la question militaire. Ces conseillers étaient tous de très bon militaires qui, tous, étaient passés par la prestigieuse académie militaire de Frunze à Moscou, ou avaient fait de la prison sous le régime tzariste ou subi un exil de plusieurs années. Ils avaient aussi pour la plupart combattus dans les rangs de l‟armée rouge pendant la guerre civile et avaient été mainte fois décorés 21. Ils donnèrent des cours aux cadets de l‟armée du Kuomintang sur des sujets militaires très variés (infanterie, 19 F. Gilbert Chan, An Alternative to Kuomintang-Communist Collaboration: Sun Yat-Sen and Hong Kong, January-June 1923, Cambridge University Press Stable, Modern Asian Studies, Volume 13, Numéro 1, 1979, p. 138 20 Peng Shuzhi, L‘envol du communisme en Chine, tome 1, éditions Gallimard, France 1983 21 Vera Vladimirovna Vishnyakova, Two years in revolutionnary China 1925-1927, Harvard East Asian Monographs, Etats-Unis, 1971 18 artillerie, aviation, etc...) ou alors s‟occupaient de la question de la propagande auprès des masses chinoises. La plupart des conseillers vinrent même à Canton avec leurs familles, les épouses quant à elles, loin de se cantonner à des rôles de femmes au f oyer donnaient des cours de russes 22. Le nombre de conseillers russes présents en Chine restera assez modeste au vu de l‟influence qu‟elle aura, il pourrait s‟expliquer par le fait que Moscou refusa de reconnaître, et ce jusque dans les années 70, que l‟URSS voulait exporter la révolution en Chine. Même si les conseillers furent repérés assez rapidement il n‟était pas concevable d‟envoyer des milliers de conseillers voir des bataillons de l‟armée rouge au risque de provoquer les puissances occidentales qui avaient pendant quatre ans tenté de détruire le régime bolchévique. Ainsi d‟octobre 1923, où arrivèrent les premiers conseillers, à juillet 1927, ce seront en tout un millier de conseillers qui effectueront le déplacement en Chine. Ils ne furent cependant jamais plus de 140 en même temps : Octobre 1927..............5 conseillers Juin 1924.....................25 conseillers Janvier 26....................47 conseillers Mai 26.........................58 conseillers Janvier 1927............140 conseillers Parmi tous ces conseillers deux figures importantes sont à retenir, l‟un sera le spécialiste politique et le porte-parole de la mission tandis que l‟autre travaillera plus sur les questions militaires. Le premier s‟appelait Mikhaïl Borodine, né dans une famille juive de la région de Vitebsk en Biélorussie, il adhéra au Parti ouvrier social démocrate de Russie en 1903. Arrêté en 1906 par la police tsariste il ressortit de prison au bout de quelques mois et partit vivre à l‟étranger pendant dix ans aux États-Unis. Après la révolution de 1917 il retourna en Russie pour aider Lénine. Il fut envoyé comme agent du Kominterm dans plusieurs pays Mikhaïl Borodine dont les États-Unis. Ayant été repéré par les forces du contre-espionnage américain il dut retourner en Russie pour se mettre à l‟abri. A son retour on décida de l‟envoyer, en 22 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit. 19 secret, en Chine comme chef de la mission soviétique. Il arriva à Canton en novembre 1923 et se mit immédiatement au travail pour aider les Chinois à mieux s‟organiser. Le deuxième, dénommé Vassili Blücher (1889-1938), et surnommé « général Galen », était lui aussi issu d'un milieu modeste. Fils de paysans, il exerca de multiples petits métiers, comme ouvrier puis sous-officier. Durant la Grande Guerre il devint officier et fut mobilisé dans l'armée du front sud-ouest et adhéra au parti bolchévique en 1916 puis prit part à la révolution d‟octobre. Par ses nombreuses réussites militaires il fut le premier soldat à recevoir l‟Ordre du Drapeau rouge en septembre 1918 puis en 1919 on lui confia une division à l‟âge de 30 ans, ce qui équivalait à le nommer général. Après la guerre il fut employé comme conseiller militaire par l‟éphémère République d'Extrême-Orient. Puis en 1924 il reçut l‟ordre d‟aller à Canton pour assister Tchang Kaï-chek à l‟état-major et donner des cours aux cadets de l‟académie de Whampoa. Vassili Blücher L‘apport des conseillers russes dans le premier congrès du Kuomintang Mais avant d‟aider le Kuomintang à posséder une armée, les premiers conseillers militaires arrivés à la fin de 1923 sous le commandement de Borodine s‟attaquèrent à la réformation politique du parti de Sun Yat-sen. Pendant plusieurs mois ils aidèrent à l‟organisation d‟un congrès du Kuomintang pour janvier 1924. Comme Sun Yat -sen et Borodine avaient tous les deux vécu aux États-Unis pendant plusieurs années ils pouvaient converser en anglais sans interprète. De par son expérience de la guerre civile et de son appartenance au parti communiste de l‟Union Soviétique, Borodine possédait une aura et un grand savoir-faire dans la construction d‟un mouvement politique. Il expliqua à Sun Yat-sen que son « parti [devait] être l‟organe central de contrôle du pouvoir politique »23, en renforçant l‟autorité du Kuomintang et le dotant de statuts adéquats. Ce parti pouvait ainsi se transformer, tout comme en Russie l ors de la guerre civile, en une arme capable de triompher des seigneurs de guerre. 23 Dan N. Jacobs, op. cit. 20 Après plusieurs mois d‟efforts, ou il fallut aussi convaincre les communistes du PCC de suivre les instructions de Moscou, le Kuomintang tint un congrès au début de 1924. Devant l‟ensemble des représentants fut entériné officiellement, au désespoir de l‟aile droite du parti appelée « le groupe des collines de l‟ouest », l‟accord de participation du PCC au sein du Kuomintang. Trois dirigeants communistes furent même admis au sein du « comité central exécutif » qui était l‟organe de décision du parti. Le parti était tellement désorganisé comme le raconta Borodine dans un rapport qu‟on ne savait même pas combien de membres en faisait parti 24. Des règles furent éditées et la structure du Kuomintang complètement réorganisée afin de la placer sous le contrôle de petits comités. Borodine réussit même à arracher à Sun Yat-sen une réforme concernant une légère répartition des terres et à inclure dans le manifeste du congrès la critique des grandes puissances « impérialistes », couplée à la reconnaissance d‟une demande d‟aide à l‟Union Soviétique. Sun Yat-sen tergiversa pendant des semaines, mais céda après un certain temps face aux arguments de son conseiller en chef, qu‟il surnommait « Lafayette » car il croyait fermement que cet homme allait porter le Kuomintang au pouvoir25. Par ce congrès Borodine démontrait aussi au Kremlin sa capacité à instaurer une bonne entente entre les deux partis politique et à conduire l‟orientation politique du Kuomintang. L‘aide militaire des conseillers soviétiques Quand les premiers conseillers arrivèrent à Canton la situation militaire du Kuomintang n‟était pas très bonne. Grâce à ses alliées Sun Yat-sen avait repris la ville à Chen Jiongming en janvier 1923, mais ceux-ci étaient tout comme lui des seigneurs de guerre. Le Kuomintang possédait sur le papier 40 000 soldats sous ses ordres, mais seul les 200 gardes du corps de Sun Yat-sen répondaient à son commandement. L‟ensemble des autres armées n‟obéissaient qu‟à leurs chefs militaires et rien ne garantissait leurs obédiences. Il fallait pour assurer la survie du parti le doter lui aussi d‟un corps militaire, c‟était d‟ailleurs l‟une des raisons pour lesquelles Sun Yat-sen avait dû fuir Canton en 1917 et 1922, ne possédant aucun régiment il ne put se défendre contre les attaques des seigneurs de guerre. Puis quand il était au pouvoir il devait composer avec 24 Louis Fischer, Les soviets dans les affaires mondiales, collection « les Documents Bleues In-octavo », Gallimard, Paris, France, 1933 25 Dan N. Jacobs, op. cit. 21 tellement de groupes différents qu‟il ne pouvait rien ordonner sans de longues négociations. Mais l‟arrivée des conseillers soviétiques, auréolés du prestige des victoires de la guerre civile russe, allait changer la donne. Dès son arrivée à Canton, Borodine put démontrer le savoir-faire guerrier des hommes de l‟Armée Rouge. Les troupes de Chen Jiongming qui tentaient à ce moment de reprendre Canton étaient sur le point de triompher des soldats du Kuomintang. Attaqué de toute part, voyant son armée entière déserter, Sun Yat-sen se préparait à partir en exil une nouvelle fois. Mais Borodine le persuada qu‟il allait arrêter les régiments ennemis. Aidé de Liao Zhongkai (1877 -1925), qui faisait parti de l‟aile gauche du Kuomintang, il recruta des volontaires dans la population en leur promettant une répartition des terres une fois le Kuomintang arrivé au pouvoir26. Instillé d‟un esprit révolutionnaire, les armées des volontaires menées par Borodine repoussèrent les forces adversaires avec une telle puissance que Chen Jiongming ne retenta plus jamais de reconquérir Canton. Cette victoire fit une telle impression que bien des années plus tard, quand les Japonais lors de la Seconde Guerre Sino-Japonaise prirent la ville, une blague courait que cette fois-ci « Borodine n‟avait pas pu sauver Canton », il n‟en reste pas moins que ce trait d‟humour démontre l‟exploit militaire qui fut réalisé en 1923 27. Après le premier congrès du Kuomintang et la victoire sur les ennemis du Kuomintang, les conseillers militaires Russes travaillèrent sur la création d‟une académie militaire où une instruction politique et militaire serait instaurée aux cadets. A son ouverture l‟école recevait 400 élèves, mais au bout de quelques mois ce furent plus de 2 500 cadets qui y reçurent une instruction militaire 28. Le modèle d‟enseignement, qui différait des autres institutions en Chine reprenait celui des « écoles de commandement rouge » crées par Léon Trotski en février 1918. A une formation militaire était couplé une formation politique. Même si cette académie formaient des aspirants-officiers ils devaient être à la sortie de leur formation être tous regroupés dans des régiments afin de ne pas être dilués dans les armées alliées qui auraient enlevé l‟atmosphère dans lequelle ils baignaient. 26 Dan N. Jacobs, op. cit. SHD, série 7N, carton numéro 3308, article de presse 22 novembre 1938 28 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit. 27 22 Cette académie accueillie de nombreuses personnalités qui allaient jouer dans les années suivantes un rôle de premier plan dans la politique chinoise. Déjà au niveau de la direction de l‟école Tchang Kaï-chek, futur dirigeant du pays, en était le directeur et Zhou Enlai (1898-1976), grand responsable du PCC à partir des années 1930, le responsable du département politique. Des hommes comme Lin Biao (1907-1971), Ye Jianying (1897-1986) qui furent par la suite généraux de L'Armée populaire de libération ou Chen Cheng (1897-1965) qui devint premier ministre à Taïwan firent leurs classes dans cette académie 29. Située dans une petite île facilement défendable à 15 kilomètres de Canton, les étudiants y apprirent à manier les armes et se virent enseigner des cours de théorie politique afin d‟être endoctrinés dans la logique du « front uni ». Un enseignement de la politique était jugé primordial car comme le raconta le conseiller soviétique Alexandre Cerepanov (1895-1984) dans ses mémoires, le degré d‟engagement politique des soldats à cette époque était proche de zéro : « Officiers et soldats ignoraient également pourquoi ils se battaient. Leurs patrons – les généraux yunannais- les payaient, les nourrissaient, les habillaient, et eux allaient là où on les menait, sans chercher à savoir vers quoi ni pourquoi » 30 Il était donc nécessaire pour le Kuomintang d‟avoir des soldats qui croyaient en un idéal politique afin de triompher des armées ennemies à la manière de l‟Armée rouge. Sans l‟aide des Soviétiques l‟académie, dite de Whampoa, n‟aurait pas pu fonctionner31. Quand Sun Yat-sen demanda à ses alliés militaires de Canton de lui donner des armes pour les élèves, qui étaient plusieurs milliers, seul 300 fusils parvinrent à l‟école. L‟Union Soviétique au contraire se montra fort généreuse en envoyant rapidement une cargaison maritime contenant 8 000 fusils, soit un chiffre bien supérieur à celui des élèves 32. De même que pour la question des fonds, l‟armée du Kuomintang reçut 186 000 dollars du gouvernement de Canton tandis que l‟URSS put envoyer une enveloppe de 2.6 millions de dollars33. Ce qui était une véritable aubaine sachant que l‟entretien des troupes Cantonaises revenait à 26 000 dollars par jour34. En recevant cette 29 Thierry Sanjuan, L‘armée populaire de libération : miroir des trajectoires modernes de la Chine, La Découverte, Hérodote numéro 116, 2005, P. 164 à 174 30 Jean-Marie Bouissou, Seigneurs de guerre et officiers rouges. La révolution chinoise, 1924-1927, collection « l‟histoire à l‟épreuve », Tours, France, 1974 31 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 18 février 1928 32 Raymond L. Garthoff, Sino-soviet military relations, publié par Frederick A. Praeger, USA, 1966 33 Bergère Marie-Claire, Sun Yat-Sen, Fayard, France, 1994 34 Dan N. Jacobs, op. cit., p. 120 23 argent Sun Yat-sen n‟était plus obliger de pressuriser fiscalement les Cantonnais comme il l‟avait fait par le passé, ce qui lui permettait de diriger Canton sans craindre une révolte populaire. L‟académie de Whampoa devint assez reconnue à travers le monde communiste et reçut la visite publique de plusieurs personnalités comme celle du communiste, et futur collaborationniste, Jacques Doriot (1898-1945)35. Au niveau de l‟organisation de l‟armée déjà existante, les conseillers essayèrent de brider les autres seigneurs de guerre alliés de Sun Yat-sen qui possédaient des troupes au sein du Kuomintang. Ils instaurèrent une série de réforme assez simple mais très efficace36 : - il était interdit de communiquer lors des guerres dans la presse les phases de mouvements des troupes du Kuomintang (sic). - aucun officier supérieur ne pouvait condamner à mort certains de ses soldats sans un jugement préalable. - chaque armée sous l‟égide du Kuomintang devait être approuvée par la « commission militaire » du parti, présidée par TKC, un titre qu‟il gardera d‟ailleurs même jusqu‟à la seconde guerre sino-japonaise car c‟était la véritable position suprême en Chine. Cette commission militaire était le véritable bras armée du Kuomintang et ce fut grâce à elle que le parti put imposer progressivement son autorité auprès de ses alliés 37. D‟ailleurs pour les besoins de la propagande le nom de l‟armée de Sun Yat-sen, qui était « l‟armée du Kwantung », changea afin de devenir celui, bien plus prestigieux, de « l‟Armée Nationale Révolutionnaire » à partir de 192538. Quant au matériel militaire les conseillers russes furent effarés de voir à quel point les soldats chinois étaient pauvrement équipés et ce avec du matériel de mauvaise qualité. A leurs arrivées, les armées de Canton ne possédaient que quatre canons, six avions, quatre navires de haute mer, qui étaient utilisés pour le trafic d‟opium, et vingt-deux bateaux de rivières dont les blindages ne résistaient pas aux balles de fusils modernes 39. Par la suite de nombreux navires russes déchargèrent dans le port de Canton un grand nombre d‟armes. 35 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 12 mars 1927 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, Documents on communism, nationalism, and soviet advisers in China 1918-1927, papers seized in the 1927 Peking raid, Compte-rendu de la commission militaire (juillet 1925), Columbia university press, New York, États-Unis, 1956 37 Ibid., p. x 38 Ibid., p. x 39 Jean-Marie Bouissou, op. cit. 36 24 La montée en puissance du « front unis » En plus de l‟apport financier et militaire les conseillers russes apportèrent l‟arme la plus efficace qu‟ils utilisèrent pendant la guerre civile russe : la propagande à l‟égard des masses. Dès son arrivée en Chine en 1921 Maring avait critiqué le PCC en disant que ce parti n‟avait que « des liens assez tenus avec la classe ouvrière »40, il avait même forcé le Politburo à ouvrir le parti aux femmes et à la paysannerie41. Le Kuomintang n‟était lui aussi qu‟un parti réservé à une élite et ne menait aucune opération de propagande envers la paysannerie ou les coolies du port de Canton. Les spécialistes russes se mirent au travail pour instiller un esprit révolutionnaire dans la population civile et la préparer à la réunification du pays sous l‟égide du Kuomintang. Par exemple, le 1er mai 1924 fut fêté avec beaucoup de faste et le point d‟orgue de cette journée fut un discours de Sun Yat-sen prononcé devant une foule de 170 000 personnes42. Lors de ces meetings du Kuomintang l‟influence du marxisme était si forte que d‟immenses portraits sinisés de Marx et Lénine étaient placés sur les estrades, par ailleurs les conseillers russes étaient toujours invités à parler lors des meetings43. Exemple d’un dessin de propagande réalisé par le département politique de la première armée du Kuomintang en 1926 inspiré par les soviétiques. Il est inscrit sur le bâton « pouvoir des masses », et les deux personnages bastonnés représentent les figures de « l’impérialisme » et des « seigneurs de guerres » 40 Harold R. Isaacs and Albert Treint, op. cit., p.103 Chevrier Yves, La résistible ascension de Mao, Revue d‟histoire Vingtième Siècle, n°13, janvier-mars 1987, p. 3-22 42 Dan N. Jacobs, op. cit. 43 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit. 41 25 L‟influence de cette propagande et des efforts prodigués par les conseillers pour aggrandir le nombre des adhérents dans les deux partis du « front uni » se firent ressentir. Pour le Kuomintang par exemple, le nombre d‟adhérents doubla entre 1924 et 192544 tandis que le PCC enregistra une hausse spectaculaire. Après avoir stagné autour de 100 militants entre 1920 et 1923, le nombre d‟adhérents fut multiplié par mille en quatre ans 45. Cependant le Kuomintang resta toujours le plus grand parti chinois de cette époque car à la veille de la rupture du « front uni » en avril 1927 il possédait dix fois plus de membres que le PCC 46. Audelà d‟avoir de véritables armées de sympathisants à leur cause, les deux partis purent utiliser l‟arme de la grève pour faire pression sur les Grandes Puissances quand il le fallait. A partir de la fin de 1924 une « campagne pour la restauration des syndicats » fut mise en place afin de faire adhérer le prolétariat pour le politiser et démontrer aux pays possédant des concessions que la Chine se réveillait après 80 années d‟humiliation. Les seigneurs de guerre, mis à part Feng Yuxiang, étaient eux aussi visés par cette manœuvre car ce type de politisation des travailleurs pouvait grandement saper leur contrôle sur les régions qu‟ils contrôlaient. Le résultat de cette campagne fut sans appel, des 22 000 syndicalistes recensés en 1922 ils furent 540 000 en 1925 puis 2.8 millions en 192747. La puissance des syndicats se démontra en 1925, suite à la mort à Shanghai d‟un ouvrier chinois gréviste par un contremaitre japonais une manifestation fut organisée. Mais le cortège fut la cible de tirs de soldats anglais tuant dix personnes, suite à ce nouvel affront commença le « mouvement du 30 mai ». Pendant plusieurs mois dans tout le pays les villes bourdonnèrent de comité de soutien aux entreprises qui se mettaient successivement en grève afin d‟asphyxier les entreprises étrangères. Et suite à une nouvelle fusillade sur les abords de la concession étrangère de Canton, entre policier occidentaux et manifestants, les syndicats aidés du « front uni » lancèrent une grève illimitée à Honk Kong pour punir les Anglais. 100 000 travailleurs, soit 1/7 de la population, quittèrent la ville et furent en grève pendant 16 mois, soit l‟une des plus longues grèves de l‟histoire48. La force de propagande du « front uni » était telle que les grévistes de Honk Kong reçurent de l‟argent de toute la Chine pour pouvoir tenir la grève tandis que la chambre de commerce de Canton en janvier 1926 termina une de ses déclarations publiques par la phrase « vive la révolution 44 Dan N. Jacobs, op. cit. Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, édition Payot, Paris, France, 1968 46 Jung Chang et Jon Halliday, Mao: The unknown story, Jonathan Cape, Londres, 2005 47 Jacques Guillermaz, op. cit. 48 Louis Fischer, op. cit. 45 26 mondiale »49. Cependant malgré cette fièvre révolutionnaire ni Sun Yat-sen ni ses héritiers politiques ne tiendront la promesse faîtes lors du premier congrès d e 1924 de commencer une collectivisation des terres. Les premiers combats de l‘ANR et mort de Sun Yat-sen En septembre 1924 commença une guerre entre les deux plus puissants seigneurs de guerre du moment, Wu Peifu qui contrôlait la côte du pays et Zhang Zuolin qui tenait la Mandchourie. Sun Yat-sen voulant profiter de l‟occasion de prendre à revers les soldats de Wu Peifu, et ayant de bonne relation avec Zhang Zuolin, décida de commencer plus tôt que prévus l‟expédition du Nord. Les conseillers russes étaient particulièrement furieux car à cause de cette décision Sun Yat-sen mettait en péril tout le travail qu‟ils avaient fourni, l‟armée n‟était tout simplement pas prête à partir en campagne à ce moment là50. Mais Sun Yat-sen n‟en avait cure et ordonna que l‟armée marcha vers Pékin. Mais dès le 10 octobre les milices marchandes de Canton, qui comptaient pas moins de 12 000 personnes, attaquèrent le gouvernemnt de Sun Yat-sen51. Les marchands de Canton souhaitaient mettre à bas ce gouvernement qu‟ils trouvaient trop révolutionnaire et ils espéraient pour certains d‟entre eux faire revenir en ville Chen Jiaogming pour expulser les communistes. Après plusieurs jours de combats, où les conseillers russes jouèrent un rôle important, les milices marchandes furent écrasées. Mais à cause de cette bataille les Cantonnais plus occupés à se battre entre eux plutôt que de marcher contre Wu Peifu. Cette mini-guerre civile lui avait offert un peu de répit. Puis le 1er novembre 1925 le seigneur de guerre Feng Yuxiang, un général venait de se rebeller de l‟armée de Wu Peifu, proposa avec le soutien de Zhang Zuolin d‟organiser une conférence de paix pour réunifier pacifiquement le pays. Le chef du Kuomintang accepta avec joie l‟invitation. La conférence cependant n‟amena pas les résultats escomptés. Au même moment à Canton les différents généraux commencèrent à s‟entredéchirer faute du charismatique Sun Yat-sen pour les accommoder les uns avec les autres. Après un mois d‟une campagne militaire en décembre 1924 contre Wu Peifu qui s‟était révélée vaine l‟armée du Kuomintang retourna sur Canton. Puis sur la proposition du général Blücher une nouvelle expédition, plus modeste, fut préparée en février 1925 contre Chen Jiongming qui attendait toujours de pouvoir reprendre sa revanche sur le Kuomintang. Après seulement 6 semaines de bataille la ville de Chatow, qui était la base principale de ce seigneur de guerre, 49 Ibid., Dan N. Jacobs, op. cit. 51 Jean-Marie Bouissou, op. cit. 50 27 fût prise. L‟ensemble de la région du Guangdong était à ce moment sous le contrôle du Kuomintang et de ses alliés. Les raisons de ce succès furent sans nul doute l‟influence des conseillers soviétiques, qui durent des fois batailler pour imposer leurs vues tactiques 52, et le professionnalisme du régime de cadet de l‟académie de Whampoua. Cette « Expédition de l‟Est » ne permit pas de détruire entièrement les armées ennemies mais grâce à elle l‟Armée Nationale Révolutionnaire contrôlait un plus grand territoire, elle mit aussi la main sur un grand nombre de caisses contenant des milliers de fusils ainsi que des canons. Mais le 12 mars 1925 Sun Yat-sen décéda à Pékin après plusieurs mois de maladie, sa mort allait semer la discorde entre ses héritiers politiques qui voulaient tous prendre la place du vieux chef. Pas moins de six jours après sa mort, un premier conflit éclata quand le yunnanais Tang Jiyao (1883-1927) proclama être le seul chef possible du Kuomintang, prenant de court le général en chef de l‟armée Hu Hanmin (1879-1936). Mais comme le raconta un expert militaire travaillant en Chine, les « troupes cantonnaises conduites par les officiers bolchéviques et les cadets chinois de l'école militaire rouge de Whampoa »53 triomphèrent des anciens alliés du Yunnan. Sur le plan militaire, le Kuomintang historique des proches de Sun Yat-sen aidé des conseillers soviétiques, resta la faction gouvernante du parti. Puis une nouvelle lutte s‟engagea entre les anciens lieutenants de Sun Yat-sen pour savoir qui devait être le chef du parti. Entre l‟aile gauche conduite par Liao Zhongkai, qui avait aidé Borodine à sauver Canton en 1923, et l‟aile droite la lutte commença. Liao Zhongkai fut assassiné le 20 août 1925 à Canton au moment où il sortait de sa voiture. Les chefs de l‟aile droite, Hu Hanmin et Xu Zhongzhi, furent accusés d‟avoir commandité l‟attentat et ils partirent en exil. Ce vide de leadership laissa au jeune général Tchang Kaï-chek la possibilité de prendre plus de responsabilité au sein du Kuomintang et de devenir le chef de file du centre et de l‟aile droite du Kuomintang54. Sun Yat-sen était décédé et le Kuomintang au début de l‟automne 1925 ne contrôlait toujours qu‟une région mais à ce moment le parti souffrait moins des dissensions. Les conseillers russes et leurs alliés purent se remettre au travail pour préparer l‟unification de la Chine. 52 Jean-Marie Bouissou, op. cit., p. 216 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 28 juillet 1925 54 Pierre Broué, Histoire de l‘internationale communiste (1919-1943), Fayard, Paris, France, 1997, p.431 53 28 Le double jeu politique de l‘URSS Mais alors que l‟URSS soutenait officieusement le gouvernement de Canton, et plus tard l‟armée de Feng Yuxiang, à prendre le pouvoir en Chine, le gouvernement soviétique et le Kominterm menaient un double jeu. D‟une part avec le gouvernement de Pékin et ensuite avec le Kuomintang. Pour le premier Moscou parlementait depuis le début des années 1920 afin d‟être reconnu comme le gouvernement officiel de la Russie et pour renégocier les traités tzaristes. Avec le second, la politique qu‟avait préconisé Maring en juin 1923 était toujours de vigueur, le « front uni » permettait au PCC de multiplier ses adhérents afin de pouvoir plus tard être suffisamment puissant pour purger les éléments non-communistes du gouvernement. C‟était l‟utilisation avant l‟heure de la « tactique du salami » qui fut utilisée par les communistes pour prendre le contrôle des pays d‟Europe l‟Est après la Deuxième Guerre mondiale. Les soviétiques souhaitaient aussi aider d‟autres clans politiques chinois autres que celui du Kuomintang. Ils pensèrent se rapprocher de Wu Peifu mais celui-ci se révéla être un seigneur de guerre conservateur qui n‟hésita pas à réprimer violemment un mouvement de grévistes en février 192355. A partir de 1925 ils aidèrent le dissident Feng Yuxiang, qui avait une politique bien plus ouverte à la gauche. Mais il se montra bien plus méfiant que le Kuomintang et refusa au contraire de ses alliés sudistes de laisser autant de pouvoirs aux conseillers militaires qui vinrent l‟aider56. Pendant que des cliques politiques recevaient de l‟aide russe par la biais du Komintern, le gouvernement soviétique lui négociait avec le gouvernement de Pékin le droit d‟une reconaissance chinoise de leur gouvernement et la possiilité d‟avoir une ambassade soviétique. Les négociations débutèrent sur plusieurs sujets quand plusieurs diplomates comme Lev Karakhan (1889-1937) arrivèrent à Pékin pour négocier avec le gouvernement chinois. Ils souhaitaient discuter de plusieurs sujets : - la reconnaissance de l‟URSS par la Chine, le sort de la Mongolie occupé par l‟Armée rouge depuis 1921, - le futur du Chemin de fer de l‟Est chinois qui avait été construit sous Nicolas II, - le devenir des traités inégaux entre les deux pays. Les communistes proclamaient depuis 1919 leurs amitiés au peuple chinois et leur volonté de combattre l‟impérialisme. Mais Karakhan et ses compatriotes se montrèrent au contraire impitoyables pendant les négociations avec les Chinois. Si les traités 55 56 F. Gilbert Chan, op. cit., p. 128 Voir page 140 de la présente étude sur ce sujet 29 inégaux furent abolis la république de Chine en paya le prix fort : les Russes réussirent à transformer la Mongolie en territoire satellite de l‟URSS, le Chemin de fer de l‟Est chinois resta sous contrôle soviétique et la reconaissance de l‟URSS permettait aux Russes d‟avoir une ambassade dans le quartier des légations qui servait de couverture à ses agents et membres du PCC 57. Cette maîtrise de la « realpolitik » s‟appliqua aussi vis à vis du Kuomintang. Lors du 5 e congrès du Kominterm en 1924 les participants validèrent une motion stipulant que tout parti membre d‟un pays colonisé pouvait dorénavent s‟allier avec des partis nationalistes ou bourgeois. Vu le peu de succès qu‟avait obtenu cette organisation à déclancher une révolution dans d‟autres pays les communistes réfléchirent pour trouver de nouveaux moyens d‟actions pour s‟emparer du pouvoir dans d‟autres pays. Cette motion validait ainsi l‟alliance du PCC et du Kuomintang. Ce dernier sera même membre observateur du Komintern à partir de 1926 58. Staline déclara à la commission chinoise du Kominterm, le 30 novembre 1926, que « l‟avance des troupes de Canton est un coup porté à l‟impérialisme et à ses agents en Chine ». Il renchérit en stipulant que le Kuomintang était de par ses statuts un parti « anti-impérialiste », en conséquent il ne fallait rien craindre de Tchang Kaï-chek et de ses camarades car il n‟était pas l‟équivalent de Mencheviks 59. Mais ces belles paroles et cet appui inconditonnel au « front uni » cachaient la manœuvre du Kremlin qui voulait tout simplement noyeauter le parti de Sun Yat -sen afin de rendre le PCC plus puissant. Borodine déclara en petit comité : « Il ne faut pas oublier que le travail [consacré à la stabilisation du Kuomintang] vise en fait à la stabilisation du Parti Communiste Chinois »60. Quand à Staline il dit, au printemps 1927, que le but final de l‟alliance des deux partis était de « presser [le Kuomintang] comme un citron [une fois la Chine conquit] puis de jeter les restes ». Il fallait cependant ne pas attirer trop rapidemet l‟attention des puissances occidentales et du Japon qui avaient encore en souvenir les différentes révolutions avortées des années 1918-1921 en Europe. Même Leon Trotski, pourtant le théoricien de la Révolution permanante, pensait tout comme Staline qu‟il fallait faire attention aux réactions anglaises et japonaises des succès du « front uni » pour éviter de 57 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, op. cit. Matthex Worley (direction), In search of revolution, International communist Parties in the third world, édition I.B. Tauris, Londres, Royaume-Unis, 2004, article de John Callaghan, Storm over Asia : Comintern colonial policy in the third period 59 Pierre Broué, La question chinoise dans l‘internationale communiste, Paris, 1965, p. 13 60 Bergère Marie-Claire, op. cit., 58 30 compromettre les chances de la réunification61. Cette double politique diplomatique du mensonge et de la traitrise porta jusqu‟à certains points ses fruits. Le gouvernement de Pékin perdit son statut de gouvernement de la Chine suite aux efforts du Kuomintang de réunifier la Chine sous sa bannière, et lors du deuxième congrès du Kuomintang, en janvier 1926, la moitié des postes au sein des comités décisionnaires étaient détenus soit par des communistes, soit par des membres de l‟aile gauche du Kuomintang62. Mais ce plan bien huilé allait être remis en question lorsque le centre et l‟aile droite de ce parti, sous la direction de Tchang Kaïchek, qui commençait à devenir bien plus méfiant à l‟encontre des communistes et des conseillers russes. L‘incident du 20 mars 1926 Alors que les préparatifs pour l‟expédition du Nord battaient leur plein un incident politique se produisit au mois de mars 1926 entre nationalistes et communistes. Le 20 de ce mois, Tchang Kaï-chek, qui tâchait de se montrer ouvert aux communistes 63, fit soudainement mettre aux arrêts le capitaine d‟une canonnière membre du PCC qui croisait au large de Canton sous le prétexte qu‟il voulait attenter à sa vie. Il arrêta par la même occasion plusieurs cadres communistes Chinois et consigna par la force des armes les conseillers russes avec leurs familles dans leurs baraquements64. Finalement l‟ensemble des communistes Chinois, comme Russes, purent au bout de quelques heures être libres de leurs mouvements mais tous comprirent que s‟ils n‟avaient pas été exécutés c‟est parce que l‟alliance avec Moscou était trop importante pour le Kuomintang pour être brisée. Encore aujourd‟hui il est difficile de savoir si l‟action du général était guidée par la volonté de se protéger ou si c‟était une manœuvre politique pour affaiblir l‟influence montante des communistes. Chen Duxiu qui était alors à ce moment secrétaire général du PCC, fit part au chef du Komintern Nikolaï Boukharine (1888-1938) de son inquiétude concernant une possible détérioration des relations entre les deux partis. Selon lui il était préférable de prévenir une prochaine crise de ce type en instaurant plus de distance entre les deux organisations. Mais il fut tancé vertement par le russe qui lui rappela que la collaboration devait malgré tout 61 Matthex Worley (direction), In search of revolution, International communist Parties in the third world, édition I.B. Tauris, Londres, Royaume-Unis, 2004, article de John Callaghan, Storm over Asia : Comintern colonial policy in the third period 62 James Sheridan, China in désintégration, the republican era in Chinese history (1912-1949), the free press, New York, Etats-Unis, 1975 63 So Wai Chor, The Kuomintang left in the national revolution (1924-1931), Oxford University Press, Hong Kong, 1991 64 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit. 31 continuer65. Le PCC dut adopter une résolution qui confirmait bien l‟alliance avec le Kuomintang. Quand à Staline il redit quelques mois tard qu‟il serait « pure folie » de cesser l‟alliance entre le Kuomintang et le PCC66. Borodine quant à lui comprit qu‟il devait se méfier tout particulièrement de ce général ambitieux, mais il ne laissa rien transparaître car il devait s‟assurer le succès de l‟expédition du Nord et il avait besoin Tchang Kaï-chek pour mener les troupes. Le général chinois profita notoirement de cet incident pour s‟imposer encore plus au sein du parti contre son rival de l‟aile gauche Wang Jingwei. Un mois plus tard, le 25 avril 1926, il s‟attaqua aussi à l‟aile droite du parti pour démontrer aux communistes qu‟il n‟était pas l‟homme d‟une seule faction67. Suite à l‟incident du 20 mars, Tchang Kaï-chek demanda aux Russes de ne pas lui tenir en rigueur l‟excès de pouvoir qu‟il leur avait fait subir et de continuer la collaboration comme auparavant68. Il n‟en resta pas moins que lui et Borodine négocièrent un nouvel arrangement du « front uni ». Après plusieurs jours de discussions les deux parties tombèrent, en mai 1926, sur un accord largement favorable à Tchang Kaï-chek et à ses partisans69 : - Aucune personne ne pouvait posséder deux adhésions sous peine d‟expulsion, des gens comme Mao Zedong qui était membre du PCC et du Kuomintang durent choisir un seul camp70, - Les Russes se portaient garants des actions des communistes chinois, - La grève qui étouffait les marchands de Honk Kong depuis un an devait cesser, - Le PCC ne pouvait d‟ordre sans l‟accord d‟une commission mixte, - Le PCC ne pouvait porter assistance aux membres du Kuomintang qui allaient être bientôt purgés par Tchang Kaï-chek, - Pas plus d‟un tiers des membres d‟un conseil décisionnaire pouvait être du PCC, - Aucun poste clé ne pouvait être détenu par un communiste, - La liste complète des membres du PCC devait être remise au Kuomintang. C‟était un prix très lourd à payer pour sauvegarder l‟alliance du « front uni » mais le Kremlin souhaitait continuer dans cette voie et ce à n‟importe quel prix. C‟est pourquoi l‟ambassadeur Karakhan ordonna de Pékin à Borodine qu‟il fallait réfréner toute attaque 65 Benjamin Isadore Schwartz, Chinese communism and the rise of Mao, Harvard University Press, deuxième édition, États-Unis, 1968 66 Jacques Guillermaz, op. cit. 67 Dan N. Jacobs, op. cit. 68 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, op. cit. 69 Pierre Broué, op. cit., p. 432 70 Zhisui Li, La vie privée de Mao racontée par son médecin, Plon, Paris, France, 2006 32 contre Tchang Kaï-chek avant Pékin 71. Et celui-ci obéit aux ordres avec beaucoup de diligeance, après les négociations menées avec Tchang Kaï-chek un navire russe rempli d‟armements arriva à Canton. Les communistes souhaitèrent pouvoir se servir dans la cargaison afin de pouvoir se protéger si un nouvel accident se produisait. Mais Borodine refusa de laisser les adhérents du PCC prendre les armes du navire car il ne voulait pas contrarier Tchang Kaï-chek72. L‟organisation de la prochaine campagne militaire pour la réunification de la Chine était trop importante pour que le « front uni » soit brisé avant même que les opérations n‟aient commencé. 3) L‟expédition du Nord La conférence de paix donnée Feng Yuxiang à Pékin n‟avait en rien mis la Chine sur le chemin de la paix et le pays continuait à voir d‟innombrables masses de soldats ravager les campagnes dans des guerres incessantes entre les différentes factions politiques. A Canton cependant le « front uni » préparait toujours avec l‟aide des conseillers soviétiques la reconquête du pays. L‘expédition du Nord (juillet 1926 - janvier 1927) Après la fin de la querelle de succession au sein du Kuomintang et les tentatives de récupération de la part des seigneurs de guerre alliés au parti, les conseillers russes purent travailler intégralement à l‟élaboration de la prochaine expédition du Nord, qui avait pour objectif final de prendre Pékin 73. L‟influence des conseillers soviétiques sur le Kuomintang prit une telle ampleur qu‟on parlait de « troupes rouges »74 pour désigner l‟Armée Nationale Révolutionnaire, et Borodine était d‟ailleurs surnommé le « dictateur de Canton »75. Cette ville, qui était décrite par les soviétiques comme un « marais d‟intrigues, de trahisons et de chantages » 76 , était devenue en deux ans, en dépit de l‟incident du 20 mars, une véritable base militaire capable de devenir le prochain 71 Louis Fischer, op. cit. Dan N. Jacobs, op. cit. 73 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, Documents on communism, nationalism, and soviet advisers in China 1918-1927, papers seized in the 1927 Peking raid, Rapport de Stepanov sur le meeting du groupe soviétique de Canton (avril 1926), Columbia university press, New York, États-Unis, 1956 74 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 30 septembre 1925 75 Dan N. Jacobs, Borodin, Stalin‘s Man in china, Harvard University Press, Cambridge, Etats-Unis, 1981 76 Jean-Marie Bouissou, Seigneurs de guerre et officiers rouges. La révolution chinoise, 1924-1927, collection « l‟histoire à l‟épreuve », Tours, France, 1974, P.286 72 33 gouvernement de Chine. Tchang Kaï-chek démontra de nouveau sa force, lors d‟une réunion du Plénum le 15 mai 1927. Il fit entériner une motion lui procurant les pleins pouvoirs au moment où la campagne vers Pékin débuterait. Il fallait, selon lui, ne pas entraver à ce moment l‟armée avec des revendications ou des querelles politiques 77. Les premières campagnes s‟étant révélées être des fiascos faute d‟une organisation convenable, Borodine retarda au maximum le départ de la nouvelle Expédition du nord78. En plus d‟avoir des soldats bien entrainés et du bon matériel, un effort sans précédent dans l‟histoire de la guerre en Chine fut porté sur l‟endoctrinement des masses. A la veille du départ le bureau de l‟armée chargé de la propagande imprima 50 000 pamphlets de chansons révolutionnaires et forma une centaine de personnes qui devait aller en amont de l‟armée organiser des meetings dans les villes ennemies. Il fallait qu‟à leur arrivée, les soldats de l‟ANR puissent rencontrer une population civile acquise à la cause de la révolution. Devenue partisane à la cause du Kuomintang, cette dernière pourrait gêner les plans des armées ennemies 79. En outre, les conseillers militaires espéraient contrebalancer avec l‟utilisation des masses le pouvoir grandissant de Tchang Kaï-chek sur le « front uni ». D‟ailleurs pendant les opérations militaires précédentes, les soviétiques avaient ressenti une grande hostilité de la p art de leurs homologues chinois ; mais ils furent soudainement pendant les mois précédent l‟expédition particulièrement choyés par les généraux chinois du Kuomintang. Tchang Kaï-chek lui-même s‟assura qu‟il passait un bon séjour à Canton. Les officiers de l‟ANR espéraient par ces démonstrations d‟amitié s‟assurer l‟appui de Moscou à la veille de la guerre, et ce alors qu‟une rupture politique se dessinait. Puis le 9 juillet 1926 l‟ANR, forte de 100 000 hommes, s‟ébranla en direction de Pékin avec 15 conseillers russes au sein de l‟état-major80. Blücher qui avait préparé le plan d‟attaque réussit à cantonner les hommes de Tchang Kaï-chek dans un rôle mineur. Une fois de plus l‟expertise des conseillers soviétiques aida grandement les forces militaires du Kuomintang. Au bout de trois mois les soldats avaient parcouru 1 3 00 kilomètres, n‟avaient subi aucune défaite et certains de leurs adversaires avaient changé de camps pour rejoindre celui du « front uni ». A son arrivée sur le Yangzi, l‟ANR avait 77 Pierre Broué, op. cit., p.434 Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, édition Payot, Paris, France, 1968 79 Dan N. Jacobs, Borodin, Stalin‘s Man in china, Harvard University Press, Cambridge, Etats-Unis, 1981 80 Louis Fischer, Les soviets dans les affaires mondiales, collection « les Documents Bleues In-octavo », Gallimard, Paris, France, 1933 78 34 multiplié ses effectifs pour atteindre 260 000 soldats. L‟aide de Moscou dans cette progression de l‟armée sudiste était bien connue des contemporains. Un missionnaire français en poste dans le sud du pays envoya un témoignage à sa congrégation qui décrivait la guerre qui se déroulait sous ses yeux : « Ces soldats venant du kaong-tong, via Hou-nan qu'ils ont occupés, appartiennent à la 2e et 3e armée commandées par les généraux Tzae et Ngo; ils marchent drapeaux rouge et russe en tête. Presque tous leurs fusils sont russes ; chaque chef supérieur a quelques russes avec lui » 81 Quant aux services secrets Français ils avaient parfaitement pris conscience de l‟importance des conseillers russes au sein des troupes du Kuomintang 82. Ce fut notamment grâce à eux qu‟ils purent prendre la triple cité de Wuhan en août 1926, malgré les nombreuses défenses que le défenseur de la ville, Wu Peifu, avait fait construire. Alors que dans les campagnes précédentes les généraux de l‟ANR évitaient d‟engager leurs soldats dans des combats trop coûteux en hommes, les conseillers parvinrent à imposer cette fois-ci une tactique de guerre bien plus offensive. Les plans du général Blücher permirent ainsi à l‟ANR de détruire une grande partie des troupes ennemies alors qu‟elles s‟enfuyaient. Et lorsque la situation l‟exigeait les conseillers militaires allaient même en première ligne soutenir leurs hommes 83 Cependant Tchang Kaï-chek, à cause de l‟influence des soviétiques, devait commander une armée de second ordre au lieu de se voir confier des responsabilités importantes pendant la campagne. Souhaitant revenir sur le devant de la scène il décida d‟attaquer la ville de Nanchang, appartenant au seigneur de guerre Sun Chuan-Fang, au début de l‟automne 1926. Cette grande cité n‟était pas, à la différence de Wuhan, une ville ouvrière. Elle regroupait au contraire de nombreux propriétaires terriens ainsi qu‟une bourgeoisie conservatrice. Cette population était politiquement plus proche des idéaux politiques de Tchang Kaï-chek et il lui semblait important, face à l‟aile gauche du « front uni », de posséder des territoires politiquement sûrs, au cas où ces derniers auraient voulu se débarrasser de lui. Tchang Kaï-chek lança, contre l‟avis des conseillers soviétiques, une offensive pour conquérir Nanchang. Mais il n‟arriva pas à prendre la 81 Journal mensuel « Bulletin catholique de Pékin », Pékin, Chine, numéro 158 d‟octobre 1926, lettre d‟un missionnaire du 29 septembre 1926 82 SHD, série 7N, carton numéro 3295, note du 8 janvier 1927 83 Vera Vladimora Vishnyakova, op. cit, p. 276-277 35 cité qui était garnie de solides murailles et défendue par une armée possédant plus de canons, de mitrailleuses et de régiments que celle du Kuomintang. Les conseillers russes se retrouvèrent dans une position particulièrement inconfortable. Ils pouvaient laisser l‟ambitieux général affaiblir ses troupes afin qu‟il perde de son influence ou alors l‟aider à prendre Nanchang afin de sauver ce corps d‟armée de l‟ANR. Galen, suivant la ligne définie par Moscou, se porta à son secours pour empêcher que la campagne soit compromise. Grâce à lui Tchang Kaï-chek put le 8 novembre occuper Nanchang et établir son autorité sur une large partie de la région. Après la prise de la ville, S un Chuan-fang avait perdu la moitié de ses troupes ainsi qu‟une grande partie de son matériel de guerre. L‟emprise du Kuomintang put s‟étendre sur les régions du Jiangxi et du Fujian84. Malgré la difficulté des batailles , la fin de l‟année 1926 avait un parfum de victoire pour le « front uni » qui détenait à ce moment 10 régions chinoises. On peut expliquer le succès de l‟expédition du Nord à ce moment par plusieurs facteurs 85 : - Contrairement à leurs adversaires les troupes du Kuomintang parties de Canton avaient reçu un entrainement militaire et un endoctrinement politique de qualité. - La propagande utilisée montrait aux soldats qu‟ils se battaient pour une grande cause, à savoir la réunification de la Chine et le redressement du pays. - A la différence de leurs adversaires, aucun général de l‟ANR ne trahit ses compagnons d‟armes pendant la campagne, alors que les défections chez les ennemis furent nombreuses. - La présence du seigneur de guerre Feng Yuxiang qui était un allié du Kuomintang fixa une partie des troupes nordistes sur les frontières du nord-ouest. Ces victoires militaires permirent au gouvernement cantonnais de déplacer tous les organes du gouvernement de Canton à la région du Hubei où se trouvait la triple ville de Wuhan-Hankou-Hanyang. Un lieu hautement symbolique puisque la révolution de 1911 y avait éclaté. 84 85 Dan N. Jacobs, op. cit Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, op. cit 36 L’avance des armées du Kuomintang pendant l’expédition du Nord Le gouvernement du Wuhan La décision de déplacer la capitale fut prise le 15 octobre 1926. Tchang Kaï-chek combattit cette décision car il craignait que dans cette ville industrielle l‟aile gauche du « front uni » puisse s‟y développer plus facilement qu‟à Canton. Mais cette mouvance 37 politique reprenait du pouvoir après le coup de force du 20 mars 1926 et imposa cette décision au général qui, selon certains témoins, en « pleura de rage »86. Profitant de ce retour en grâce, Wang Jingwei qui s‟était exilé pendant quelques mois pu revenir travailler au sein du gouvernement. Après l‟installation du gouvernement à Wuhan, la cité, sous l‟impulsion des communistes et de l‟aile gauche, se transforma radicalement. La semaine de travail de 54 heures fut instaurée, des ligues paysannes destiné es à protéger les agriculteurs pauvres furent créées et une obligation de réduire de 25% la location des terrains fut promulguée. Au-delà de ces réformes économiques, l‟influence de la gauche du « front uni » fut ressentie car deux millions de paysans rentrèrent dans les milices paysannes 87 et les Grandes Puissances durent pour la première fois depuis 1842 s‟incliner devant les Chinois. En janvier 1927 des membres du Kuomintang furent arrêtés par des policiers anglais dans la concession de Tientsin. A cette nouvelle, de nombreuses personnes envahirent la concession anglaise d‟Hankou qui ne pouvait être défendue par les grandes puissances faute de troupes suffisantes. Au bout de quelques jours toutes les concessions d‟Hankou furent abandonnées, ce qui représentait un véritable camouflet pour les puissances occidentales. La grève des coolies de Honk Kong fut aussi arrêtée après que les Anglais payèrent pour qu‟elle s‟arrêteavaient payé afin qu‟elle s‟arrête 88. Alors que Tchang Kaï-chek s‟était imposé comme l‟homme fort de Canton, l‟expédition du Nord était en train de faire rebasculer le poids politique vers la gauche du Kuomintang. Deux communistes reçurent un poste important au sein du gouvernement, l‟agriculture et le travail. Quant à l‟influence des Russes elle était exposée au grand jour. Borodine était ainsi devenu une célébrité car il fut une fois à Canton acclamé par 100 000 personnes 89 tandis que les syndicats continuaient d‟accueillir sans cesse de nouveaux adhérents. La propagande soviétique fonctionnait si bien que les populations allaient au-devant des troupes de l‟ANR pour les accueillir 90-91. Connaissant la mauvaise réputation des soldats chinois qui volaient les gens dès leur arrivé dans la moindre petite bourgade, cet information en dit long sur la popularité du 86 Vera Vladimora Vishnyakova, op. cit., p. 283 Jean-Marie Bouissou, op. cit., p.317 88 Jean Chesnaux et Françoise Le Barbier, La marche de la révolution 1921-1949, Histoire de la Chine tome 3, Collection d‟histoire contemporaine, Hatier Université, Paris, 1975, p.57 89 SHD, série 7N, carton numéro 3295, note du 8 janvier 1927 90 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit 91 Pierre Franconie, Canonnière en Chine, éditions Karthala, France, 2007, p. 126 87 38 Kuomintang à cette période. Cette montée en puissance du parti et des syndicats qui se créaient partout où l‟armée du Kuomintang passait, était une grande source d‟inquiétude pour la bourgeoise 92. Si les syndicats et l‟aile gauche du « front uni » arrivaient à faire plier les occidentaux, alors que les empereurs chinois n‟y étaient pas arrivés, quel serait le futur politique de la Chine ? La rupture du « front uni » Les dissensions qui apparurent entre Tchang Kaï-chek et le groupe de l‟aile gauche du Kuomintang, soutenu par le PCC et les conseillers, allaient mener à la rupture brutale du « front uni ». Comme nous venons de le voir, la crise du 20 mars 1926 et les dissensions lors de l‟expédition du Nord démontrèrent que les relations entre le Kuomintang et ses conseillers n‟étaient pas entièrement dénuées de méfiance et de suspicion. Au début de l‟année 1927 d‟autres problèmes apparurent. Du 22 au 24 février 1927 une importante grève forte de 350 000 personnes agita Shanghai, mais Tchang Kaï-chek, dont l‟armée était dans les environs, ne marcha pas sur la ville pour soutenir les grévistes. Il préféra au contraire laisser le général Li Baozhang disperser les fauteurs de troubles, en grande partie communistes, alors qu‟il était en guerre avec le premier et allié avec les seconds93. Un mois plus tard, le 24 mars 1927, la ville de Nankin fut prise par les armées de Canton, mais pendant l‟assaut sur la ville plusieurs dizaines d‟occidentaux furent massacrés par des soldats de l‟armée cantonaise. Suite aux incidents qui s‟étaient déroulés sur la concession étrangère d‟Hankou, Tchang Kaï-chek en conclut que le Kuomintang ne gagnerait jamais la reconnaissance des grandes puissances s‟il laissait ses soldats impunément assassiner des blancs. Le général se dépêcha d‟arriver en ville et pour l‟exemple fit exécuter publiquement 40 meneurs soupçonnés d‟avoir participé à ces crimes. En plus de cette démonstration de force, il accusa publiquement le communiste Lin Tsu-Han (1866-1959), qui était alors le commissaire politique du corps d‟armée ayant pris la ville, d‟être le seul responsable du massacre perpétué contre les occidentaux. Voyant l‟agressivité dont Tchang Kaï-chek faisait preuve contre les communistes, et à sa volonté de contredire les demandes des conseillers, le gouvernement de Wuhan décida de lui retirer les pouvoirs absolus dont ce général jouissait depuis le lancement de l‟expédition. S‟il ne fut pas destitué comme responsable de l‟armée, son pouvoir fut cependant dilué à 92 93 Pierre Broué, Histoire de l‘internationale communiste (1919-1943), Fayard, Paris, France, 1997, p.434 Ibid., p. 436 39 travers une commission où il siégeait avec d‟autres membres du parti. Pour se préparer à toute éventualité et expliquer cette décision, le gouvernement de Wuhan fit paraître une circulaire auprès des militants où l‟on fit appel à leur vigilance pour combattre la concentration des pouvoirs. Après ce camouflet Wang Jingwei tenta de calmer les esprits en expliquant, à travers une déclaration commune avec Chen Duxiu, que le gouvernement de Wuhan n‟était pas sous l‟influence des communistes mais qu‟au contraire le PCC « [souscrivait pleinement] à la politique du gouvernement » et qu‟aucune purge n‟était en préparation94. Tchang Kaïchek avait justement fait une visite en mars auprès du gouvernement afin d‟enrayer le processus politique qui voulait l‟exclure des centres de décision. Il comprit qu‟il avait beaucoup perdu de son influence car il ne put s‟opposer à la réduction de ses pouvoirs. Cependant il ne laissa rien transparaître et réaffirma son obéissance aux ordres du gouvernement. Alors que le « front uni » du Kuomintang commençait à se fissurer, un nouveau coup lui fut porté. Le surlendemain de la déclaration commune de Wang Jingwei et de Chen Duxiu, la police de Pékin, sur ordre du maréchal Zhang Zuolin, mena un raid sur l‟ambassade russe du quartier des légations. 300 policiers investirent, illégalement, les lieux en arrêtant plusieurs personnes dont Li Dazhao (1888-1927), l‟un des cofondateur du PCC. Alors que le Kremlin se défendait toujours d‟avoir une quelconque relation avec les conseillers russes présents à Canton95, le coup de main révéla au grand jour toute la supercherie soviétique. Une importante documentation fut découverte prouvant que Borodine et ses concitoyens étaient payés par des fonds secrets de l‟ambassade et qu‟ils étaient des agents de Moscou96. Certains papiers dévoilaient même les plans des soviétiques pour s‟emparer du pays. Selon le Kominterm il fallait procéder d‟une certaine manière pour pouvoir faire basculer la Chine dans le camp communiste : « Ne pas encore développer le Communisme en Chine avant l'écrasement de Zhang Zuolin car pour détruire la dictature du maréchal nous avons besoin de l'appui des classes bourgeoises [c‟est à dire du Kuomintang] »97 L‟affaire eut un retentissement international et ternit la réputation de l‟Union Soviétique qui vit dévoiler sur la place publique sa correspondance secrète. Elle affirma avec 94 Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, op. cit Journal mensuel « Bulletin catholique de Pékin », Pékin, Chine, numéro 161 de février 1927 96 SHD, série 7N, carton numéro 3291, note du 22 mai 1927 97 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 29 avril 1927 95 40 force que ces papiers étaient des faux fabriqués par Zhang Zuolin avec l‟aide des puissances occidentales. Il faudra attendre les années 1970 pour que la véracité historique de ces documents soit officiellement reconnue98. Zhang Zuolin libéra les soviétiques mais se montra sans pitié avec les communistes chinois tombés entre ses mains, ils furent tous exécutés quelques semaines après leurs arrestations. Suite à cet évènement, Tchang Kaï-chek prépara une nouvelle attaque contre les communistes, mais, contrairement à celle du 20 mars 1926, celle-ci ne pouvait pas donner lieu à un retour en arrière. Il se doutait que Borodine et ses alliés voulaient se débarrasser de lui. L‟incident de Pékin prouvait que les « rouges » voulaient prendre le contrôle de la Chine et il s‟imagina que si cette éventualité devenait réalité il n‟aurait pas sa place dans un futur gouvernement bénéficiant du soutien de Moscou. Il fallait donc, pour sa survie politique, les éliminer, d‟autant plus que les puissances occidentales considéraient le Kuomintang comme un véritable gouvernement communiste99. Il avait d‟ailleurs anticipé de frapper le premier contre le gouvernement de Wuhan car il avait contacté en février et mars 1927 des banquiers occidentaux. Il les avait rassurés que sous son commandement, la Chine ne suivrait jamais le chemin de l‟URSS100. Il passa donc à l‟action le 12 avril, au moment où il campait avec ses troupes à Shanghai. La ville avait été l‟objet d‟une nouvelle grève grâce à Blücher qui avait dépêché un de ses conseillers pour aider les manifestants à s‟organiser. Le général soviétique avait dû se résoudre à envoyer un de ses hommes car Tchang Kaï-chek refusait obstinément d‟attaquer la ville. La grève commença le 22 mars. Les 800 000 grévistes cette fois-ci réussirent à faire partir les hommes du général Li Baozhang. Cependant la propagande soviétique se chargea de féliciter plutôt Tchang Kaï-chek pour cette victoire alors qu‟il n‟y avait joué aucun rôle101. Les manifestants, en majorité communiste sous la direction de Chou Enlai, tenaient la ville mais étaient peu armés, et le PCC ne possédait aucune troupe. Tchang Kaï-chek se savait donc militairement invulnérable à ce moment-là. Il rentra avec ses régiments dans la ville après la fuite des armées ennemies, et instaura la loi martiale le 9 avril. Trois jours plus tard il lança une violente attaque contre les syndicalistes et les communistes qui refusaient de se plier aux nouvelles règles stipulant qu‟il fallait redonner les armes des milices ouvrières et abandonner les piquets de grève. Appuyé avec l‟aide conjointe des triades, que Tchang Kaï-chek 98 Dan N. Jacobs, op. cit SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 22 mai 1926 100 Dan N. Jacobs, op. cit 101 Dan N. Jacobs, op. cit. 99 41 connaissait personnellement102, ainsi que des polices des concessions qui donnèrent des armes aux malfrats, le résultat fut sans appel103. Près de 300 personnes furent tuées et plus de 5000 disparurent laissant le chef de l‟armée du Kuomintang seul maître de la ville. Il avait pris soin d‟ailleurs de donner des ordres à ses alliés qui eux aussi se chargèrent de purger le pays des adhérents du PCC bien connus des membres du Kuomintang. Dans toute la Chine ce seront 4/5e des adhérents du PCC qui seront arrêtés ou tué. Le parti disparus totalement des grandes villes pendant cette période104, rien qu‟à Canton le général Li Jishen (1885-1959) massacra 2000 personnes*. Un décret fut publié interdisant à toutes personnes d‟appartenir au PCC sous peine d‟être exécuté séance tenante105. Un expert étranger en place à Pékin résuma parfaitement la situation dans laquelle se trouvait Tchang Kaï-chek : « Tchang Kaï-Chek dont la mentalité ne diffère pas de celle des autres généraux chinois entendait bien exploiter tous les concours afin d'assurer son triomphe personnel, notamment profiter de l'action vigoureuse des communistes, guidé par les russes jusqu'au jour où celle-ci deviendrait pour lui un nouveau danger »106 Suite à cette trahison du « front uni » la rupture entre les deux zones d‟influence fut totale. Le 17 avril, le gouvernement du Kuomintang de Wuhan retira à Tchang Kaï-chek son poste. Le lendemain il créa son propre gouvernement à Nankin 107. Le rapport de forces n‟était cependant pas équilibré ; Tchang Kaï-chek commandait la majorité de l‟armée et contrôlait Shanghai qui était une source intarissable d‟argent108, tandis qu‟à Wuhan se trouvait la légitimité politique et les conseillers militaires. A un journaliste japonais qui demanda à Borodine comment il comptait s‟attaquer à Tchang Kaï-chek, le conseiller répondit que « Ce ne sera pas nécessaire. Le processus de désintégration a déjà commencé [dans le camp de Tchang Kaï-chek] […] donnons-leur encore un peu de temps et ils s‟effondreront par euxmêmes »109. La situation était tellement confuse que suite à l‟apparition de la scission dans le Kuomintang les experts étrangers se retrouvèrent incapables de prédire qui allait l‟emporter 102 Pierre Broué, op. cit., p. 438 Elizabeth J. Perry, Shanghai on strike, the politics of Chinese Labor, Stanford University Press, Etats-Unis, 1993 104 Yves Chevrier, op. cit 105 SHD, série 7N, carton numéro 3295, note du 5 mai 1928 106 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 29 avril 1927 107 André Pierre, L'URSS et le parti communiste de Chine, Revue politique étrangère, numéro 3, France, 1937, p.251-262 108 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 4 février 1925 * Cette purge cependant n‟empêchera pas ce général de changer de camps 20 ans plus tard, et devenir l‟un des premiers vice-présidents de la république populaire de Chine. 109 Dan N. Jacobs, op. cit. 103 42 pendant cette guerre110. Mais malgré les brillantes opérations de propagande, Borodine et ses camarades ne furent en mesure de sauver le gouvernement de Wuhan. Le gouvernement de Wuhan dans la tourmente Suite à la sécession de Tchang Kaï-chek l‟aile gauche du « front uni » dut faire face à plusieurs éléments qui les uns combinés aux autres allaient mener à la disparition de son gouvernement et au départ des conseillers russes. Tout d‟abords au niveau militaire, Wang Jingwei se retrouva incapable de rivaliser avec la puissance de feu de Tchang Kaïchek. D‟une part ce général possédait plus d‟hommes que l‟armée de Wuhan et ensuite la majorité des troupes qui étaient présente n‟étaient pas sous les ordres directs du parti. La plupart d‟entre elles était dans l‟armée d‟un général du nom de Tang Shengji (1889-1970) qui avait rallié la révolution. Sur le conseil des soviétiques, ses troupes partirent vers le nord afin d‟opérer une jonction avec les hommes de Feng Yuxiang. Zhang Zuolin leur barra la route avec ses meilleurs régiments qui possédaient même des chars. Une importante bataille s‟engagea et une fois de plus l‟ANR se montra victorieuse contre les soldats de la clique Fengtien. Mais les pertes très élevées, plus de 14 000 soldats sur les 50 000 encore présents, saignèrent les régiments qui avaient été formés à l‟académie de Whampoa. Ainsi il ne fut jamais possible pour le gouvernement de Wuhan de lancer une contre-attaque pour reprendre Nankin et Shanghai, voir même de prendre Pékin faute de soldats suffisant. Il ne pouvait d‟ailleurs plus compter sur Feng Yuxiang qui, le 30 mai 1927 soit la veille de la jonction du Kuomintang et du Guominjun, déclara que le gouvernement de Nankin n‟était pas selon lui un gouvernement contre-révolutionnaire111, ce qui revenait à se déclarer neutre dans le conflit qui opposait Nankin à Wuhan. D‟autres seigneurs de guerre, comme le général Zhu Pei-de (1889 – 1937) qui contrôlait le Jiangxi, sentirent le vent tourner et changèrent de camps avec armes et bagages. Quant aux conseillers russes ils étaient éparpillés à travers des armées dans tout le pays, ainsi renouveler l‟exploit de sauver Wuhan comme Canton en 1923 semblait bien difficile. Militairement Wang Jingwei ne pouvait espérer faire pencher la balance de son côté car il était tributaire des armées de ses alliés et ceux-ci ne souhaitaient pas s‟engager contre Tchang Kaï-chek. En plus des questions d‟ordre militaire, des problèmes économiques et politiques allaient fragiliser le gouvernement de Wuhan. Cette ville industrielle était positionnée en plein 110 111 SHD, série 7N, carton numéro 3299, note du 9 mai 1927 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit. 43 cœur de la Chine et son seul lien avec le monde extérieur était le fleuve Yangzi. Du fait que l‟embouchure de ce fleuve arrivait à Shanghai un blocus économique fut mis en place par Tchang Kaï-chek afin d‟asphyxier le gouvernement ennemi. La ville se retrouvant coupée économiquement du monde extérieur, la grogne populaire commença à monter alors que les communistes excitaient les mécontentements populaires contre les propriétaires terriens et les capitalistes. La concession anglaise était partie, les capitaux étrangers n‟étaient plus présents et 100 000 personnes se retrouvèrent au chômage112. Dans cet emballement révolutionnaire les ligues paysannes et les syndicats commencèrent à avoir des demandes que même les communistes ne pouvaient accepter. Borodine lui-même commença à craindre d‟être considéré comme quelqu‟un de trop consensuel par rapport aux ligues paysannes 113 tandis que le communiste Xu Chao-ren, alors ministre du Travail, déclarait lors de son intronisation le 11 juin 1927 : « Les forces des ouvriers et des paysans, qui viennent tout juste de recouvrer la liberté, mènent trop souvent des actions irréfléchies ; nous en avons de nombreux exemples et cela cause un grand dommage à l‟union révolutionnaire des travailleurs, des industriels et des commerçants » 114 Les raisons de ce manque de clarté idéologique provenaient du fait que les acteurs du gouvernement de Wuhan avaient peur de briser le « front uni ». Les communistes espéraient utiliser les masses pour triompher de leurs adversaires mais ils voulaient éviter que les associations de travailleurs, par leurs revendications, ne poussent les modérés dans les bras de la bourgeoisie réactionnaire et de Tchang Kaï-chek. Les membres de l‟aile gauche du Kuomintang quant à eux avaient peur des communistes, mais sans leurs aides ils ne pouvaient plus espérer rester sur le devant de la scène politique chinoise. Cette indécision se retrouva même à Moscou pendant ces mois qui étaient pourtant décisifs pour le futur du Kuomintang. Lors d‟une réunion du comité chinois du Kominterm, en mai 1927, aucun des membres ne semblait pouvoir apporter une solution efficace115. Lors de cette séance Boukharine, Staline, l‟italien Palmiro Togliatti (1893-1964) et le français Albert Treint (1889-1971) discutèrent de la ligne à prendre sur la situation en Chine. Après de longs débats particulièrement houleux, Staline prit la décision d‟arrêter les réformes agraires, une réforme figurant pourtant dans le programme communiste, afin de garder le « front uni » coûte que coûte. Le géorgien ordonna 112 Alain Roux, Le singe et le tigre, Mao, un destin chinois, éditions Larousse, Espagne, 2009, p.177 Dan N. Jacobs, op. cit 114 Jean-Marie Bouissou, op. cit., p.334 115 Harold R. Isaacs and Albert Treint, op. cit 113 44 même à Tam Pin San, ministre communiste de l‟agriculture, de faire cesser par la force toutes insurrections ayant lieu dans les campagnes afin de protéger la bourgeoisie et les propriétaires terriens. Cette décision politique sera l‟objet d‟un tollé et Tam Pin San ne fera pas fusiller des responsables de ligues paysannes. Cet incident cependant démontre que les prises de décisions politiques à Wuhan n‟étaient pas faites selon une idéologie mais plus selon la situation du moment. Ce qui devait fatalement amener une improvisation qui fit grand tort au « front uni ». Les communistes pressentant qu‟aucune armée n‟était véritablement en faveur du PCC proposèrent par la voix de l‟indien Manabendra Nath Roy (1887-1954), qui était le représentant du Kominterm en Chine, de former une armée avec les milices ouvrières 116. Mais le gouvernement de Wuhan refusa d‟entériner cette proposition qu‟il jugea trop radicale à son goût. Le départ des conseillers Suite à l‟addition de tous ces problèmes, Wang Jingwei et ses collègues de gouvernement se rendirent à l‟évidence que s‟ils voulaient survivre ils devaient négocier avec l‟autre gouvernement du Kuomintang. Ils furent approchés par Feng Yuxiang qui se proposa de jouer le rôle d‟intermédiaire afin de trouver un accord entre les trois anciens alliés contre Zhang Zuolin, qui contrôlait encore Pékin et la Mandchourie. Feng Yuxiang loin de vouloir rétablir l‟autorité du Kuomintang sur la Chine souhaitait surtout sauver sa tête en évitant une possible alliance entre Tchang Kaï-chek et Zhang Zuolin. Il invita les membres du gouvernement de Wuhan à discuter d‟un possible rapprochement avec Tchang Kaï-chek lors de la conférence de Chengchow. Ce fut lors de cette négociation que les chefs de file de l‟aile gauche du Kuomintang acceptèrent de se soumettre à l‟autorité de Tchang Kaï-chek et de rompre avec les communistes en échange de pouvoir être pardonnés. Ceux comme Wang Jingwei ou Song Qingling (1893-1981), la veuve de Sun Yat-sen, qui avaient insultés Tchang Kaï-chek de « traître », trahissaient à leur tour leurs derniers alliés117. A la fin de la conférence ils décidèrent de mettre fin aux violences déclenchées par les ligues paysannes et de les déclarer hors-la-loi. Puis le 15 juillet 1927, lors du Plénum du Kuomintang, les membres du PCC ne furent pas invités. Il s‟agissait d‟une rupture pure et simple de ce qui restait du « front uni ». 116 Jean Chesnaux et Françoise Le Barbier, op. cit Dun J. Li, (direction), Modern China, from mandarin to commissar, Charles Scribner‟s Sons, New-York, Etats-Unis, 1978 117 45 Les conseillers militaires ne pouvaient évidemment pas rester dans ce climat délétère, et déjà certains d‟entre eux avaient commencé à rentrer dès le mois de juin 1927 sur ordre de Borodine. Il était impossible pour les derniers instructeurs restant de commencer une rébellion car ils ne pouvaient lever que 10 000 syndicalistes alors que le gouvernement de Wuhan possédait cinq fois plus de soldats. La plupart des conseillers rentrèrent par le Yangzi pour prendre un navire de Shanghai à destination de la Russie. Bien qu‟ils fussent en territoire ennemie aucun mal ne leur arriva. Une traductrice de la mission soviétique, Vera Vladimirovna Vishnyakova, raconta même dans ses mémoires une scène extraordinaire où elle croisa par hasard Tchang Kaï-chek dans un cinéma : « La plupart des conseillers et leurs familles avaient déjà quitté la Chine. Tchang Kaïchek était parfaitement au courant de cette situation mais à ce moment il ne s‟opposa pas à leur départ. Nous l‟avons croisé par hasard dans l‟un des cinémas de la concession internationale […] Tchang Kaï-chek était assis au premier rang du balcon pendant que notre groupe se tenait 6 rangs derrière lui. Il se retourna et nous observa de manière appuyée, nous faisant comprendre qu‟il nous avait reconnus, […] ne connaissant pas ses intentions nous nous dépêchâmes de quitter le cinéma »118 Borodine fut l‟un des derniers conseillers à partir. Le 27 juillet à Wuhan, Wang Jingwei lui rendit les honneurs pour tout le travail qu‟il avait accompli en Chine119. Après la cérémonie, le soviétique, dont la tête avait mise à prix pour 30 000 dollars, rentra en URSS par le désert de Gobi par peur d‟être arrêté s‟il prenait la route de Shanghai. Il dut pour cela traverser le territoire de Feng Yuxiang qui était officiellement à sa recherche. Mais ce dernier jugea plus prudent de ne pas l‟empêcher de revenir en Union Soviétique. Suite au départ des conseillers, la propagande anti-étrangère du Kuomintang disparut très rapidement120. Un seul conseiller soviétique, du nom de Michael Komanine, resta en Chine et participa en août 1927 au soulèvement avorté de Nanchang121. Un nouveau soulèvement eu lieu en décembre 1927 à Canton et la terrible répression qui s‟ensuivit décapita tout le mouvement ouvrier de la ville. Après deux jours de combats le consulat soviétique fut d‟ailleurs fouillé par les soldats du Kuomintang qui fusillèrent cinq citoyens soviétiques. Cet incident rompit les relations entre 118 Vera Vladimirovna Vishnyakova, op. cit, p. 328-329 Ibid., p. 335 120 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 12 octobre 1927 121 Laura M. Calkins, Recapturing an Urban Identity: Chinese Communists and the Commune at Shantou, 1927, Illinois State University, revue “Studies on Asia”, 2011, depuis le site http://studiesonasia.illinoisstate.edu 119 46 les deux pays jusqu‟en 1932122. Tchang Kaï-chek par cette occasion verra son premier fils Chiang Ching-kuo (1910-1988) qui étudiant en URSS gardé comme otage par Staline, et ce jusqu‟à la signature du deuxième front uni avec le parti communiste chinois en 1937. Au sein même de l‟Union Soviétique cette révolution avorté eut des répercussions. Staline et Boukharine avait répété inlassablement que « les 9/10 du Kuomintang appartenaient à la tendance révolutionnaire et étaient prêts à marcher la main dans la main avec le Parti communiste »123, selon leur détracteur Léon Trotski, mais les évènements leur avaient donnés tort. Après cet échec le Kremlin mis l‟arrêt à la politique d‟exportation de la révolution. A partir des années 1928-1929 ce fut une politique diamétralement opposée qui fut mise en place, les soviétiques essayèrent de normaliser les relations entre l‟URSS et les autres états124. La Chine au contraire ne traversa pas cette période de crise politique. Tchang Kaï-chek qui était maintenant en position de force put avec ses alliés en juin 1928 prendre Pékin à la clique du Fengtien. Le maréchal Zhang Zuolin préféra abandonner la ville au lieu de combattre, mais il mourut dans un attentat le lendemain de la retraite ; même encore aujourd‟hui il est difficile de savoir qui en fut le commanditaire. Son fils Zhang Xueliang (1901-2001) devint le chef de la faction du Fengtien qui ne contrôlait plus que le nord-est du pays. Au lieu de s‟engager dans des combats incertains il préféra négocier sa reddition auprès du Kuomintang pendant plusieurs mois. Puis, le 30 décembre 1928, le « drapeau [du Kuomintang fut] arboré en Mandchourie »125. Le rêve de Sun Yat-sen de revoir une Chine unifiée avait été accompli, après douze années de guerres incessantes le Kuomintang avait réalisé ce que beaucoup pensaient impossible. Mais cette unification symbolique sous l‟égide du Kuomintang allait être souvent remise en cause dans ce qu‟on appela la « décennie de Nankin ». 122 Raymond L. Garthoff , op. cit. Léon Trotski, L'Internationale Communiste après Lénine, Bilan et perspectives de la révolution chinoise, 1928 124 Nicolas Werth, Histoire de l‘Union soviétique de Lénine à Staline (1917-1953), P.U.F, collection Que sais-je ?, France, 2007, p.72 125 Journal mensuel « Bulletin catholique de Pékin », Pékin, Chine, numéro 185, janvier 1929 123 47 Chapitre 2 : La décennie de Nankin (1928-1937) 1) La mission militaire allemande sous le commandement de Max Bauer et Hermann Kriebel (1928-1930) Tchang Kaï-chek à la fin de 1928 pouvait être considéré comme le nouvel homme fort du pays. Il avait brisé l‟expansion communiste, était le plus puissant seigneur de guerre du pays, négocié la reddition de Zhang Xueliang et l‟opposition frontale au sein de son propre parti avait cessé après la dissolution du gouvernement de Wuhan. Cependant, loin d‟être un succès éclatant, le Kuomintang n‟était pas en mesure d‟imposer sa volonté sur toutes les régions de Chine. De plus les chefs militaires de l‟Armée nationale révolutionnaire se rendirent compte qu‟avec le départ des conseillers russes ils risquaient d‟être défait sur le champ de bataille, c‟est ce raconta un attaché militaire dans un de ses rapports : « [Lors d‟un dîner] le généralissime et ses lieutenants se sont aperçu en effet, qu'après le départ des conseillers militaire bolchéviques ; leurs armées n'ont plus connu de succès. Ils en ont déduit que le concours d'experts étrangers leur était indispensable » 126 Comme Zhang Zuolin ou Wu Peifu, Tchang Kaï-chek pouvait tout aussi rapidement disparaître de la scène politique s‟il ne triomphait pas sur le champs de bataille. Pour pouvoir consolider son empire, améliorer son armée et réduire la puissance de ses ennemis il fallait à tout prix faire venir des instructeurs militaires étrangers. Et sachant que le Kuomintang avait l‟intention de renégocier les nombreux traités inégaux dont la Chine était victime cela aurait été seulement en position de force, avec un pays soudé et une armée conséquente que les négociations auraient pu se dérouler avec succès127. Tchang Kaï-chek suivit l‟exemple de Sun Yat-sen, qui avait démarché des militaires allemands, et plus particulièrement le maréchal Erich Ludendorff (1865-1937)128, en 1923 pour trouver des conseillers militaires. Il envoya des émissaires à Berlin pour trouver des conseillers qui pourraient rempalcer les conseillers soviétiques. Ces envoyés furent, soit le 126 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 17 mars 1928 Robert Bedeski, State building in modern China : the Kuomintang in pre war period, University of California, Institute of Eats Asian Studies, Berkeley, USA, 1981 128 Hans J. van de Ven, op. cit 127 48 général Chiang-Tso-Ping (1884-1942)129, soit le docteur Chu Chia-hua (1893-1963)130, qui avaient étudié l‟ingénierie des mines à Berlin. Ce point de l‟histoire de la mission militaire allemande en Chine n‟est pas très précis car de nombreuses sources citent l‟un ou l‟autre des deux hommes, mais jamais les deux en même temps, comme envoyé spécial en Allemagne par Tchang Kaï-chek. On peut cependant imaginer que les deux personnages se soient trouvés simplement en Allemagne au même moment et aient travaillé de concert sur le même objectif. Dès leur arrivée en Allemagne ils rencontrèrent le maréchal Ludendorff pour lui redemander de venir en Chine afin d‟aider à la construction d‟une armée chinoise nationale de meilleure qualité. Le maréchal Ludendorff était en effet un stratège militaire de grand renom ; il avait remporté en 1914 la bataille de Tannenberg contre les armées russes qui étaient deux fois plus nombreuses que ses hommes et il avait en partie planifié les offensives du printemps 1918 sur le front ouest. Ces offensives furent un demi-succès car le front recula de plusieurs kilomètres mais, de par le nombre de soldats dans les armées alliées, les troupes du Kaiser ne réussirent pas à l‟emporter. La coopération entre la Chine et l‟Allemagne sur le plan militaire n‟était pas entièrement nouvelle. En effet, dès le XVIIe siècle, un prêtre allemand avait aidé la dynastie Ming à fabriquer des armes à feu pour se défendre contre les Mongols131. Le résultat fut cependant loin d‟être à la hauteur puisqu‟en 1644 cette dynastie dut céder le « mandat du ciel » à celle des Mandchous. Plusieurs années plus tard, vers la fin du XIX e siècle, fut décidée par Yuan Shikai la création de la « nouvelle armée », qui devint plus tard « l‟armée de Beiyang ». Les soldats présents étaient équipés et formés à l‟européenne et ce notamment par des armes allemandes132. Des soldats chinois avaient été envoyés en Allemagne pour apprendre à piloter des avions peu avant la Première Guerre mondiale133 et, même dans les années 20, il n‟était pas rare de continuer à voir des soldats chinois dans le nord du pays recevoir un entraînement « à l‟allemande »134. Cependant le maréchal Ludendorff, bien que tenté par cette offre, préféra la refuser ; conscient que son déplacement en Chine, de par sa stature de stratège militaire et de sa 129 Archives du Quai d‟Orsay, dossier Chine 1918-1940, carton 537 « sur la mission allemande » William C. Kirby, Germany and Republican China, Stanford University Press, USA, 1984 131 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 132 Elisabeth Kaske, Bismarcks Missionäre : deutsche Militärinstrukteure in China (1884-1890), publié par Harrassowitz, Wiesbaden, Allemagne 2002 133 Anthony Chan, Arming the Chinese, The western armaments trade in warlord China (1920-1928), University of British Columbia Press, Vancouver, Canada, 1982 134 NARA, boîte numéro 1513, Records of the Military Intelligence, microfilm n° 36, rapport de 1926 intitulé ―The Chinese Army‖ 130 49 participation au putsch de la Brasserie en 1923, pourrait poser des problèmes politiques135. Toutefois, il leur proposa le nom du général Hans von Seeckt qui, lui-même, soumit le nom de l‟un de ses anciens collaborateurs, le général Wetzell. Mais celui-ci refusa à son tour la proposition et donna à la délégation chinoise le nom du colonel Max Bauer. C‟est ainsi que la plupart des officiers qui allèrent en Chine partirent grâce aux recommandations du maréchal Ludendorff qui fut même qualifié de « fournisseur officiel »136. L‘analyse de la situation chinoise par le colonel Max Bauer Le colonel Max Bauer (1869-1929) était un militaire qui rejoignit dès l‟âge de 21 ans la « Deutsches Heer » (l‟armée de l‟Empire allemand). D‟année en année, il acquit beaucoup d‟expérience dans la pratique de la guerre ainsi que dans l‟industrie de l‟armement. Il devint dès 1905 responsable d‟une partie de la communication interne de l‟armée comme aide-decamps. Son travail consistait à assurer le bon fonctionnement du transfert d‟information entre le Quartier Général et les troupes au front. Il était aussi expert en artillerie et fut responsable en 1914, lors de l‟avancée des troupes allemandes en Belgique, de la destruction des forts de Liège qui protégeaient la ville. Travaillant à l‟état-major sous les ordres du général Moltke qui perdit la bataille de la Marne puis du duo Hindenburg et de Ludendorff il participa en 1916 au « programme d‟Hindenburg » ou « Rüstungprogramm » (Trad. : programme d‟armement). Ce projet visait à augmenter fortement la capacité productive de l‟industrie allemande pour la guerre afin de remporter la victoire. Le colonel Max Bauer Ses qualités militaires furent reconnues puisqu‟il reçut dès 1916 la médaille de « Pour le Mérite », la plus haute distinction militaire de l‟Empire allemand. Max Bauer était aussi politiquement marqué très à droite. Ayant un goût du complot, il voulait que seule l‟armée soit en charge des questions du gouvernement pendant la guerre de 14-18 et tenta de faire tomber le chancelier Bethmann-Hollweg (1856-1921) pendant la première guerre mondiale. Puis il participa avec le conservateur Wolfgang Kapp (1858-1922) 135 136 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. Achives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 15 janvier 1931 50 à sa tentative de coup d‟État en 1920 à Berlin, qui avait pour but de renverser la jeune république137. Suite à l‟échec de cette manœuvre, il vécut en exil jusqu‟à une amnistie générale en 1925. Il profita de ce moment pour voyager dans plusieurs pays comme l‟URSS ou l‟Argentine et, à son retour en Allemagne, il tenta sans succès de devenir un nom important dans la littérature militaire de l‟après-guerre138. Cette proposition de travailler en Chine lui permettait donc d‟avoir de nouveau un travail dans la mesure où de nombreux officiers avaient été mis à la retraite anticipée après l‟interdiction faite à l‟Allemagne d‟avoir une armée de plus de 100 000 hommes. Une telle opportunité devait sans doute être trop intéressante pour ne pas être acceptée, d‟autant plus qu‟au moment où il embarqua pour Shanghai, les Soviétiques, qu‟il détestait, n‟étaient plus présents en Chine. Le colonel Max Bauer partit seul effectuer une première visite en Chine dans le courant du mois de décembre 1927 et il se déguisa même en banal voyageur pour ne pas être reconnu par d‟éventuels espions139. Il resta ainsi jusqu‟au printemps 1928 pour étudier le pays afin de pouvoir proposer des solutions à Tchang Kaï-chek pour maintenir et approfondir le contrôle du Kuomintang sur la Chine140. Le colonel Bauer avait pendant son premier voyage en Chine écrit un rapport qu‟il remit à Tchang Kaï-chek avant son départ. Après ses déplacements il lui proposa une série de réformes que le nouveau gouvernement chinois se devait d‟adopter pour renforcer l‟armée et le pays141. Partie I – concernant l’armée Il fallait restructurer de fond en comble l‟organisation des armées chinoises en licenciant la majorité des troupes, qui étaient au nombre de 180 divisions, soit pratiquement 2 millions d‟hommes, pour n‟en avoir plus que 100 000. De là les divisions restantes seraient formées par des conseillers allemands et l‟on ferait progressivement monter l‟armée à 500 000 hommes. Ainsi il y aurait une petite armée disciplinée fidèle au gouvernement au lieu de cette immense masse de « coolies déguisés en soldats » qui composaient par millions les armées chinoises. Ne possédant aucun professionnalisme ils pouvaient facilement suivre un général rebelle dans la mesure où les troupes étaient payées par les généraux. Ce nouveau système empêcherait donc toute velléité de sécession. Quant à la manière dont devaient se battre les 137 John P. Fox , Max Bauer : Chiang Kai-Shek's First German Military, Adviser, Journal of Contemporary History, Vol. 5, No. 4, p. 21-44, 1970 138 Hsi-Huey Liang, op. cit., p. 47 139 William C. Kirby, op. cit. 140 Kurt Bloch, German interests and policies in the far east, Institute of Pacific Relations, New York, USA, 1940 141 Archives du Quai d‟Orsay, dossier Chine – période 1918 à 1940, carton 537 « sur la mission allemande » 51 troupes, Tchang Kaï-chek souhaitait avoir des soldats qui se battent avec un moral d‟acier et un sens du sacrifice digne des Japonais et qu‟ils soient endoctrinés politiquement à la manière des Soviétiques. Bauer préfèrerait lui que la future armée chinoise investisse tout d‟abord, du fait de son manque criant de matériel, dans le contre-espionnage, une aviation moderne, la création d‟une police et un remodelage des unités. Partie II – concernant l’industrie Il y avait un besoin aigu de créer une industrie chinoise d‟armement capable de produire des armes lourdes, des avions et des armes de soutien. En effet, au moment où le colonel Max Bauer arriva en Chine, seuls 200 000 fusils pouvaient sortir des arsenaux chaque année142, ce qui était un chiffre insignifiant comparé aux besoins d‟une armée moderne qui avait besoin de tanks, de canons, d‟avions et de mitrailleuses ainsi que des moyens de communication performants. Pour le colonel Bauer, la priorité était donc de construire cette nouvelle industrie chinoise ; il se considérait d‟ailleurs plus comme un conseiller économique que militaire143 et déclara : « Il est inutile de parler d‟organiser une armée nationale tant qu‟il n‟y aura pas d‟industrie [nationale chinoise] »144. Partie III – concernant l’économie Le colonel Bauer préconisait que l‟Allemagne devait investir en Chine afin de pouvoir utiliser les matières premières, donnant ainsi aux Chinois les liquidités qui leur permettraient de créer cette industrie nationale. Ensuite pour Bauer il fallait de toute urgence faire une réforme agraire afin d‟endiguer la paupérisation des paysans qui représentaient plus de 80% de la population. Cette réforme les rendrait ainsi consommateurs de produits et les empêcherait de devenir soldats pour le compte d‟un seigneur de guerre. Comme nous l‟avions indiqué précédemment les paysans devenaient souvent soldats afin de pouvoir subvenir à leurs besoins en pillant des villes lors des batailles. Le colonel Bauer proposa au gouvernement chinois de contacter et d‟engager un agronome autrichien qui pourrait les aider dans ce domaine. 142 Hsi Sheng Chi‟i, Warlord politics in China 1916-1928, Stanford University Press, USA, 1976 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), article military advisers and german assistance for chinese industrialization, op. cit. 144 William C. Kirby, op. cit. 143 52 Ce programme, très ambitieux et qui ne relevait pas du domaine militaire, nécessitait donc que des Allemands y participent afin qu‟ils puissent aider à son fonctionnement. Ainsi le colonel Bauer repartit en Allemagne au printemps 1928 et y resta plusieurs mois pour revenir le 13 novembre 1928 à Canton avec 26 officiers spécialisés dans plusieurs domaines comme l‟instruction militaire, l‟armement, la police et l‟agronomie145. Il emmena aussi en Allemagne avec lui un général chinois du nom de Shanji pour visiter plusieurs usines en vue d‟acheter des armes146. Ce lien entre les conseillers et l‟industrie allemande allait ainsi devenir un problème récurrent dans la mission militaire allemande147. Le début de la mission militaire sous le commandement du colonel Max Bauer (1929-1929) Après son arrivée à Canton avec ses collègues, le colonel Max Bauer se mit immédiatement au travail. Il profita de son voyage en Europe pour organiser un réseau basé en Allemagne, en Suisse et en Autriche, qui serait entièrement au service de Tchang Kaï-chek concernant l‟achat d‟armes et l‟envoi de conseillers148. La plupart de ces personnes étaient des amis à lui, il pouvait ainsi compter sur leur soutien total. A titre d‟exemple son propre fils travaillait au département commercial de la délégation chinoise à Berlin, ce qui lui permettait de contrôler la qualité du matériel envoyé en Chine. Cette délégation, qui était une idée de Bauer, avait pour unique but d‟acheter des armes et toute personne souhaitant commercer du matériel militaire à destination de la Chine devait passer par cette administration dont tous les membres avaient leurs cartes au Kuomintang. Il était donc bien plus difficile pour des citoyens allemands de vendre des armes à des seigneurs de guerre indépendants du gouvernement central sans son autorisation149. Par ailleurs Bauer possédait, du fait de son appartenance au « programme Hindenburg », de très bonnes connaissances dans le domaine de l‟armement dont il pouvait faire profiter ses employeurs chinois. Il connaissait ainsi de nombreuses personnes, comme la famille Krupp, célèbre pour ses canons ou encore Hugo Junkers (1859-1935), le fondateur de l‟entreprise éponyme fabricant des avions de guerre150. Ces connaissances étaient très importantes, étant donné qu‟en juin 1927 lors de la négociation entre le docteur Chu Chia-hua et le colonel 145 Hans J. van de Ven, op. cit. NARA, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―Colonel Bauer‘s military mission on China‖ 5 décembre 1928 147 A ce sujet consulter la page 77 dédié à ce sujet dans la présente étude 148 Hsi-Huey Liang, op. cit., p. 48 149 Ibid, p. 49 150 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 146 53 Bauer, l‟envoyé de Tchang Kaï-chek fit comprendre qu‟un immense marché sur les armes existait pour ceux qui travailleraient avec le Kuomintang151. En Chine, même la plupart des officiers que le colonel Max Bauer avait emmenés avec lui furent employés en tant que formateurs pour jeunes officiers qui avaient pour charge par la suite de former à leur tour leurs hommes et même des collègues 152. On aurait pu ainsi s‟attendre à ce que ces « conseillers militaires » passent le plus clair de leur temps à donner des conseils aux officiers lors de campagnes ou de batailles mais l‟utilisation majeure qui sera faite d‟eux sera justement la formation de troupes153. D‟autres conseillers qui n‟étaient pas des militaires viendront aussi en Chine grâce à la présence du colonel Bauer pour donner leurs avis sur des sujets très divers. On retrouve le cas de plusieurs personnes comme154 : - Le docteur Schubart, qui travaillant dans la finance, devait aider aux questions économiques, - Le professeur Keiper, un géologue censé trouver des ressources naturelles, - Le docteur Amann, un employé de Siemens qui pouvait apporter sa contribution sur les questions concernant l‟industrie, - Le lieutenant-colonel Spiess et un certain « Monsieur Jordan » qui avaient des compétences concernant l‟utilisation de radios militaires, - le docteur Van Zanthier, agronome de son métier155. Après l‟arrivée des Allemands, le gouvernement chinois pendant près de six mois (jusqu‟en janvier 1929) tenta, lors de la « conférence de réorganisation et de dissolution », par la voix de T.V. Song (1894-1971), qui était le beau-frère de Tchang Kaï-chek, de réformer l‟ensemble des armées présentes en Chine. Sachant qu‟officiellement le pays était uni et en paix sous la bannière du Kuomintang, il n‟y avait plus de raison pour garder un tel nombre d‟hommes sous l‟uniforme156. Le plan de réorganisation de l‟armée préconisé par T.V. Song était assez proche de celui préconisé par le colonel Bauer ; il proposa de faire passer l‟immense armée chinoise de plus de 2 millions d‟hommes, par une réduction progressive des troupes jusqu‟à 900 000 hommes pour 60 divisions. Puis, dans une deuxième phase de la 151 William C. Kirby, op. cit. NARA, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German influence in China‖, 5 février 1929 153 Ibid, rapport numéro 7687 ―German military mission employed by Tchang Kaï-chek‖, 25 avril 1930, USA 154 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 155 Archives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police française de Shangai, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934 156 Hsi-Sheng Ch‟i, Nationalist China at war, The University of Michigan Press, USA, 1982 152 54 réduire à 450 000 soldats. Le reste des troupes devait être reconverti dans la création d‟une police et de troupes de génie qui auraient pour but d‟aider à la reconstruction du pays décimé par quinze ans de guerre civile157. L‟argument principal de cette démarche était que maintenir tant d‟hommes armés pesait très lourd dans le budget et qu‟il fallait mieux utiliser cette maind‟œuvre pour une politique de grands travaux158. La conférence entérina officiellement la demande auprès de l‟ensemble des participants. Mais dans la mesure où tous les participants étaient des seigneurs de guerre et qu‟ils souhaitaient garder le plus d‟hommes possible sous leur contrôle, cette conférence fut un échec retentissant. Six mois plus tard, pas un seul soldat n‟avait été licencié 159. Tchang Kaï-chek, qui ne dirigeait que 5 à 10% de l‟ensemble des forces chinoises, ne put donc pas imposer à ses adversaires cette réforme qu‟il souhaitait ardemment mettre en place pour conserver son leadership sur les cliques. Cependant leur refus lui permit ainsi de défaire en 1929 la clique Guangxi et la majeure partie des seigneurs de guerre lors de la guerre des plaines centrales en 1930, le confirmant à nouveau en tant que chef du pays. Une aide militaire lors des nouvelles guerres civiles (1929-1931) Bien que Tchang Kaï-chek fut devenu l‟homme fort du pays à partir de juillet 1927 face à l‟aile gauche du Kuomintang, il devait pendant encore de nombreuses années faire face à des mouvements de rébellion parmi les seigneurs de guerre. Pendant la moitié de l‟année 1928 il dut combattre Zhang Zuolin qui était le dernier adversaire de l‟unification chinoise par le Kuomintang. Après son assassinat en juin 1928 son fils Zhang Xueliang prit le pouvoir et entreprit de négocier sa reddition avec Tchang Kaï-chek. Après plusieurs mois de négociations le drapeau du Kuomintang flotta finalement sur l‟ensemble du pays lors de la saint sylvestre. Mais suite à la conférence portant sur la réorganisation de l‟armée et par peur de voir Tchang Kaï-chek s‟imposer comme chef suprême plusieurs seigneurs de guerre décidèrent de se rebeller contre l‟autorité de Nankin. Les conseillers militaires allemands ne devaient pas participer aux combats, leurs contrats indiquant qu‟ils devaient former des aspirants officiers ou des officiers. Même lors d‟une interview au North China Daily News, le colonel Bauer déclara qu‟il n‟avait pas pris part à des combats en Chine160. Cette affirmation peut cependant 157 Hsi-Sheng Ch‟i, op. cit. Hans J. van de Ven, op. cit., p. 135 159 SHD, série 7N, carton 3284, note du 27 août 1929 160 North China Daily News, 16 novembre 1928, Chine 158 55 toutefois être sujette à caution, sachant qu‟un attaché militaire américain, en avril 1928, se vit refuser l‟accès de l‟état-major de Tchang Kaï-chek ; il apprit par la suite que deux conseillers militaires allemands étaient présents dans la pièce et que l‟on ne souhaitait pas qu‟il les vît161. Un ancien membre de l‟état-major de Tchang Kaï-chek, F. F. Liu, raconte aussi que Bauer planifia lui-même une offensive qui fut victorieuse contre les troupes du seigneur de guerre Li Zongren (1890-1969) 162 et ce, en moins d‟une semaine163. Par ailleurs, selon toujours F. F. Liu, l‟état-major avait été entièrement réorganisé en octobre 1928 suivant un modèle copié de l‟état-major allemand164. En 1929 Bauer prépare aussi un plan d‟attaque contre le seigneur de guerre Feng Yuhxiang (1882-1948) 165 qui fut défait sur le champ de bataille. Puis, en 1931 les services diplomatiques français relevèrent que si Tchang Kaï-chek avait pu triompher de ses ennemis lors de la guerre des plaines centrales de 1930 et affirmer sa position comme nouveau leader de la Chine face à ses adversaires politiques, au même titre que Feng Yuxiang ou Yan Xishan (1883-1960), c‟était en grande partie grâce à ses conseillers allemands. Il est tout simplement écrit que ces personnes ont « Joué un rôle décisif dans les opérations menées victorieusement contre les forces du nord. »166. Ainsi la qualités guerrières des Allemands et leurs conseils qui permirent souvent aux forces du Kuomintang de remporter souvent la victoire. En raison de cela les Chinois apprécièrent énormément dans les premiers temps les Allemands167. La mort du colonel Bauer (6 avril 1929) et le bilan de son commandement Le colonel Max Bauer cependant n‟eut jamais la possibilité de voir les fruits de son travail ni d‟influencer très longtemps la politique intérieure de la Chine car il mourut à Shanghai le 6 avril 1929 de la variole, une maladie très contagieuse qui même en cas de survie du sujet l‟aurait laissé considérablement défiguré. La question restera de savoir s‟il a été empoisonné au moyen d‟une souche de la maladie déposée sur sa serviette de bain comme 161 NARA, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German economic aspiration in China‖, 12 juin 1928 162 F. F. Liu, op. cit. 163 Evans Carlson, The chinese army, Institute of Pacific Relations, New York City, États-Unis, 1940 164 F. F. Liu, op. cit. 165 SHD, série 7N, carton 3284, note du 14 juin 1929 166 Archives du Quai d‟Orsay, Chine, carton 537 « sur la mission allemande », note du 15 janvier 1931, France 167 NARA, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German advisers to Chiang Kai Shek‖, 9 avril 1930 56 l‟affirma sa secrétaire personnelle168 car il avait de nombreux ennemis169. De plus, il était à ce moment-là en train de superviser une partie des combats qui se déroulaient dans le long du fleuve Yangzi contre les troupes de la clique Guangxi établies en Chine centrale 170, suite à l‟échec des négociations portant sur la réduction du nombre de troupes en Chine. Or ces combats étaient justement en train de tourner en faveur de Tchang Kaï-chek et les conseils du colonel Max Bauer n‟étaient pas étrangers à cette situation171. La veille de sa mort, il avait établi un plan de bataille pour les soldats de Tchang Kaï-chek qui furent une fois de plus victorieux. Sa mort se fit durement ressentir par l‟état-major de Tchang Kaï-chek et par la mission militaire allemande. Tchang Kaï-chek, qui était un intime du colonel Bauer, regretta sa mort et ne fut sans doute jamais aussi proche de l‟un de ses conseillers allemands, seul Alexander von Falkenhausen gagna le même respect et la même confiance du généralissime172. Le lieutenantcolonel Hermann Kriebel qui succéda à Max Bauer déclara que sa mort aura tout simplement eu pour effet « De diminuer de moitié la valeur de nos effort »173. En effet le colonel Max Bauer était un organisateur d‟expérience et un très bon stratège, comme le prouve la campagne éclair contre Li Zongren. Mais on peut se demander, si même en restant vivant, il aurait pu changer considérablement le destin de la Chine. Malgré ses importantes relations dans l‟industrie de guerre allemande, les nombreux et divers conseillers qu‟il emmena en Chine ainsi que le soutien de Tchang Kaï-chek à ses propositions pour réformer le pays, la mission militaire ne réussit pas à atteindre la plupart des objectifs que le colonel Bauer avait consigné dans son rapport pour améliorer l‟armée et l‟état du pays. L‟armée en elle-même n‟avait pas été substantiellement réduite, aucune industrie de grande ampleur n‟avait pu voir le jour alors que c‟était le point le plus important pour le colonel Bauer. Il n‟y eu pas de création d‟aviation de guerre 174 et les conseillers civils ne restèrent pas très longtemps en Chine du fait de la quasi-impossibilité d‟y travailler dans de bonnes conditions. Par exemple le docteur Van Zanthier décidera de partir à la fin de l‟année 168 Ibid, rapport numéro 7543 ―German Officiers in China‖, 9 juin 1929 Robert Berkov, Strong man of China, The Riverside Press, Cambridge, États-Unis, 1938 170 Hsi-Huey Liang, op. cit. p. 50 171 Arthur Young, China‘s nation-building effort, the financial and economical record, Hoover Institution Press, Stanford University, USA, 1971, p. 350 172 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit., 173 Archives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 29 janvier 1930 174 Hsi-Sheng Ch‟i, op. cit. 169 57 1930 suite à l‟impossibilité de mettre en place ses projets eu égard au « chaos qui [régnait] à l‟intérieur du pays »175. D‟un autre coté la mission militaire allemande permit à certaines parties de l‟armée du Kuomintang de recevoir une formation de qualité, un rôle de formateurs qu‟ils auront à tenir la plupart du temps pendant la durée de la mission. De plus ils dispensèrent de bons conseils tactiques permettant à Tchang Kaï-chek de triompher de ses ennemis lors des années suivantes. Mais tout ne fitdu généralissime que le seigneur de guerre le plus puissant du pays, qui règnera d‟une manière quasi féodale. Le colonel Bauer ne lui aura pas permis de devenir un chef d‟état reconnu de tous, dirigeant un pays moderne capable de se défendre contre tous types d‟agressions comme les attaques continues des Japonais dans les années 30 qui allaient grignoter petit à petit le territoire chinois, voire même les traités inégaux qui n‟existaient qu‟en Chine. Cependant vu les six mois qu‟a duré la mission du colonel Bauer on peut comprendre que la Chine n‟ait pu devenir soudainement un pays capable de se faire entendre dans le concert des nations. Mais la mission militaire allemande qui allait pourtant continuer encore plusieurs années n‟arriva pas non plus rapidement à des résultats plus concluants. Il fallut attendre pratiquement le milieu des années 1930 pour espérer une véritable amélioration. La mission militaire allemande sous la direction du lieutenant-colonel Hermann Kriebel (1929-1930) La mission militaire allemande venait donc de perdre son chef et il fallait de toute urgence le remplacer, ce fut donc l‟un de ses meilleurs amis, le national-socialiste Hermann Kriebel (1876-1941) qui prit sa place pendant plusieurs mois. Le lieutenant-colonel Kriebel était aussi un militaire de carrière, qui fit ses débuts dans l‟armée dès l‟âge de 18 ans. Il participa en 1900 à l‟expédition contre les boxers du fait de son appartenance à l‟infanterie marine puis, durant la Première Guerre mondiale travailla au quartier général de Ludendorff tout comme le colonel Bauer. Il était aussi marqué politiquement très à droite et faisait partie de la délégation allemande lors des négociations de 1919. À la fin de celles-ci il tira un coup de feu en l‟air et cria « nous nous reverrons dans 20 ans » puis se rapprochera politiquement d‟Adolf Hitler176. C‟est pour cette raison qu‟il participera avec le futur chancelier et 175 Archives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police française de Shangai, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934 176 F. F. Liu, op. cit. 58 Ludendorff au putsch de la Brasserie en 1923 à Munich alors qu‟au même moment le colonel Bauer était en exil suite à sa participation au putsch de Kapp de 1920. Condamné avec les conjurés il fut condamné à quelques mois de prison puis fut libéré dès 1924 en même temps qu‟Adolf Hitler. Il arriva en Chine quelques mois après le retour du colonel Bauer en Chine où il participa à la mission militaire du fait de ses compétences militaires. Plus tard, en tant que chef de la mission militaire, il se contenta de former des officiers et de donner des conseils au quartier général de Tchang Kaï-chek177 pendant près d‟un an, lui permettant ainsi d‟aider Tchang Kaï-chek à remporter la victoire contre les troupes de Feng Yuxiang lors de la guerre des plaines centrales de 1930178. Photo des accusés lors du procès des principaux organisateurs du putsch de la Brasserie (1923). Hermann Kriebel (1876-1941), qui est le 4e à gauche, est à côté de Ludendorff qui se tient lui-même à côté d’Hitler. 177 Archives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police française de Shanghai, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934 178 Hsi-Huey Liang, op. cit., p. 92 59 Les relations entre les deux hommes ne furent pourtant pas aussi cordiales qu‟avec le colonel Bauer. D‟une part il se fit un ennemi du responsable du « département commercial » à Berlin chargé d‟acheter les armes allemandes puis fut rapidement détesté de hauts responsables chinois en raison des violentes critiques qu‟il émettait sans considération. D‟autre part Kriebel possédait l‟image d‟un putschiste qui avait fait de la prison pour ses actes tandis que le colonel Bauer avait été officiellement amnistié pour ses actes de 1920. Ainsi tout contact avec des entreprises allemandes et surtout avec des officiels de la République de Weimar était délicat179. Mais là où Kriebel réussit le moins, ce fut de contrômer ses hommes et de les faire travailler. Les instructeurs passaient le plus clair de leur temps à boire et s‟amuser. C‟est pourquoi le 1er janvier 1930 lors d‟une projection d‟un film consacré à la Première Guerre mondiale à laquelle assistaient l‟ensemble des conseillers militaires vivant à Nankin, Tchang Kaï-chek présent à la projection prit la parole pour déclarer : « Parmi [les conseillers militaires] il en est qui depuis un an n‟ont rien fait. Ceci est particulièrement décevant »180 et « Le gouvernement chinois n‟hésite pas à dépenser beaucoup d‟argent pour inviter des conseillers allemands à venir en Chine […] Ne manquez donc pas à vos devoirs alors que vous êtes payés »181. Tchang Kaï-chek était particulièrement mécontant de voir que de nombreux Allemands venus en Chine ne travaillaient pas beaucoup et lorsqu‟il tenta en juillet 1929 de prendre le contrôle du chemin de fer mandchourien qui appartenait aux Soviétiques, ceux-ci lancèrent une contre-attaque qui balaya les troupes du Kuomintang pourtant bien plus nombreuses, et pénétra jusqu‟à plus de 300 kilomètres à l‟intérieur de la Chine182, humiliant ainsi le Kuomintang. Pour le généralissime cette défaite était en partie de la faute des Allemands qui n‟avaient su se montrer à la hauteur de la mission qui leur avait été confié. C‟est pourquoi la déclaration du 1er janvier 1930 de Tchang Kaï-chek à ses conseillers fut même rendue publique par voie de presse. Pour toutes ces raisons, l‟état-major du Kuomintang décida de remplacer Hermann Kriebel comme chef de mission en août 1930 par le général Georg Wetzell (1869-1947). Son 179 Hsi-Huey Liang, op. cit., p. 92 Archives du Quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 181 NARA, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―Colonel Bauer‘s military mission on China‖ 22 janvier 1930 182 Journal « Time Magazine », 9 décembre 1929, États-Unis 180 60 travail en Chine n‟était cependant pas terminé puisqu‟il resta encore quelque temps conseiller militaire puis revint dans le pays en 1934 en tant que représentant du parti national socialiste, remplaçant par la suite ainsi de manière officieuse l‟ambassadeur Oskar Trautmann qui fut rappelé en 1938. Il resta ainsi en Chine jusqu‟en 1941 puis revint en Allemagne après que le 3e Reich eut reconnu le régime fantoche de Nankin dirigé par Wang Jingwei comme seul gouvernement de la Chine. Hermann Kriebel décédera de mort naturelle à Munich quelques mois après son retour en Europe. 2) La mission militaire sous le commandement de Georg Wetzell (1930-1934) Suite aux nombreux déboires et problèmes survenus alors que le lieutenant Hermann Kriebel était chef de la mission militaire allemande, Tchang Kaï-chek décida au bout d‟un an de changer de responsable pour la mission allemande. Son choix s‟arrêta sur le général Georg Wetzell (1869-1947), qui était également un proche de Ludendorff. Le général Wetzell était monté bien plus haut dans la hiérarchie militaire que ses deux prédécesseurs. En effet, lors de la première guerre mondiale, il avait fait partie de l‟état-major du IIIe ainsi que celui du XVIII e corps d‟armée sur le front ouest. Il travailla avec Ludendorff et, en 1917, avait conçu en partie les plans militaires qui permirent aux allemands d‟enfoncer les lignes italiennes lors de la bataille de Caporetto. Il continua à travailler dans la nouvelle armée allemande jusqu‟en 1927 et était, tout comme la plupart des conseillers militaires, politiquement engagé à l‟extrême droite. C‟est pour toutes ces raisons qu‟il fut choisi personnellement par Tchang Kaï-chek après que le docteur Chu Chia-hua a été chargé de trouver un successeur à Kriebel 183. Le général Georg Wetzell (1869-1947) Dès son arrivé en Chine, le général proposa à Tchang Kaï-chek plusieurs solutions pour continuer la réforme de son armée, autre la formation des troupes qui 183 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 61 tenait à cœur à Tchang Kaï-chek. Il fallait selon le général allemand construire des routes, des aéroports, améliorer la communication entre les différentes troupes, et laisser les officiers et sous-officiers prendre des initiatives 184. En plus, de ses compétences militaires Georg Wetzell fut aussi choisi car il possédait tout comme le colonel Bauer, de nombreux contacts dans le monde de l‟industrie, qu‟il avait noués lors de la Première Guerre mondiale. Les relations de Georg Wetzell permirent à ces employeurs chinois de pouvoir acheter de nombreuses armes de bonne qualité185. Sous son commandement la mission militaire allemande permit à l‟armée chinoise de continuer sa modernisation. Wetzell réorganisa l‟état-major de Tchang Kaïchek, donna de nombreux conseils sur le ravitaillement des troupes, réorganisa et entraina des divisions qui s‟avévèrent bien plus efficaces contre l‟ennemi que ne le furent celles non entrainées par des Allemands. Sur le plan de la formation, il créa des écoles de guerre avec des manuels traduits en allemand afin de remplacer les vieux manuels japonais datant des années 1900. Il augmenta aussi la taille de la mission allemande pour porter le nombre de conseillers d‟une quarantaine à une petite centaine186-187. Il fit ainsi venir de nouvelles recrues qui joueront un rôle important dans l‟histoire militaire chinoise. Par exemple l‟un des nouveaux conseillers, Walter Stennes (1895-1989), devint plus tard le garde du corps personnel de Tchang Kaï -chek188. De par ses nombreuses relations dans le milieu industriel, le général Wetzell aurait pu permettre une industrialisation plus rapide du pays, mais cela ne fut pas le cas pendant son séjour en Chine 189 ; une usine d‟armement par exemple devait voir le jour mais ne put être construite faut de moyens 190. Le pays ne vit donc sa capacité de production industrielle augmenter qu‟à partir du milieu des années 1930. Par ailleurs, ce fut sous son commandement que tout officier souhaitant acheter des armes devait 184 Jerry b. Seps, Bernd Martin (direction), op. cit. Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 186 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 26 juin 1933 187 Ibid, rapport du service politique de la police française de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934, 188 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 189 William C.Kirby, op. cit. 190 Ibid 185 62 dorénavant faire une demande à l‟administration et ne pouvait passer des commandes tout seul, ce qui était la norme jusqu‟à ce moment 191. En ce qui concerne le travail de formation de divisions entières, le général Wetzell aurait formé, dès le début de l‟année 1932, 3 divisions soit près de 30 000 hommes. Cependant ces troupes pouvaient toujours être améliorées car deux points dont à préciser : il y avait une carence en équipement d‟artillerie ainsi qu‟en nombre de mitrailleuses 192. De plus, le général Wetzell demandait à Tchang Kaï-chek de ne pas donner des responsabilités trop grandes à des officiers qui n‟avaient jamais pris part aux combats, mais ce conseil ne fut jamais véritablement suivi 193. D‟ailleurs, Tchang Kaï-chek, voyant la qualité de ses troupes et les nombreuses victoires qu‟il réalisait avec celles-ci, redemanda de manière toute officielle au gouvernement allemand, dès le mois de novembre 1930, d‟envoyer jusqu‟à 100 instructeurs militaires afin de pouvoir faire passer de 3 à 12 le nombre de divisions d‟élites ou « divisions de fer » qui lui ont permis de s‟imposer sur les champs de bataille. Néanmoins cette demande provoqua de nombreux remous au sein du Kuomintang, ses membres avaient peur qu‟une telle demande ne puisse permettre à au généralissime de s‟imposer comme chef suprême et dictateur 194. Ces divisions, pour les services diplomatiques français, étaient tout simplement qualifié de « garde prétorienne »195. Equipées comme des divisions européennes, elles possédaient pratiquement tout le matériel nécessaire à une guerre moderne, comme des obusiers, des fusils mitrailleurs, des canons de 155mm et des équipes de téléphonistes pour transmettre les ordres 196. C‟était une révolution dans la manière de faire la guerre sachant que quelques années auparavant seul des estafettes s‟occupaient de transmettre les ordres depuis le QG jusqu‟aux soldats en première ligne. 191 Archives du quai d‟Orsay, Chine – période 1918 à 1940, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police française de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934 192 Hans J. Van de Ven, op. cit. 193 Chang Jui-Te, Nationalist Army Officers during the Sino-Japanese War (1937-1945), Modern Asian Studies, Vol. 30, No. 4, Special Issue: War in Modern China (Oct., 1996), p. 1033-1056, Royaume-Uni, 1996 194 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 4 novembre 1930 195 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 15 janvier 1931 196 SHD, série 7N, carton 3297, note du 5 août 1931 63 L‘utilisation des divisions entrainées à l‘allemande sur les champs de bataille Comme nous l‟avons déjà évoqué, dès 1930, deux des trois divisions qui avaient été entrainées par les Allemands furent employées lors de la Guerre des plaines centrales. Ces régiments ne représentèrent qu‟une infime partie du nombre d‟hommes qui prirent part à ces combats, près de 1.6 millions d‟hommes furent mobilisés et parmis eux 240 000 y furent blessés ou tués 197. Et c‟était sans oublier les négociations secrètes entre différents seigneurs de guerre qui étaient parfois bien plus importantes que les batailles dans l‟environnement politique et guerrier de la décennie de Nankin. Cependant elles aidèrent Tchang Kaï-chek à remporter la victoire puisqu‟elles se battirent de manière remarquable contre les troupes de Feng Yuxiang198. En revanche les divisions entrainées par des Allemands furent particulièrement efficaces lors de la bataille de Shanghai qui se déroula en 1932. En effet, les Japonais suite à des heurts entre Japonais et Chinois à Shanghai demandèrent à la municipalité des dédommagements et au gouvernement chinois de retirer toute troupe dans un rayon de 20 kilomètres. Pendant les négociations, les Japonais décidèrent dinalement d‟attaquer la ville et la bataille engagea près de 100 000 japonais (infanterie, marine et aviation) contre près de 500 000 chinois dont la 87 e et 88 e divisions qui était les divisions chinoises les plus modernes. D‟ailleurs, des officiers allemands suivaient ces divisions pour surveiller leurs élèves 199. Leur présence embarrassa considérablement le gouvernement allemand qui se vit ainsi critiqué par le Japon pour laisser des européens interférer dans les affaires asiatiques 200. Les Japonais, après plusieurs semaines de combats, réussirent à remporter la victoire contre les troupes chinoises, mais ce fut en grande partie grâce à leur flotte, à leur aviation, et leurs troupes mieux équipées et plus nombreuses. En effet, le ciel de Shanghai était tout simplement vide d‟appareils appartenant au Kuomintang, laissant 197 Jay Taylor, The generalissimo: Chiang Kai-shek and the struggle for modern China, Harvard University Press, USA, 2009, p. 89 198 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2237, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, article de l‟Agence radiotélégraphique de l‟indochine et du pacifique, le 18 novembre 1930 199 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police francaise de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934, France 200 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2239, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, suite de télégrammes entre l‟ambassadeur Oskar Trautmann et le ministère des affaires étrangères allemands. 64 ainsi la maitrise totale de l‟espace aérien aux Japonais 201. Cependant, malgré tous ces problèmes, les troupes chinoises purent résister près de 5 semaines, notamment grâce à la qualité des divisions entrainées par les Allemands. Début mars 1932 un cessez le feu sous l‟égide de la Société des Nations fut signé entre le Japon et la Chine, transformant ainsi Shanghai en zone démilitarisée. De là, les troupes chinoises de la 87 e et 88 e divisions furent envoyées pour mettre fin à l‟insurrection communiste qui sévissait dans le sud de la Chine et que les troupes du Kuomintang n‟arrivaient pas à détruire 202. L‘échec des campagnes militaires contre la République soviétique chinoise Depuis 1930, le parti communiste chinois avait réussi, sous l‟impulsion de Mao Zedong, à créer une base dans les montagnes de la région du Jiangxi qui devint en 1931 la République soviétique chinois. Or, Tchang Kaï-chek pensait qu‟il fallait d‟abord pacifier le pays pour résister à la prochaine guerre entre le Japon et la Chine, qu‟il pensait imminente. C‟est pourquoi pas moins de cinq campagnes d‟extermination furent lancées contre les communistes, avec plus ou moins de succès, et c‟est la raison pour laquelle les conseillers militaires allemands et les divisions qu‟ils entrainèrent y participèrent. Pendant ces campagnes les Allemands étaient même auprès de leurs hommes à superviser leur progression 203. Les trois premières campagnes menées de décembre 1930 à juillet 1931 se soldèrent par trois échecs successifs. La première fut un fiasco total. Les communistes chinois, de par leurs contacts avec des espions russes, purent savoir exactement quand et par où viendraient les troupes du Kuomintang, leur donnant ainsi la possibilité de leur tendre des embuscades ; c‟est ainsi que le général en charge de la première campagne fut même capturé et exécuté par les communistes 204. La deuxième campagne mobilisa deux fois plus d‟hommes, soit 200 000, en mai et juin 1931 ; malgré cette mobilisation, aucun résultat concluant ne fut atteint. La troisième campagne, avec encore plus de troupes, soit 300 000 soldats, permit de faire reculer les communistes durant l‟été 1931. Mais cet avantage militaire ne put être exploité suite à l‟invasion de la Mandchourie le 18 201 Arthur Young, op. cit., p. 352 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police francaise de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934 203 SHD, série 7N, carton numéro 3294, note du 15 juillet 1932 204 Jung Chang et Jon Halliday, op. cit. 202 65 septembre de la même année par les japonais donnant ainsi un temps de répits aux troupes du PCC. La quatrième campagne de suppression n‟eurent lieux que deux ans plus tard, pendant l‟été 1933 avec près de 250 000 hommes et les divisions entrainées par les Allemands furent utilisées ; mais là encore ce fut un échec. Tchang Kaï-chek considéra que le général Wetzell n‟avait pas fait un bon travail et qu‟il était responsable de l‟échec de la campagne205. Mais en dépit de ce fiasco, la mission militaire ne perdit pas grâce aux yeux du chef de l‟État chinois 206. La république soviétique fut cependant annihilée l‟année suivante, en grande partie grâce au travail et à la stratégie du général Von Seeckt, successeur du général Wetzell au poste du commandement de la mission militaire allemande. La reconnaissance du travail accompli Malgré l‟échec de la 4 e campagne contre les communistes, les efforts des conseillers militaires allemands semblaient avoir porté leurs fruits car au début de 1933 les services diplomatiques américains remarquèrent le changement appréciable qui c‟était opéré au sein de l‟armée chinoise : « Les progrès réalisés par les troupes du gouvernement central sous la supervision de cette mission [militaire allemande] ont été tels qu'ils convaincront les plus sceptiques que la Chine aura une armée puissante et moderne [...]. Non seulement les troupes et les officiers qui sont entrainés par des méthodes modernes et équipés par des armes modernes, mais en plus, des plans sont réalisés pour la construction d‟une usine d'acier, des arsenaux, des lignes de communication, etc... L'influence de cette mission sur l'entrainement du gouvernement central chinois a été telle que nulle autre armée en Chine ne lui est comparable. Leur discipline, leur tenue et leur morale les distinguent des autres troupes chinoises qui n'ont pas eu le même entrainement. Durant les récents évènements à Shanghai, ces troupes 205 206 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 17 avril 1934 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 16 septembre 1933 66 ont démontré [...] qu'elles étaient capables d‟opposer un certain degré de résistance face à une force de combat moderne. »207 De plus, Tchang Kaï-chek accepta d‟envoyer deux de ses conseillers militaires allemands dans le nord de la Chine afin d‟aider ses alliés, suite à la présence japonaise en Mandchourie, ce qui tend à démontrer que leurs qualités étaient largement reconnues au sein de l‟état-major chinois208. Le « jeune maréchal » Zhang Xueliang, quant à lui, voulait construire un arsenal dans la ville de Tunghsien et souhaitait avoir des ingénieurs allemands pour le faire fonctionner209. Quant aux Japonais, dès 1931 voyant que les Allemands préparaient les troupes chinoises à devenir une force de combat moderne, ils étaient donc très inquiets de cette situation et souhaitaient les faire partir de Chine au plus vite, au vue la qualité du travail accompli 210. Les problèmes relationnels du général Wetzell avec ses collaborateurs chinois et son départ Malgré les résultats globalement positifs de la mission militaire allemande sous le commandement du général Wetzell, ses relations avec ses collaborateurs et les officiels chinois furent tout simplement exécrables, au point que, dès la fin de son contrat, Tchang Kaï-chek s‟empressera d‟engager un nouveau général pour diriger la mission. Georg Wetzell était « trop prussien pour s‟habituer aux mœurs chinoises »211 selon une note du ministère de la guerre allemand. Le général Von Seeckt qui allait le remplacer, et qui avait été invité de nombreuses fois à se rendre en Chine, recevra un télégramme du docteur Chu Chia-Hua lui disant que : « La tension entre le maréchal [Tchang Kaï-chek] et le général Wetzell a malheureusement monté. J‟essaye de servir de médiateur, mais sans succès »212. En effet, le général Wetzell à chaque fois que Tchang Kaï-chek prenait une décision qui ne marchait pas se voyait critiquer par son conseiller qui lui faisait la leçon 207 N.A.R.A, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8517 ―German military economic mission employed by Tchang Kai Shek”, 27 février 1933, USA 208 N.A.R.A, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8517 ―German military economic mission employed by Tchang Kai Shek”, 27 février 1933, USA 209 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2237, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, article de l‟agence d‟information Nippon dempo du 14 octobre 1932 210 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 24 avril 1931 211 Jerry b. Seps, Bernd Martin (direction),The Germany advisory group in China, publié par Droste, Düsseldorf, Allemagne, 1981 212 Ibid 67 comme à un enfant 213, il n‟écoutait les conseils de personne 214. Ses collègues chinois le détestait du fait qu‟il les accusait d‟être corrompus 215 et il les considérait comme stupides du fait qu‟ils n‟arrivaient pas à comprendre de nouvelles méthodes de guerre (comme celle du « tir indirect », un concept que les officiers chinois avaient du mal à mettre en pratique) 216. Chose incroyable, 48 généraux signèrent une pétition qui fut envoyée à Tchang Kaï-chek afin qu‟il renvoya le général allemand 217. De plus, le général Wetzell était très irrespectueux avec ses subordonnés allemands. Les services secrets français ont ainsi intercepté une lettre d‟un conseiller allemand du nom de Krug envoyée à un officier du nom de W. Faupel, ancien commandant d‟une mission militaire au Pérou, où Krug lui demanda d‟utiliser son influence pour faire renvoyer Georg Wetzell car il ne pouvait le demander lui-même à Tchang Kaï-chek218. 3) La mission militaire sous le commandement de Hans von Seeckt (1934-1935) et Alexander von Falkenhausen (1935-1938) Le général von Seeckt En raison des multiples problèmes crées par le général Georg Wetzell, le commandement chinois décida de ne pas renouveler le contrat du général et préféra employer un autre militaire allemand prestigieux : Hans von Seeckt (1866-1936). Ce 219 surnommé «l‟homme au monocle et au masque de fer » militaire, , était sans doute l‟un des meilleurs conseillers militaires au monde qu‟il était possible d‟engager. Il entra dans l‟armée dès l‟âge de 19 ans et gravit les échelons de la hiérarchie militaire, allant sur pratiquement tous les fronts de la première guerre mondiale (France, Russie, Autrichele général Hans von Seeckt 213 213 (1866-1936) Jerry b. Seps, Bernd Martin (direction), op. cit. Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande 215 Donald S. Sutton, German Advice and Residual Warlordism in the Nanking Decade: Influences on Nationalist Military Training and Strategy, the China Quarterly, N° 91 (Sep., 1982), p. 386-410, Cambridge University Press, États-Unis, 1982 216 Hans J. Van de Ven, op. cit. 217 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 1er octobre 1932 218 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 26 juin 1933 219 Journal « Time Magazine », 15 mai 1933, États-Unis 214 68 Hongrie, Empire Ottoman). De par ses talents militaires il obtint aussi la médaille « Pour le Mérite », la plus haute distinction de l‟Empire allemand. Mais son plus grand fait d‟arme fut paradoxalement réalisé en temps de paix. De 1919 à 1926 il fut promu chef de la nouvelle armée allemande et donc de fait en charge de sa réorganisation. Il réussit à en faire une force militaire de grande valeur malgré un effectif limité à 100 000 hommes. Après le traité de Versailles, l‟armée de la république de Weimar était réduite à ce chiffre. Hans von Seeckt travailla pour créer une armée de professionnels capables de travailler ensemble selon la technique dite « des armes combinées » ; par exemple l‟aviation doit soutenir l‟offensive d‟un régiment d‟infanterie en bombardant les positions ennemies afin de permettre aux fantassins d‟avancer plus rapidement. C‟est ainsi que son travail et ses méthodes ont jeté les bases des techniques guerrières de la future Wehrmacht 220. A noter que lors du Putsch de Kapp en 1920 auqeul participa le colonel Max Bauer, il refusa de mater la rébellion sous le prétexte que la « La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr » sans pour autant prendre part à l‟insurrection 221. Mais en 1926, il fut expulsé de l‟armée pour avoir laissé le petit -fils de l‟ancien empereur Guillaume II participer à une manœuvre militaire en uniforme impérial. Après cet épisode il se lanca dans la politique. Il fut élu au Reichstag sous l‟étiquette du parti centriste et partit en 1933 une première fois en Chine pour deux mois afin de donner son avis sur la situation militaire du pays. Tout comme le colonel Bauer, il avait tenté d e ne pas être vu des journalistes et s‟était même caché dans sa cabine pendant tout le voyage pour ne pas être repéré 222. Il revint en mai 1934 pour remplacer Georg Wetzell, sauvant pratiquement les relations de la mission militaire allemande suite aux nombr euses complications qu‟avaient posées l‟irascible général, à cause de son manque de diplomatie avec ses collègues et ses employeurs 223. Le général von Seeckt tenta de faire croire qu‟il revenait en Asie seulement pour voyager mais personne ne le croyait et c‟était un secret de polichinelle au sein de la presse et des services diplomatiques qu‟il allait en Chine afin d‟aider le Kuomintang à améliorer son armée 224. 220 James Corum, The roots of Blietzkireg, University press of Kansas, USA, 1992 Bernard Oudin et Michèle Georges, Histoires de Berlin, collection Tempus, édition Perrin, Paris, France, 2000 222 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 11 mai 1933 223 Hsi-Huey Liang, China, the Sino-Japanese Conflict and the Munich Crisis, Diplomacy & Statecraft, Volume 10, Issue 2-3, pages 342-369, Routledge, London , Royaume-Uni, 1999 224 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 7 avril 1934 221 69 Le succès de la 5 e campagne contre la « république soviétique chinoise » (1933-1934) Peu après son arrivée en Chine le général von Seeckt se mit au travail pour trouver une méthode pour venir à bout des troupes du PCC qui restaient invaincues depuis 1931 malgré les nombreux moyens mis à disposition et que l‟on commençait à croire invincibles 225. Cette fois-ci, au lieu d‟envoyer les troupes à l‟assaut des communistes, une nouvelle technique fut mise en place. Des routes furent construites afin de permettre aux troupes du Kuomintang d‟avoir une logistique de qualité ; près d‟un million d‟hommes furent mobilisés dans cette campagne dont l‟ensemble des divisions entrainées par les Allemands 226, et un véritable blocus économique de la zone fut mis en place 227 grâce à des blockhaus. Ces fortifications étaient construites chacune a portée de tir afin qu‟elles puissent se protéger les unes des autres, empêchant ainsi les communistes de sortir. De plus, quand une zone était sécurisé, on recommençait à construire des blockhaus deux kilomètres plus loin vers les zones communistes. Le journaliste Edgard Snow en donna même une image frappante : « C‟était une sorte de muraille de Chine […] qui petit à petit rétrécissait »228 Cette méthode n‟était certes pas nouvelle car elle avait déjà été utilisée contre la rébellion chinoise des Nian au 19 e siècle. D‟ailleurs il y a un débat historiographique pour savoir si les Allemands ont vraiment mis au point cette méthode puisque c‟était des Chinois qui l‟avaient suggérée 229. Seulement cette technique de guerre venait d‟être déjà utilisée aussi dans le Caucase ainsi que contre les Rifains quelques années auparavant. On peut donc affirmer que c‟est le général von Seeckt qui copia la technique des Français et des Russes 230. Suite à cette campagne militaire qui dura une année le PCC dut abandonner sa base et s‟enfuir pour ce qui allait devenir « La Longue Marche » durant laquelle Mao Zedong devient le chef du parti communiste chinois. Passant par l‟unique endroit où la ceinture de blockhaus n‟était pas encore terminée, les services secrets français soupçonnèrent une tentative de Tchang Kaï -chek de laisser aux communistes la possibilité de s‟enfuir 231. Après le départ des communistes 225 Fu Pao-Jen (article), Bernd Martin (direction), op. cit. Journal « The New York Times », 3 juin 1934 227 Edgar Snow, Red star over China, left book club edition, Londres, Royaume-Unis, 1937 228 Ibid. 229 Fu Pao-Jen (article), Bernd Martin (direction), op. cit. 230 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 17 avril 1934 231 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 1er février 1935 226 70 l‟Armée nationale révolutionnaire du Kuomintang les poursuivit avec plusieurs régiments, dont l‟une des divisions formées par les Allemands. Ne cherchant jamais à les détruire entièrement, Tchang Kaï-chek profita de la colonne du PCC qui parcourait la Chine pour mieux assoir son autorité sur des régions périphériques de la Chine. Ainsi quand les armées nationalistes arrivèrent après le passage des troupes rouges, elles pouvaient rappeler plus facilement l‟autorité du gouvernement central. Les seigneurs de guerre du Yunnan, de Canton, des mongols et du Shanxi subirent de cette manière la force du gouvernement central avec l‟aide indirecte des communistes chinois 232. On relèva même un cas où les troupes nationalistes délibérément laissèrent les forces locales se faire attaquer par l‟Armée rouge chinoise sans se porter à leur secours 233. Les propositions militaire et industrielle de Hans von Seeckt Outre donner des conseils d‟ordre tactique, le général von Seeckt proposa à Tchang Kaï-chek un plan qui reprenait à peu près ce que le colonel Bauer avait proposé plusieurs années auparavant. Il fallait réduire l‟armée à 100 000 hommes, puis la remonter jusqu‟à 500 000, soit 80 divisions, afin que le Kuomintang pût disposer d‟une force manœuvrable ayant des armes de bonne qualité que, seule, la création d‟une industrie nationale lui permettrait d‟avoir 234, il voulait aussi une armée capable de fonctionner en se combinant avec l‟aviation235. En effet pour ce général : « Plus petite sera l‟armée plus elle sera facile à équiper d‟armes modernes alors que l‟approvisionnement constant d‟une armée de millions d‟hommes est tout simplement impossible» 236. Or la période pour réaliser un tel programme était idéal ; les derniers adversaires politiques de Tchang Kaï-chek qui s‟étaient rebellés quelques années auparavant avaient dorénavant soit accepté son autorité soit n‟étaient plus dangereux pour menacer sa position. Quant aux communistes, ils étaient pourchassés à travers la Chine par les troupes du Kuomintang. Les seuls adversaires encore susceptibles de détruire l‟unification de la Chine étaient les Japonais et, pour les vaincre, il fallait justement, 232 SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 18 jkuillet 1935 SHD, série 7N, carton numéro 3286, note du 21 novembre 1935 234 Ibid, note du 17 avril 1934 235 Hsi-Sheng Ch‟i, Nationalist China at war, op. cit. 236 James Corum, op. cit. 233 71 pour le maréchal, renforcer l‟armée afin de garder le contrôle du pays 237. Hans von Seeckt, ses conseillers et l‟industrie allemande allaient donc aider Tchang Kaï -chek à atteindre son but politique, les deux hommes allèrent même jusqu‟à se rencontrer deux fois par semaine 238 et le maréchal suivit souvent l‟avis de son conseiller. A titre d‟exemple, en 1934, von Seeckt demanda au Kuomintang d‟acheter pour 50 millions de dollars d‟artillerie afin de pouvoir mener la 5 e campagne de manière effective contre les communistes et Tchang Kaï-chek demanda à H. H. Kung son ministre des finances de trouver l‟argent par n‟importe quel moyen 239 . Le départ de von Seeckt et la prise en main de la mission par le général von Falkenhausen En 1935, le général von Seeckt quitta la Chine officiellement pour raison de santé, mais aussi parce que le commandement chinois trouvait qu‟il ne tenait pas assez ses hommes et qu‟il avait tout comme le général Wetzell des mœurs trop prussiennes, bien qu‟il eut beaucoup plus de tact que ce dernier 240. De plus ayant lancé le processus de collaboration économique entre la Chine et l‟Allemagne avec l‟accord H.A.P.R.O. 241 il ne voyait plus l‟intérêt de rester plus en Chine 242. C‟est pourquoi, dès 1934, son second, le général Alexander von Falkenhausen fut pressenti pour devenir rapidement le nouveau chef de la mission allemande. En janvier 1935, il prit le contrôle régulier de la mission alors que von Seeckt en était toujours officiellement le responsable, et ce jusqu'à sa mort 243. Le général décèda près d‟un an plus tard, après son retour en Allemagne en décembre 1936. L‟ambassade chinoise à Berlin ne daignera même pas envoyer un représentant à son enterrement 244. 237 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8854 ―Mission of general Von Seekct in China”, 22 juin 1934, USA 238 Hans J. Van de Ven, op. cit. 239 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8854 ―Mission of general Von Seekct in China”, 22 juin 1934, USA 240 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 3 avril 1935 241 Pour plus d‟informations sur l‟accords HAPRO se référer à la page 145 de la présente étude 242 William C.Kirby, op. cit., p. 126 243 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 6 juin 1934 et du 6 janvier 1935. 244 Ibid, note du 21 janvier 1937 72 Alexander von Falkenhausen, arrivé en juin 1934, connaissait mieux l‟Asie que ses collègues puisqu‟il avait participé à la répression des boxers en 1900, qu‟il parlait couramment le japonais et avait été attaché militaire au Japon avant la première guerre mondiale. Il combattit avec l‟empire ottoman durant la Première Guerre mondiale et y rencontra, le général von Seeckt. Après la guerre, il fut nommé directeur de l‟école militaire de Dresde avant de partir pour la Chine en 1933. Il remplaca donc le général Hans von Seeckt en tant chef de la mission militaire allemande en 1935 et adopta à peu près la même politique, bien qu‟il fût plus spécialisé sur des questions de tactique purement militaire (formation des troupes, plan de bataille) contrairement à son prédécesseur, qui réfléchissait plus en termes stratégiques (construction d‟usines et de d‟arsenaux). Après le rappel de la mission en 1938, il fut gouverneur de la Belgique occupée pendant 4 ans, puis fut interné par les nazis après l‟attentat manqué contre Hitler du 22 juillet 1944. Libéré par les troupes alliées, il fut cependant traduit en justice, suite à certaines actions qu‟il avait prises en tant que gouverneur et aurait pu être condamné aux travaux forcés. Il fut cependant acquitté et tenta de travailler comme représentant de Taiwan, sans grand succès 245, il décéda en 1966. Le général von Falkenhausen (1er rang, au milieu) avec des membres de la mission militaire allemande à Nankin 245 Hsi-Huey Liang, op. cit. 73 La formation des troupes et des officiers (1935-1937) Grâce aux nombreux conseillers militaires et surtout à la relative paix qui allait durer de 1935 à 1937, de nouvelles troupes chinoises purent bénéficier du savoir-faire allemand portant ainsi le nombre à 300 000 hommes nommées en « divisions de fer ». Jusqu‟à lors dès qu‟une division était entrainée, le Kuomintang l‟envoyait immédiatement au front se battre contre les ennemis de Tchang Kaï-chek comme lors de la Guerre des plaines centrales ou contre les communistes. De par leurs qualités guerrières qui étaient bien supérieures à la moyenne des divisions chinoises, elles triomphaient souvent de leurs ennemis. Mais cette manière de raisonner ét ait pour les conseillers allemands un véritable désastre, car leurs efforts de plusieurs mois étaient réduits à zéro sachant que de nombreux officiers et soldats disparaissaient lors des batailles. En effet, pour eux, il fallait qu‟une « division modèle » restât intacte et entrainât successivement les autres parties de l‟armée afin de faire grossir plus rapidement le nombre de divisions entrainées à des techniques modernes. Ces vœux étaient restés lettre morte, mais, profitant de deux ans d‟une paix relative ungrand nombre d‟hommes furent entrainés selon les nouveaux standards militaires. Alors que le général Wetzell n‟était arrivé à former que 3 divisions en quatre ans, sous la direction de von Seeckt et von Falkenhausen ce furent 20 divisions qui furent entrainées, soit 2000 officiers qui sortirent chaque année des écoles militaires gérées par les Allemands jusqu‟en 1937 246. Des formations étaient dispensées pour chaque type de branche militaire existante comme l‟artillerie, les communications, l‟infanterie ou le génie247. Les travaux de fortification et pourquoi ils furent entrepris En 1933, lors de sa première visite en Chine, le général Hans von Seeckt conclut que, pour augmenter les chances de défendre le territoire chinois, autre la création d‟une meilleure armée et de développer une industrie, il était urgent de construire une sé rie de forts et de lignes de défense sur les rives du Yangzi. En effet, l‟immensité du fleuve Yangzi permettait théoriquement à la flotte japonaise d‟envoyer certains de ses navires pour être utilisés dans des opérations amphibies et comme soutien d‟artill erie, chose que 246 247 Arthur Young, op. cit.p. 350 Hsi-Sheng Ch‟i , Nationalist China at war, op. cit. 74 les japonais ne se privèrent pas de réaliser pendant le deuxième conflit sino -japonais248. Or les forts côtiers qui existaient déjà, étaient de très mauvaise qualité et, après plusieurs tests, il fut conclu qu‟ils devaient être rapidement rénovés. Les canons, par exemple, tiraient moins loin que ceux des navires japonais et étaient placés sur des plates -formes datant du temps de la dynastie des Ming, donc ne possédaient aucune protection en cas d‟attaque aérienne 249. Ainsi Tchang Kaï-chek demanda à von Falkenhausen de superviser les nouvelles constructions Nankin seront 250 de forts vers . En 4 ans plusieurs forts construits nombreuses et pièces de très d‟artillerie furent commandées à l‟Allemagne mais seule une dizaine de pièces arrivèrent avant l‟incident du pont Marco Polo251. Un plan existait pour fortifier le fleuve jaune, mais à cause de la guerre, il ne fut jamais mis en place 252. Exemple de Blockhaus encore existant de la « ligne Hindenburg chinoise » Il fut aussi décidé de construire une ligne de défense qui fut surnommée la « Ligne Hindenburg Chinoise » en référence à la « Ligne Hindenburg » que les allemands avaient construite en 1916 en France et qui ne fut que très rarement percée par les armées de l‟Entente. Cette ligne de défense devait entourer la région de Shanghai afin qu‟en cas de prise de la ville par les Japonais ceux-ci ne puissent plus avancer vers Nankin. La raison de la construction de cette ligne de défense était que von Falkenhausen pensait qu‟il fallait faire de la région du Yangzi le lieu principal du combat contre les Japonais car c‟était une région facilement défendable et il prenait en exemple, les Dardanelles où les forces de l‟Entente 248 http://www.republicanchina.org/Japanese-Yangtze-Campaign.pdf et Bundesarchives – Abteilung Filmarchive, film numéro DTW 341/1938 249 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2235, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, article du The Shangaï Morning Post le 27 janvier 1933 250 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police francaise de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934, France 251 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), The battle of China, essays on the military history of the sino-japanese war of 1937-1945, Stanford University Press, USA, 2011 252 Ibid 75 n‟avait pu déloger la défense turque malgré des moyens considérables 253. Loin d‟égaler la ligne Maginot, la construction d‟un tel système de défense fut terminée deux mois seulement avant le début de la guerre ; elle était censée permettre aux défenseurs d‟utiliser de nombreux blockhaus pour ralentir tous assaillants. Or cette ligne de défen se se révéla bien moins efficace que prévu. 4) Les problèmes de la mission militaire allemande Alors que la mission militaire était une mission d‟ordre entièrement privé qui n‟était régie que par des contrats entre des individus et un État de nombreux problèmes apparurent. Alors que les conseillers soviétiques furent la cause de problème politiques entre l‟URSS et la Chine, la présence des conseillers allemands fut la source de nombreuses complications. La mission failli être remise en cause plusieurs fois pour diverses raisons. Les problèmes relationnels entre Chinois et Allemands Comme il l‟a été expliqué précédemment les relations entre les Chinois et leurs conseillers furent souvent sources de disputes et de mécontentement. D‟un côté les Chinois reprochaient aux Allemands ne pas saisir les subtilités des relations humaines en Asie, leur impatience « prussienne », leur manque de professionnalisme et parfois des fois leur « amour de la bouteille »254. De l‟autre, les conseillers trouvaient les Chinois corrompus, incapables de prendre une initiative ou de saisir les nouveaux concepts de la guerre moderne, des reproches fondés puisque 10 ans plus tard le général-conseiller russe Vassili Tchouïkov (1900-1982) reprocha exactement les mêmes choses aux soldats et généraux chinois 255. Indépendamment des relations purement sociales un autre facteur entra en jeux dans les problèmes relationnels entre Chinois et Allemands. Comme nous l‟avons déjà vu les conseillers allemands étaient en mesure de fournir des armes de bonne qualité aux Chinois. La crainte des officiers chinois était justement d‟acheter des armes de mauvais qualitée ou des 253 Donald S. Sutton, op. cit. SHD, série 7N, carton numéro 3285, note du 3 août 1932 255 Vasili Chuikov, Mission to China, Memoirs of a soviet military advisers to Chiang Kaishek, édition East Bridge, États-Unis, 2004 254 76 stocks inutilisables datant de la Première Guerre mondiale. Du fait des conflits constants en Chine les marchands d‟armes européens étaient ainsi particulièrement désireux de vendre tout ce qui prenait la poussière dans leurs entrepots256. En utilisant les conseillers allemands comme intermédiaires, Tchang Kaï-chek pensait pouvoir prétendre à des armes de meilleure qualité mais, là aussi, des problèmes de corruption apparurent. Par exemple le commandement de Georg Wetzell en 1933 était particulièrement désireux d‟acheter des canons de montagne fabriqués par les usines suédoises Bofors, alors que l‟ensemble des armées du monde refusèrent de commander cette arme car elles la trouvait inadaptée 257. Face à cette information, il serait légitime de penser que Georg Wetzell fut grassement payé par les fabricants dudit canon. Une hypothèse qui se vérifie car quelques mois plus tard les services secrets français interceptèrent le rapport d‟un conseiller allemand expliquant qu‟il avait été approché par des marchands d‟armes afin de montrer uniquement les bons côtés de certaines armes à l‟état-major chinois 258. Ne souhaitant pas entrer dans ce jeu-là, le conseiller raconte que certains de ses collègues au contraire acceptaient les cadeaux et pots-de-vin que proposaient certains commerçants. Ainsi la réputation de la mission allemande en fut ternie car l‟état -major chinois avait déjà par le passé souffert d‟achats d‟armes de mauvaise qualitée à cause d‟intermédiaire véreux. Si l‟on étudie les archives françaises sur cette période, archives diplomatiques et rapports des attachés militaires, on remarque que, sur l‟ensemble des années où la mission militaire allemande fut présente en Chine, il n‟existe pas un semestre où les analystes déclare que la mission Allemande sera bientôt terminée, du fait de ces problèmes relationnels avec les Allemands. Cependant force est de constater que malgré ces problèmes internes à l‟armée chinoise jamais la mission allemande ne fut véritablement remise en cause, même lorsque des éléments extérieurs tentèrent de convaincre Tchang Kaï-chek de faire partir ses conseillers. Les tentatives extérieures pour faire partir la mission Allemande Ainsi pendant ces nombreuses années de coopération entre l‟Allemagne et la Chine, plusieurs personnes se sont élevées contre cette coopération militaire privée. Ils 256 SHD, série 7N, carton numéro, 3286, note du 25 février 1933 SHD, série 7N, carton numéro 3286, note du 23 juin 1933 258 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 28 septembre 1933 257 77 s‟appuyaient notamment sur le traité de Versailles car l‟un des articles proscrivait spécifiquement l‟envoi de conseillers militaires allemands à l‟étranger : Article 179 du traité de Versailles L'Allemagne s'engage, à partir de la mise en vigueur du présent traité, à n'accréditer en aucun pays étranger aucune mission militaire, navale ou aéronautique, et à n'en envoyer et laisser partir aucune ; elle s'engage, en outre, à prendre les mesures appropriées pour empêcher les nationaux allemands de quitter son territoire pour s'enrôler dans l'armée, la flotte ou le service aéronautique d'aucun e puissance étrangère, ou pour lui être attaché en vue d'aider à son entraînement où, en général, de donner un concours à l'instruction militaire navale ou aéronautique dans un pays étranger. Même si cette mission militaire était d‟ordre privé, d‟autres pays auraient pu demander à l‟Allemagne de respecter ses engagements signés lors du traité de Versailles et de rappeler ses ressortissants. Par exemple, les services diplomatiques français qui savaient, avant même le retour de Bauer en novembre 1928, qu‟il y aurait une mission militaire tentèrent plusieurs fois de convaincre leurs homologues anglais de faire pression sur l‟Allemagne et ce, pendant deux ans. Mais ceux-ci ne virent sans doute pas l‟utilité d‟une telle demande car ils se contentèrent dans leur réponse de promettre « d‟examiner la question »259. Même en Chine plusieurs personnalités tentèrent d‟évincer les conseillers hors du pays. Wang Jingwei, qui s‟était allié à Feng Yuxian lors de la Guerre des plaines centrales publia en janvier 1930 une tribune antiallemande intitulé Avertissement à l‘Allemagne. Dans cette diatribe il demanda à la République de Weimar le retour des conseillers 260 en les accusant : - D‟avoir été « recommandé par le gouvernement allemand » pour Tchang Kaï-chek ; - Que les nombreuses ventes d‟armes dont sont responsables les conseillers allemands « détruisent l‟esprit d‟amitié des Chinois [et] suscite leur profonde inimitié» ; - Et qu‟ils étaient dorénavant « au service des seigneurs de guerre de la Chine prenant ainsi des milliers de vies innocentes ». 259 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2238, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, article du The China weekly review le 18 janvier 1930 260 78 La même année, le maréchal et seigneur de guerre Yan Xishan (1883 -1960), qui était allié à l‟aile gauche du Kuomintang et à Feng Yuxiang, demanda au gouvernement allemand s‟il était légal de voir des conseillers militaires allemands au service du Kuomintang261. Ce à quoi la République de Weimar répondit officiellement : « Il est faux d‟affirmer que le gouvernement allemand a envoyé des militaires en Chine. Le gouvernement allemand n‟en n‟a même pas recommandé [et] ils ont été sélectionnés soit par Tchang Kaï-chek, soit par ses subordonnés »262. D‟ailleurs le colonel Bauer fit parler de lui au Reichstag lors d‟un débat263 entre les députés et, quelques mois avant sa mort, un diplomate allemand le rencontra pour lui demander de rentrer en Allemagne. Mais le colonel Bauer lui répondit que, vu la situation économique en Allemagne, il préférait rester et le gouvernement allemand n‟osa pas demander officiellement à Tchang Kaï-chek le retour des conseillers militaire264. Les conseillers militaires furent cependant menacés de se voir privés de leur pension d‟officier, mais la menace ne fut jamais mise à exécution265. Néanmoins les accusations disant que cette mission militaire était officieusement liée au ministère allemand de la Défense continuèrent jusqu‟en 1935 malgré le démenti formel de ce ministère soutenu aussi par les membres de la mission et le gouvernement chinois266. La mission militaire ne fut jamais rappelée officiellement par les différents gouvernements allemands malgré toutes ces attaques. Ce ne sera fut 1938 que les conseillers durent partir en raison des pressions exercées par le gouvernement japonais sur Adolf Hitler. On peut expliquer ceci par le fait que la plupart des conseillers présents jusqu‟en 1934 étaient des nationalistes convaincus proches du maréchal Ludendorff et appartenaient souvent aux unités paramilitaires Freikorps. Ils avaient donc pour certains comploté contre la République de Weimar comme Hermann Kriebel. Ainsi, pour le gouvernement allemand jusqu‟à l‟arrivée de Hitler au pouvoir, l‟éloignement de ces militaires à des milliers de kilomètres devait être une très bonne nouvelle, d‟autant plus que, grâce à leur travail, les entreprises allemandes pénétraient mieux le marché chinois. 261 Kurt Bloch, op. cit. Kurt Bloch, op. cit. 263 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit 264 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 7543 ―German Officiers in China‖, 9 juin 1929 265 John P. Fox, op. cit, p. 15 266 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8517 ―German military economic mission employed by Tchang Kai Shek”, 27 février 1933 262 79 C‟est sans doute pour ces raisons qu‟ils ne furent rappelés qu‟en 1938, principalement pour des raisons ayant trait aux relations entre le Japon et l‟Allemagne. 5) La construction d‟une armée de l‟air chinoise (1932-1937) En 1929, sur l‟impulsion des Allemands, le Kuomintang acheta une trentaine d‟avions qui servirent comme armes de soutien pour les troupes au sol, contrairement à la clique du Fengtien qui possédait également une flotte aéronautique, mais sans aucune capacité offensive. Dans la mesure ou l‟avion devenait l‟arme la plus puissante sur les champs de bataille de Chine et que c‟était un gage pour briser le moral ennemi, un énorme effort allait être engagé dans la création d‟une armée de l‟air. Une fois de plus l‟apport de conseillers étrangers allaient se révéler déterminant. La mission américaine du colonel Jouett (1932-1935) En 1931 l‟armée de l‟air chinoise fut officiellement créée, mais n‟existant presque que sur le papier faute d‟une véritable organisation, par exemple elle ne fut pas en mesure de résister face aux appareils japonais lors de l‟incident de Shanghai en février 1932. En effet le ciel étant tout simplement vide d‟appareils chinois. Les Japonais purent bombarder avec leurs navires et avions sans aucunes difficultés les troupes du Kuomintang qui défendaient la ville. Ainsi dès la fin des hostilités, une collecte nationale fut organisée afin que la république puisse posséder suffisamment d‟avions de guerre dans le cadre d‟un futur conflit 267. Un représentant commercial de la compagnie privée d‟aviation militaire CurtissWright, du nom de George Conrad Westervelt (1879-1956), envoya, suite aux évènements de Shanghai, un rapport au ministre des finances chinois T.V. Song concernant l‟intérêt pour l‟armée chinoise d‟acheter des avions de guerre américains. Il réussit à éveiller l‟intérêt du gouvernement chinois pour engager des instructeurs militaires qui viendraient des États-Unis. Mais la diplomatie américaine, par peur des réactions japonaises, préféra empêcher toute mission militaire à destination de la C hine. A force d‟insistance de la part du gouvernement de Nankin, Washington céda en acceptant qu‟une équipe de conseillers puissent partir former de futurs pilotes mais à 267 Arthur Young, op. cit, p. 352 80 condition que ce fût officiellement une mission de formation de vols commerciaux sous l‟égide du ministère du Commerce. Ceci se révélaa être un problème un problème quelques années plus tard 268. Le responsable de la mission, le colonel John Jouett, partit avec une équipe de 14 personnes (instructeurs, pilotes, mécaniciens, secrétaire) à destination de la Chine 269. Il ne s‟était pas porté volontaire pour cette tâche mais les autorités lui firent comprendre qu‟une telle opportunité permettrait aux entreprises américaines de pénétrer plus facilement le marché chinois. Après avoir traversé le Pacifique, il rencontra personnellement le ministre T.V. Song et lui proposa plusieurs types d‟entrainements dont les coûts variaient de 4,2 millions à 14 millions de dollars. Sachant que la question de l‟aéronautique militaire devenait importante pour le Kuomintang, ce fut l‟entrainement le plus performant, et donc le plus cher, qui fut choisi par le ministre 270. Pourtant la mission ne dura pas très longtemps. Dès le mois de juin 1935 le colonel John Jouett repartit pour les Etats-Unis dès que son contrat fut terminé. En effet une autre mission militaire aéronautique concurrente qui d‟Italie était aussi en Chine. Celle-ci coûtait déjà moins cher au trésor public. Les instructeurs italiens étaient payés presque moitié moins cher que leurs homologues américains 271 et l‟argent venait directement des comptes du gouvernement de Nankin. Il ne faut pas oublier que, suite au protocole de paix Boxer, les Chinois devaient toujours rembourser des indemnités de guerre. Ces sommes étaient immédiatement reversées sous forme de bons d‟achats valables dans l‟industrie aéronautique italienne 272. Tchang Kaï-chek souhaita trouver un autre officier pour remplacer le colonel Jouett après son départ, mais le gouvernement des États-Unis refusa de continuer cette coopération, en grande partie à cause des pressions diplomatiques japonaises 273. Nankin ne poussa cependant pas Washington à une plus grande collaboration car le colonel Jouett refusait de prêter au jeu de la politique intérieure chinoise vu qu‟il ne voulait pas envoyer ses pilotes co mbattre les communistes ou les troupes dissidentes au gouvernement. Les Italiens au contraire le 268 William M. Leary Jr, Wings for China: The Jouett Mission (1932-1935), University of California Press Pacific Historical Review, Vol. 38, No. 4 (Nov., 1969), pp. 447-462, USA, 1969 269 Arthur Young, op. cit, p. 352 270 William M. Leary Jr, op. cit 271 Guangqiu Xu, op. cit 272 Arthur Young, op. cit, p. 354 273 William M. Leary Jr, op. cit 81 firent sans hésiter 274. Par ailleurs il ne s‟entendait pas avec les généraux chinois qui surveillaient l‟école d‟aviation car, tout comme les Allemands, il les t rouvait incompétents et ne se privait pas de le leur rappeler 275. Il n‟en reste pas moins que la mission militaire du colonel Jouett fut largement bénéfique pour les deux pays, près de 300 cadets furent entraînés par ses soins et 250 étaient encore en formation le jour de son départ 276 ; quant aux entreprises américaines, elles furent dominantes sur le marché de l‟aviation chinoise de 1933 à 1937 277 comme le montrent ces chiffres de ventes d‟avions à la Chine en 1933 (à titre d‟information, sur les 120 appareils vendus cette année 96 d‟entre eux étaient des avions militaires) 278 : États-Unis…………………..5 634 000 $ Allemagne……………………364 000 $ Royaume-Uni………………...353 000 $ France……………………….....72 000 $ Autres pays..……..…………1 679 000 $ De plus, grâce aux conseils de Jouett concernant l‟achat d‟avions de combats Curtiss Hawks II, les forces chinoises purent opposer une résistance très efficace contre les avions japonais Nakajima A2N lors des premiers mois de la guerre alors que les deux modèles furent construits exactement à la même période 279. Ainsi l‟empire du Mikado ne put jamais réellement détruire complètement l‟aviation chinoise pendant les 8 années de guerre qui allaient suivre 280. On pourrait se demander pourquoi la mission militaire allemande, qui était très présente à ce moment, n‟aurait pas pu proposer à Tchang Kaï-chek des pilotes et des instructeurs aéronautiques. Mais pour le général Georg Wetzell, l‟Allemagne était limitée au niveau de la construction d‟une aviation par l‟article 198 du traité de 274 Guangqiu Xu, op. cit, p. 67 William M. Leary Jr, op. cit 276 Ibid 277 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit., p. 294 278 Guangqiu Xu, War wings, The United States and Chinese military aviation (1929-1949), Greenwood press, Westport, USA, 2001, page 66 279 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit., p. 243 280 Ibid, page 253 275 82 Versailles. Il était ainsi pratiquement impossible aux Allemands de proposer de bons aviateurs, il était normal que ce soit un autre pays qui puisse envoyer des instructeurs 281. La mission italienne (1933-1937) Kong Xiangxi, qui était le ministre des Finances de Tchang Kaï-chek et aussi considéré comme l‟homme le plus riche 282 de Chine, fit un voyage en Europe en 1933. Très impressionné par le dictateur Benito Mussolini (1883-1945) lors de son passage en Italie, une négociation fut menée entre les deux pays et un accord fut conclut pour que, dorénavant la dette des Boxers que la république chinoise devait toujours payer lui soit reversée en tant que crédit pour acheter du matériel aéronautique italien. Ainsi une mission militaire transalpine se créa sous la direction du général Roberto Lordi (1894 1944) avec une équipe composée d‟une vingtaine de personnes dont la mission était de former la jeune force aérienne chinoise en même temps que la mission Jouett. Les deux missions ne travaillèrent cependant jamais ensemble car les deux écoles étaient distantes de 600 kilomètres. Nankin était dévolu à la mission américaine et Nanchang pour la mission italienne. Cette volonté de séparer les deux missions provenaient du colonel Jouett qui ne fut pas d‟accords pour travailler avec la mission italienne leur refusant même l‟accès à son terrain d‟aviation 283. Le général Roberto Lordi sera remplacé suite à des questions politiques en 1935 par un autre général du nom de Silvio Scaroni (1893-1977) mais il revint peu avant le deuxième conflit sino-japonais284. Ces généraux surent mieux jouer que le colonel Jouett de la complexité de la scène politique chinoise car, contrairement aux Américains, ils acceptèrent d‟aller bombarder les ennemis du Kuomintang. Ainsi quand le général Lordi bombarda en 1933 la capitale des communistes 285 cela permit aux Italiens de jouir d‟une excellente réputation auprès de Tchang Kaï-chek 286. Cet accord permit ainsi aux Chinois d‟acheter plusieurs types d‟avions (chasseurs Breda Ba.27s, bombardiers-légers Fiat B.R. 3 et bombardiers Savoia-Marchetti SM.81) et même de faire construire certains exemplaires en Chine car un consortium sino -italien 281 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport numéro 8517 ―German military economic mission employed by Tchang Kai Shek”, 27 février 1933 282 http://history.cultural-china.com/en/47History7196.html 283 Service Historique de la Défense, série 7N, archives des conseillers militaires à l‟étranger (1919-1940), carton numéro 3286, note du 20 novembre 1933 284 Arthur Young, op. cit, p. 354 285 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 29 décembre 1933 286 SHD, série 7N, carton numéro 3287, note du 1er janvier 1934 83 d‟un capital de 1.5 million de dollars du nom de « S.I.N.AW » (Sino-Italian National Aircraft Works) fut créé dans la ville de Nanchang. Ce consortium fondé grâce aux compagnies aéronautiques Breda, Caproni, Fiat and Savoia, permit aux Chinois de construire des avions directement sur place sous licence italienne287. Ces entreprises auraient préféré laisser la production en Italie plutôt que de devoir construire une usine en Chine mais le gouvernement italien les y obligea pour des raisons politiques et économiques 288. La mission militaire italienne était particulièrement populaire auprès de Tchang Kaï-chek qui appréciait particulièrement le général Lordi. Aussi le dirigeant chinois décida de confier aux Italiens la responsabilité de construire la nouvelle flotte chinoise qui était particulièrement désuète. Ainsi en mars 1937 arrivèrent à Shanghai trois officiers de la Regia Marina qui devaient aider à la formation d‟officiers de marine Chinois. Peu après le début de la guerre entre le Japon et la Chine, l‟usine de Nanchang fut fermé en décembre 1937 289 alors que la production d‟avions venait juste de commencer290. Quant à la mission italienne, elle fut rappelée au mois d‟octobre 1937 291 en Italie non sans avoir pris la précaution d‟emporter l‟ensemble des photographies aériennes de la région de Nanchang qu‟ils avaient effectuées pendant leur séjour en Chine. Ces photos furent sans doute d‟ailleurs vendues aux japonais pour un très bon prix292. Par la suite lorsque le colonel Claire Chennault (1893-1958) devint conseiller auprès de Tchang Kaï-chek pour les questions aéronautiques il se rendit compte que les Italiens n‟avaient pas enseigné tant de choses à leurs élèves. Alors qu‟ils devaient devenir des pilotes de chasse ils n‟apprirent à manier leurs avions que pour réaliser des décollages et des atterrissages 293. Les pilotes chinois étaient alors considérés comme l‟élite des militaires, au contraire de l‟infanterie qui était composé majoritairement de paysans. Ainsi les familles aisés chinoises qui avaient en tête le fameux proverbe chinois 287 Arthur Young, op. cit, p. 354 SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 3 octobre 1935 289 http://surfcity.kund.dalnet.se/sino-japanese-1937.htm 290 Guangqiu Xu, op. cit, p. 72 291 The New York Time, article “Italian Aviators Assisting China Reported Recalled by Mussolini”, États-Unis, 12 octobre 1937 292 Arthur Young, op. cit, p. 355 293 Jack Samson, Chennault, Doubleday, New York, USA, 1987, p. 16 288 84 « On ne prend pas du bon fer pour faire des clous, ni de bons hommes pour faire des soldats » et ils avaient envoyé leurs héritiers pour y apprendre le métier de pilote. Cependant ils firent comprendre à Tchang Kaï-chek qu‟ils souhaitaient voir leur enfant rester en vie. Les instructeurs italiens furent furent soumis à des pressions pour accepter tous les élèves même s‟ils se révélaient mauvais en pilotage donc ils ne purent enseigner dans de bonnes conditions 294. Sur les 52 avions que livrèrent les Italiens, pas moins de 19 d‟entre eux furent détruits rien que pendant des exercices et 16 pilotes périrent dans ce type d‟accident. Malgré la présence d‟une vingtaine d‟instructeurs 295, d‟un pôle industriel qui se développait à côté de l‟école d‟aviation et de la volonté de construire une armée de l‟air robuste, la mission italienne s‟avéra être un échec. Leurs élèves qui étaient assez doués pour ne pas écraser leur appareil dès le décollage savaient comment utiliser une mitrailleuse ou lâcher une bombe mais ils se révélèrent incapable de viser un objectif296. 294 William M. Leary Jr, op. cit SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du février 1936 296 SHD, série 7N, carton numéro 3293, note du 16 décembre 1936 295 85 Chapitre 3 : Résister à la menace japonaise Pour le parti politique de Tchang Kaï-chek, les années de 1926 à 1937, se révélèrent être une succession d‟épreuves pour faire admettre aux grandes puissances, aux seigneurs de guerre, aux communistes et à l‟empire du Japon que le Kuomintang était l‟unique force politique capable de gouverner la Chine. Être reconnu comme le gouvernement officiel de la Chine fut une lutte de premier ordre pour le parti de Sun Yat-sen durant cette décennie. Pour la première fois depuis 1916, un clan politique arrivait à imposer son empreinte sur les affaires du pays, alors que certains observateurs ne lui donnaient que quelques mois à vivre en 1928 297 Ce statut de représentant d‟une nation était quelque chose de très important. Pour s‟en convaincre il n‟y qu‟à regarder les efforts que l‟URSS dut mettre en place afin d‟être reconnue comme gouvernement officiel de l‟ancien empire tsariste. Ce fut cette quête pour retrouver la légitimité du pouvoir précédent qui poussa l‟ambassadeur Kharakhan à négocier la reconnaissance du gouvernement Chinois, alors qu‟il préparait en même temps avec Borodine la chute de celui-ci. Ainsi pour le Kuomintang, d‟être reconnu comme gouvernement officiel, et arriver à le rester pendant plus de dix ans étaient une victoire sans précédent. Mais si le gouvernement de Nankin fut reconnu comme le gouvernement légitime de la Chine, il allait devoir affronter un nouvel adversaire en la présence de l‟empire japonais. Les différents gouvernements nippons des années 1930 portaient tous un grand intérêt aux matières premières et aux grands espaces chinois. Selon eux , du fait de la natalité galopante de leur pays, qui augmentait le nombre de Japonais de 1 million par an, il fallait trouver des solutions drastiques pour assurer le futur de leur pays. Et que ce soit dans les milieux gouvernementaux, financiers ou militaires il était communément admis, voir claironné, que seule la conquête de la Chine pourrait assurer le futur de l‟empire298. La décennie de Nankin fut une période où, en plus de devoir lutter contre les dissensions intérieures, Tchang Kaï-chek dut préparer une guerre qu‟il savait imminente. Mais il devait jouer sur deux tableaux pour préparer la nation chinoise à la guerre tout en évitant de trop provoquer les officiels Japonais. 297 SHD, série 7N, carton numéro 3310, note du 21 septembre 1928 SHD, série 7N, carton numéro 3297, Rapport du général Wetzell sur son activité en Chine, septembre 1933, rapport du 12 août 1934 298 86 1) Situation de la Chine de 1929 à 1937 La gouvernance de la Chine par le Kuomintang Mis à part les nombreuses victoires militaires que les armées de Tchang Kaï-chek remportèrent sur les champs de bataille entre 1928 et 1937, le Kuomintang réussit aussi à imposer sa légitimité en tant que gouvernement grâce à une série de mesures aussi bien civiles que militaires, sur la fiscalité par exemple. En 1933, si toutes les provinces n‟étaient pas encore soumises à un impôt de la part du gouvernement central, c‟était aussi la première fois qu‟un gouvernement Chinois était en mesure d‟avoir un budget précis depuis 1912. Les années précédentes on estimait à 500 millions de dollars le budget chinois alors qu‟il arriva cette année aux alentours de 12 milliards 299. Une hausse spectaculaire pour un pays miné par les mésententes entre le gouvernement central et les potentats locaux. Mais ce ne sera pas la seule victoire civile que le Kuomintang obtiendra pendant qu‟il gouvernait la Chine. Sur le plan intérieur et économique le parti arriva à supprimer les taxes intérieures qui sévissaient entre les régions et empêchaient l‟augmentation des échanges commerciaux. Une nouvelle monnaie vint remplacer la monnaie millénaire qu‟était le taël et un conseil économique fut mis en place afin de mener des politiques de grands travaux300. C‟est grâce à ces actions que plus de 16 000 kilomètres de chemin de fer furent construits 301. Par rapport aux autres seigneurs de guerre, nous avons étudié que Tchang Kaï chek dut pendant cette décennie combattre des rébellions. S‟il engagea ses hommes avec l‟aide des conseillers Allemands pendant la Guerre des plaines centrales ou contre le régime de Foukien , il réussit cependant à ne pas utiliser à chaque fois ses troupes dès qu‟un vent de révolte soufflait dans le pays. Dès 1929 il donna plusieurs millions de dollars à Feng Yuxiang afin de pouvoir mater la révolte du général Zhang Fakui (1896 1980) pour éviter d‟être pris en tenaille par les deux armées 302. Lorsque le régime de canton en été 1936 était prêt à entrer en guerre contre lui, il préféra de nouveau soudoyer 299 SHD, série 7N, carton numéro 3307, note de la Société d‟études et d‟informations économiques, 30 mars 1933 300 SHD, série 7N, carton numéro 3307, note de la Société d‟études et d‟informations économiques, 29 octobre 1935 301 Cheng Ch'eng-K'un, Regionalism in China's Postwar Reconstruction, revue Social Forces, Oxford University Press, volume 22, numéro 1, page 1-20 , octobre 1943 302 SHD, série 7N, carton numéro 3307, note de la Société d‘études et d‘informations économiques, 24 décembre 1929 87 les flottes navales et aéronautiques cantonaises plutôt que de s‟engager dans d es batailles incertaines. Cette manœuvre déstabilisa l‟état-major de la clique du Guangxi qui accepta de signer la paix en échange de positions confortables au sein du gouvernement de Nankin 303. Puis, lors de l‟incident du Xi‟an en décembre de la même année, Tchang Kaï-chek fut fait prisonnier par le seigneur de guerre Zhang Xueliang lors d‟une inspection dans le nord du pays. Celui-ci voulait que Tchang cessa la politique de « pacification intérieure du pays » pour contre-attaquer dès que possible les Japonais. Il fallait aussi, selon le jeune maréchal, s‟allier avec l‟URSS et promettre une constitution au peuple. A l‟annonce de sa captivité l‟ensemble des forces politiques et militaires non communistes du pays demanda immédiatement la libération du maréchal, dont même certains de ses anciens adversaires. Ils pensaient simplement que sans lui toute résistance contre le Japon aurait été beaucoup plus difficile, en conséquence ils préféraient être dominés par lui plutôt que par l‟Empire du Soleil levant. Ce qui prouve la justesse de l‟analyse d‟un attaché militaire en août 1936 qui écrivit dans son rapport que mis à part les dépendances Japonaises et communistes, l‟ensemble du pays était globalement mis au pas par le gouvernement de Nankin 304. Au sein même de son parti, Tchang Kaï-chek et ses partisans arrivèrent à garder la main sur cet appareil politique, sans avoir besoin de pratiquer des purges comme Staline le faisait à la même période. Après la querelle qui avait eu lieu entre le gouvernement de Wuhan et celui de Nankin, les deux tendances du parti s‟étaient réconciliées grâce à la médiation de Feng Yuxiang. Mais Wang Jingwei qui dirigeait la faction la plus à gauche du parti se voyait difficilement rester numéro deux du Kuomintang pour le restant de ses jours. Après l‟échec d„un gouvernement dissident à Pékin, qu‟il instaura en 1930 lors de la Guerre des plaines centrales, et l‟invasion de la Mandchourie en 1931, il accepta de travailler avec les autres courants politiques du Kuomintang. Cependant la majorité du parti réussit à l‟isoler en lui confiant un poste au sein des affaires étrangères pendant que Tchang Kaï-chek et ses alliés prenaient les décisions importantes qui avaient trait à l‟économie et à l‟armée. Des ministres comme TV Song ou KK Kung le tirent dès que possible à l‟écart des prises de décisions importantes afin de l‟isoler politiquement. Par la suite Wang Jingwei préféra trahir le Kuomintang pendant la guerre avec les Japonais en acceptant de diriger pour eux un régime 303 304 James Sheridan, op. cit., SHD, série 7N, carton numéro 3287, note du 22 août 1936 88 fantoche à Nankin. Avec lui disparaitra le dernier homme capable de s‟opposer durablement au sein du Kuomintang à Tchang Kaï-chek. Face aux grandes puissances, le gouvernement chinois arriva progressivement à faire accepter l‟idée d‟abandonner les concessions, du fait qu‟il réussissait à stabiliser le nombre de guerres civiles dans le pays. Un argument qui avait été utilisé pendant des années par les pays étrangers qui ne souhaitaient pas relâcher leur force militaire sur le pays tant que règnerait l‟anarchie. Mais ils furent obligés de reconnaître que le Kuomintang arrivait mieux à imposer l‟ordre au sein du pays que ses prédécesseurs. C‟est pourquoi le nombre de troupes stationnées dans les diverses concessions baissa305. Par ailleurs, ce fut suite à la demande de Tchang Kaï-chek que les grandes puissances acceptèrent de lever l‟embargo sur les armes le 29 avril 1929306. Dorénavant le gouvernement chinois n‟avait plus à subir l‟ingérence de pays étrangers sur la question de l‟import de matériel de guerre. Ainsi si l‟unification du pays n‟était pas encore entièrement effective, on peut remarquer qu‟au niveau des impôts, de la légitimité de Tchang Kaï -chek ou de ses relations avec les grandes puissances le gouvernement de Nankin arriva à imposer des mesures. Ainsi ce ne fut pas seulement sur les champs de batailles que le Kuomintang devint le parti dirigeant le pays mais aussi grâce à une série de mesures administratives, politiques et diplomatiques. Le Kuomintang face à l‘expansionnisme Japonais L‟empire japonais depuis la fin du 19 e siècle manifestait une volonté d‟expansionnisme marquée à travers les guerres qui l‟opposèrent à la Chine, la Russie et à sa participation à la première guerre mondiale pour récupérer les colonies allema ndes en Asie. Si le mémorandum Tanaka, qui était supposé être un plan pour la conquête de l‟Asie, se révéla être une supercherie 307, il n‟en resta pas moins qu‟il était couramment admis dans les hautes sphères de la société japonaise que la Chine ne devait p as redevenir trop puissante si l‟on voulait continuer à garder la puissance de l‟empire du Mikado. Il n‟y a qu‟à étudier l‟ensemble des accords conclus, ainsi que le nombre d‟affrontements qu‟il y eut entre Chinois et Japonais, pour être convaincus des vol ontés 305 SHD, série 7N, carton numéro 3307, note de la Société d‟études et d‟informations économiques, 12 septembre 1931 306 Guangqiu Xu, American—British Aircraft Competition in South China, 1926-1936, op. cit. 307 Meirion and susie Harries, Soldiers of the sun, the rise and fall of the impérial japanese army, Random House, New York, Etats-Unis, 1991 89 d‟expansion japonaise. Par ailleurs on utilise plus en Asie le terme de « Guerre de Quinze Ans » pour parler de cette période 1931-1945 où le Japon se montra particulièrement belligérant, que de la « Seconde Guerre sino-japonaise ». Cette série d‟escarmouches et de conflits commença le 18 septembre 1931 lorsqu‟un attentat eu lieu sur une ligne de chemin de fer en Mandchourie, une région où les Japonais possédaient de forts intérêts économiques. Cet « incident de Moukden » sonna l‟invasion de la Mandchourie par l‟armée japonaise, qui prépara elle-même l‟explosion puis en fit porter le blâme aux Chinois 308. Prétextant vouloir protéger leurs concitoyens, les soldats japonais envahirent en quelques jours toute la Mandchourie pendant que l‟ancien chef de la région, le maréchal Zhang Xuolin, se repliait avec ses troupes près de Pékin sans livrer bataille. Il est d‟ailleurs intéressant de noter que huit jours avant le début de l‟invasion une rumeur courait à Pékin qu‟une attaque des troupes Japonaises sur la Mandchourie allait avoir prochainement lieu 309. Cette invasion sauva d‟ailleurs indirectement la République soviétique chinoise du Parti Communiste Chinois suite à la décision de Tchang Kaï-chek de rapatrier les troupes vers la frontière après l‟agression japonaise. Cependant il ne lança pas de contre-offensive et préféra faire appel à la ligue des nations, connaissant la faiblesse de l‟armée chinoise. Malgré le Rapport Lytton rédigé en décembre 1931, qui donnait raison aux Chinois, et le vote des pays membres, le Japon garda la mainmise sur la région. Suite à cet échec diplomatique, Tchang Kaï-chek préféra continuer à temporiser afin de fortifier le pays en vue de la prochaine guerre avec le Japon. Cette politique de « pacification intérieure » voulue par le chef de l‟état était effective avant même l‟invasion de la Mandchourie. Dans un rapport, le maréchal Zhang Xuolin, expliqua qu‟il avait reçu l‟ordre de ne pas riposter contre les Japonais en cas d‟attaque de leur part, mais au contraire de battre en retraite s‟ils commençaient une invasion, et même de mettre sous clé les munitions afin d‟empêcher tout débordement 310. Plus tard Tchang Kaï-chek rappellera sans cesse dans plusieurs discours qu‟il fallait d‟abord pacifier l‟intérieur du pays avant de songer à se venger des Japonais. Cette approche devint la pierre angulaire des relations entre les deux pays 311 et il mit en garde 308 Edward Behr, The Last Emperor, Bantam Books, New-York, États-Unis, 1987, p. 180 Journal mensuel « Bulletin catholique de Pékin », Pékin, Chine, numéro 217, octobre 1931 310 Dun J. Li, (direction), op. cit., rapport de Chang Hsüeh-liang 311 So Wai Chor, The Making of the Guomindang's Japan Policy, 1932-1937: The Roles of Chiang Kai-Shek and Wang Jingwei, Modern China, Vol. 28, No. 2, avril 2002, p. 213-252 309 90 ses officiers en se déclarant contre le côté « glamour » d‟une contre-attaque contre le Japon qu‟il jugeait prématurée 312. Par la suite pas moins de quatre accords de paix furent signés entre les deux pays. Chacun d‟entre eux réglera un problème particulier d‟une région chinoise qui était l‟objet de la convoitise japonaise. Il y aura : La paix de Shanghai (1932) : Suite à l‟invasion de la Mandchourie, les sentiments antijaponais de la population chinoise atteignirent un paroxysme qui provoquèrent de nombreux incidents, particulièrement à Shanghai où les Japonais avaient une concession. A cause de ces incidents la situation s‟envenima et bientôt des escarmouches éclatèrent entre les deux camps. L‟armée japonaise envoya à partir du mois de janvier 1932 des navires de guerre, des divisions de marines ainsi qu‟une partie de son aviation pour défendre ses concitoyens. Après plusieurs semaines de conflits où 60 000 militaires perdirent la vie, les Chinois durent admettre leur défaite et retirer tous soldats autour de Shanghai dans un périmètre de 20 kilomètres entourant la ville. Trêve de Tanggu (1933) Après l‟invasion de la Mandchourie et la montée sur le trône de Puyi (19061967), en mars 1932, de cet état fantoche, l‟armée Japonaise chercha à sécuriser la région du Jehol, en mettant de nouveau en scène un « incident ». Sous prétexte d‟agressions chinoises et que cette région faisait historiquement partie de la Mandchourie, l‟armée du Kwantung lança une offensive jusqu‟à la grande muraille en battant à plate-couture les hommes de Zhang Xueliang en moins de deux semaines 313. Ne pouvant une fois de plus arrêter les troupes de l‟empire du Mikado, Tchan g Kaï-chek accepta de négocier une paix humiliante où il reconnut de facto l‟indépendance du régime du Mandchoukouo lors de la Trêve de Tanggu. Par ailleurs fut aussi négociée dans cette trêve la création d‟une zone démilitarisée commençant depuis la grand e muraille et s‟étendant sur 100 kilomètres de profondeur vers le sud. Pour les troupes 312 Dun J. Li, (direction), op. cit., Discours de Tchang Kaï-chek à Nanchang devant un groupe d‘officiers supérieur le 8 mai 1933 313 Journal « The Time Magazine », États-Unis, 12 juin 1933 91 chinoises il était désormais interdit d‟y stationner tandis que les Japonais possédaient le droit de patrouiller dans cette région, alors qu‟elle était officiellement s ous contrôle du régime de Nankin. L’accord He-Umezu (1935) A partir de l‟année 1933 les relations entre les deux pays semblèrent repartir sur des bases plus amicales, et même en janvier 1935 le gouvernement japonais annonca qu‟il allait mener une politique de non-agression envers la Chine. Cette déclaration ne fut pas du goût de certains chefs militaires de l‟armée qui firent pression sur le gouvernement chinois pendant le mois de juin 1935 avec des menaces d‟invasion sur le nord de la Chine. Une fois de plus Tchang Kaï-chek préféra temporiser en acceptant de signer en secret cet accord He-Umezu au bout de quelques jours. Ce traité interdisait au Kuomintang d‟être présent dans toutes les régions où stationnait l‟armée japonaise, ce qui lui permit d‟instaurer un nouvel état fantoche dans la région du Jéhol sous la direction de l‟homme politique chinois Yin Ju-keng (18851947). Celui-ci proclama, avec la bénédiction des Japonais, l‟indépendance du « Conseil autonome du Hopei de l'est ». La ville de Pékin se trouvait désormais à moins de 40 kilomètres de la première garnison japonaise. L’accord Chin–Doihara (1935) Alors que l‟accord Hu-Umezu venait à peine d‟être signé, quatre soldats Japonais qui profitaient d‟une permission partirent en excursion dans la province de Chahar située en Mongolie-Intérieure. Etant partis sans visas, ils furent appréhendés par des soldats Chinois, et mis en garde à vue pendant quelques heures avant d‟être relâchés. L‟armée Japonaise profita de cet incident pour déclarer son indignation et rapidement un accord fut de nouveau signé entre les deux pays à la fin du mois. La province du Chahar, qui faisait la superficie de l‟Italie, devait être à son tour démilitarisée, et toute activité du Kuomintang y fut désormais interdite. A ces vexations s‟ajoutèrent deux tentatives de la part des Japonais de créer de ux nouveaux états fantoches comme le Mandchoukouo et le conseil autonome du Hopei de l‟est. A la fin de l‟année 1935, Le Prince Demchugdongrub (1902-1966) d‟origine 92 mongole, contacta les Japonais afin d‟établir un nouvel état qui regrouperait les provinces de Mongolie-Intérieure. Envahissant la région du Chahar, puis poussant son avance sur le sud, les troupes mongoles de Demchugdongrub furent battues par les armées nationalistes en novembre 1936 314. Il faudra attendre la fin de 1937 avec la défaite des armées chinoises en Chine du nord pour que les autonomistes mongols puissent, avec la bénédiction du Japon, proclamer l‟indépendance du « Gouvernement autonome uni du Mengjiang » en décembre 1937. Une autre tentative de créer un immense territoire indépendant du gouvernement de Nankin, sur toute la superficie entre le fleuve jaune et la muraille de Chine, fut mis à l‟étude par des officiels Japonais. D‟anciens seigneurs de guerre déchus comme Duan Qirui (1864-1936), Feng Yuxiang ou Wu Peifu furent approchés, en 1935, par les Japonais afin de savoir s‟ils ne voulaient pas prendre la tête d‟un régime sécessionniste du régime de Nankin 315. Quand Tchang Kaïchek apprit la nouvelle, il mit une forte pression politique et militaire sur ces seigneurs de guerre et les Japonais afin d‟éviter un nouveau démembrement de la Chine. De l‟avis de certains experts présents sur place à cette période, si le généralissime réussit à contrecarrer les plans japonais, il s‟en aurait fallu de très peu pour que ceux-ci ne réussissent 316. Pourquoi Tchang Kaï-chek accepta la confrontation en 1937 Cette méthode de « jouer contre la montre » fut reconnue par certains experts français comme la meilleure manière de résister aux assauts japonais. Au bout de quelques années d‟attente, la Chine, selon eux, pouvait contre-attaquer du fait qu‟elle était « en grande partie unifiée »317, ce qui inquiétait particulièrement les Japonais. Au fil des ans ils commencèrent à saisir qu‟avec le temps, la puissance militaire de la Chine pourrait dépasser la leur318. Ils tentèrent de donner des signes d‟apaisement, mais personne au sein du milieu de la diplomatie n‟ignorait les véritables intentions de l‟Empire du Soleil levant. Puis arriva en juillet 1937 l‟incident du pont Marco-Polo qui déclencha la Seconde Guerre sino-japonaise. Une nouvelle fois les Japonais utilisèrent la même stratégie que six ans auparavant pour justifier leurs attaques envers la Chine. Suite à un incident particulièrement mineur (la disparition d‟un soldat japonais près d‟une maison close pendant deux heures), 314 Hans J. Van de Ven, op. cit., SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 6 novembre 1935 316 SHD, série 7N, carton numéro 3299, note mars 1936 317 SHD, série 7N, carton numéro, note du 21 octobre 1936 318 SHD, série 7N, carton numéro 3308, article du Journal de Pékin, 9 septembre 1936 315 93 allait commencer l‟un des conflits les plus meurtriers de l‟histoire. Des premières escarmouches qui commencèrent sur le pont Marco Polo l‟armée Japonaise augmenta le nombre de troupes engagées dans la région pour envahir Pékin le 8 août 1937. Tchang Kaï-chek se retrouva face à un choix décisif pour le futur de la nation chinoise. Soit il acceptait un nouvel état fantoche des Japonais qui comprendrait les 5 provinces du nord, soit il ordonnait la résistance nationale contre l‟envahisseur. Comme nous venons de le voir, les militaristes japonais qui souhaitaient contrôler la Chine voulaient soumettre le pays petit à petit, et non se lancer dans une guerre de conquête qui se serait révélée très incertaine319. Ils préparaient au contraire depuis plusieurs mois la création d‟un gouvernement sécessionniste à Pékin, celuici aurait été en tous points semblable à la Mandchourie, avec à sa tête une élite politique contrôlée par Tokyo320. Les 5 provinces du nord Pour le pays et le maréchal Tchang Kaï-chek, ce fut un moment crucial. Lui qui était critiqué de toute part depuis plusieurs années dans sa politique de ne pas s‟engager contre les Japonais risquait d‟être mis en minorité dans son propre parti s‟il ne commençait pas cette guerre 321. Les seigneurs de guerre de Canton lui reprochaient depuis longtemps de ne pas avoir résisté aux Japonais 322, le jeune maréchal Zhang Zuolin, qui était une figure importante, avait abattu publiquement son chef d‟état-major qui voulait s‟allier aux Japonais 323, et la population civile avait été particulièrement 319 SHD, série 7N, carton numéro 3287, note du 16 janvier 1936 James B. Crowley, A Reconsideration of the Marco Polo Bridge Incident,The Journal of Asian Studies, ÉtatsUnis, volume 22, numéro 3, mai 1963, p. 277-291 321 SHD, série 7N, carton numéro 3289, note du 27 juillet 1937 322 SHD, série 7N, carton numéro 3286, note du 1er juin 1933 323 SHD, série 7N, carton numéro 3293, note du 20 février 1937 320 94 choquée par les accords passés avec le Japon depuis 1932 324. Sans oublier que le Kuomintang c‟était bâtit sur une légitimité anti-impérialiste, il ne pouvait donc être question de repousser indéfiniment la confrontation. Par peur d‟être mis en minorité au sein même du Kuomintang, malgré l‟impossibilité de recevoir de l‟aide des grandes puissances occidentales, qui n‟osaient contredire le Japon, et par le fait que la conscience que les forces Japonaises étaient de meilleure qualité, Tchang Kaï-chek décida de commencer la guerre. C‟est pourquoi il écrivit dès le 8 juillet dans son journal « Le moment de commencer le combat [contre les Japonais] est venu » 325. Sans oublier qu‟à force de ne pas combattre les envahisseurs nippons l‟armée chinoise possédait un moral très bas. A force d‟éviter le conflit, Tchang Kaï-chek risquait de se retrouver avec une force militaire sans aucune expérience de la guerre moderne326. L‘état de l‘armée chinoise à la veille de la guerre Le 6 juillet 1937, l‟armée chinoise comptait près de 300 000 hommes qui avaient reçus un entrainement par les allemands, dont 80 000 possédaient un équipement moderne. Mais cela était peu comparé aux 1.9 millions de soldats présents dont 1.1 millions seulement étaient sous les ordres directs du Kuomintang. Cette force militaire représentait aussi un petit nombre de soldats, connaissant les techniques de combat moderne, face aux japonais qui pouvaient eux aussi lever une armée de deux millions de soldats327, sans oublier qu‟ils n‟avaient jamais été vaincus par les troupes chinoises sur le champ bataille depuis 1895 328. Le corps des officiers s‟était amélioré en qualité, plus de 10 500 avaient été ainsi formés dans des écoles dont les allemands étaient les professeurs entre 1928 et 1937 329. Mais ce nombre était lui aussi très bas, suite aux immenses besoins de l‟armée chinoise, qui nécessitait bien plus de commandants qualifiés. Concernant l‟aviation, des progrès avaient été faits depuis 1932, date à laquelle les Chinois n‟avaient tout simplement pas d‟avion face aux bombardiers japonais lors de 324 Constantin Rissov, Le dragon enchainé, édition Robert Laffont, Paris, France, 1985 Meirion and susie Harries, op. cit. 326 Dun J. Li, (direction), op. cit., Rapport de Matsumoro Koryo, chef de l‘espionnage japonais à Pékin du 3 janvier 1936 327 Albert Merglen, La guerre à la française, éditeur Arthaud, Paris, France, 1967 328 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, The nationalist era in China (19271949), Cambridge University Press, New York, USA, 1991, p. 126 329 Chang Jui-Te, op. cit. 325 95 la bataille de Shanghai. Il y avait dorénavant presque 700 appareils330, mais tout comme l‟armée de terre, ils étaient inférieurs en nombre face à la flotte aéronautique japonaise, forte de plus de 1500 appareils 331. Sans oublier que les avions de l‟armée de l‟air chinoise étaient totalement hétéroclites suite à des achats réalisés auprès de plusieurs pays et par plusieurs clans politiques 332. La marine quant à elle, était simplement inexistante. Elle n‟était composée que d‟environ 70 navires, sans aucun porte-avion333, alors que le Japon possédait la 3 e flotte de guerre au monde 334. Ainsi, aucune bataille navale n‟eut jamais lieu et les troupes chinoises ne purent jamais se défendre efficacement contre les navires japonais, malgré les tentatives de construire des forts le long des côtes. Dès octobre 1937, l‟ensemble des ports chinois seront sous embargo, sans que les Chinois puissent s‟y opposer d‟une quelconque manière 335. Nonobstant ce tableau très sombre, l‟armée chinoise s'était considérablement améliorée grâce aux conseillers militaires allemands, ainsi en janvier 1932 Tchang Kaï chek affirmait que : « La Chine manque d‟une véritable puissance militaire […] en 3 jours le Japon pourrait envahir sans difficulté les zones côtières et le bassin du Yangtze » 336 Alors qu‟en 1937 juste au début de la guerre le maréchal enverra un télégramme d‟un ton beaucoup plus optimiste à son fils Chiang Ching-kuo qui étudiait en Allemagne en lui disant : « Ne sois pas perturbé par l‟invasion japonaise. J‟ai les moyens [comprendre : les divisions entrainées par les allemands»] de les contrer » 337 330 Guangqiu Xu, op.cCit., p. 90 Ibid, p. 115 332 Rodney Gilbert, The War in China Continues, Foreign Affairs, Vol. 17, No. 2, pp. 321-335, New York, USA 1939 333 China today series edited by Tang Leang-Li, reconstruction in China, a record of progress and achievement in facts and figures with illustration and map, China United Press, Shangaï, Chine, 1935 334 Albert Merglen, op. cit. 335 SHD, série 7N, carton numéro 3289, rapport d‟octobre de la police française à Shanghaï. 336 Hans J. Van de Ven, War and nationalism in China (1925-1945), Routledge Curzon, London, Royaume-Unis, 2003 337 Jay Taylor, op. cit., p. 146 331 96 Loin d‟être une rodomontade militaire, cet avis était en partie partagé par l‟attaché militaire Français en poste à Pékin qui, dans un rapport au deuxième bureau de l‟armée Française, expliqua que : « L'armée chinoise a, ces dernières années, fait d'énormes progrès et elle continue à en faire. Face à la menace japonaise les classes cultivées de la nation et l'armée ont un moral élevé ». Mais contrairement à Tchang Kaï-chek, il précisa à ses supérieurs que faute d‟artillerie, d‟une meilleure aviation, d‟un nombre suffisant de troupes et de meilleurs officiers, la République de Chine ne pouvait espérer battre les armées du Japon sans aide extérieure338. Une analyse bien plus pertinente que celle du généralissime à qui l‟histoire devra donner raison. Par ailleurs, la valeur des divisions des deux pays étaient loin d‟être la même. Il était communément admis qu‟une division japonaise en terme de combativité valait soit six divisions chinoises classiques ou quatre divisions entrainées par les Allemands339. Sur la production d‟armes, les arsenaux chinois malgré l‟accord H.A.P.R.O signé avec le gouvernement allemand ne pouvaient pas encore fournir d‟armes lourdes ou de chars. L‟industrie de guerre chinoise se résumait à la fabrication de fusils, de mitrailleuses, de mortiers et d‟avions construits sous licence italienne dans l‟usine de Nanchang. De plus, malgré la construction d‟arsenaux pendant toutes ces années, il n‟existait aucune standardisation des armes et des munitions 340. 2) Les conseillers allemands pendant la guerre (1937-1938) Durant cette campagne, pendant les premières années de la guerre, les conseillers militaires allemands seront très présents au côté des Chinois. Le général Von Falkenhausen en tant que chef de mission, deviendra même une petite célébrité grâce aux nombreux journalistes qui voulaient l‟interviewer. S‟ils ne permirent pas aux Chinois de remporter de considérables victoires face aux Japonais, ils surent se montrer indispensables et aidèrent beaucoup leurs employeurs. 338 SHD, série 7N, carton numéro 3288, notes du 25 mars et 3 juin 1937 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note du 2 septembre 1937 340 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note du 2 septembre 1937 339 97 Les conseillers militaires allemands pendant la bataille de Shanghai Après le début des hostilités Tchang Kaï-Chek, pendant plusieurs jours, voulait encore croire à la paix. Il déclara publiquement le 17 juillet : « Si l‟incident du pont Marco Polo se transforme en guerre entre la Chine et le Japon cela dépendra entièrement de l‟attitude du gouvernement japonais » 341 Voyant que les Japonais poussaient malgré tout leur offensive afin de contrôler les cinq provinces du nord, il décida de prendre une initiative à leur encontre afin de contrecarrer leurs plans. Au lieu d‟avoir un front étendu d‟est en ouest, comme l‟on pourrait s‟y attendre de la part d‟une guerre se déroulant au nord du fleuve jaune, il s‟efforça de faire basculer la ligne de front du nord au sud tout le long de la côte chinoise342. Cette manœuvre était très importante parce que la Chine ne pouvait espérer gagner cette guerre de manière traditionnelle vu son manque criant de troupes et de moyens. Afin de pouvoir réaliser une telle réorientation sur un front, qui ferait plusieurs milliers de kilomètres, et surtout contraindre le haut commandement japonais à l‟accepter, il fallait lancer une offensive sur la concession japonais de Shanghai qui contenait à peine 3 000 soldats. En outre, avec la présence des concessions françaises et internationales, un incident diplomatique aurait pu survenir entre Japonais et occidentaux, et Tchang Kaï-chek espérait qu‟un tel incident se produisit afin de mettre en porte à faux l‟empire nippon 343. Son vœu faillit se réaliser, car à la fin de la bataille, les armées du Mikado tentèrent d‟occuper illégalement la concession française ; mais devant l‟obstination du commandant français, l‟état-major japonais préféra ne pas offenser la République française 344. Depuis l‟incident du 28 janvier 1932, où les Japonais avaient vaincu les Chinois à Shanghai, ceux-ci ne pouvaient plus stationner de troupes en dehors de « Corps de paix » chargé de faire un travail de police. L‟empire Nippon selon les accords de 1932 pouvait au contraire toujours stationner des hommes de l‟armée impériale sur une partie de la concession internationale. Ainsi, vers le début du mois d‟août Tchang Kaï-chek ordonna le déplacement des divisions numéros 87 et 88, qui avaient été entraînées par 341 Chiang Kei-Shek, President Chiang Kei-Shek selected speeches and messages (1937-1945), China culturel service, Taipei, Taiwan, non daté 342 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), Op. Cit. 343 Jacques Guillermaz, Une vie pour la chine, mémoires (1937-1989), éditions Robert Laffont, Paris, 1989 344 Robert Guillain, Orient Extreme, une vie en Asie, édition le Seuil/Arlea, Paris, France, 1986 98 les allemands, vers Shanghai afin d‟attaquer les troupes maritimes japonaises. Le général Zhang Zhizhong (1895-1969) était en charge de l‟attaque, il déguisa ses soldats en hommes de « corps de paix », et le 13 août, après plusieurs escarmouches, lança une attaque globale sur la concession japonaise. Les conseillers allemands jouèrent un rôle non négligeable dans cette bataille. Tout d‟abords, certains d‟entre eux, après avoir pris le commandement de la défense anti-aérienne de la ville, abattirent plusieurs avions, alors que sans eux les Chinois se montraient incapables de défendre l‟espace aérien de la ville 345. Ensuite, les divisions entraînées par les Allemands se révélèrent être de formidables adversaires pour les Japonais en construisant une défense efficace face à la puissance de feu largement supérieure des Japonais346. Photo de soldats de la 88e division marchant vers Shangaï, aout 1937 Après plusieurs jours de conflits, la bataille de Shanghai vit le nombre de forces de chaque côté augmenter considérablement et arriver au chiffre gigantesque de 750 000 soldats chinois et de 250 000 soldats japonais 347. Mais après trois mois de combats, et une manœuvre amphibie des forces japonaises qui prirent les troupes chinoises à revers, les troupes du Kuomintang durent reculer de Shanghai pour éviter d‟être détruites. La majorité des unités d‟élites formées par les allemands furent durement mises à ma l par la bataille. La plupart des divisions qui se trouvaient à Shanghai perdirent jusqu‟à 50% de leurs effectifs, avec un total de blessés et de tués proche de 190 000 hommes 348, tandis que les japonais eurent près de 60 000 combattants mis hors de combats 349. Von Falkenhausen, qui au début des hostilités avait été envoyé au nord du pays pour 345 SHD, série 7N, carton numéro 3289, note du 29 octobre 1937 SHD, série 7N, carton numéro 300, note 27 décembre 1937 347 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction) op. cit. 348 Ibid. 349 Herbert Rosinski ,The Strategy of the Sino-Japanese Conflict, Pacific Affairs, Vol. 11, No. 1, 1938 346 99 conseiller les chefs militaires comme Yan Xishan 350, a sans aucun doute poussé à cette prise de décision sachant qu‟il aura été vu à de nombreuses reprises visiter la bat aille351. Après la défaite, il envoya une note à Tchang Kaï-chek disant : « Si notre commandement avait été déterminé, unifié, et si des objectifs principaux avaient été définis, nous aurions pu acquérir rapidement la victoire » 352 Une analyse partagée par les experts Français qui considérèrent que les Chinois s‟étaient particulièrement bien battus à Shanghai 353. Quant aux généraux Japonais, ils pensaient pouvoir reprendre la ville en quelques jours et administrer une correction aux Chinois pour leur montrer qu‟ils étaient encore le pays dominant de la région. Mais après quelques semaines de combats, ils durent reconnaître que les troupes de Tchang Kaï-chek se battirent avec beaucoup de pugnacité 354. Les « faucons » japonais, tel le général Hideki Tojo, pensèrent, avant la bataille de Shanghai, qu‟en lançant une offensive sur Pékin ils impressionneraient suffisamment les Chinois pour prendre sans coup férir les cinq régions du nord, et régler par la négociation les modalités de cette sécession. Ils n‟avaient cependant pas prévus que Tchang Kaï-chek commencerait finalement à défendre militairement l‟unité de la nation chinoise et les pousserait à s‟enliser en Chine355. Loin d‟être une réussite, la bataille de Shanghai se révéla être une lourde défaite militaire pour le Kuomintang. De par le nombre de morts, la perte de nombreux officiers présents dans les divisions entrainées par les allemands et l‟ouverture d‟un nouveau front, il n‟y avait pas de quoi être optimiste pour le futur de la guerre. Cependant, par cette manœuvre Tchang Kaï-chek avait tout de même réussi une double victoire : il avait prouvé aux puissances étrangères qu‟il pouvait défendre son pays alors qu‟on l‟en croyait incapable, ensuite il avait gagné sur le plan stratégique en amenant une grande partie des forces de l‟empire nippon à l‟embouchure du Yangzi, qui ne voulait surtout pas ouvrir un deuxième front 356. Mais pour une question d‟honneur et de prestige, la concession japonaise ne pouvait pas être abandonnée à l‟ennemi. 350 F.F. Liu, op. cit. Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 352 Hans J. Van de Ven, Op. Cit., 353 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note décembre 1937 354 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note 6 septembre 1937 355 James B. Crowley, Op. Cit. 356 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note 27 décembre 1937 351 100 L‟empire du Japon avait ainsi envoyé la quasi-totalité de son armée régulière pour garder Shanghai 357, or cette stratégie avait été justement proposée par von Falkenhausen deux ans plus tôt dans son rapport de 1935 Propositions concernant la situation actuelle. Pour ce général, il fallait absolument attirer les troupes japonaises dans la région garnie de fortifications du Yangzi, puis reculer si la situation l‟exigeait jusqu‟à la lointaine région montagneuse du Sichuan située à plus de 2000 kilomètres de Shanghai. La nature du terrain y était bien plus propice à une guerre défensive que sur les grandes plaines de la Chine du nord. Et selon von Falkenhausen, le Japon qui devait maintenir déjà 100 000 hommes en Mandchourie depuis 1931, ne pouvait se permettre de maintenir une armée d‟occupation sur l‟ensemble de la Chine. Ainsi il fallait se défendre contre les japonais mais toujours en reculant afin d‟étendre leur ligne de communications et le coût logistique de la guerre. Sachant qu‟avec le danger d‟une intervention des Russes en Mandchourie il était impossible pour l‟empire du soleil levant de lancer toutes ses forces dans la bataille, comme le raconte une note envoyée par le général à Berlin pendant l‟été 1937. Il y parla de l‟armée chinoise en termes très élogieux et pensait qu‟elle avait toute les chances de remporter cette guerre : « Les chances d‟une victoire chinoise ne sont pas impossibles parce que les Japonais – connaissant la possibilité d‟une intervention Russe – ne pourront pas utiliser toute leur forces contre les Chinois. L‟infanterie chinoise est de bonne qualité, l‟armée de l‟air chinoise est sur le point d‟égaler celle des japonais [et] le moral de l‟armée chinoise est grand » 358 Sur les deux derniers points on peut cependant avoir des doutes, l‟aviation chinoise, environ 600 appareils, fut entièrement détruite par les japonais lors des premiers mois de la guerre 359. D‟ailleurs, les instructeurs italiens du général Roberto Lordi (1894-1944) qui y travaillaient n‟hésitèrent pas à aller du côté japonais dès le début avant d‟être rappelés en Italie par Mussolini 360-361. Quant au moral chinois, il était loin d‟être au plus haut, car malgré le fait que les troupes nationalistes aient tenu en respect les Japonais pendant 3 mois, lorsque le haut-commandement décida d‟ordonner la retraite, ce fut un véritable sauve-qui-peut. Les unités devaient se cacher durant la 357 Journal « The Time Magazine », 6 septembre 1937, USA Hans J. Van de Ven, Op. Cit., 359 Herbert Rosinski ,The Strategy of the Sino-Japanese Conflict, Pacific Affairs, Vol. 11, No. 1, 1938 360 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 361 Arthur Nichols Young, Op. Cit., 358 101 nuit pour ne pas être attaquées par les bombardiers japonais, et aucune division ne tenta de lancer une contre-attaque. La retraite de Shanghai et l‘inefficacité de la « ligne Hindenburg chinoise » Les troupes chinoises devaient officiellement utiliser la « ligne Hindenburg chinoise » afin de pouvoir pratiquer une « défense élastique ». Pour rappel, une « défense élastique » est une manœuvre qui consiste, pour une armée en retraite, à attendre le moment favorable où les forces ennemies seront tellement étendues qu‟elle pourra lancer une contre-attaque dévastatrice. Les officiels chinois avaient ainsi promis une défense de six mois grâce à cette ligne de défense 362 mais, dans la panique de la retraite, la plupart des forts furent désertés par les occupants tandis que les défenseurs qui arrivaient de Shanghai virent que les clés n‟étaient pas là : emportées soit par les notables locaux qui en avaient la charge mais qui s‟étaient enfuis, soit par les anciens occupants qui étaient aussi partis 363. Il était donc tout simplement impossible d‟opposer une résistance sérieuse aux Japonais dans l‟incapacité qu‟ils se trouvaient de pouvoir utiliser les forts et les bunkers. Ainsi, le plan de Tchang Kaï-chek d‟étendre au maximum le conflit sur le territoire chinois, en partie inspiré des idées d‟Alexander Von Falkenhausen, avait réussi sur les plans diplomatique et stratégique. Mais le coût d‟une telle opération se révéla rapidement très important ; Shanghai avait été prise, donnant ainsi aux japonais une solide tête de pont en Chine : sur les 750 000 Chinois qui l‟avaient défendue, on enregistrait près de 50% de pertes entre les blessés et les morts. La « ligne Hindenburg chinoise » n‟avait pas fonctionné alors qu‟elle avait coûté des millions de Yuan et désormais les japonais se trouvaient à moins de 300 kilomètres de Nankin, la capitale chinoise. Ils n‟avaient désormais qu‟à remonter le fleuve pour la prendre. Suite à la défaite des troupes chinoises face aux hommes du Mikado à Shanghai et à la déroute qui en suivit, la question se posa au quartier général chinois s‟il fallait défendre coûte que coûte la capitale de la Chine face aux troupes japonaises, ou alors la déclarer « ville ouverte » pour éviter des pertes civiles. Sachant que les japonais se trouvaient à quelques jours de marche et que la « ligne Hindenburg chinoise » n‟avait pas du tout fonctionné, la situation était particulièrement critique. Alexander Von 362 Journal « The Time Magazine », États-Unis, 29 novembre 1937 363 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit. 102 Falkenhausen et les autres conseillers penchèrent du côté de la prudence et conseillèrent à Tchang Kaï-chek d‟abandonner entièrement la capitale 364. Un conseil qui fut connu rapidement de tous, puisque John Rabe (1882-1950), l‟homme d‟affaire allemand travaillant pour Siemens qui sauva de nombreuses personnes lors du massacre de Nankin, notera dans son journal : « Le général Von Falkenhausen et tous les autres conseillers allemands pensent que [défendre la ville] est inutile. »365 Mais Tchang Kaï-chek ne voulant pas abandonner sans combattre sa capitale, et surtout le mausolée de Sun Yat-sen. Ainsi furent stationnés près de 80 000 hommes sous la direction du général Tang Shengzhi 366 qui s‟était porté volontaire pour diriger la ville. Il déclara : « [Abandonner Nankin serait] trahir la mémoire de Sun Yat-sen […] Je ne reculerai devant aucun sacrifice dans la défense de Nankin. »367 Mais malgré l‟apport de divisions entraînées directement par les Allemands (la 38 e, la 87 e et la 88 e), les troupes chinoises ne purent défendre correctement la ville pour de nombreuses raisons : elles n‟avaient pas d‟effectifs complets suite à la bataille de Shanghai, un nombre constant de réfugiés perturbait le déroulement des opérations par leur présence sur les routes, les soldats chinois fuyaient les combats sans être dirigés par des officiers, les troupes japonaises étaient très importantes et le matériel de guerre chinois était de mauvaises qualité 368. C‟est pourquoi, après seulement quatre jours de combats, du 9 au 12 décembre, le général Tang Shengzhi décida une retraite générale. Celle-ci tourna une nouvelle fois en déroute et provoqua la mort de nombreux civils lors du massacre de Nankin. Le reste du séjour Pendant le reste de la guerre et jusqu‟à leur rappel définitif, les conseillers militaires allemands continuèrent de travailler aux côtés des Chinois, pour la plupart d‟entre eux dorénavant à Hankou, qui fut le siège du gouvernement chinois jusqu‟à la 364 Higashinakano Shudo, The Nanking massacre : fact versus fiction, Sekai Shuppan inc, 2006, Japan 365 John Rabe, The Good Man of Nanking: The Diaries of John Rabe, ed. Erwin Wickert New York, 1998 366 David Askew, Defending Nanking: An Examination of the Capital Garrison Forces, Ritsumeikan Asia Pacific University 367 Hans J. Van de Ven, War and nationalism in China (1925-1945), Routledge Curzon, London, 2003 368 David Askew, op. cit., 103 prise de la ville par les Japonais en septembre 1938 369. Ainsi, après les nombreuses défaites que subit l‟armée chinoise lors de l‟année 1937, de nombreuses régions tombèrent aux mains des Japonais. Cependant, l‟incident de l‟USS Panay, le 12 décembre 1937, stoppa légèrement les velléités nipponnes suite aux nombreuses critiques que formulèrent les chancelleries occidentales. Pendant quelques mois, les Chinois profitèrent ainsi de ce court répit, ce qui leur permit de remporter une première victoire face aux Japonais à la bataille de Taierzhuang en avril 1938, selon le diplomate Paul-Émile Naggiar . Or pour cet ambassadeur les efforts des pilotes russes et des conseillers allemands étaient justement « responsables de ce redressement »370 : suite à leurs conseils, les Chinois y attaquèrent de nuit pour ne pas être bombardés par les avions japonais et utilisèrent pour la première fois des canons « 150 millimètres Howitzers » de fabrication germanique, pour lesquels les artilleurs avaient été formés par les Allemands 371, tandis que les pilotes russes harcelaient les lignes japonaises. Paul-Émile Naggiar entendit aussi parler d‟un Allemand qui organisa une ligne de défense le long du fleuve jaune près de la ville de Xuzhou et de deux autres instructeurs militaires qui auraient été capturés par des troupes japonaises puis maltraités par leurs gardiens 372, preuve que ces personnes étaient considérées comme importantes par les Japonais. Par mesure de sécurité, les conseillers allemands se défendaient de participer aux réunions d‟état-major373 mais tout le monde savait pertinemment que Tchang Kaï-chek demandait des avis stratégiques à ses conseillers pour vaincre les Japonais. Ainsi, lors de la bataille de Taierzhuang, le général Von Falkenhausen était présent chaque jour au sein du quartier général chinois 374. Mais les instructeurs militaires allemands, pendant le reste de leur séjour en Chine, ne pouvaient plus vraiment faire pencher définitivement la balance des combats en faveur de la Chine du fait de leur trop petit nombre (moins d‟une quarantaine) 375. De plus, dès le mois de février 1938, le bruit courrait dans les ambassades que le 369 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 370 Archives du quai d‟Orsay, carton 538 « sur la mission allemande » 371 Billie K. Walsh, The German Military Mission in China, 1928-38, The Journal of Modern History, Vol. 46, No. 3, The University of Chicago Press, USA, 1974 372 Archives du quai d‟Orsay, carton 538 « sur la mission allemande » 373 Dépêche Reuters, 25 mai 1938 374 Dépêche Reuters, 25 mai 1938 375 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit. 104 gouvernement allemand avait promis aux Japonais de rappeler ses ressortissants militaires présents en Chine 376. Les conseillers Allemands, objet de manœuvres diplomatiques Déjà pendant les années précédant le deuxième conflit sino-japonais, les services diplomatiques français s‟aperçurent que les Japonais étaient inquiets de la présence de la mission militaire allemande et des accords qui étaient passés entre l‟Allemagne et la Chine. À titre d‟exemple, au moment de la négociation de l‟accord H.A.P.R.O. – surnommé le « traité des 100 millions » – durant l‟été 1936, ou encore lors de l‟aide pour la construction d‟un arsenal à Canton : dans les deux cas cela ne fut pas du goût des Japonais. Par voie de presse, des éditorialistes se déchaînaient contre une telle entente et expliquaient que ce rapprochement sino-germanique risquait de mettre le feu aux poudres en Asie et de déclencher une guerre 377. Quant aux services diplomatiques japonais, dès décembre 1937, ils demandèrent le retrait pur et simple des conseill ers militaires allemands, alors que ceux-ci étaient officiellement en Chine à titre privé et sous contrat. Ils fournirent comme prétexte que ceux-ci planifiaient les opérations chinoises au lieu de donner simplement des conseils militaires, ce qui portait atteinte au bon déroulement des opérations en Chine 378. Cette stratégie de pressuration sur leur allié européen peut se comprendre du fait que, depuis le 25 novembre 1936, l‟Allemagne nazie et l‟empire du Japon étaient officiellement alliés par la signature du pacte anti-Kominterm qui les protégeait mutuellement en cas d‟attaque de la part de l‟URSS 379. Ainsi, les Japonais ne pouvaient voir que d‟un mauvais œil l‟Allemagne laisser une quarantaine de ses ressortissants, spécialistes en matière d‟armement et de guerre, aider la Chine à construire une meilleure armée et une industrie nationale. Pendant un très long moment, les efforts des diplomates japonais semblaient vain. La mission militaire allemande paraissait si bien ancrée en Chine qu‟un diplomate français affirmait en septembre 1936 : « il ne me semble pas qu‟il soit encore question de voir cesser à plus ou moyenne échéance l‟activité de la mission que dirige le général 376 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », France 377 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 378 Billie K. Walsh, op. cit. 379 Gerhard Weinberg, The Foreign Policy of Hitler's Germany Diplomatic Revolution in Europe 1933-36, University of Chicago Press, 1970 105 Falkenhausen »380. Puis en février 1938, selon la même source, « les allemands assurent que leurs instructeurs seront maintenus et que leurs envois d‟armes et de munitions continueront »381. Mais les conseillers, suite à la pression constante du gouvernement japonais sur celui du III e Reich, recevront finalement l‟ordre de partir moins de cinq mois plus tard au cours du printemps 1938. Alors que cette guerre asiatique commençait, l‟Allemagne se retrouvait dans une position particulièrement délicate. Son allié politique, qu‟était le Japon suite à la signature du pacte anti-Kominterm, était en guerre avec l‟un de ses premiers partenaires commerciaux, la Chine, qui représentait 16% des exportations allemandes à la veille de la guerre382. Le gouvernement allemand devait donc jouer sur les deux tableaux afin de ne pas mécontenter ses partenaires asiatiques. Hitler, pour ne pas vexer Tchang Kaï chek, avait par exemple attendu très longtemps pour reconnaître le régime fantoche de l‟empereur Pu Yi en Mandchourie. Il ne l‟avait fait qu‟en février 1938, soit de nombreux mois après son allié italien qui l‟avait reconnu dès le 29 novembre 1936. En agissant de cette manière, Hitler commençait à montrer aux Chinois que sa politique asiatique pencherait en faveur des Japonais car seuls deux autres états à travers le monde, le Salvador et le Vatican – avec l‟Italie – avaient reconnu le Mandchoukouo 383. Cependant, on pouvait se douter à l‟époque que l‟Allemagne pencherait définitivement pour le Japon car, lors de son discours où il reconnaît le régime de Pu Yi, Hitler expliqua clairement comment il considérait le Japon comme le meilleur allié qui saurait lutter efficacement contre le communisme en Asie, à la différence de la Chine 384. « Je ne considère pas la Chine assez forte, que ce soit spirituellement ou matériellement, pour résister avec ses propres forces contre n‟importe quelle attaque des bolcheviques [le Japon au contraire devait être considéré comme] un élément de sécurité [contre l‟URSS] »385 On peut expliquer la longue hésitation d‟Hitler de plusieurs façons. D‟une part, le poids du commerce entre la Chine et l‟Allemagne était tel que se défaire d‟un tel marché 380 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 381 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 382 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 383 André Siegfried, Les canaux internationaux et les grandes routes maritimes mondiales, Recueil des cours, éditeur Sirey, Volume 74, 1950 384 Kurt Bloch, German interests and policies in the far east, institute of pacific relations, USA, New York, 1940 385 William C.Kirby, Germany and Republican China, op. cit. 106 aurait risqué de porter un coup aux exportations allemandes, comme le rapporta l‟ambassadeur français à Berlin, André François-Poncet (1887-1978)386. D‟autre part, de nombreuses personnes en Allemagne militaient pour un rapprochement avec la Chine, et une partie de l‟opinion publique en Allemagne espéraient surtout que le conflit sino japonais se terminerait rapidement avec des négociations qui auraient pu permettre aux Chinois de rentrer dans le pacte anti-Kominterm 387. D‟ailleurs, une partie de la presse soutenait toujours la Chine, comme le journal Deutsche Allgemeine Zeitung, classé très à droite de l‟échiquier politique, qui publia en janvier 1938 un article faisant l‟éloge du maréchal Tchang Kaï-chek et expliquant qu‟il n‟accepterait jamais que les communistes, aussi bien russes que chinois, ne prennent le contrôle de la Chine 388. Mais les propositions économiques japonaises concernant un partage des richesses en Chine occupée, l‟échec de la médiation allemande pour une paix ainsi que l‟impossibilité de voir la Chine rejoindre le pacte anti-Kominterm suite à la signature du pacte de non-agression signé entre la Chine nationaliste et l‟URSS, le 21 juillet 1937, firent finalement pencher la balance en faveur du Japon 389. L‘ordre de départ des conseillers Allemands Après ces nombreux mois de tractations et de pressions de la part du Japon, le chancelier du III e Reich demanda officiellement à la Chine, le 22 juin 1938, de rompre le contrat qui attachait les conseillers militaires allemands encore présents en Chine avec le gouvernement de Tchang Kaï-chek. À titre d‟exemple, von Falkenhausen, comme certains de ses subordonnés devait rester jusqu‟en 1940 390. Le gouvernement allemand s'engagea aussi à donner en échange de cette rupture de contrat une compensation de six mois de salaire et la promesse d‟un poste dans la Wehrmacht dès que les conseillers reviendraient en Allemagne 391. D‟une manière bien moins officielle, les autorités allemandes promirent aussi à tous ceux qui souhaitaient rester contre la volonté du gouvernement allemand que leurs familles subiraient de sévères répercussions : envoi 386Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 387 En mars 1938 la « ostasiatischer verain Hambrug-bremen » (l‟association pour l‟extrême orient d‟Hambourg et Brême) organisa un banquet où chacun souhaitait la fin de la guerre. Source Archives du quai d‘Orsay, dossier Chine 1918-1940, carton 679 « relation Allemagne-Chine » 388Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 389 William C.Kirby, Germany and Republican China, op. cit. 390 Journal « The New York Times», États-Unis, 20 mai 1938 391 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 107 dans des camps de concentration et confiscation leurs biens s‟ils n‟obtempéraient pas392. L‟agence française d‟information HAVAS fit donc paraître un bulletin expliquant que les conseillers militaires allemands partaient de Chine afin que le pays puisse « signaler sa neutralité dans le conflit chino-japonais »393. Tchang Kaï-chek avait aussi été tenté de forcer ses conseillers à rester sur place, mais l‟Allemagne lui avait assuré qu'un tel acte risquait de rompre toute relation diplomatique entre les deux pays. Une plus grande résistance de la part des militaires étaient attendue des services diplomatiques français qui croyaient que Van Falkenhausen ne rentrerait pas en Allemagne, ou alors que certains militaires se feraient naturaliser comme citoyens chinois. Mais la peur de voir leur famille envoyée en camps de concentration avec confiscation des biens fera que sur les quarante derniers conseillers, seuls quelques-uns restèrent en Chine. Ces personnes pouvaient se permettre cette liberté de choix : soit ils ne possédaient plus rien, soit ils étaient des opposants au régime nazi. À titre d‟exemple, le capitaine Walter Stennes avait été expulsé du NDSAP en 1931 et l‟un des techniciens avait vu ses deux frères tués par le régime hitlérien 394. Il leur était simplement impossible de revenir au pays. Cette mesure, très extrême de la part du gouvernement allemand pour faire revenir ses ressortissants, n‟était pas vraiment une surprise car de nombreux conseillers voulaient rester auprès des forces du Kuomintang jusqu‟à la fin de leur contrat, comme l‟écrivit le diplomate Naggiar, en janvier 1938 : « [Les conseillers militaires allemands] prennent soin de faire preuve du plus complet loyalisme envers le gouvernement chinois » L‟ambassadeur Trautmann quant à lui, voulait faire revenir les conseillers militaires petit à petit afin d‟éviter que le commerce allemand avec la Chine n‟en pâtisse trop rapidement. Mais Joachim von Ribbentrop (1893-1946), le ministre des affaires étrangères d‟Hitler, le rappella violemment à l‟ordre en lui écrivant qu‟il devrait savoir qu‟en tant que « vieux fonctionnaire qu‟il faut obéir aux ordres »395. Pour son indocilité, l‟ambassadeur fut par ailleurs rappelé au pays quelques mois plus tard pour être 392 William C.Kirby, Germany and Republican China, op. cit. 393 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 394 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 395 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 108 remplacé par l‟ancien chef de la mission allemande, Hermann Kriebel, comme représentant du Reich. En conséquence, Tchang Kaï-chek, après avoir accepté de renvoyer tous les Allemands chez eux, leur offrit un grand dîner d‟adieu le 6 juillet 1938. Il y fut lui même présent et leur rendit hommage pour tout le travail qu‟ils avaient réalisé, alors qu‟il refusa à plusieurs reprises de rencontrer l‟ambassadeur allemand Oskar Trautmann les semaines précédentes 396. Ce fut suite à ce dîner et quelques jours avant son départ que Von Falkenhausen déclara aux journalistes : « Je suis sûr que la Chine arrivera à la victoire finale. Le J apon échouera aussi bien dans la paix que dans la guerre. »397 Cette déclaration était loin d‟être juste une petite phrase pour provoquer le gouvernement allemand et japonais, car Alexander von Falkenhausen croyait fermement en une victoire de la Chine. Il avait par exemple, quelques mois plus tôt, en mars 1938, expliqué à l‟attaché militaire des Etats-Unis, James Marshall McHugh, que « Les chinois peuvent gagner cette guerre s‟ils continuent [sans arrêt le combat] »398. Les conseillers militaires partirent deux semaines plus tard en prenant le train « Hankou – Hong-Kong ». Mais les Japonais bombardèrent la ligne de chemin de fer à l‟avant et à l‟arrière du train provoquant l‟arrêt des wagons pendant plusieurs heures, faisant du convoi une cible très facile en cas de nouvelles attaques. Les services secrets français s‟interrogèrent sur une possible provocation japonaise ; ceux-ci avaient d‟ailleurs déjà fait déclarer par la voix de la presse que le départ de la mission militaire allemande ferait perdre 20% de la combativité et de la qualité des troupes chinoises 399. Après le départ de la mission officielle, moins d‟une dizaine d‟Allemands, du fait de leur différend avec le régime hitlérien, préférèrent rester en Chine au service de la République chinoise. Mais ceux-ci n‟étaient vraiment pas nombreux et leur influence, comparée aux autres missions militaires des autres puissances qui étaient en Chine avec beaucoup d‟hommes, comme l‟URSS et les Etats-Unis, ne pouvaient être que minime. D‟autant plus avec le refroidissement des relations entre les deux pays et la 396 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 397 Journal « Time Magazine », États-Unis, 18 Juillet 1938 398 N.A.R.A., boîte numéro 1513, Records of the Military Intelligence, microfilm numéro 36, rapport intitulé «Politico-military situation », mars 1938 399 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande » 109 reconnaissance par l‟Allemagne du régime chinois fantoche de Nankin dirigé par Wang Jingwei ou encore à la déclaration de guerre officielle entre les deux pays en 1941. On peut cependant retenir plusieurs noms d‟Allemands encore présents, comme le capitaine Walter Stennes, ancien nazi qui deviendra le responsable personnel de la sécurité de Tchang Kaï-chek et son aide de camp, Freiherr von Imhof, un spécialiste de l‟artillerie motorisée qui dirigea une école de motorisation dans la ville de Taikui, ou encore le docteur W. Baerensprung, ancien socialiste devenu réfugié politique qui eut la charge du contre-espionnage chinois. L‘utilisation des soldats Chinois formés et équipés « à l‘Allemande » dans la propagande de guerre Malgré le départ des conseillers allemands, la propagande sut s‟emparer des divisions chinoises qui avaient endossées les uniformes de la Wehrmacht pour montrer une Chine organisée, disposant d‟une bonne armée et prête à se battre contre l‟envahisseur japonais. Dans un pamphlet intitulé China fights back, publié par le journal Hongkongais South China Morning Post, le lecteur pouvait voir de nombreux soldats, cadets et officiers chinois portant des uniformes allemands et se battant avec de l‟armement moderne pour défendre leur pays400. Alors que la majorité des soldats Chinois pendant ce conflit ne possédait qu‟une formation sommaire et des armes de mauvaise qualité, ce journal présenta l‟Armée Nationale Révolutionnaire comme une force de combat moderne susceptible de repousser l‟envahisseur japonais. 400 Seeds of conflict: The sino-japanese conflict (1931-1941), éditeur Nendeln Kraus Reprint, Pays-Bas, 1980 110 Un magazine de propangade intitulé The war pictorial, imprimé en langue anglaise et chinoise, vantait les mérites de l‟ANR en mettant en exergue les troupes formées par les Allemands. Dans chacun des pages on peut retrouver des photos de soldats chinois combattant avec beaucoup d‟entrain les Japonais. Les couvertures proviennent de photographies prisent lors de la bataille de Shangaï. 111 Concernant les actualités cinématographiques, aucun reportage en Allemagne ne fut consacré à la mission militaire allemande401. Mais l‟image de soldats chinois habillés et casqués comme les soldats de la Wehrmacht resta bien connue aux États-Unis. Ces images furent utilisées pour de la propagande à destination des soldats américains. Elles furent présentes dans le film de propagande Why we fight – The battle of China402 du réalisateur Frank Capra (1897-1991). Ce documentariste réalisa pas moins de sept films pour le compte de l‟armée américaine, tous destinés aux troupes afin de montrer que le nouveau conflit mondial était inévitable et qu‟ils avaient pour mission de promouvoir la démocratie. Ces films décrivaient comment les puissances de l‟Axe souhaitaient s‟emparer de la terre entière et assujettir la population mondiale à un régime dictatorial. Le premier de ces films, Prelude to War reçut même un oscar dans la catégorie « meilleur documentaire » en 1942. L‟avant-dernier volet de cette collection intitulé The Battle of China, sorti en 1944, visait particulièrement le Japon en parlant du supposé Mémorendum Tanaka qui visait à la conquête du monde par le Japon. Comme l‟expliqua le commentateur du film : « Voici quel était leur rêve. Première phase – l‟occupation de la Mandchourie pour ses ressources minières. Deuxième phase – l‟absorption de la Chine pour sa population. Troisième phase – une conquête rapide des riches Indes Orientales [Indonésie, Malaisie, Indochine, Philippines, Nouvelle Guinée]. Quatrième phase – la conquête des États-Unis » Fort heureusement, selon Frank Capra, le maréchal Tchang Kaï-chek, qui avait unifié le pays, résistait vaillamment à l‟agression grâce à ses concitoyens « qui venaient [de partout] pour former l‟armée du peuple »403. De là, le spectateur pouvait voir des hommes habillés en civil en provenance de toutes les régions de Chine, puis d‟assister à des scènes d‟entraînement avant d‟observer des soldats chinois habillés de pied en cap de l‟uniforme allemand, bien ordonnés et armés avec des fusils404. De cette manière, le montage du film cherche à prouver que la Chine formait une armée capable de résister à l‟envahisseur pour contrer les plans de domination mondiale du Japon. Et ce alors même que l‟Armée Nationale Révolutionnaire ne 401 Bundesfilm archiv... www.archive.org/details/BattleOfChina 403 Frank Capra (réalisation), Why we fight – The battle of China, USA, 1943, 41e minute 404 Ibid., 41e-43e minute 402 112 fut jamais capable de posséder une majorité de divisions correctement équipées ni de réaliser une contre-offensive militairement efficace. Découpage de la séquence : Un plan expose des volontaires chinois venus de toutes les régions du pays pour s’engager contre les Japonais. Le montage du film indique que ces volontaires reçoivent des séances d’entraînement. Après celles-ci ils sont habillés, organisés, équipés et armés de pied en cap comme des soldats allemands. Pendant plus d’une minute le spectateur les voit ainsi défiler de manière disciplinée. On peut, grâce à cet extrait de propagande, vérifier l‟importance de la mission militaire allemande. En plus d‟avoir amélioré les troupes du Kuomintang sur le plan moral, matériel et éducatif, l‟apport des conseillers allemands se révéla utile à la propagande de guerre bien après leur départ. Il est même amusant de constater que soixante ans plus tard, dans une série de jeux vidéo stratégiques consacrés à la Deuxième Guerre mondiale, entre tous les documents photographiques auxquels avaient droit les créateurs, ce furent finalement en 113 grande partie des photos de propagande comme celle du South China Morning Post et de The Battle of China qui furent utilisées405. 3) La guerre des conseillers russes et américains (1937-1942) Sachant qu‟il ne gagnerait jamais la guerre sans aide extérieure et qu‟il n‟était pas certain de pouvoir garder indéfiniment ses conseillers allemands, Tchang Kaï-chek fit appel à l‟URSS et aux États-Unis afin de l‟aider dans la guerre. Pour le premier, il savait que Staline avait peur d‟être pris en tenaille par le pacte antikomminterm et pour le deuxième, c‟était l‟un des seuls pays démocratiques encore capables de ne pas avoir peur d‟une invasion japonaise sur ses colonies. Au delà de l‟apport matériel et diplomatique, de nouveaux conseillers militaires furent envoyés pour soutenir le Kuomintang et son armée. L‘apport matériel russe Alors que les hostilités venaient de débuter, l‟URSS décida, dès le mois d‟octobre 1937, d‟envoyer du matériel à la Chine pour l‟aider à résister face aux Japonais 406. Pour Staline, il était tout simplement vital que la Chine nationaliste tint le plus longtemps possible face au Japonais, car sans adversaires en Asie, l‟empire du Mikado pouvait ensuite se tourner vers la Russie et prendre en tenaille l‟Union Soviétique avec l‟aide des Allemands. Sachant que les deux pays avaient signé le pacte anti-Kominterm, il était fort possible que le Japon honorât ses engagements. Pour ces raisons, l‟URSS accepta d‟envoyer du matériel et de signer un pacte de non-agression le 21 août 1937 avec le Kuomintang, chose que le Kremlin n‟avait jamais envisagée jusqu‟alors 407. L‟aide matérielle russe envoyée à la République chinoise était tout simplement incomparable face à ce que la mission militaire allemande avait permis d‟apporter à la Chine. À titre d‟exemple, six mois après la signature du traité, la Russie envoya plus d‟armes lourdes (tanks, canons, avions) que l‟ensemble des commandes délivrées par les Allemands en onze ans de relations 408. Durant les quatre années de coopération entre la Russie et la Chine, plusieurs accords de prêt d‟une somme totale de 250 millions de dollars furent signés entre les deux pays, permettant ainsi aux forces du Kuomintang de 405 Voir la série « Hearts of Iron » de la société Paradox Interactiv Evans Carlson, The chinese army, institute of pacific relations, New York City, USA, 1940 407 Jung Chang et Jon Halliday, op. cit. 408 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction) op. cit., p. 289 406 114 recevoir 900 avions, 82 tanks, 2 000 pièces d‟artillerie, 10 000 mitrailleuses et 50 000 fusils et des munitions pour un prix de vente bien inférieur à celui du marché international 409. Par exemple, le diplomate Wellington Koo (1887-1985) écrivit dans ses mémoires que la Chine obtint pour 160 millions de roubles une livraisons de plusieurs tonnes de munitions. Or, comparée aux prix du marché international, cette livraison valait en réalité 400 millions de roubles. En échange de tout cela, la Chine s‟engageait à fournir des ressources pour l‟industrie soviétique 410. D‟ailleurs, le Kuomintang était si dépendant de l‟aide russe que lorsque la région du Xinjiang, sous contrôle des nationalistes, fut prise par le seigneur de guerre Sheng Shicai (1897-1970) en aout 1937, avec l‟aide de l‟union soviétique, le Kuomintang refusa de le reconnaître publiquement. Les officiels chinois prétextèrent alors que ce tte information était de la propagande japonaise ; un incident diplomatique fut ainsi évité pour ne pas embarrasser le Kremlin et s‟assurer de recevoir cette aide matériel 411. Tchang Kaï-chek profita de sa nouvelle relation avec le Kremlin pour pousser les Soviétiques à attaquer le Japon, mais Staline refusa continuellement de céder à sa demande. Pendant les années qui suivirent, les Chinois continuèrent à essayer de convaincre ce dernier et créerent même un nombre considérable de faux rapports japonais qui devaient prouver aux Russes que la Sibérie allait être la cible d‟une attaque de l‟armée du Kwantung 412. Les conseillers et pilotes russes En plus de fournir et de vendre du matériel à prix réduit aux Chinois, l‟URSS envoya plusieurs volontaires qui prirent part aux combats. Près de 700 pilotes et mécaniciens vinrent se battre sous les drapeaux du Kuomintang et 200 d‟entre eux perdirent même la vie face aux Japonais 413. En plus de l‟infériorité numérique de la flotte aéronautique chinoise, l‟état-major avait réalisé, quelques mois après le début des hostilités, que les instructeurs italiens avaient été particulièrement incompétents lors des formations qu‟ils avaient assurées. Si l‟espace aérien chinois put être défendu, ce fut en 409 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit., p. 290 Jonathan Fenby, Generalissimo: Chiang Kai-shek and the China He lost, Da Capo Press, USA, 2005, p. 322 411 Hsiao-ting Lin, Modern China's Ethnic Frontiers: A Journey to the West, Taylor & Francis, série Routledge Studies in the Modern History of Asia, USA, 2010 p. 58 412 Vasilii Chuikov, Mission to China, memoirs of the Soviet military adviser to Chiang Kaishek, White Plains, New-York, États-Unis, 2004 413 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction) op. cit., p. 290 410 115 grande partie grâce aux pilotes russes qui étaient bien plus compétents que leurs homologues asiatiques 414. Ils jouèrent aussi un rôle important lors d‟attaques sur les positions ennemies. Par exemple lors la bataille de Taierzhuang, ils harcelèrent continuellement les lignes japonaises qui venaient d‟être enfermées par les Chinois. Se retrouvant sous le feu continuel combiné des pilotes russes, des canons allemands et des troupes chinoises, les Japonais ne purent tenter une sortie pour rejoindre des lignes amies et furent en grande partie tués au cours de la bataille. Un an plus tard, les pilotes russes réussirent un coup de maître en bombardant une cérémonie officielle de l‟aviation japonaise : sans pertes, une quarantaine d‟avions furent détruits et de nombreux officiers supérieurs japonais y perdirent la vie 415. Dans le domaine de l‟aviation, les pilotes russes assurèrent aussi les fonctions d‟instructeurs auprès des jeunes pilotes chinois 416. Au début du conflit, ils donnèrent de nombreux conseils aux pilotes du Kuomintang et des escadrilles mixes furent mises en place afin que les cadets chinois puissent apprendre au mieux l‟utilisation des nouveaux avions soviétiques. Puis à partir de 1940, certaines escadrilles étaient suffisamment expérimentées pour combattre seules les Japonais. Plus de 1 000 pilotes et 8 000 techniciens furent ainsi formés par les équipes aéronautiques russes 417. Tchang Kaï-chek demanda aussi au Kremlin de lui envoyer de toute urgence, à partir de juin 1938, des conseillers militaires, suite au départ des instructeurs alle mands. Avec les nombreuses pertes que venaient de subir l‟armée chinoise, et particulièrement le corps des officiers qui avaient été durement touchés pendant la bataille de Shanghai, il fallait impérativement trouver des remplaçants aux conseillers alleman ds. De 27 conseillers présents pendant l‟été 1938, leur nombre passa à 80 en octobre 1939, pour atteindre 140 au début de l‟année 1941. Jusqu‟à 300 conseillers militaires furent présents en Chine ; en plus d‟appartenir à l‟état-major de Tchang Kaï-chek pour aider à la planification des plans de batailles, ils travaillèrent à continuer la formation des troupes et des officiers. Plus de 90 000 élèves furent ainsi formés, rien que dans les écoles militaires tenues par les officiers de l‟Armée rouge 418. 414 SHD, série 7N, carton numéro 3300, note 1er mars 1938 Anatolii Demin (traduit par George M. Mellinger), Soviet Fighters in the Sky of China IV (1937-1940), by Aviatsiia i Kosmonavtika, Russie, numéro 12, 2000 416 Ibid. 417 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction), op. cit., p. 291 418 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction) op. cit., p. 291 415 116 Sur le plan stratégique, le dernier chef de la mission russe en Chine livra un témoignage fort intéressant dans un livre autobiographique. Les conseillers militaires qui étaient présents au sein de l‟état-major chinois ou des commandants sur le terrain apprirent rapidement à voir leurs conseils remis en question ou simplement ignorés. Les généraux chinois ne supportaient pas la critique et ne voulaient pas que des Occidentaux remettent en cause leur sens de la stratégie devant leurs subordonnés. Vassily Chuikov lui même essaya de persuader Tchang Kaï-chek de lancer des contres-offensives en proposant des plans d‟attaque, mais il furent la plupart refusés par le chef du Kuomintang. Une fois cependant, lorsque la situation sur le front chinois empirait au cours de la deuxième bataille de Changsha en septembre 1941, les conseillers soviétiques trouvèrent soudainement une oreille beaucoup plus attentive à leurs conseils. Vassily Chuikov fut envoyé sur le terrain afin de préparer une contre-offensive pour arrêter l‟avance des Japonais. Ce fut l‟unique fois où Tchang Kaï-chek fit assez confiance aux Soviétiques pour leur confier entièrement la mise en place de la stratégie de l‟offensive419. Mais le chef du Kuomintang avait besoin d‟une victoire pour prouver aux Américains que la Chine était capable de triompher des Japonais. Grâce à ces conseils et à celui de ses camarades, les Chinois sortirent victorieux de cet affrontement avec l‟armée impériale. Mais à la différence des généraux allemands qui s‟épanchaient souvent dans la presse, le général russe ne fit aucune déclaration publique. Il laissa au contraire tout l‟espace médiatique aux généraux chinois afin qu‟on ne puisse accuser le Kuomintang d‟être une marionnette aux mains de l‟Union soviétique 420. Ce qui était justement l‟un des arguments des Japonais qui proclamaient qu‟ils voulaient vivre dans une Asie pacifiée et dans laquelle le communisme n‟aurait pas sa place 421. En mettant en avant les conseillers russes, Tchang Kaï-chek aurait donné aux Japonais des armes pour leurs propagande de guerre. La fin de la mission russe Cependant avec l‟agression hitlérienne contre l‟URSS du 22 juin 1941, la plupart des personnes qui travaillaient pour les Chinois furent rappelées pour défendre la « mère Russie » et l‟envoi de matériel s‟arrêta422. L‟URSS devait en effet se défendre contre un ennemi qui arriva aux portes de Moscou en moins de six mois. De plus, sachant que le 419 Ibid., p. 292 Vasilii Chuikov, op. cit., 421 Journal « The Time Magazine », article “ WAR IN CHINA: Belated Push‖, États-Unis, 13 septembre 1937 422 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction) op. cit., p. 250 420 117 Kremlin avait accepté de signer un traité de neutralité avec le Japon le 13 avril 1941 et de reconnaître le Mandchoukouo, toute offensive vers la Sibérie de la part des Japonais semblait écartée 423. L‟aide militaire apportée aux Chinois n‟était plus une priorité alors que les tanks de la Wehrmacht roulaient à vive allure vers la Volga. Certains conseillers devaient rester jusqu‟en 1944, mais globalement la mission d‟aide à la Russie s‟arrêta en 1942, quand le responsable de la mission militaire soviétique Vassily Chuikov fut rappelé à Moscou sans être remplacé. Et dès le mois de juillet 1941, plus aucun pilotes russe ne protégeaient les cieux de la Chine car ils furent tous rappelés sur le front de l‟est 424. Contrairement à la précédente coopération des années vingt qui s‟était terminée par la purge du PCC suite à la volonté de l‟URSS d‟infiltrer les instances du Kuomintang, cette deuxième mission militaire se contenta uniquement d‟aider la Chine à se défendre contre l‟agression japonaise sans chercher une nouvelle fois à noyauter l‟appareil du Kuomintang. D‟ailleurs, l‟ambassadeur chinois T.F. Siang en Russie déclara que : « Moscou était plus intéressée […] d‟aider la résistance en Chine contre le Japon que d‟y propager le communisme. »425 Quand au général Vassily Chuikov, il raconta dans ses mémoires que l‟une des parties de sa mission était aussi d‟éviter qu‟une guerre civile ne commençât entre nationalistes et communistes. Si tel avait été le cas, les Japonais auraient pu profiter des dissensions chinoises et conquérir le pays. Ce ne furent pas moins de 5 000 Soviétiques qui vinrent travailler en Chine pendant l‟ensemble de la mission, comme pilotes, conseillers ou techniciens, afin de parer à cette éventualité 426. Cependant, malgré le pacte de non-agression signé entre l‟URSS et le l‟Empire du soleil levant, Staline ne préféra pas brusquer ses voisins japonais. Dans les années 1942-1945, les Américains avaient espéré pouvoir utiliser le transsibérien pour pouvoir envoyer leur matériel de guerre en Chine ; la situation était particulièrement critique avec la perte de la Birmanie et de l‟Indochine, qui permettaient d‟approvisionner les armées chinoise. Il restait cependant la possibilité de faire passer les marchandise s par le 423 Brian Crozier, The man who lost China, Angus & Robertson, États-Unis, 1977 Guanqiu Xu, The issue of US air support for China during the Second World War, 1942-1945, Journal of contemporary History, volume 36, numéro 3, juillet 2001, p. 459-484 425 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, The nationalist era in China (19271949), Cambridge University Press, New York, USA, 1991, p. 135 426 Jonathan Fenby, op. cit., p. 322 424 118 chemin de fer le long de la Sibérie, mais le Kremlin, par peur de provoquer les Japonais, refusa pendant toute la guerre d‟aider Tchang Kaï-chek à recevoir ce matériel anglosaxon. Claire Lee Chennault, les « Flying Tigers » et l‘influence américaine (1937-1942) En juin 1937 le futur général Claire Lee Chennault (1893-1958) vint en Chine en tant que conseiller militaire. Il avait été mis à la retraite anticipée par l‟US air force suite à ses problèmes de santé ainsi qu‟à ses vues tactiques totalement différentes de celles de l‟état-major de l‟United States Army Air Corps (l‟ancêtre de l‟US Air Force). C‟est pour cette raison qu‟il fut invité par madame Tchang Kaï-chek, qui travaillait depuis des années sur les questions de l‟aéronautique en Chine. Il partit travailler pour l‟armée de l‟air chinoise, mais, afin de ne pas mettre dans l‟embarras son gouvernement, il fut rattaché comme conseiller à la banque de Chine. Une institution où il ne fut bien entendu jamais présent pendant toute la guerre 427. Il n‟était censé rester que trois mois pour donner son avis sur l‟état de l‟armée de l‟air chinoise, mais il y resta finalement pour plusieurs années. Il enseigna de nouvelles techniques de guerre aux pilotes du Kuomintang 428 et commanda la petite communauté de pilotes, d‟instructeurs et de mécaniciens qui étaient employés à titre privé par la Chine429. Le département d‟état des États-Unis, qui voulait absolument tenir le pays en dehors de la guerre, tenta même de faire rentrer ses ressortissants suite aux nombr euses pressions diplomatiques japonaises 430. Près de 900 cadets furent ainsi formés par leurs instructeurs américains de 1937 à 1940 431 et les mercenaires américains en 1937 étaient si nombreux qu‟ils pouvaient utiliser, à eux tous seuls, la moitié des apparei ls chinois432. Mais tant que les conseillers russes étaient présents, Claire Lee Chennault admit lui même dans ses mémoires que les instructeurs soviétiques avaient bien plus d‟influence que lui et l‟« l‟escadrille internationale » composée en grande partie de pilotes anglais, américains, australiens et néo-zélandais qui était sous ses ordres 433. 427 Michael Schaller, American Air Strategy in China, 1939-1941: The Origins of Clandestine Air Warfare, American Quarterly, Volume 28, Numéro 1, États-Unis, printemps 1975, p. 3-19 428 Guangqiu Xu, op. cit., p. 118 429 Ibid, page 119 430 Ibid, page 120 431 GuangqiuXu, op. cit., p. 138 432 Ibid., p. 119 433 Claire Lee Chennault, Way of a Fighter, édition G. P. Putnam's Sons, New York, États-Unis, 1949 119 Puis en 1940, la situation aéronautique de la Chine devint particulièrement critique : la contre-offensive chinoise de 1939 n‟avait pas fonctionné, les Russes baissaient leur aide matériel, les nouveaux chasseurs japonais Mitsubishi A6M « Zero » semblaient trop puissants face aux modèles obsolètes de l‟aviation chinoise : le Japon pouvait désormais bombarder le sud de la Chine grâce à son occupation de l‟Indochine434, le Kuomintang ne possédait plus que 68 avions contre plus de 950 pour le Japon et les nombreux mercenaires qui composaient « l‟escadrille internationale » de l‟armée de l‟air chinoise étaient en grande majorité morts, disparus ou blessés 435. Pour toutes ces raisons, Tchang Kaï-chek décida d‟envoyer Chennault, en octobre 1940, à Washington D.C. afin de convaincre les États-Unis de laisser la Chine acheter des avions de guerre ainsi que de pouvoir employer des pilotes et des mécaniciens volontaires 436. C‟était d‟ailleurs l‟un des seuls pays encore capables de soutenir son régime, car malgré les pressions japonaises, Washington avait accepté de prêter 100 millions de dollars en novembre 1940 suite à la création du Régime de Nankin. Le président Roosevelt, qui pressentait que la guerre avec le Japon était inévitable, accepta d‟aider militairement Tchang Kaï-chek avec une nouvelle mission aérienne. À la différence de la mission Jouett qui était partie en toute discrétion, la mission Chennault fut fortement dotée d‟un personnel de 300 personnes qui embarquèrent pour la Chine dès le mois de mars 1941. Chennault était parvenu à négocier un nombre considérable d‟avions à emmener en Chine, dont même des bombardiers qui devaient pouvoir attaquer directement avec des engins in cendiaires les villes Japonaises. Mais l‟administration américaine comprit que ce type d‟attaque pourrait être prise par les Japonais comme une agression purement américaine, sachant que les pilotes, les armes et les avions viendraient des États-Unis. Les bombardiers furent donc retirés de la mission Chennault avant même d‟être envoyés en Chine. Puis les services diplomatiques anglais se plaignirent que cette aide à la Chine réduisait l‟aide militaire à l‟Angleterre, alors même que les troupes du Commonweal th affrontaient les troupes de l‟Axe dans le désert libyen. Finalement seulement 100 chasseurs Curtiss P-40 Warhawk furent envoyés en Chine – dont la fameuse gueule de requin deviendra l‟emblème. 434 Ibid, p. 148 Ron Heiferman, Flying Tigers, Chennault in China, Ballantine‟s illustred story of world war II, deuxième edition, USA, 1978, p. 15 436 Hans J. Van de Ven, War and nationalism in China (1925-1945), op. cit., p. 248 435 120 Avec le temps pris pour la constitution du groupe et son entraîenemnt, les « Flying Tigers » ne connurent leur premier combat que fin décembre 1941 437, soit plus d‟un an après la demande de Tchang Kaï-chek à Chennault de ramener du matériel et des hommes depuis les États-Unis. Ce groupe de volontaires américains eut un rôle très positif pour les alliés, sachant qu‟avec seulement une soixantaine de pilotes ils détruisirent entre 115 438 et 300 appareils japonais pendant leurs six premiers mois d‟activité et ne perdirent qu‟une dizaine de combattants 439. Mais sur le plan stratégique, ils ne furent pas d‟une grande aide car, que malgré ces scores, la Birmanie fut conquise par les Japonais et Rangoon fut plusieurs fois bombardée, entraînant de nombreuses morts parmi les civils. Après l‟attaque de Pearl Harbour, les Américains entrèrent en guerre contre le Japon et déclarèrent la guerre à l‟Allemagne le 11 décembre suivant. Tchang Kaï -chek, qui était particulièrement heureux de savoir que le géant américain allait envoyer ses forces armées contre le Japon 440, déclara lui-même la guerre à l‟Italie et à l‟Allemagne dans les jours suivants. Faisant officiellement partie des Alliés, la Chine reçut l‟aide de conseillers militaires ainsi que du matériel de guerre. Le général américain Joseph Stilwell (1883-1946) faillit devenir « chief of staff » de Tchang Kaï-chek et forma plusieurs divisions chinoises avec du matériel américain. Mais cette fois -ci la Chine obtint toute cette aide et ces conseillers militaires en tant que pays combattant les puissances de l‟Axe, et non plus comme « l‟homme malade de l‟Asie » qu‟elle avait été pendant des années. 437 Journal « The Time Magazine », article “Battle of China: Blood for the Tigers‖, États-Unis, 27 décembre 1941 438 Daniel Ford, Flying Tigers: Claire Chennault and his American volunteers (1941–1942), HarperCollinsSmithsonian Books, Washington DC, USA 2007 439 Ron Heiferman, Flying Tigers, Chennault in China, Ballantine‟s illustred story of world war II, deuxième edition, USA, 1978, p. 62 440 Vasilii Chuikov, op. cit., 121 Conlusion S‟il fallait résumer l‟immense travail accompli par les instructeurs militaires étrangers auprès du Kuomintang et définir leur influence en Chine de 1923 à 1942, que faudrait-il dire ? Il est intéressant de constater que les conseillers militaires auprès du parti de Sun Yat-sen n‟ont pas fait, jusqu‟à présent, l‟objet d‟études approfondies, du moins dans les livres de chercheurs occidentaux. Ils sont souvent cités, étudiés mais jamais véritablement mis en avant. Seuls des ouvrages comme Sino-soviet military relations de Raymond Garthoff, The Sino-German connection de Hsi-Huey Liang ou The germany advisory group in China rédigés sous la direction de Martin Bernd leur est consacré. Le reste du temps ils sont considérés comme des commodités qui ne jouèrent qu‟un rôle d‟appoint dans la montée en puissance du Kuomintang. Le rôle des conseillers allemands fut même passé sous silence dans toute la littérature de guerre du Kuomintang441-442-443-444-445. Cependant, bien que ces militaires soient peu mis à l‟honneur, on ne peut que constater l‟importance capitale qu‟ils représentèrent pour le parti de Sun Yat-sen. Les conseillers soviétiques à leur arrivé, en 1923, arrivèrent à transformer un petit parti d‟intellectuels en une formation politique de grande envergure qui se révéla capable de remplacer le gouvernement de Pékin. Par leurs conseils prodigués sur l‟administration d‟un parti politique, l‟utilisation de la propagande et grâce à leur expérience de la guerre, le Kuomintang put devancer tous ses adversaires et devenir le gouvernement légitime du pays. Par exemple, l‟impact de l‟expédition du Nord marqua les esprits ; cette expédition convainquit les Chinois que le Kuomintang n‟était pas une de ces innombrables factions qui déchiraient le pays mais, au contraire, un mouvement qui voulait combattre les seigneurs de guerre et abroger les traités inégaux. Concernant le domaine militaire, les instructeurs soviétiques permirent à Sun Yat-sen de s‟imposer définitivement comme le maître de Canton, alors que les années précédentes il en avait été chassé par deux fois. Ils formèrent une nouvelle génération d‟officiers avec un enseignement de qualité et endoctrinée à la cause du parti. Le Kuomintang put à partir de 1924 disposer d‟un groupe de soldats qui défendirent le gouvernement de Canton contre les milices des marchands cantonnais puis contre Chen 441 Wei-kuo Chiang, How Generalissimo Chiang Kai-shek won the eight-year Sino-Japanese war (1937-1945), Li Ming Culture Enterprise, Taipei, Taiwan, 1979 442 Pu-yu Hu, The military exploits and deeds of President Chiang Kai-shek, édité par Chung Wu, Taipei, Taiwan, 1973 443 Maréchal et madame Tchang Kaï Chek, Les origines du drame chinois, Gaillmard, Paris, France, 1938 444 Tchang Kaï-chek, Comment les communistes se sont emparés de mon pays, édition Morgan, France, 1958 445 Association amicale et de patronage franco-chinois, Bulletin franco-chinois, Paris, 1929-1939 122 Jiongming qui souhaitait reprendre la ville. Même si ce groupe de soldats ne permit pas à Sun Yat-sen d‟être plus puissant que les armées alliées, qui composait la majorité de l‟armée de Canton, ses soldats lui permirent de ne plus être tributaire de généraux ambitieux. Sans oublier que par l‟intermédiaire des Russes, les Chinois purent bénéficier de matériel de qualité. Le prix à payer en échange de cette aide semblait quant à lui très petit : une alliance avec le Parti Communiste de Chine, qui ne comptait alors qu‟une centaine d‟adhérents. Même si les conservateurs du Kuomintang n‟étaient pas enjoués à l‟idée de travailler avec des communistes, ils durent accepter cet état de fait puisque c‟était la volonté de Sun Yat-sen. La mort de ce dernier, en 1925, et la bataille pour sa succession, auraient pu signifier la fin du « front uni ». Cependant les différents leaders du parti réussirent à travailler ensemble pour préparer l‟expédition du Nord qui devait les mener jusqu‟à Pékin. En juillet 1926 l‟Armée Nationale Révolutionnaire était prête à s‟élancer en direction du Yangzi. Une nouvelle fois les conseillers russes eurent un rôle capital pendant cette expédition. Grâce à leurs conseils, les troupes de Wu Peifu, Zhang Zuolin et Li Baozhang furent battues alors que ces dernières étaient bien supérieures en nombre. Ils n‟étaient pas toujours écoutés mais, quand la situation militaire devenait défavorable à l‟ANR, ils étaient rappelés par les généraux chinois pour leur demander de l‟aide. Il faut préciser que les généraux chinois étaient dépourvus de tout sens tactique et se contentaient d‟envoyer leurs troupes en vociférant dans une formation compacte sur les positions ennemies446. Une stratégie sans doute encore efficace lors de la rébellion des Taipings, mais qui ne l‟était plus à l‟heure de la guerre moderne. La prise en main des opérations militaires par ces vétérans de la guerre civile russe ne pouvait qu‟être profitable pour le Kuomintang. Suite à la capture de Wuhan ils aidèrent grandement à l‟organisation du gouvernement et poussèrent le « front uni » à développer les syndicats pour combattre les « impérialistes ». Cependant ils ne réussirent pas à empêcher la prise de pouvoir de Tchang Kaï-chek et leur éviction du pays ; mais cela fut la conséquence de l‟indécision de l‟aile gauche du « front unis » ainsi que du Kominterm. Ces deux instances se montrèrent incapables de prendre des décisions énergiques quand il le fallait. D‟ailleurs bien des années plus tard, TKC reconnaîtra même la qualité et l‟impact des conseillers russes sur la période de 1923 à 1927447. Les conseillers allemands restèrent plus d‟une décennie en Chine. Tchang Kaï-chek fit appel à eux car il s‟était rendu compte que sans conseillers militaires pour former ses 446 447 Jean-Marie Bouissou, Op. Cit., p. 256 Maréchal et madame Tchang Kaï Chek, Les origines du drame chinois, Gaillmard, Paris, France, 1938, p. 33 123 hommes, il risquait, tout comme Wu Peifu, Duan Qirui ou Zhang Zuolin, de rejoindre les oubliettes de l‟histoire. Peu de gens s‟imaginaient que le chef du Kuomintang puisse arriver à garder le contrôle du pays du fait de son instabilité chronique. Le colonel Bauer et ses successeurs, avec l‟aide d‟officiers, formèrent des unités dites « division de fer » qui se révélèrent efficaces contre les seigneurs de guerre, les Japonais et les communistes chinois. Sans pour autant apporter la victoire à chaque bataille, ces instructeurs permirent à Tchang Kaï-chek de rester au sommet de la hiérarchie du pouvoir chinois jusqu‟à la deuxième guerre sino-japonaise. Aucun seigneur de guerre ne le chassa du pouvoir, les Japonais ne purent démontrer l‟incompétence des Chinois à gouverner leur pays et les communistes, malgré les succès initiaux de la « République soviétique chinoise », ne résistèrent aux assauts de l‟ANR. Grâce à la présence des Allemands en Chine, des liens se formèrent entre les deux pays étant donné qu‟ils avaient étés les grands perdants du traité de Versailles. L‟accord économique H.A.P.R.O, signé en 1936, permit aux deux pays d‟échanger des matériaux dont ils avaient mutuellement besoin ; par ailleurs des liens aussi bien politiques qu‟économique se formèrent448. Comme le raconta le général F.F. Liu, qui travaillait à l‟état-major du Kuomintang, les relations entre la Chine et l‟Allemagne étaient très bonnes. Si bien qu‟avant le conflit sino-japonais il était envisageable que Tchang Kaï-chek puisse signer une alliance militaire avec Hitler : « [En 1937] de puissantes armes allemandes étaient paradées dans les rues de [Nankin]. Hermann Goering envoya le général Milch pour que l‟armée de l‟air chinoise reçoive l‟assistance de la Luftwaffe tandis qu‟un expert de la guerre sousmarine devint conseiller militaire sur les questions navale […] Si la guerre avait été différée de deux ans la Chine aurait eu 60 divisions entrainées à l‟Allemande […] la plupart de son équipement était allemand, la majorité de ses officiers sortaient d‟écoles tenues par les conseillers du 3e Reich et l‟entière organisation de son armée était inspirée sur celle de la Wehrmacht […] Les Japonais auraient ainsi combattus un ennemi bien différent […] Cette influence allemande aurait peut être ainsi radicalement changé la face du monde avec l‟engagement de la Chine au côté du 3e Reich envoyant ainsi l‟immense réserve d‟hommes qu‟était ce pays dans une direction [politique] totalement différente» 449 448 449 Voir à ce sujet la page 145 de la présente étude sur l‟accord H.A.P.R.O F. F. Liu, op. cit., p. 102 124 Cette affirmation doit cependant ne pas être prise pour argent comptant. Nul doute que le Japon, opposé à une Chine forte, aurait objecté à l‟entrée d‟une telle Chine dans le pacte AntiKominterm. Les différentes missions aéronautiques se déployèrent en deux temps ; d‟abord pour consolider la flotte chinoise, composée en 1930 uniquement d‟avions de reconnaissances 450, ensuite pour résister aux Japonais pendant la guerre tout en continuant la formation des pilotes. Les premières missions en temps de paix furent celles du colonel américain Jouett et de l‟italien Lordi. De 1932 à 1937 ces deux missions formèrent plusieurs centaine de pilotes chinois et leurs permirent de posséder une usine d‟aviation à Nanchang. Les instructeurs permirent à l‟aviation chinoise de bombarder régulièrement la capitale communiste dans le Jiangxi ainsi que les armées ennemies lors des différents conflits qui agitèrent la Chine pendant l‟entre-deux-guerres. Il arriva même que les conseillers italiens pilotèrent des avions pour attaquer les adversaires du Kuomintang. Un acte que les Américains au contraire refusèrent catégoriquement d‟effectuer. Puis au début de la guerre sino-japonaise la majorité des pilotes chinois reçurent un entrainement de la part des Russes. Ils furent effrayés du manque de professionnalisme de la formation italienne, et ce fut en grande partie grâce à l‟action de ces pilotes volontaires et instructeurs soviétiques que les cieux chinois purent être être efficacement défendus. En outre un grand nombre d‟avions furent vendus à prix réduit et l‟enseignement du pilotage fut organisé par les soviétiques de 1938 à 1942. Au début de la guerre, les conseillers allemands puis soviétiques jouèrent un rôle important. Grâce aux conseils prodigués par Alexander von Falkenhausen, le chef de la mission allemande, les plans japonais consistant à prendre le contrôle des cinq régions au nord du fleuve Jaune, pour en faire un état fantoche, furent réduit à néant. Les armées du Mikado s‟embourbèrent le long du Yangzi, après avoir été tenus en respect pendant plus de trois mois à Shanghai. Militairement les Chinois furent vaincus, car suite à cette confrontation, les régions côtières furent envahies par les Japonais et les « divisions de fer » eurent beaucoup de pertes. Mais politiquement Tchang Kaï-chek avait démontré au monde entier qu‟il refusait de devenir le chef d‟un pays fantoche et qu‟il se battrait jusqu‟au bout. Une attitude qui lui vaudra une place dans le camp des vainqueurs au sortir de la guerre. Après le rappel par Hitler des conseillers allemands en juin 1938, les conseillers soviétiques continuèrent le travail de formation et aidèrent les généraux chinois contre les Japonais. Il n‟était pas toujours facile de 450 William C.Kirby, op. cit., p. 109 125 convaincre les officiers chinois sur le choix des tactiques à employer, mais quand ils y arrivèrent ce fut avec des résultats prometteurs. La bataille de Changsha par exemple, arrêta une offensive japonaise et convainquit les Anglo-Saxons de la volonté combattive des Chinois. Après le départ des Russes, d‟autres conseillers vinrent prêter main-forte aux Chinois, agissant cette fois-ci en qualité d‟alliés et non en tant que mercenaires ou ambassadeurs de la politique étrangère d‟un pays. Au-delà de l‟apport militaire et industriel, l‟ensemble de ces missions militaires ont apporté au Kuomintang une chose très précieuse : la légitimité du pouvoir ; ce qui est dénommé en Chine le « mandat du ciel ». D‟un petit parti d‟intellectuels cantonnais en exil, le Kuomintang est devenu le groupe politique représentant l‟ensemble de la Chine à l‟ONU, et ce jusqu‟en 1971. Les conseillers russes des années 1920 lui permirent en moins de cinq ans de passer du statut de faction rebelle à celui de gouvernement officiel du pays ; les instructeurs allemands et les missions aéronautiques lui assurèrent de garder le pouvoir face aux nombreuses révoltes des seigneurs de guerre ; les conseillers étrangers présents lors du deuxième conflit sino-japonais aidèrent Tchang Kaï-chek à transformer cette guerre périphérique en une zone importante du nouveau conflit mondial. En déclarant la guerre à l‟Allemagne et à l‟Italie, suite à l‟attaque de Pearl Harbour, le gouvernement chinois trouva grâce auprès des alliés qui avaient eu pendant des années la crainte que Tchang Kaï-chek ne se rende auprès des Japonais. Grâce à la résistance des armées chinoises et à sa volonté de triompher des armées de l‟Axe, la Chine s‟octroya une place dans le cercle très fermé des grandes puissances de l‟après-guerre avec l‟URSS, les USA, l‟Angleterre et la France. Après la défaite du Kuomintang face aux armées communiste, et à la fuite vers Taiwan, il fallut attendre 1971 avec un vote à l‟ONU pour que la Chine de Mao Zedong puisse récupérer le siège permanent au Conseil de Sécurité du gouvernement de Taiwan. Et aujourd‟hui encore, 24 pays reconnaissent la « République de Chine » de Taiwan comme seul gouvernement légitime de la Chine. Bien qu‟ils ne soient que des états très modestes, il n‟en reste pas moins étonnant que la Chine communiste ne soit pas reconnue par des pays comme le Panama, le Burkina Faso ou le Saint-Siège. Cette quête de la légitimité du Kuomintang pour devenir, puis rester, le seul représentant de la Chine se retrouve sur l‟ensemble des combats que les conseillers étrangers menèrent aux côtés de leurs camarades chinois. Avant 1925 personne ne connaissait, dans le 126 cercle des diplomates, le mot « Kuomintang »451 alors qu‟en 1927 le parti fut reconnu comme le gouvernement légitime de la Chine. En 1928 tout le monde imaginait que Tchang Kaï-chek, à l‟instar des hommes forts des années 1916-1927, ne resterait pas au pouvoir plus d‟une année alors qu‟il resta un homme d‟état jusqu‟à sa mort en 1975452. Dans les années trente, les armées du Kuomintang réussirent à triompher et à réduire au silence les seigneurs de guerre qui souhaitaient combattre son autorité453. En 1928 le gouvernement de Nankin qui ne contrôlait que deux provinces,mais à la fin de 1935 son emprise s‟étendait sur huit d‟entre elles 454 . Lors de l‟incident de Xi‟an en décembre 1936, l‟ensemble des gouverneurs, des hommes politiques et des généraux se préparent à l‟unanimité à combattre Zhang Xueliang pour délivrer Tchang Kaï-chek puisqu‟ils pensaient que seul le généralissime pouvait sauver la Chine des appétits japonais. Lors du deuxième conflit sino-japonais, les conseillers étrangers aidèrent le Kuomintang à contrecarrer certains plans japonais. Ils furent incapables d‟empêcher l‟occupation d‟une partie du pays, et encore moins de repousser les ennemies à la mer. Cependant grâce à eux le pays put résister pendant les huit années de guerre puis siéger victorieusement aux côtés des Alliés. Malgré la violence de ce conflit, les diplomates nippons tentèrent de déstabiliser le gouvernement de Tchang Kaï-chek pour le faire cesser au plus vite. Ils essayèrent de continuer la balkanisation du pays commencée en 1931 avec la création d‟un état au nord du fleuve Jaune, mais cette tentative ne réussit pas. Voyant que cela n‟avait pas fonctionné, ils proposèrent des accords de paix humiliants pour le Kuomintang. Mais le gouvernement chinois refusa tout simplement de négocier. Voyant que leurs propositions diplomatiques étaient dédaignées par le gouvernement de Chongqing, les Japonais créèrent un gouvernement fantoche à Nankin sous l‟égide de Wang Jingwei, mais mis à part les pays de l‟Axe, aucun état ne le reconnut comme le gouvernement légitime de la Chine. Or dans cette série de passe d‟arme diplomatique, les conseillers étrangers jouèrent un rôle essentiel. Les Allemands démontrèrent que les soldats chinois pouvaient résister convenablement aux Nippons et les Soviétiques mirent tout en œuvre pour embourber le Japon en Chine afin de prévenir une attaque contre l‟URSS. 451 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 28 juillet 1925 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 12 octobre 1927 453 Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Op. Cit., 454 Hung-Mao Tien, Government and politics in Kuomintang China 1927-1937, Stanford University Press, EtatsUnis, 1972 452 127 Bien entendu, ces missions militaires n‟étaient pas de tout repos et certains éléments faillirent les empêcher de fonctionner correctement. Dans les années 1920 les soviétiques manquèrent cruellement de traducteurs à une période455 ; les différentes missions aéronautiques brouillèrent la formation des pilotes chinois ; les Allemands se sentaient perdus devant l‟immensité de la tâche qui les attendaient456 ; les Chinois se révélèrent être des élèves particulièrement difficiles457 et selon certains experts il aurait fallu attendre le début des années 1940 pour assister à l‟éclosion d‟une véritable armée moderne en Chine 458. Un exemple sur la difficulté que les conseillers rencontrèrent se retrouve dans deux sources. Dans la première, le conseiller soviétique Henry Lin raconta, en 1925, à l‟ambassadeur Karakhan comment des soldats chinois avaient des difficultés à utiliser une mitrailleuse : « Henry Lin : Le chargement et le déchargement des mitrailleuses [par les cadets chinois] demandent 7 minutes. Karakhan : Quelle est la vitesse pour recharger une mitrailleuse dans notre armée ? Henry Lin : Seulement 40 secondes (sic) »459 Puis en 1942 le chef de la mission soviétique en Chine raconta comment c‟était déroulé le même exercice lors d‟une parade organisée par les meilleurs éléments de l‟armée chinoise : « Les mitrailleurs reçurent un exercice un exercice simple – il devait tirer sur une position ennemie. Pendant 15 minutes ce groupe chercha maladroitement à réaliser cette tâche, non seulement ils furent incapable de tirer un seul coup de feu mais en plus ils se ne réussirent pas à viser correctement la position ennemie »460 Cette comparaison anecdotique, car elle ne saurait être représentative de l‟ensemble de l‟armée chinoise, aide cependant le chercheur à comprendre les difficultés que rencontraient les conseillers étrangers à instruire leurs élèves. Malgré les années passées à recevoir une instruction étrangère, les forces chinoises supposées devenir l‟élite de l‟ANR, manquaient déjà cruellement d‟initiative et de discernement. Malgré toutes ces difficultés, les différentes missions militaires aidèrent le Kuomintang à assoir son autorité sur la Chine. Elles le firent avec un tel professionnalisme 455 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, op. cit. SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 29 mars 1932 457 SHD, série 7N, carton numéro 3290, note du 1 er janvier 1938 458 SHD, série 7N, carton numéro 3287, note du 6 juillet 1932 459 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, Op. Cit., document numéro 38 « compte-rendu d‟un meeting à l‟ambassade soviétique » le 2 décembre 1925 460 Vasili Chuikov, op. cit., p. 41 456 128 que d‟autres clans politiques suivirent la même stratégie afin de se défendre efficacement face au gouvernement de Nankin461. Il est intéressant de noter que Tchang Kaï-chek, qui est le personnage central de cette étude, présenta toujours un visage conciliant envers l‟idéologie politique suivant les différentes missions présentes en Chine. Quand les soviétiques aidèrent le Kuomintang à devenir le nouveau gouvernement officiel de la Chine Tchang Kaï-chek et ses alliés firent contre mauvaise fortune, bon cœur, en travaillant de concert avec les hommes de Borodine. Mais à l‟instant où ils purent se débarrasser des communistes, ils le firent sans hésiter car tout le monde pensait que les hommes de Canton étaient des « rouges » qui ne respectaient pas les Grandes Puissances462-463-464. Il fallait pour prendre le pouvoir, se débarrasser de ces encombrants alliés. Lorsque les Italiens et les Allemands étaient présents, et que fut signé l‟accord H.A.P.R.O, Tchang Kaï-chek déclara publiquement que « Le fascisme est ce dont la Chine a le plus besoin » 465 et fonda la société des Chemises Bleu pour distiller une idéologie autoritaire. Au moment où les Russes revinrent pour soutenir les Chinois contre les Japonais, Tchang Kaï-chek poussa sans arrêt Staline à mener une attaque préventive contre le Japon. Et lorsque ce furent les Anglo-Saxons qui furent les principaux approvisionneurs de l‟ANR, le Kuomintang montra un visage étonnement plus démocrate en supprimant le group des Chemises bleu et en promulguant en 1947 une constitution, alors qu‟il faudra attendre 1990 pour que soit organisé les premières élections libres à Taiwan. Ainsi Tchang Kaï-chek, en habile homme politique, essayait toujours d‟obtenir plus grâce à ceux qui le soutenaient financièrement, militairement et matériellement. Les missions militaires étrangères furent pour le Kuomintang un formidable outil pour recevoir de l‟aide extérieur et affirmer l‟emprise de ce parti sur la Chine. 461 A ce sujet voir la page 134 de la présente étude SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 20 décembre 1927 463 SHD, série 7N, carton numéro 3308, extrait du journal L‘Europe Nouvelle, 18 juillet 1925 464 Pierre Franconie, Canonnière en Chine, éditions Karthala, France, 2007, p. 126 465 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p.28 462 129 Annexe 1 : Les autres missions militaires en Chine (1925-1939) Au-delà de la mission militaire allemande, des conseillers aéronautiques et de l‟appui du Kominterm, d‟autres missions militaires étrangères eurent lieu à cette période en Chine. Vu le succès qu‟apportèrent ces missions au Kuomintang dans sa tâche de réunification, d‟autres clans politiques suivirent le même exemple. Avec plus ou moins de succès ceux-ci tentèrent d‟aider les hommes de Feng Yuxiang, de la clique de Canton, du Parti Communiste Chinois et des armées de Mandchourie à être plus performants dans le domaine de la guerre. Mais ces conseillers du fait de leur petit nombre ou du temps trop court de leur mission ne purent faire bénéficier durablement leurs savoirs aux hommes qu‟ils encadraient. Tout comme dans les chapitres précédents de cette étude, cette annexe ne sera consacrée qu‟aux conseillers militaires et non à des missions étrangères d‟ordre religieux, financière ou politiques. A titre d‟exemples, Mussolini avait envoyé un conseiller politique auprès du Kuomintang suite à la création des chemises bleues 466 et le gouvernement anglais dépêcha des spécialistes de l‟impôt auprès du ministère des finances chinois. Il ne sera pas fait mention au niveau militaire des russes blancs 467, des mercenaires et des conseillers militaires chinois auprès d‟autres seigneurs de guerres chinois468 du fait qu‟ils furent des évènements sporadiques. Concernant les instructeurs japonais présents en Chine à cette période ils seront exclus de cette étude. Ces conseillers travaillaient dans les armées des gouvernements fantoches de Mandchourie et du « Gouvernement national réorganisé de la République de Chine » dirigé par Wang Jingwei depuis Nankin. Ils obéissaient donc aux ordres des gouvernements japonais qui souhaitaient simplement dominer la Chine dans le cadre de leur politique d‟expansion. 466 SHD, série 7N, carton numéro 3297, Note du 11 juin 1934 SHD, série 7N, carton numéro 3293, note du 7 avril 1936, des marins russes formaient des matelots à Tsingtao 468 SHD, série 7N, carton numéro 3299, note du 1er mai 1927 467 130 Les conseillers militaires en Mandchourie (1928-1929, 1931) Bien qu‟étant des petites missions, le maréchal Zhang Zuolin, et plus tard son fils Zhang Xueliang, firent venir à Moukden plusieurs militaires étrangers afin d‟améliorer l‟état des troupes du Fengtien. Ils étaient particulièrement désireux de diriger des troupes plus compétentes 469 et c‟était en partie à cause des instructeurs étrangers auprès du Kuomintang qu‟ils n‟avaient pu s‟opposer à la réunification du pays en 1928. Recherchant auprès des puissances occidentales des conseillers, la France accepta de laisser partir quelques officiers de son armée afin d‟aider Zhang Zuolin. C‟est ainsi que quatre officiers français travaillèrent pendant l‟année de 1929 comme conseillers en Mandchourie. De par le passé Zhang Zuolin avait déjà eu affaire à des français car l‟attaché militaire Roques, en place à Pékin pendant 1925, s‟était permis de lui donner des conseils stratégiques pendant le conflit contre Feng Yuxiang 470 Ces officiers formèrent les troupes du maréchal à une meilleure utilisation des avions et des chars qu‟ils possédaient 471. Puis au bout d‟une année, les contrats passés avec Moukden ne furent pas renouvelés et les quatre officiers furent rapatriés en toute discrétion par le Transsibérien. La raison du retour des officiers Français provenait du fait que le quai d‟Orsay avait autorisé le départ de ces ressortissants à condition que l‟affaire ne s‟ébruite pas. L‟état-major leur demanda de prendre une année de congé sans solde afin que personne ne puisse accuser le gouvernement français de protéger les seigneurs de guerre de Mandchourie. Ce qui fut réussi car aucun journal ne releva la présence de ces quatre officiers. L‟expérience ne sera cependant pas renouvelée et les échanges entre la Mandchourie et la France n‟allèrent pas plus loin. Au cours de la même période on retrouve aussi dans les archives la trace de plusieurs ingénieurs allemands qui travaillaient dans l‟arsenal de Moukden pour s‟assurer de la qualité de la production. Le jeune maréchal Zhang Xueliang avait à l‟exemple de Tchang Kaï-chek la volonté de s‟entourer de conseillers allemands 472. En effet suite à la défaite de la clique Fengtien et de la mort de son père en 1928 le nouveau maître de la Mandchourie avait dû accepter de reconnaître le Kuomintang comme seul gouvernement légitime de la Chine. Mais mis à part ces ingénieurs qui travaillèrent dans 469 SHD, série 7N, carton numéro 3310, note du 3 mars 1926 SHD, série 7N, carton numéro 3284, note du 7 décembre 1925 471 SHD, série 7N, carton numéro 3310, notes du 25 février et 15 mars 1928 472 SHD, série 7N, carton numéro 3297, notes du 29 juin et 26 août 1929 470 131 les arsenaux il ne parvint jamais à pouvoir embaucher d‟anciens officiers de la Deutsches Heer. Nous pouvons sans peine imaginer que la filière d‟Erich Ludendorff avait promis au Kuomintang de ne pas envoyer d‟officiers allemands auprès d‟autres seigneurs de guerre chinois. Du fait que ces officiers permettaient à l‟industrie de guerre allemande de vendre des armes au gouvernement chinois en grand nombre ils n‟avaient pas intérêt à favoriser un autre clan politique chinois. Cette supposition peut se vérifier du fait que pratiquement pas un seul seigneur pendant cette période ne reçut le concours d‟officiers allemands. Et l‟unique fois où cela arriva le gouvernement de Nankin réagit promptement contre ce qu‟il considérait comme une menace 473. Ainsi coupé de la possibilité de recevoir l‟aide de conseillers allemands, russes ou français aucune mission occidentale ne partit pour former les troupes de Moukden. L‟unique mission visant à former des officiers chinois fut d‟origine japonaise. Arrivée au milieu de l‟été 1931, une poignée d‟officiers Japonais formèrent des pilotes. Mais suite à l‟attaque des troupes japonaises sur la Mandchourie le 18 septembre 1931 ceux-ci durent repartir. Après la fuite de son armée Zhang Xueliang se contenta de cantonner son armée sur le nord du pays jusqu‟à l‟incident de Xi'an en 1936 qui lui coûtera sa vie politique et surtout sa liberté. Les tentatives de missions Françaises (1929, 1932, 1936, 1939) Alors que les conseillers russes venaient de partir, le gouvernement de Nankin demanda au quai d‟Orsay si des officiers français pouvaient être détachés auprès d‟écoles et d‟unités chinoises afin de former l‟Armée Nationale Révolutionnaire. Les diplomates français refusèrent une telle demande sous prétexte qu‟il n‟était pas certain que le Kuomintang représenta encore longtemps la Chine du fait de l‟instabilité qui agitait continuellement le pays 474. Plus tard en 1929 et 1930 ce fut l‟armée française elle-même, soutenue par certains milieux marchands, qui proposa de détacher certains officiers en Chine afin d‟aider la formation de l‟armée du gouvernement de Nankin et de contrer l‟influence grandissante de la mission militaire allemande 475. Mais le quai 473 Voir les conseillers étrangers à Canton page 134 de cette étude SHD, série 7N, carton 3310, note du 21 septembre 1928 475 SHD, série 7N, carton numéro 3299, notes 19 juillet 1929 et 16 avril 1930 474 132 d‟Orsay refusa afin de ne pas impliquer la république française dans les luttes intestines chinoises et de ne pas être placé en porte à faux vis à vis des Japonais. Au vu de ce qu‟apportaient les conseillers militaire allemands en Chine, et de l‟influence que cela donnait à leurs industries et à leurs marchands, certains diplomates français changèrent d‟avis. Ils tentèrent pendant plusieurs années de demander au gouvernement chinois de renvoyer les conseillers militaires allemands pour qu‟ils soient remplacés par des militaires français 476. Il y avait un double but dans cette manœuvre ; le premier était de pouvoir mieux placer les produits français pour l‟achat d‟armements car les conseillers militaires jouissaient d‟une grande confiance de la part de l‟état-major chinois en ce qui concernait l‟achat des armes. Ensuite ils souhaitaient contrer l‟influence des conseillers allemands qui, étant très nationalistes et détestant la république française, auraient pu grandement influencer Tchang Kaï-chek quant à la conduite à tenir face au gouvernement français. Mais il était trop tard et cette proposition fut refusée par Tchang Kaï-chek. Malgré les refus, le quai d‟Orsay tenta de renégocier l‟envoi d‟instructeurs militaires. Il proposa que les conseillers militaires français n‟aient pas à être payés par le gouvernement chinois, la mission était simplement fournie gratuitement. Puis voyant que cela ne fonctionnait toujours pas il fut de nouveau proposé que ce ne soit non pas des français qui partiraient en Chine mais des militaires belges. Un fois de plus le gouvernement de Nankin refusa poliment la proposition 477. En 1932, la France tenta une fois de plus d‟envoyer une mission aéronautique pour entrainer les cadets de l‟aviation militaire chinoise mais les chinois finalement préférèrent embaucher le colonel Jouett 478. A la veille de la deuxième guerre Sino-japonaise les attachés militaires français à Pékin proposèrent aux affaires étrangères d‟envoyer des officiers pour soutenir l‟arm ée du Kuomintang. Mais avec la crainte d‟un conflit avec l‟Allemagne qui se rapprochait de l‟empire japonais et d‟une invasion de l‟Indochine il fut préconisé de ne pas prendre parti dans cette guerre asiatique 479. Quelques militaires français cependant travaillèrent comme conseillers militaires auprès de Tchang Kaï-chek en 1939. Si la mission fut officiellement soutenue par le gouvernement d‟Edouard Daladier, les militaires étaient 476 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 15 janvier 1931 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―Colonel Bauer‘s military mission on China‖ 9 juin 1929 478 Guangqiu Xu, op. cit., p. 60 479 SHD, série 7N, carton numéro 3299, notes du 25 juin 1936 et du 29 avril 1939 477 133 déjà à la retraite et surtout cette mission n‟était composée que de deux pers onnes480. Un chiffre particulièrement saugrenu comparé aux soviétiques qui, au même moment au même moment les soviétiques envoyèrent mille fois plus de conseillers, techniciens et pilotes présents en Chine. Ainsi ces deux officiers semblent n‟avoir joué aucu n rôle dans le conflit qui allait opposer encore pendant six années le Japon et la Chine. Tout comme un seul officier fut envoyé discrètement à la frontière indochinoise auprès de la clique du Guangxi pour apporter des conseils à l‟armée 481. On peut à la lueur de ces informations, conclure que les différents gouvernements français se montrèrent particulièrement craintifs à l‟idée d‟influencer la politique intérieur de la Chine et de s‟attirer les foudres du Japon. Ces quelques officiers ne semblent n‟avoir eu aucune influence sur la question militaire chinoise et aucun ouvrage scientifique à ce jour ne semble s‟être attardé sur leurs cas 482. Les conseillers militaires à Canton Tout comme pour la clique Fengtien qui détenait la Mandchourie le régime de Canton qui c‟était séparé du Kuomintang fera lui aussi appel à des instructeurs militaires étrangers afin de former ses troupes. Au même titre que les maréchaux du nord le régime de Canton voyant l‟influence grandissante de Nankin sur le reste de la Chine commenç a à appliquer les même formules afin d‟améliorer son armée et de contrer l‟emprise grandissante du gouvernement de Nankin sur le reste de la Chine. Les cantonnais détestaient ainsi tout particulièrement les instructeurs allemands car ils les savaient responsables de l‟amélioration des troupes du Kuomintang 483. C‟est particulièrement à partir de 1931, suite à la prise de pouvoir de Chen Jitang sur la clique du Guangxi que commença cette politique. L‟effort fut d‟abord porté sur l‟aviation car c‟était souvent grâce à cette arme que le sort des batailles était décidé en Chine lors des conflits intérieurs. C‟est pourquoi une petite dizaine d‟aviateurs anglais, français et australiens furent embauchés comme 480 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2236, deutsche militarish berater bei der chinesisichen nationalregierung, article du «North China daily news» le 24 mai 1939 481 SHD, série 7N, carton numéro 3310, notes du 25 juin 1937 482 Voir biographie de la présente étude à la page 160 483 SHD, série 7N, carton numéro 3297, note du 18 février 1933 134 auxiliaires afin de former les pilotes cantonnais 484. En plus de former ses pilotes la clique du Guangxi dépensa sans compter pour posséder un nombre conséquent d‟appareils. L‟armée de l‟air cantonaise devint ainsi la deuxième force aéronautique chinoise après celle du gouvernement de Nankin en comptant près de 150 appareils 485, soit juste la moitié de la flotte aéronautique de Nankin. Ce qui pour une région comme le Guangxi était déjà un exploit. C‟était en grande partie grâce à l‟apport des constructeur s américains que cette volonté put être mise en œuvre. Ce fut encore grâce à Edward Howard l‟homme de la mission américaine du colonel Jouett que des américains partirent former les pilotes cantonnais 486. Plus de 300 pilotes seront ainsi formés entre 1932 et 1936 et une usine d‟avions fut même construite. Par ailleurs suivant toujours l‟exemple de Nankin l‟ancien précepteur des enfants du Kaiser Guillaume II fut engagé comme instructeur militaire. Cet homme du nom de Von Lindeman emmena avec lui une petite dizaine de conseillers afin de servir l‟armée cantonaise487. Quant au volet industriel l‟accord H.A.P.R.O était au début une idée de l‟industriel Hans Klein qui devait s‟appliquer à Canton. Cet accord devait permettre à Canton de profiter des capitaux allemands afin de construire une puissante industrie qui permettrait à la région de construire ses propres armes. Mais Tchang Kaï-chek préconisant un conflit avec les seigneurs de guerre du sud mit tout en œuvre pour faire capoter ces projets ambitieux. Tout d‟abord il demanda aux puissances étrangères de ne pas accepter les cadets qu‟envoyait Canton dans les écoles d‟officiers d‟Europe et d‟Amérique 488. Malgré cela Canton réussit à manœuvrer secrètement pour que ses aspirants officiers puissent recevoir une bonne é ducation militaire à l‟étranger, mais la tâche était à partir de ce moment beaucoup plus hardis 489. Ensuite le maître du Kuomintang fit paraître un décret en mai 1930 stipulant qu‟il était désormais interdit de vendre des armes aux seigneurs de guerre sans son accord. Le quai d‟Orsay refusa ainsi tout export d‟armement moderne vers Canton afin de ne pas mécontenter le gouvernement Chinois 490. Quant à l‟accord que Hans Klein avait signé avec le gouvernement de Canton il fut annulé sur la demande de Berlin et de Nankin. 484 SHD, série 7N, carton numéro 3299, note du 11 mai 1936 SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 26 février 1935 486 Guangqiu Xu, American—British Aircraft Competition in South China, 1926-1936, op. cit. 487 SHD, série 7N, carton numéro 3286, note du 31 janvier 1935 488 SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 20 juin 1935 489 SHD, série 7N, carton numéro 3298, note du 22 juin 1935 490 SHD, série 7N, carton numéro 3311, note du 31 octobre 1934 485 135 Une nouvelle discussion s‟engagea directement entre les deux capitales avec pour finalité la création d‟un accord d‟échange de produits d‟état à état. Ce n‟était donc plus un contrat privé d‟une région avec une entreprise empêchant ainsi Chen Jitan g et ses alliés de posséder les arsenaux modernes dont ils avaient besoin. Quant aux conseillers militaires, leur travail fut rendu inutile car à peine trois mois après son arrivée, Von Lindeman fut aussi l‟objet de pressions de la part du gouvernement allemand qui lui demanda de rompre son contrat. il quitta à jamais l‟académie où il enseignait pour ne jamais revenir. Quant à la dernière carte qui était l‟aviation qu‟elle possédait, la clique du Guangxi ne put jamais l‟utiliser. Au cours des années 1935 et 1936 la tension montait entre le régime du sud et celui de Nankin. Tout comme les communistes, les cantonnais pressaient Tchang Kaï-chek de défendre le pays contre les japonais, et se trouvaient naturellement plus aptes que lui à le faire 491. Cette propagande cachait cependant des motifs politiquement moins nobles à savoir continuer d‟assurer l‟indépendance politique et militaire de la région. Ne voulant pas risquer de perdre des hommes dans un nouveau conflit civil face à la menace japonaise grandissante Tchang Kaï-chek employa la méthode de la corruption qui avait le mérite de n‟engager aucune bataille à l‟issue incertaine. Soudoyant les commandants aéronautiques et navals une partie des navires et l‟ensemble des avions cantonnais changèrent simplement de camps pendant l‟été 1936. Chen Jitang qui était l‟investigateur de cette rébellion s‟enfuit en exil à Honk Kong et lors de l‟incident du Xi‟an la clique du Guangxi ne profita pas de l‟opportunité pour se rebeller. Les seigneurs de guerre de Canton copièrent donc les méthodes du Kuomintang concernant l‟utilisation de conseillers étrangers mais ne réussirent finalement pas à renverser la situation politique. Il est cependant très intéressant de noter que cette volonté de copier les méthodes du Kuomintang fut fraichement accueillie par le gouvernement central qui mit tout en œuvre pour combattre cette volonté d‟indépendance. 491 SHD, série 7N, carton numéro 3307, note de la Société d‘études et d‘informations économiques, 4 novembre 1935 136 Les conseillers auprès du PCC (1927-1939) A cause de la violente purge dont fut victime le Parti Communiste Chinois en 1927, le parti se retrouva dans l‟obligation de passer dans la clandestinité la plus totale pour survivre. Suite au rapprochement du gouvernement de Wuhan avec celui de Nankin l‟ensemble des conseillers russes fut obligé de partir et rapidement seul quelques agents du Kominterm restèrent en Chine. Sachant que l‟appartenance au parti communiste était passible de mort et que l‟échec de la révolution chinoise avait été durement ressentie à Moscou, peu d‟agents furent de nouveaux envoyés pour soutenir les communistes chinois. Quelques soulèvements furent mis en place par le PCC avec l‟aide de quelques agents du Kominterm dans des villes du sud entré l‟été et décembre 1927. Mais que ce soit à Nanchang, Canton ou lors du soulèvement de « la moisson d‟automne » les troupes communistes furent impitoyablement écrasées par les troupes envoyées les combattre. Tous ces éléments couplés à l‟impossibilité d‟envoyer des espions sous une couverture diplomatique officielle empêchèrent l‟envoi massif de conseillers auprès du PCC. Cependant comme le parti était membre du Kominterm et devait prendre ses ordres de Moscou, un petit réseau composé d‟à peine 5 personnes occidentales aidé par des militants chinois fut établi à Shanghai. Possédant un émetteur radio ils recevaient et transmettaient les ordres de Moscou aux diverses bases communistes qui prospéraient dans l‟arrière-pays. De ces espions qui transmettaient des informations et des ordres aux communistes deux noms sont à retenir. Le premier, Manfred Stern (1896-1954), était un espion d‟origine ukrainienne qui s‟était battu dans les troupes de l‟armée rouge lors de la guerre civile russe. Plus tard il fut envoyé à New-York pour de l‟espionnage industriel. Démasqué par les services secrets américains il s‟enfuit à Shanghai pour y travailler de 1932 à 1935. Responsable de l‟espionnage en Chine et donnant des instructions militaires aux communistes chinois il sera le supérieur de l‟allemand Otto Braun (1900-1974) arrivé lui en Chine en 1934. Otto Braun sera retenu par la postérité comme l‟unique occidental ayant vécu et raconté l‟épisode de la Longue Marche qui mobilisa 80 000 personnes de 1934 à 1935492. Au début il aida le PCC en 492 Otto Braun, A CominternAgent in China, C. Hurst & Company, Londres, 1982 Inconnu du grand public car son nom n‟avait pas été révélé à l‟époque malgré sa rencontre avec le célèbre journaliste Edgard Snow. Ce livre parut en 1975 révéla ainsi comment fonctionnaient à cette période les réseaux du Komintern en Chine et sortit mystèrieusement au moment où le kremlin rencontrait des difficultés face à Mao Zedong. Au delà de son témoignage exceptionnel, Otto Braun se révèle être aussi le pourfendeur rêvé contre le grand timonier en l‟accusant d‟être un “faussaire de l‘histoire” ainsi qu‟“un ennemi de la classe ouvrière, du monde communiste et de l‘union soviétique” 137 donnant des conseils d‟ordres stratégiques à l‟armée rouge chinoise pour briser les offensives des troupes nationalistes. Et rien que par ce moyen les troupes de Tchang Kaï-chek furent défaites lors de la quatrième campagne d‟annihilation en 1932. Trois divisions nationalistes furent ainsi encerclées et détruites sans coup férir, ce qui amena l‟état-major du Kuomintang à faire cesser immédiatement l‟assaut. A partir de janvier 1933 tous les chefs importants du PCC avaient quitté Shanghai et il devra en faire de même en septembre 1933 car sa sécurité n‟était plus assurée. On décida alors de l‟envoyer au sein de la république soviétique chinoise pour qu‟il continue son travail d‟instructeur militaire. Ce qui se révéla être une sage décision pour la sauvegarde d‟Otto Braun car moins d‟un an plus tard la cache secrète du PCC à Shanghai sera découverte, coupant ainsi pendant de nombreux mois la communication entre les communistes chinois et Moscou. Après un périple de plusieurs jours il arriva dans le Jiangxi avec pour mission d‟assister l‟état-major de l‟armée, d‟instruire les officiers et d‟établir une base soviétique là où l‟URSS pourrait envoyer du matériel de guerre. De par son éducation à l‟académie militaire de Frunze à Moscou il possédait toute la légitimité pour conseiller militairement les chinois du PCC. Dans cette république soviétique où l‟armée rouge chinoise ne possédait aucun armement lourd Otto Braun vécut quotidiennement les combats et préconisât l‟abandon de la zone lors de la cinquième campagne d‟annihilation des nationalistes en 1933. L‟état-major chinois et le parti ne souhaitaient pas au début partir mais suite à la nouvelle technique d‟utilisation des blockhaus conseillé par les concitoyens d‟Otto Braun, les communistes Chinois acceptèrent de partir. Malade lors de la Longue Marche il continua de donner des conseils tactiques et après l‟arrivé au nord du Shaanxi il continua son travail d‟instructeur et de conseiller militaire d‟abord contre les troupes du gouvernement de Nankin puis contre les Japonais. Il perdit cependant beaucoup de son influence politique et militaire lors de la conférence de Zunyi en janvier 1935 où il s‟opposa avec Qin Bangxian (1907-1946) contre Mao Zedong493. Lors du deuxième conflit Sino-Japonais l‟URSS envoya des milliers d‟instructeurs auprès du Kuomintang à partir dès le mois de septembre 1937. Mais le PCC ne put se contenter que de la présence d‟Otto Braun ce qui rendit Mao Zedong particulièrement furieux comme le conseiller allemand le raconta plus tard dans ses mémoires. Cette mesure avait été 493 Dieter Heinzig, The Otto Braun Memoirs and Mao's Rise to Power, Cambridge University Press, The China Quarterly, No. 46, avril-juin 1971, page 274-288 138 prise pour consolider au maximum le gouvernement nationaliste contre l‟agression Japonaise et étonna d‟ailleurs grandement le général Vassili Tchouïkov (1900-1982) qui partit diriger la mission soviétique. Celui-ci fit par à Staline en disant qu‟il ne comprenait pourquoi on l‟envoyait à Chongqing soutenir les nationalistes et non à Yennan qui était la capitale de la zone rouge. Ce à quoi le maître du Kremlin lui répondit : « Votre rôle, c‟est de lier solidement les mains de l‟agresseur japonais en Chine » 494 C‟est pourquoi il était hors de question de soutenir les troupes de l‟armée rouge. Un geste qui aurait pu pousser Tchang Kaï-chek à se rendre face aux Japonais, laissant ainsi des milliers de kilomètres de l‟Union Soviétique sous la menace d‟une invasion. C‟est pourquoi mis à part la visite de deux pilotes soviétiques et du célèbre documentariste Roman Karmen (1906-1978) aucun agent, pilote ou instructeur ne vint prêter main forte aux communistes chinois pendant qu‟Otto Braun séjourna à Yennan. Après lui quelques agents de liaison comme Pierre Vladimirov495 furent présents mais il faudra attendre 1945 pour que des officiers soviétiques puissent véritablement instruire des soldats de l‟armée rouge chinoise. Puis au cours de l‟été 1939 Otto Braun reçut l‟ordre de rentrer à Moscou afin de présenter un rapport sur son activité en Chine. Son long séjour au sein des communistes chinois lui avait permis de se rendre particulièrement utile lors des engagements militaires contre les troupes nationalistes ; mais du fait qu‟il était seul, et selon lui, souvent en conflit avec les dirigeants du PCC, son travail de conseiller pourrait être considéré comme important. Cependant il ne représenta jamais un pivot dans l‟histoire du communisme en Chine et il faudra attendre la parution de ses mémoires en 1975 pour savoir qui était le mystérieux homme blanc qui séjournait auprès des communistes chinois. 494 495 Jung Chang et Jon Halliday, op. cit., p. 251 Peter Vladimiro, The Vladimirov diaries, Yenan, China : 1942-1945, éditeur Garden City, Etats-Unis, 1975 139 Les conseillers russes auprès de Feng Yuxiang (1925-1927) Alors que les russes aidaient les Chinois de Canton à prendre le contrôle de la Chine un évènement politique qui allait aider le Kuomintang se produisit tout au nord du pays en 1924. Un général du nom de Feng Yuxiang venait avec ses troupes de trahir le puissant seigneur de guerre Wu Peifu dont il était le vassal en prenant sous contrôle la région de Pékin. Il était par ailleurs surnommé le « général chrétien » suite à sa conversion au baptisme en 1914. Après sa prise de pouvoir il expulsa le président fantoche Cao Kun (1862-1938), qui était un allié de Wu Peifu, pour y placer une de ses propres marionnettes, le politicien Huang Fu (1883-1936). Coincé entre la clique du Fengtien qui détenait la Mandchourie et celle du Zhili qui contrôlait le centre du pays il appela à une « conférence nationale » à la fin de 1924 pour trouver une solution politique à la division du pays. Mais à cause du décès de Sun Yatsen et de certains seigneurs de guerre qui souhaitaient uniquement réunir des notables et des militaires, la conférence fut un échec. Suite à cet insuccès de cette tentative politique pour réunifier le pays, une paix précaire s‟installa dans le nord entre un triumvirat de seigneurs de guerre composé de Feng Yuxiang, Zhang Zuolin et du nouveau président Duan Qirui (18651936) de la clique Anhui. Mais rapidement la situation se détériora entre les alliés et bientôt éclata une nouvelle guerre entre les alliés d‟hier. Pris à partis par les deux plus grandes forces au nord du Yangzi qu‟étaient Wu Peifu et Zhang Zuolin, le maréchal chrétien ne put résister longtemps. Il dut abandonner ses positions pour se replier sur la partie nord-ouest du pays non loin de la frontière mongole au début de 1926. Pressentant quelques mois avant le début des hostilités que sa position était précaire il demanda de l‟aide au Kuomintang qui retransmit sa demande à Moscou. Le Kominterm accepta sa demande d‟aide matériel et l‟envoi de conseillers militaires pour plusieurs raisons. Tout d‟abord Feng Yuxiang était politiquement plus proche du communisme et avait fondé avec ses généraux Hu Jingyi (1892-1925) et Sun Yue (18781928) le « Guominjun » soit « l‟Armée nationaliste » dans laquelle on professait une doctrine mêlant socialisme, nationalisme et morale chrétienne. C‟est ainsi que contrairement aux troupes de Zhang Zuolin, ou même de la majorité des soldats Chinois, qui pillaient, battaient, violaient sans vergogne les populations civiles, les hommes de Feng Yuxiang avait 140 interdiction de porter préjudice aux populations civiles496. De plus sur les territoires qu‟il contrôlait il était interdit de bander les pieds des jeunes filles et un impôt sur le capital avait été mis en place afin de taxer les classes supérieurs. Quant aux questions politiques il acceptait la présence de militants du Kuomintang ainsi que ceux du PCC et mena même une politique progressiste de soutien aux syndicats et unions paysannes497. Ce qui était formellement interdit dans d‟autres régions de Chine C‟est pourquoi en février 1925 Moscou envoya Borodine depuis Canton pour rencontrer Feng Yuxiang afin de négocier l‟aide de l‟Union Soviétique. Le général accepta ainsi de recevoir des conseillers ainsi que des propagandistes dans son armée en échange d‟armes et de munitions et de soutenir l‟effort du Kuomintang498. Cet accord était logistiquement d‟autant plus facile à mettre en place que sa zone d‟influence était proche de la Mongolie qui était depuis 1924 un pays fantoche sous le contrôle de l‟URSS. En effet après une série de négociations rondement menées par l‟ambassadeur Kharakhan les troupes russes qui occupaient le pays depuis 1921 purent à la barbe des Chinois placer des éléments communistes aux postes clés du gouvernement499. Alors que selon le traité signé entre les deux pays la Mongolie devait pouvoir revenir au sein de la république chinoise. Suite à l‟accord Borodine-Feng Yuxiang les premiers conseillers arrivèrent en mai 1925 et tout comme leurs homologues présents à Canton ils étaient des vétérans du parti et de la guerre civile. S‟ils formèrent par exemple des brigades de cavalerie pour contrer les cavaliers Mandchous de Zhang Zuolin ils ne purent travailler aussi efficacement que leurs camarades de Canton500. Selon la jeune traductrice Vera Vishnyakova-Akimova qui travailla au sein de cette mission d‟une quinzaine de membres les relations entre Feng Yuxiang et ses conseillers étaient assez difficile. S‟ils recevaient volontiers les armes soviétiques et des conseils tactiques il empêcha tant que possible les commissaires politiques d‟éduquer ses troupes au marxisme. Les reléguant souvent à l‟arrière il accepta cependant de temps à autres qu‟ils soient présents au front comme lors de la bataille de Tsientsin à la fin de 1925, mais en règle générale ils ne purent travailler aussi efficacement. Même lors de la guerre entre Zhang Zuolin ils ne purent assister les généraux de Feng Yuxiang. A partir de l‟hiver 1927 il recevra l‟aide d‟une trentaine de communistes chinois qui avaient été formés à Moscou pour mener 496 Boris Pilniak, Une femme russe en Chine, edition L'Âge d'Homme, Lausanne, Suisse, 1976 Jean Chesnaux, Françoise Le Barbier, op. cit. 498 Lucian w. Pye, Warlords politics, conflicts and coalition in the modernization of China, Prager Publishers, Columbia University, New York, États-Unis, 1971 499 Boris Pilniak, Une femme russe en Chine, edition L'Âge d'Homme, Lausanne, Suisse, 1976 500 Vera Vishnyakova-Akimova, op. cit 497 141 des actions de propagande. Il reçut aussi la possibilité d‟envoyer 25 officiers à Moscou pour être formés dans des écoles d‟officiers501. En mars 1926 Feng Yuxiang aura même le privilège d‟être invité à Moscou où il sera accueilli telle un dignitaire étranger ; on lui fera faire selon ses propres mots le « vodka circuit » 502 . Cette invitation coïncida alors que les préparatifs de l‟expédition du Nord battaient leur plein, c‟est pourquoi les soviétiques lui demandèrent en quoi ils pouvaient l‟aider. Acceptant de recevoir à nouveau de grosse sommes d‟argent Feng Yuxiang promit d‟adhérer cette fois-ci au Kuomintang. Ce qui permettait au Kominterm d‟assurer le succès de l‟Expédition du Nord au moment où Tchang Kaï-chek comptait s‟élancer avec moins de 100 000 soldats à la conquête de toute la Chine. Mais rapidement les soviétiques réalisèrent que le général Feng Yuxiang était un homme fantasque et politiquement peu stable. Une légende tenace affirmait par exemple qu‟il avait baptisé lui-même une partie de ses troupes avec rien de moins qu‟une lance à incendie. Alors que ses conseillers russes étaient présents dans son armée il s‟épancha dans la presse du « péril rouge » qu‟il fallait combattre alors qu‟il venait juste de revenir de Moscou. Et au Kremlin il avait loué Lénine et critiqué les Anglais en disant qu‟ils étaient des impérialistes « doué dans le commerce de la mort ». Il dit aussi par ailleurs à Borodine qu‟il n‟espérait rien de moins que devenir un « simple ouvrier » en Russie ! Et ce alors qu‟il était l‟un des plus puissants dirigeants chinois de son époque503. Son attitude rocambolesque commença à alarmer sérieusement l‟un de ses conseillers qui écrivit à l‟ambassadeur Kharakhan qu‟il ne fallait pas prendre pour argent comptant les nombreuses démonstrations d‟amitiés de Feng Yuxiang. Il préconisa de garder l‟aide matériel à un minimum vital pour assurer la survie du Guominjun et de n‟instruire que les hommes de troupes afin que ses généraux soient tout aussi incompétents qu‟ils ne l‟étaient auparavant504. Lorsque l‟Expédition du Nord débuta en juillet 1926 Feng Yuxiang apporta son soutien à Tchang Kaï-chek. Après que le futur chef de la Chine ait purgé Shanghai des communistes le général chrétien resta prudemment pendant plusieurs mois en bon terme avec ses conseillers ainsi que le gouvernement du Wuhan. Cependant il opéra le rapprochement politique entre les éléments non-communistes du gouvernement de Wuhan et de la faction de 501 Odoric Y. K. Wou, Mobilizing the Masses: Building Revolution in Henan, Stanford University Press, ÉtatsUnis, 1994, p. 31-32 502 Lucian w. Pye, op. cit 503 Vera Vladimora Vishnyakova, op. cit 504 Martin Wilbur, Julie Lien-ying How, op. cit., document 37 lettre à Lev Karakhan à propos de Feng Yusiang 142 Tchang Kaï-chek. Il demanda donc aux communistes chinois de partir de l‟armée du Guominjun et leur offrit même un peu d‟argent pour le voyage505. Puis en juillet 1927 alors que Mikhaïl Borodine retournait en Union Soviétique par la voie terrestre il aurait pu être facilement arrêté par Feng Yuxiang car sa tête était mise à prix. Mais le général une fois de plus préféra ne pas froisser le puissant voisin soviétique. Après la prise de Pékin par ses troupes pendant l‟été 1927 il fit savoir à la population que comme à Shanghai, il n‟accepterait lui non plus aucun débordement communiste506 et rentra officiellement dans le Kuomintang en octobre 1927 après avoir dissous le Guominjun. Par la suite, une lutte s‟engagea entre lui et Tchang Kaï-chek pour le contrôle du parti et il s‟alliera avec plusieurs clans pour évincer le généralissime. Mais il fut battu la Guerre des plaines centrales, et en partie à cause des conseillers allemands qui avaient formé des « divisions de fer » et proposé des plans de bataille à Tchang Kaï-chek. En 1933 Feng Yuxiang recommença à faire parler de lui lors d‟une tentative pour se dresser contre les Japonais au Chahar mais il fut de nouveau vaincu par Tchang Kaï-chek qui ne souhaitait aucun problème avec le puissant voisin nippon. Il se vit offrir un strapontin comme « viceprésident de la commission des affaires militaires », que présidait Tchang Kaï-chek, de 1935 à 1945 et combattit les Japonais. Il décéda en 1948 dans un l‟incendie du navire qui l‟emmenait en Union Soviétique. 505 Benjamin Yang, The Making of a Pragmatic Communist: The Early Life of Deng Xiaoping (1904-1949), The China Quarterly, Numéro 135, Special Issue: Deng Xiaoping: An Assessment, septembre 1993, page 448 506 Mission Étrangères de Paris, Journal mensuel « Bulletin catholique de Pékin », numéro d‟août 1927 143 Annexe 2 : Étude de cas sur l’apport industriel et idéologique de la mission militaire allemande de 1930 à 1937 L‟utilisation de conseillers militaires privés au sein de l‟armée chinoise ouvrit la voie à une coopération militaire entre la Chine et l‟Allemagne. Même si elle se fit très longtemps de manière non officielle, elle permit à la Chine de réaliser plusieurs avancées non négligeables dans les domaines technologique et économique. Rappelons qu‟au début de la mission militaire allemande, le niveau de développement économique de la Chine pouvait être comparé à celui d‟un actuel Pays en voie de développement : le colonel Bauer, analysant la situation chinoise en 1928, estimait la capacité potentielle de puissance électrique à 0,88 millions MWatt/h., contre 5 millions pour l‟URSS et 88 millions aux États-Unis507. Sur le plan de la couverture médicale, on comptait seulement un médecin pour 45 000 personnes contre 1 pour 800 aux États-Unis508 et le pays était très instable du fait des guerres, des famines et des inondations. Six millions de personnes perdirent ainsi la vie entre 1928 et 1931 suite à ce genre d‟événements 509. Ces nombreux échanges entre l‟Allemagne et la Chine aidèrent considérablement cette dernière dans son développement – essentiellement sur le plan militaire, cependant. Le commerce et la vente d‘armes Comment la mission militaire allemande modifia-t-elle les relations Chine-Allemagne Dès 1928, l‟arrivée du colonel Max Bauer en Chine fit de nombreux heureux chez les Allemands qui travaillaient en Chine, comme le capitaine John Ratay, un attaché militaire américain à Pékin, qui rencontra en avril 1928 un marchand allemand du nom de William Weber. Celui-ci était un homme important dans la communauté germanique car il avait la responsabilité d‟un syndicat. William Weber dit à l‟attaché militaire 507 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p. 40 Theodore H. White et Annalee Jacoby, Thunder out of China, William Sloane associates inc., New-York, USA, 1946 509 Hans J. Van de Ven, War and nationalism in China (1925-1945), Routledge Curzon, London, Royaume-Unis, 2003, p. 130 508 144 américain qu‟il croyait que le colonel Bauer reviendrait prochainement à la tête d‟une mission militaire allemande, et que les affaires des commerçants Allemands allaient en profiter. Il lui confia : « Le moment est venu pour les Allemands de devenir les étrangers les plus influents en Chine […]. Quand le gouvernement nationaliste arrivera à Pékin [il] deviendra le gouvernement [officiel] de la Chine. Des troubles entre les puissances étrangères qui ont des enclaves territoriales et ce gouvernement sont inévitables. Le boycott des produits étrangers sera inévitable [mai s les] Allemands ne seront pas affectés par ce boycott. Nous serons les seuls amis de la Chine [et] nous prendrons ainsi le marché chinois à l'exception du pétrole et des voitures. [Suite à] ces années de lutte entre les étrangers avec des concessions étrangères et la Chine, l'influence allemande et son commerce seront bien établis en Chine. » 510 Dans la suite de son rapport, l‟attaché militaire américain confirmera qu‟après avoir rencontré de nombreux Allemands, ceux-ci partageaient exactement les mêmes vues sur la future influence de l‟Allemagne en Chine. Les évènements économiques qui allaient se produire les années suivantes ne donnèrent pas tort à William Weber : l‟Allemagne s‟imposa comme étant l‟un des principaux partenaires commerciaux de la Chine et l‟un de ses plus grands fournisseurs d‟armes. Les achats d‘armes, de munitions et l‘accord HAPRO Grâce à la présence des militaires allemands, l‟armée chinoise put acheter de nombreux produits allemands pour équiper les nouvelles divisions encadrées par les conseillers. En effet, le pays ne possédait que très peu d‟arsenaux et ceux -ci ne pouvaient construire que des armes légères – comme des fusils ou des mitrailleuses – ce qui n‟était pas suffisant à une époque où les guerres se gagnaient davantage dorén avant avec des avions, des tanks et des canons à longue portée 511. Les nombreux liens qu‟entretenaient les conseillers avec l‟industrie, au cours de la Première Guerre mondiale, permirent de multiples contact qui débouchèrent sur des achats de matériel militaire de qualité512. D‟ailleurs, ces Allemands occupaient souvent une position 510 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German economic aspiration in China‖, 12 juin 1928 511 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p. 125 512 Hans J. Van de Ven, op. cit. 145 d‟intermédiaires pendant les négociations et recevaient une commission sur la vente qui venait d‟être effectuée 513. Ils étaient de temps à autre même démarchés par des industriels qui proposaient les services de leurs propres entreprises militaires 514. Quant au général Hans von Seeckt, il emmena avec lui lors de son retour en Chine en 1934 un marchand et aventurier allemand dénommé von Lustig afin qu‟il puisse l‟aider à réaliser des affaires. Cet homme s‟était spécialisé dans la contrebande : il avait notamment vendu des armes à des personnes avec qui aucun gouvernement n‟aurait accepté de commercer. C‟est ainsi qu‟il vendit des armes à l‟URSS en 1923 ainsi qu‟aux rebelles Rifains lors de leur soulèvement contre la France et l‟Espagne 515. Puis en août 1934, un industriel allemand du nom de Hans Klein (1879 -1957), qui fut aussi le partenaire financier de Hans von Seeckt 516, signa un accord avec le gouvernement chinois signifiant par le biais de sa compagnie H.A.P.R.O. – cet acronyme « Handelsgesellschaft für industrielle Produkte » soit « Compagnie commerciale de produits industriels », un nom fort discret qui fut choisi afin de cacher ses activités au gouvernement allemand 517. Cet accord ne proposait rien de moins que l‟entreprise aide à construire la base industrielle de la Chine (usines pour créer de l‟acier à partir du fer abondamment présent en Chine, arsenaux modernes) et à approfondir la relation entre les deux pays 518. En échange de quoi la Chine vendrait à l‟entreprise des minerais pouvant être utilisés pour la fabrication d‟armes modernes et dont Hitler avait énormément besoin pour son programme de reconstruction d‟une armée allemande moderne519. Le ministère des affaires étrangères ne fut pas enchanté par cet accord car il compromettait les relations avec le Japon ; il avait même par le passé réussi à annuler un projet pour la construction en Chine d‟une usine d‟avions de guerre par peur des critiques de l‟Empire du Soleil Levant 520. Mais le projet H.A.P.R.O fut soutenu conjointement par les ministères de la guerre et de l‟économie. C‟est pourquoi 513 N.A.R.A, boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German advisers to Chiang Kai Shek‖, 9 avril 1930, USA 514 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2239, deutsche militarish berater bei der Chinesisichen nationalregierung, lettre du 29 novembre 1929 où le colonel Bauer fut démarché par un ingénieur vivant à Tsingtao en lui proposant de lui vendre des tanks et des voitures blindées pour l‟armée chinoise. 515 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 10 avril 1934 516 Ibid, note du 28 juillet 1936 517 William C.Kirby, op. cit., p. 120 518 Ibid., p. 125 519 John P. Fox, Germany and the far eastern crisis (1931-1938), A study in diplomacy and ideology, London school of economics and political science, Oxford, Royaume-Unis, 1982, p. 54 520 Ibid, p. 70 146 l‟entreprise fut nationalisée peu de temps après au moyen d‟une une augmentation de son capital d‟un tiers, le ministre de la guerre Werner von Blomberg (1878-1946) déclarant que rien ne s‟y passerait sans son consentement 521. Les ressources chinoises étaient une opportunité unique pour la Wehrmacht car elles pouvaient accélérer sensiblement le processus de réarmement de l‟Allemagne 522. Cet accord, signé le 9 avril 1936, établissait que les Chinois devraient recevoir pour 100 millions de Reichsmarks en crédit d‟achat, en échange de quoi les Allemands obtenaient la priorité sur l‟achat de ressources chinoises 523. À titre de comparaison, l‟Allemagne n‟avait vendu à la Chine que l‟équivalent de 4 millions de Reichsmarks d‟équipement militaire lors du premier semestre 1936 524. Ainsi en 1938, suite à cette relation sino-germanique, près de 70% des munitions que l‟armée chinoise utilisait provenaient d‟Allemagne 525. L‟ensemble des divisions chinoises formées par les Allemands possédaient le même équipement qu‟un fantassin de la Wehrmacht 526 et l‟on pouvait voir du matériel de guerre lourd allemand dans les rues de Nankin (canons, tanks, « Flak » anti-aériens)527. L‟accord HAPRO fut aussi largement bénéfique pour l‟Allemagne puisqu‟en 1936 presque 30% de ses exportations d‟armes partaient en direction de la Chine alors qu‟en 1935 seulement 8% y étaient acheminées528. Suite à cette relation, certains diplomates du quai d‟Orsay parlèrent alors de « danger pour notre industrie [d‟armement] » et ce avant même la signature de l‟accord529. Pour tenter de contrer le quasi-monopole des armes allemandes, un marchand français tenta même de se nouer d‟amitié avec les conseillers allemand s afin de gagner une part du marché 530. Du coté des États-Unis, l‟attaché militaire en Chine, John Magruder (1887-1958), décrira déjà en 1930 cette situation en des termes très pessimistes : 521 William C.Kirby, op. cit.,, p. 134 John P. Fox, Germany and the far eastern crisis (1931-1938), A study in diplomacy and ideology, London school of economics and political science, Oxford, Royaume-Unis, 1982, page 129 523 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 524 Archives du quai d‟Orsay, carton 678 « relation Allemagne et Chine », 1936 525 Journal « Ouest France », 23 mai 1938, France 526 http://dzh.mop.com/whbm/20060416/0/zSS33I6396a98xsaS5.shtml, Image numéro 32 527 William C.Kirby, op. cit., p. 220 528 Ibid, p. 221 529 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 26 mars 1935 530 Ibid., note du 8 juillet 1931 522 147 « Le commerce américain [en Chine] est tellement affecté par l‟extraordinaire influence de la mission militaire allemande que cela devrait forcer notre gouvernement à combattre ce subtile monopole » car « Nous en sommes au point où le gouvernement de Tchang Kaï-chek achète tout [le matériel militaire] d‟Allemagne quand ce pays peut le lui vendre. » 531 L‟Allemagne ne pourra cependant pas être compétitive sur l‟ensemble de la vente des produits militaires car il lui était interdit de fabriquer des gaz de combats, des tanks et de l‟aviation suite au traité de Versailles 532. Mais malgré ces interdictions pendant les années où la mission militaire officiera auprès du Kuomintang, elle sera accusée plusieurs fois d‟avoir permis l‟arrivée de chimistes en Chine, ce qui attirera l‟attention des services de renseignements 533. Cependant, le gouvernement allemand se défendra toujours contre ces accusations 534. La vente d‘armes par d‘autres nations Les autres pays avaient dorénavant bien plus de mal à vendre des armes à la Chine vu l‟influence des conseillers allemands. Les Etats-Unis, par exemple, se trouvaient en outre fortement handicapés du fait que, suite à une résolution du Congrès de 1922, ils n‟avaient pas le droit d‟exporter des armes ou tout autre type de matériel militaire (avions, camions, radios) 535. Plus tard les citoyens américains seront autorisés à exporter des armes pour le Kuomintang mais avec de fortes contraintes administratives et il faudra attendre juillet 1933 pour assister à un assouplissement des régulations. Cependant, du fait de ces restrictions sur le vente de certains t ypes d‟armes imposées à l‟Allemagne au début des années 30, les États-Unis parviendront à être dominants sur la vente d‟avions de guerre à partir de 1933 536, tandis que les Anglais seront majoritaires sur le marché des tanks. De 1929 à 1937 voici quels furent les achats de véhicules blindés que réalisa l‟armée chinoise 537 : Royaume-Uni……...….....73 tanks 531 N.A.R.A., boîte numéro M1444, “Correspondence of the Military Intelligence”, microfilm numéro 13, rapport ―German advisers to Chiang Kai Shek‖, 9 avril 1930 532 Ibid 533 Archives du quai d‟Orsay , carton 537 « sur la mission allemande », note du 7 mars 1930 534 Ibid, note du 23 juillet 1930 535 N.A.R.A. (National Archives and Records Administration), F.R.U.S (Foreign Relations of the U.S), volume 9834-3 “the far east”, 1933, cable numéro 974 536 Mark Pettie, Edward J. Drea, Hans van de Ven (direction)The battle of China, essays on the military history of the sino-japanese war of 1937-1945, Stanford University Press, USA, 2011, p.294 537 http://news.xinhuanet.com/mil/2008-08/25/content_9609301.htm 148 Italie………………….…..20 tanks Allemagne……….……….10 tanks Quant aux marchands français, comme la société Hotchkiss spécialisée dans les mitrailleuses, ils arrivaient aussi à vendre parfois du matériel en Chine 538. Le commerce civil Le commerce des armes allemandes n‟était pas le seul à se développer fortement à cet époque : les marchandises civiles venant du III e Reich étaient aussi très nombreuses en Chine. Il faut préciser que, suite à la pacification par le Kuomintang des régions sous son contrôle, les investisseurs se montraient bien plus intéressés que par le passé ; ainsi, le journal Zeitschrift für Geopolitik (la Revue de Géopolitique) pouvait écrire en 1934 : « Chaque kilomètre carré du sol chinois qui est sous le contrôle du gouvernement [de Tchang Kaï-chek] offre au commerce et à l‟industrie étrangère un futur prometteur. »539 Dès lors, profitant de la réputation des produits allemands et de l‟Allemagne, de nombreux marchands vendront en Chine leur production et surpasseront de nombreuses nations. Ainsi, entre 1913 et 1930, les importations en Chine de produits allemands doublèrent 540 : au milieu des années 1930, 17% des importations de l‟Empire du Milieu provenaient du III e Reich, tandis que dans le même temps les produits en provenance du Royaume-Uni passaient de 17,5% à 9% 541. À la fin de l‟année 1936, l‟Allemagne devint même le deuxième pays exportant des marchandises en Chine 542. La République de Weimar avait été durement touchée par la crise de 1929, son industrie ne fournissait plus que 61% de sa capacité de production contre 89% pour l‟Angleterre et 71% pour la France543. Nous pouvons sans peine imaginer que l‟apparition d‟un nouveau marché de consommation était une aubaine aussi bien pour les industriels de la Ruhr que pour les marchands internationaux de Brême et de Hambourg. 538 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 31 mai 1931 William C.Kirby, op. cit., p. 233 540 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 15 janvier 1931 541 William C.Kirby, op. cit. 542 Archives du quai d‟Orsay, carton 678 « relation Allemagne et Chine » note du 26 décembre 1936 543 Harold James, The german Slump, politics and economics 1924-1936, Clarendon press, Oxford, RoyaumeUnis, 1986 539 149 Ces ventes de l‟Allemagne à destination de la Chine n‟étaient pas entièrement composées de matériel de guerre, de nombreux biens civils étaient vendus comme le montre le tableau suivant 544 : Ventes allemandes à destination de la Chine (1 er semestre 1936) Articles en fer divers Pourcentage Deutschmark 18 Papiers ou cartons 15.9 Laminés (métal compressé sous forme de plaque) 15.7 Colorants extraits de goudrons 13.4 Explosifs, munitions, armes 7.3 Engrais azotés 6.7 Produits électriques techniques 6.4 Produits chimiques divers 5.4 Produits pharmaceutique 4.1 Machines/outils 3.3 Colorants non extraits de goudrons 2 Produits mécaniques/produits de l‟industrie optique 1.8 De plus, ce commerce civil n‟était pas un échange à sens unique. D‟une part, en Allemagne, entre 1927 et 1937, au niveau des minerais pour une utilisation militaire, 61% du Tungstène 545 et 88% de l‟Antimoine provenaient de Chine 546. D‟autre part, juste avant le début du deuxième conflit sino-japonais, le Troisième Reich représentait 17% des exportations de la Chine, ce qui inquiétait considérablement les capitalistes et 544 Archives du quai d‟Orsay, carton 678 « relation Allemagne et Chine », 1936 Kurt Bloch, German interests and policies in the far east, institute of pacific relations, New York, USA, 1940 546 John P. Fox, Germany and the far eastern crisis (1931-1938), A study in diplomacy and ideology, London school of economics and political science, Oxford, Royaume-Unis, 1982, page 54 545 150 militaires japonais qui avaient considérablement besoin des matières chinoises pour leur industrie547. La création d‘une industrie nationale La création d‘usines en Chine par des capitaux allemands Dès 1930, une mission industrielle allemande pour le compte de « l‟Union industrielle allemande » (Reichs verband fur der Deutscher Industrie) et du gouvernement allemand 548 fut invitée par le gouvernement chinois afin de pouvoir investir en Chine. Mais « ce voyage désillusionna les représentants de l‟industrie allemande sur les possibilités […] d‟écouler le surplus de sa production »549 car pour eux le chaos le plus complet régnait dans tout le pays (guerres, famines, retards très importants dans le versement des salaires des fonctionnaires 550). Ils en conclurent que leurs placements ne fructifieraient pas suffisamment et ils refusèrent donc de placer leur capital à ce moment. D‟autant plus que, suite à la crise de 1929 qui toucha durement l‟Allemagne, le ministère des finances n‟avait pas l‟argent nécessaire pour garantir les ventes à destination de la Chine, et ce malgré le fait que son ministre Lutz Schwerin von Krosigk (1887-1977) fût un partisan de cette solution en 1932 551. Pour le gouvernement chinois, la construction d‟une industrie était une priorité absolue pour pouvoir améliorer le pays. Or, dans le milieu des années 1930, elle était pratiquement inexistante car elle ne représentait que 2,2% du PIB du pays 552. Le général Georg Wetzell voulait, tout comme le colonel Bauer, aider à la création d‟une industrie nationale grâce à ses connections dans le monde des affaires allemand, pour permettre à la Chine d‟être indépendante au niveau de la construction de matériel militaire et de 547 Service Historique de la Défense, série 7N, archives des conseillers militaires à l‟étranger (1919-1940), carton numéro 3298, note du 10 avril 1937 548 Politishen archivs des Auswärtigen Amts - Peking II (R 9208), Carton 2239, deutsche militarish berater bei der Chinesisichen nationalregierung, article du Journal de Pékin du 18 avril 1930. 549 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », rapport du service politique de la police francaise de Shangaï, « rapport sur la mission militaire allemande », numéro 686/2, 27 décembre 1934, France 550 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), The Germany advisory group in China, publié par Droste, Düsseldorf, Allemagne, 1981 551 William C.Kirby, Germany and Republican China, Stanford university press, USA, 1984 552 Lloyd E. Eastman, The abortive revolution, china under nationalist rule (1927-1937), Harvard University press, USA, 1975 151 l‟extraction de métaux ; mais la situation géopolitique du pays empêcha de réaliser un tel projet 553. Ce fut donc le général Hans von Seeckt, suite à son son rapport sur l‟état de la Chine, qui poussa Tchang Kaï-chek à investir dans l‟industrialisation de son pays. À titre d‟exemple, 75 à 90% des arsenaux chinois déjà existants selon von Seeckt produisaient des armes complètement obsolètes au regard des critères des guerres modernes554 et la Chine importait toujours 50% de ses munitions 555. Ainsi, en 1935, fut créée la « Commission des ressources nationales » qui organisa l‟année suivante un plan en trois ans pour l‟industrialisation de la Chine, suite à la signature de l‟accord HAPRO qui s‟avérait très prometteur pour l‟avenir économique du pays 556. Ainsi, à la veille de la guerre, vingt arsenaux chinois étaient capable de produire des armes légères (fusils, mortiers, munitions) dont trois étaient même capables de construire des armes lourdes (canons de 75mm, explosifs)557. Mais cette industrie était largement insuffisante pour pouvoir équipper les 1,7 millions de soldats chinois présents sur le territoire 558. Même si la plupart des troupes entrainées par les Allemands furent décimées lors de la bataille de Shanghai, certaines industries construites par les Allemands devinrent très utiles dans l‟effort de guerre contre les Japonais 559. Les chemins de fer et la compagnie d‘aviation Eurasia Sachant que la Chine était dorénavant considérée comme un pays bien plus sécurisé, plusieurs nations commencèrent à partir de 1934 à garantir une partie de tout investissement réalisé dans la rénovation et la construction de lignes de chemin de fer. Une fois de plus, les Allemands étaient les plus avantagés en Chine, car sur les 80 millions de dollars d‟investissements dans les transports, 50% concernaient des firmes allemandes560. L‟un des premiers investisseurs à s‟intéresser à ce marché se dénommait Otto Wolff (1904-1940) ; il signa de nombreux contrats avec le gouvernement de Tchang Kaï-chek. Or, pour cet homme, il était très important d‟être compétitif sur ce terrain économique car les retombées financières promettaient d‟être très importantes ; il déclara ainsi « Partout d‟où le chemin de fer se trouvera en Chine, les matériaux en 553 William C.Kirby, op. cit. Ibid, page 117 555 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), The Germany advisory group in China, publié par Droste, Düsseldorf, Allemagne, 1981 556 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p. 125 557 Rodney Gilbert, op. cit., 558 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p. 125 559 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit., 560 Arthur Young, op. cit., p. 372 554 152 jailliront. »561.Mais suite au début de la guerre, la plupart des travaux ne purent être terminés : si elle s‟était déclarée plus tard, la Chine aurait possédé un bien meilleur réseau de chemin de fer 562. L‟un des seuls projets industruels sino-allemands – et non militaire – qui devait s‟inscrire dans la durée fut la création d‟une compagnie aérienne du nom de « Eurasia Aviation Corporation ». Cette compagnie de transport aéronautique – il n‟y en avait que deux autre dans tout le pays – dura jusqu‟en 1943. Sa création fut rendue possible en partie grâce à des fonds allemands car la compagnie d‟aviation Lufthansa possédait 34% du capital, tandis que le Kuomintang dispoait du reste 563. Fondée en février 1931, l‟entreprise avait le projet de construire une ligne Berlin-Nankin, mais suite au refus de l‟URSS de voir les avions atterrir sur son territoire, le projet ne put jamais être mis en place564. Cependant, un autre itinéraire de 14 000 km, passant par l‟Inde, était supposé être créé à la fin de l‟année 1935 565, mais là encore le projet ne put aboutir. Avion Junkers Ju-52 de la compagnie Eurasia En attendant qu‟un tel plan se réalise, la compagnie fut utilisée pour le transport entre les villes chinoises et vit progresser sa clientèle annuelle de 2 000 personnes à près de 11 000. La quantité de courrier transporté augmenta encore plus rapidement en 561 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. Ibid. 563 Archives du quai d‟Orsay, carton 674 « Activité des puissances étrangères en Chine », aout 1933 564 William C.Kirby, Germany and Republican China, op. cit.,, p. 74 565 “China today series” edited by Tang Leang-Li, reconstruction in China, a record of progress and achievement in facts and figures with illustration and map, China United Press, Shangaï, Chine, 1935 562 153 passant de 784 kg à plus de 130 000566. Le transport de lettres, qui était déjà une affaire très lucrative567, était très important sachant que l‟aviation permettait au gouvernement de Nankin d‟envoyer des documents et représentants officiels bien plus rapi dement qu‟auparavant, améliorant ainsi l‟unité de la Chine. D‟ailleurs, 40% des passagers qui utilisèrent Eurasia étaient des membres du Kuomintang avec des responsabilités officielles ou bien des individus appartenant à l‟administration gouvernementale 568. Bien qu‟elle ne dépassa jamais sa concurrente directe, China National Aviation Company, tant en nombre de passagers qu‟en bénéfices, Eurasia ne cessa de s‟étendre en agrandissant sa flotte. Au début de son existence, la compagnie ne pouvait emporter que seize passagers sur deux avions, alors qu‟à la veille de la guerre elle possédait une flotte de sept appareils pouvant transporter une petite centaine de passagers. La compagnie employait une équipe de 465 travailleurs et les pilotes avaient été formés par leurs confrères allemands, tout comme les techniciens 569. Les destinations d‟Eurasia s‟étalaient de la Chine côtière à la lointaine région du Xinjiang et permettaient de relier Pékin à Canton en huit heures 570. La compagnie ne survécut cependant pas à la guerre. D‟une part, pour des raisons matérielles : suite aux attaques japonaises dont ses avions étaient souvent la cible, elle perdit plusieurs avions de sa flotte. D‟autre part, pour des raisons politiques : la Chine et l‟Allemagne se déclarèrent mutuellement la guerre à partir de décembre 1941, au lendemain de Pearl Harbour 571. Le rapprochement politique La fascination de Tchang Kaï-chek pour une nouvelle société Grand admirateur de la manière dont la Turquie, le Japon et l‟Allemagne avaient élevé leur « esprit national », Tchang Kaï-chek avait développé au cours des années 1930 un certain intérêt concernant le fascisme 572. Il déclara en 1932, lors de la création 566 Kuo Heng-Yü (direction), Von der Kolonialpolitik zur Kooperation, Studien zur Geschichte der deutschChinesichen Beziehungen, Minerva publikation müchen, Munich, Allemagne, 1986 567 “China today series” edited by Tang Leang-Li, reconstruction in China, a record of progress and achievement in facts and figures with illustration and map, China United Press, Shangaï, Chine, 1935 568 William C.Kirby, op. cit., p.77 569 “China today series” edited by Tang Leang-Li, op. cit. 570 William C.Kirby, op. cit., p.77 571 Kuo Heng-Yü (direction), op. cit. 572 Jay Taylor, op. cit., p. 101 154 de la « société des chemises bleues » qui était un regroupement d‟officiers militant pour une Chine dictatoriale : « Le fascisme […] est un stimulant pour une société en déclin » et « est-ce que le fascisme peut sauver la Chine ? Nous répondons : oui. Le fascisme est ce dont la Chine a le plus besoin. »573 Il dira aussi à son fils adoptif, lorsqu‟il fut envoyé en Allemagne à Munich dans une académie militaire : « L‟Allemagne est le seul pays duquel nous pouvons apprendre quelque chose. Ils nous donnent la base sur laquelle nous pourrons nous développer. »574 Cependant, il n‟était pas un partisan des idées nationales-socialistes, l‟idée de l‟existence d‟une race suprême ou de la création d‟une sphère de co -prospérité, par exemple, ne l‟intéressait pas 575. Tchang Kaï-chek, sous l‟influence des Chemises bleues, lanca en 1934 le « mouvement de la nouvelle vie ». Ce mouvement politique, qui reprenait des concepts confucéens, voulait inculquer aux Chinois des valeurs que l‟on estimait perdues afin de relever le niveau spirituel du pays 576. Les Chemises bleues tentèrent ainsi d‟enseigner à la population qu‟il existait quatre grandes valeurs dans la société : la propriété privé, la justice, l‟honnêteté et le respect de soi-même. Ils souhaitaient par ailleurs que chacun puisse appliquer chaque jour quatre -vingt seize règles de vies, comme ne pas cracher par terre ou se laver la figure au réveil le matin. Les Chemises bleues espéraient ainsi transformer « l‟esprit intérieur » de chaque habitant de la Chine et en faire des citoyens meilleurs. Cependant, cette tentative d‟éducation des masses chinoises fut globalement un échec car personne ne comprenait réellement l‟intérêt de ces règles, et même les gens s‟en moquaient ouvertement 577. Plus tard, la société des Chemises bleues fut dissoute sur ordre de Tchang Kaï -chek au printemps 1938. Le chef du Kuomintang voulait prouver son désir de rapprochement 573 Lloyd E. Eastman, Jerome Ch‟en, Suzanne Pepper, Lyman P. van Slyke, op. cit., p. 28 Jay Taylor, op. cit., p. 101 575 Jay Taylor, op. cit., p. 101 576 Lloyd E. Eastman, Fascism in Kuomintang China: The Blue Shirts, Cambridge University Press, The China Quarterly, No. 49 (Jan. - Mar., 1972), pp. 1-31, 1972 577 Constantin Rissov, op. cit. 574 155 avec les communistes ; cette dissolution marqua ainsi la fin de son penchant officiel pour le fascisme 578. Le rapprochement avec l‘Allemagne Tchang Kaï-chek et son entourage éprouvaient une grande admiration à l‟égard des régimes dictatoriaux européens comme l‟Allemagne ou l‟Italie. Ces sentiments, couplés à la grande influence qu‟exerçaient les conseillers militaires auprès du chef de la Chine, donnèrent des sueurs froides à certains spécialistes. Ceux-ci commencèrent à imaginer des scénarios dans lesquels l‟Empire du Milieu se serait rapproché politiquement de l‟Allemagne. À titre d‟exemple, un diplomate du quai d‟Orsay, en 1933, avait très peur que la Chine puisse aider l‟Allemagne en cas de guerre européenne en envahissant l‟Indochine579. Le Kuomintang se permit de refuser de signer un accord de type HAPRO avec l‟Hexagone 580 et en 1934 les services diplomatiques français relevaient que : « Le renforcement de l‟armée de Tchang Kaï-chek [par les conseillers militaires allemands] signifie une sérieuse menace pour les troupes rouges chinoises et donc pour l‟URSS et qu‟il est ainsi conforme aux buts de la politique extérieure allemande. »581 L‟Allemagne hitlérienne reconnut ensuite le gouvernement de Nankin comme le seul et unique gouvernement légitime de la Chine en cessant d‟envoyer de l‟armement aux autorités provinciales chinoises, chose que la république de Weimar n‟avait jamais faite582. Un projet d‟industrialisation par l‟industriel Hans Klein qui aurait profité au seigneur de guerre Li Zongren (1890-1969), ancien adversaire de Tchang Kaï-chek fut ainsi torpillé par le III e Reich afin de ne pas mécontenter le gouvernement de Nankin 583. Puis à partir d‟octobre 1936, suite aux accords HAPRO, l‟Allemagne commença à vendre du matériel de guerre dernier cri qui équipait les soldats de la Wehrmacht. Elle promit pour l‟année 1938 de nouveaux canons pour les forts côtiers, la livraison des douze premiers sous-marins de la marine chinoise et des navires possédant les derniers modèles de torpilles ; les pilotes chinois devaient même pouvoir manœuvrer dès 1939 578 Lloyd E. Eastman, Fascism in Kuomintang China: The Blue Shirts, Cambridge University Press, The China Quarterly, No. 49 (Jan. - Mar., 1972), pp. 1-31, 1972 579 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 25 juin 1933, France 580 Ibid, note du 16 juillet 1936 581 Archives du quai d‟Orsay, carton 537 « sur la mission allemande », note du 10 avril 1934 582 Hsi-Huey Liang, op. cit., p. 52 583 Fu Pao-Jen, Bernd Martin (direction), op. cit. 156 des avions flambant neufs comme des bombardiers et des Stukas 584. Si le début des hostilités sino-japonaise avait été reculé, ces échanges auraient ainsi permis à la Chine d‟être en mesure de confronter, et possiblement de vaincre, les Japonais. Le Kuomintang aurait aussi par ailleurs signé sans aucun doute une alliance avec l‟Allemagne vu que l‟organisation de son armée toute entière était calquée sur les techniques allemandes et que Tchang Kaï-chek ne portait pas les communistes dans son cœur. Mais la guerre commença bien avant les livraisons de ces armes et les pressions de la diplomatie japonaise éloignèrent l‟Allemagne et la Chine. Les accords diplomatiques entre les deux pays ne dépassèrent donc pas le cadre de partenariats commerciaux 585. Ainsi, les relations diplomatiques entre les deux pays en restèrent aux échanges de marchandises, aux invitations par le gouvernement chinois pour les membres des Campement d’un groupe de la Hitlerjugend en Chine (1935) Hitlerjugend de passer quelques jours dans la campagne chinoise pour faire du camping et à la suppression des passages critiquant les Chinois dans le livre Mein Kampf 586. Pourtant, pendant le mois de juin 1937, le ministre de l‟économie H.H. Kong (1881-1967) rencontra Adolf Hitler dans son « nid d‟aigle » des Alpes Bavaroise. Il se vanta ensuite rapidement d‟avoir convaincu le chancelier allemand de se méfier de son allié Japonais et l‟assura que la Chine considérait l‟Allemagne comme son meilleur allié 587. Le futur montra que cet entretien ne fut pas aussi fructueux que cela pour la diplomatie chinoise, car à partir de la guerre sino-japonaise, l‟Allemagne ne proposa que d‟être l‟intermédiaire lors de négociations qui n‟aboutirent pas à la paix. Et suite au traité de non-agression signé entre la Chine et l‟URSS en août 1937, Hitler ne souhaita pas continuer à apporter son soutien à un régime qu‟il considérait comme faible face aux communistes. 584 Jay Taylor, op. cit., p. 120 F. F. Liu, op. cit. 586 John P. Fox, Germany and the far eastern crisis (1931-1938), A study in diplomacy and ideology, London school of economics and political science, Oxford, Royaume-Unis, 1982, page 70 587 Hannah Pakula, The last empress: Madame Chiang Kai-shek and the birth of modern China, Simon and Schuster, New York, USA, 2009, page 340 585 157 Crédits photos et illustrations Couverture : - Troupes d‟élites chinoises équipé avec du matériel allemand http://dzh.mop.com/whbm/20060416/0/zSS33I6396a98aS5.shtml Chapitre 1 : Les conseillers militaires soviétiques - Page 19, Photo de Mikhaïl Borodine http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b9/Mikhail_Markovich_Borodin_%28Gru zenberg%29.jpg - Page 20, Photo de Mikhaïl Borodine en 1923 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/89/1923_vasily_bljucher.png - Page 25, exemple d‟un dessin de propagande réalisé par le département politique de la première armée du Kuomintang en 1926 inspiré par les soviétiques. 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