Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012
133
Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne chez l’AJA
de l’enfance entre 1976 et 1986 (1, 2). Cette cohorte a
produit la plus grande quantité d’informations jamais
recueillie sur le sujet, mais la limite d’âge était de 20 ans
au diagnostic et les analyses spécifiques à la tranche
d’âge 15-20 ans sont très rares. La cohorte française
LEA, dédiée au devenir à long terme après traitement
d’une leucémie de l’enfance, inclut les patients jusqu’à
l'âge de 18 ans au diagnostic. L’extension de la cohorte
à de jeunes adultes, bien que souhaitée par certaines
équipes, n’est pas encore effective.
Si un certain nombre de données extrapolées des
cohortes pédiatriques sont applicables à la population
des AJA, il faut cependant s’attendre à des différences.
Ces dernières peuvent être liées à la maladie maligne
et à ses traitements, ou à des susceptibilités particu-
lières de la tranche d’âge. L’épidémiologie des maladies
malignes change fortement entre 15 et 25 ans, les traite-
ments utilisés également, et, par conséquent, les effets
secondaires tardifs changent aussi. Dans le domaine
des hémopathies malignes, les lymphomes malins, et
notamment la maladie de Hodgkin, deviennent plus
fréquents après 15 ans, tandis que la fréquence relative
des leucémies diminue (3).
Pour certaines séquelles, on connaît des spécificités
liées à la tranche d’âge des AJA. Nous en détaillerons
certaines dans la deuxième partie. L’exemple le plus
connu est sans doute le risque d’ostéonécrose, dont on
sait qu’il augmente considérablement, à dose cumulée
de corticoïdes égale, chez les enfants traités après l’âge
de 10 ans pour une leucémie aiguë lymphoblastique
(LAL). Pour la plupart des autres séquelles, nos connais-
sances sont plus parcellaires : la toxicité cardiaque des
anthracyclines pourrait être moindre que chez le jeune
enfant, de même que le risque relatif de tumeur secon-
daire. Le risque spécifique à cette tranche d’âge concer-
nant d’autres séquelles est tout à fait inconnu : risque
d’obésité, de syndrome métabolique, d’ostéopénie/
ostéoporose, d’hypothyroïdie, de cataracte post-radique
ou cortico-induite et de neurotoxicité par exemple.
L’extension des cohortes pédiatriques aux AJA, ou la
constitution de cohortes spécifiques, est donc un réel
besoin.
Des difficultés spécifiques de prise
encharge ?
Il est possible, bien que cela ne soit pas prouvé, que
l’adhésion à un programme de suivi à long terme soit
plus difficile pour les AJA que pour les jeunes enfants
(4, 5). La place prépondérante qu’ont les parents pour
le suivi de leur enfant a tendance à diminuer. Il a été
montré que les survivants d’un cancer de l’adolescence
ont plus de détresse psychologique et une perception
moins positive de leur état de santé que les survivants
d’un cancer de l’enfance. Le souhait d’échapper à l’expé-
rience traumatisante du cancer peut également expli-
quer une moindre adhésion des AJA à un programme
de suivi prolongé, estimé trop contraignant.
Aux États-Unis, la couverture sociale des jeunes adultes
est particulièrement mal adaptée et cela constitue
une difficulté supplémentaire dans ce contexte. Le
poids de ce handicap est probablement moindre en
France. En l’absence de données chiffrées, cependant,
le retentissement pratique de ces considérations reste
hypothétique. Il est possible que la création d’espaces
spécifiquement dédiés à la prise en charge à long terme
des AJA améliore fortement la situation. À Marseille,
une partie de l’Espace méditerranéen des adolescents
(EMA) est spécifiquement dédiée à la prise en charge
après guérison d’une maladie maligne.
Un retentissement différent sur la qualité
de vie ?
À notre connaissance, aucune étude n’a comparé la
qualité de vie longtemps après la guérison d’un cancer
selon que la maladie cancéreuse est survenue chez un
AJA ou un enfant plus jeune. L’expérience de la cohorte
LEA montre que l’impact des séquelles sur la qualité
de vie s’exprime particulièrement au début de l’âge
adulte (6). Dans cette cohorte, il apparaît clairement
que les patients guéris après greffe de CSH ont plus
fréquemment des séquelles physiques que ceux qui
ont été traités par chimiothérapie seule. Ils ont notam-
ment un risque plus élevé d’altération de la croissance
staturale, de la fonction gonadique et thyroïdienne, un
risque plus élevé de cataracte, de tumeur secondaire, de
diabète, de syndrome métabolique et d’ostéonécrose.
Dans les 2 groupes (greffe ou non), les patients âgés
de moins de 18 ans au moment où ils remplissent le
questionnaire rapportent cependant des scores de qua-
lité de vie identiques pour presque tous les domaines.
À l’âge adulte, les patients greffés rapportent en
revanche des scores moins bons pour les domaines
physiques de la qualité de vie.
Trois exemples plus spécifiques
Ostéonécrose
L’ostéonécrose est une complication bien identifiée
du traitement des hémopathies malignes de l’enfant.