Journée douleur Les différentes perceptions de la douleur

Professions Santé Infirmier Infirmière - No23 - janvier-février 2001 25
Journée douleur
Journée douleur
Les différentes
perceptions
de la douleur
Nombreux sont les sentiments qui peuvent
exprimer la douleur. Celle-ci, complexe,
doit être définie au mieux afin que soit
dispensé le traitement le plus adapté possible.
Si l’on reprend la définition de l’International
Association for the Study of Pain (IASP), la
douleur est “une expérience sensorielle et émo-
tionnelle désagréable en réponse à une lésion tis-
sulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans les
termes d’un tel dommage”. Dans ce cadre, com-
ment l’infirmier peut-il participer au traitement
de la douleur et quel peut être exactement
son rôle ? « Il est multiple, répond Hedwige
Marchand, infirmière au Centre François-Xavier-
Bagnoud (Paris). Pour résumer, je dirais que, parce
qu’une douleur exprimée est nécessairement une
douleur et qu’il y a donc toujours quelque chose à
faire, notre mission consiste à entendre, observer,
rechercher, évaluer, transmettre, traiter et réévaluer
le traitement ».
Sortir de la subjectivité du soignant
Quel que soit le sentiment montré – plainte,
colère, agressivité, peur... –, il peut exprimer
différentes douleurs : une douleur provoquée,
le plus souvent aiguë et iatrogène, par exemple
par des ponctions veineuses répétitives, des ma-
nipulations et mobilisations pénibles, des pan-
sements, etc. ; une douleur en lien avec la ma-
ladie, et due à des traitements antalgiques
inexistants ou insuffisants ; la combinaison des
deux ; ou encore une douleur plus complexe,
spirituelle, sociale, psychologique, qui mène à
une souffrance globale du patient. C’est pour-
quoi il est essentiel, pour essayer de com-
prendre les causes de la douleur, de savoir en-
tendre, écouter et observer ce qui est exprimé
spontanément – et ce qui n’est pas dit – par le
patient et son entourage.
Néanmoins, c’est surtout l’évaluation qui est
fondamentale, d’abord parce qu’elle permet à
l’équipe une meilleure adaptation du traitement
antalgique et un soulagement plus rapide du
patient, « mais également pour sortir de la ●●●
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subjectivité du soignant et mettre à distance les
émotions », souligne Hedwige Marchand.
Les outils, nombreux, existent. On peut ainsi
évaluer l’intensité de la douleur grâce à diffé-
rents types d’échelles : l’échelle visuelle analo-
gique (EVA), l’échelle verbale simple (EVS),
l’échelle verbale numérique (EVN) ou encore les
échelles comportementales (EDEGR), échelle
douleur enfant Gustave-Roussy – ou échelle
Doloplus). On peut encore évaluer la localisa-
tion de la douleur par l’entretien ou le schéma
corporel, sa composante sensorielle et émotion-
nelle ; c’est l’objet du questionnaire douleur
Saint-Antoine ou QDSA, et sa répercussion sur
la vie quotidienne.
Être créatifs
Les informations ainsi recueillies doivent ensuite
être transmises par écrit et oralement au méde-
cin et à l’équipe. C’est alors que le traitement le
mieux adapté pourra être choisi. « Notre rôle, ici,
est de répondre sans tarder à la nouvelle pres-
cription médicale, explique Hedwige Marchand.
Parallèlement, il nous faut vérifier ce que le patient
a entendu par rapport au traitement proposé par le
médecin (en faisant preuve d’une vigilance particu-
lière dans les prescriptions morphiniques), recher-
cher avec lui ce qui le soulage tout en vérifiant la
compatibilité avec son état, et motiver l’équipe afin
de mettre en place un traitement adapté. Avant une
mobilisation pénible, par exemple, il convient de
s’interroger en équipe sur les possibilités antal-
giques, de s’assurer de le faire dans les bons délais
et d’évaluer. L’objectif majeur est de travailler à
plusieurs en étant créatifs ».
Pour autant, ce n’est pas parce qu’un traitement
médical est instauré que la partie est gagnée.
« C’est la raison pour laquelle, reprend l’infir-
mière, il faut réévaluer en permanence son effica-
cité, en surveiller les effets secondaires et en vérifier
la prévention. Là encore, on reprendra les outils uti-
lisés et on transmettra à nouveau les informations.
Surtout, il ne faut pas oublier de transmettre quand
ça marche ! » S.H.
Pansements :
non à la fatalité
L’enseignement et la formation
semblent insuffisants pour soulager
les douleurs et traumatismes provoqués
par les pansements. C’est que ce que
révèle la première enquête réalisée
sur ce thème.
En janvier 2000, le Dr Sylvie Meaume, pour
la Société française et francophone des
plaies et cicatrisations (SFFPC), lançait une
enquête destinée à recueillir le point de vue des
infirmières sur le problème de la douleur et
des traumatismes associés aux pansements. Les
résultats de cette enquête inédite, qui fait
d’ailleurs partie d’une étude internationale
conduite dans de nombreux pays européens,
aux États-Unis et au Canada, ont démontré
l’importance qui doit être accordée à l’ensei-
gnement et à la formation en matière de traite-
ment des plaies. Prévenir ou minimiser les trau-
matismes sur la plaie et son pourtour, prévenir
la douleur du patient au retrait du pansement,
sont effectivement essentiels pour effectuer un
soin des plaies de qualité.
Cette enquête a également révélé que la préoc-
cupation principale des infirmières lors du re-
trait du pansement est avant tout de prévenir
la douleur chez le patient (49 % des réponses)
ou de prévenir la propagation de l’infection
(33 %) ; en revanche, la prévention des trau-
matismes sur la plaie ou au niveau de la peau
périlésionnelle a été peu citée (respectivement
9 et 5 % des réponses). Autre enseignement :
d’après les infirmières interrogées, le patient
ressent de la douleur principalement au cours
des procédures de nettoyage de la plaie (63 %),
lors du retrait du pansement (32 %) et non
lorsque le pansement est appliqué (0 %) ou en
place (1 %).
Enfin, et il s’agit là d’un élément particulièrement
éclairant, les trois caractéristiques considérées
comme primordiales par les infirmières pour un
pansement sont : atraumatique au retrait, non
adhérent à la plaie et utilisable sur peaux fragili-
sées. Les pansements hydrogels, hydrofibres et
siliconés sont considérés comme les catégories
de pansements entraînant le moins de trauma-
tismes et de douleurs au retrait. Pourtant, 58 %
des infirmières affirment ne pas avoir connais-
sance de produits spécifiquement conçus pour
prévenir ces problèmes de retrait.
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Des efforts louables mais insuffisants
Le Dr Blanchet-Bardon, dermatologue à l’hôpital
Saint-Louis, rappelle combien la qualité des soins
infirmiers et des pansements sont la pierre d’angle
du pronostic et de la qualité de vie de certains pa-
tients : « Les soins infirmiers pour les patients atteints
d’épidermolyse bulleuse peuvent demander 1 h 30 à
2 heures par jour. D’où la nécessité d’utiliser des pan-
sements non adhérents et anti-douleur. Ils doivent
permettre une vie sociale et professionnelle conve-
nable». La tolérance d’un pansement est ici jugée
sur la douleur ressentie pendant le port du pan-
sement (sensation de brûlure par exemple), lors
du changement de pansement (adhérence à la
plaie, saignement...) et sur les effets secondaires
observés sur la peau périphérique (essentielle-
ment allergie à l’adhésif, macération et irritation,
ou désépidermisation de la peau périphérique).
« Aujourd’hui, constate Catherine Saleun-Donval,
infirmière à Kerpape (Morbihan), aucun profes-
sionnel de santé ne peut nier la douleur. Pourtant, la
souffrance du patient reste une difficulté pour le soi-
gnant. L’évaluation, le suivi, la concertation et l’ana-
lyse sont souvent mal adaptés au besoin.
Une formation précaire
La formation reste précaire. « Nous avons certes
beaucoup progressé, notamment sur la reconnaissance
de la douleur, poursuit Catherine Saleun-Donval.
La prescription d’antalgiques ou d’anesthésies ponc-
tuelles se fait de manière plus systématique. Mais en
ce qui concerne le rôle préventif qui incombe à l’infir-
mière et consiste à reconnaître et quantifier la douleur,
nous devons poursuivre nos efforts. En effet, l’utilisa-
tion des différentes méthodes d’évaluation, d’une part,
et la participation selon l’état psychique des patients,
d’autre part, ne permettent pas toujours le succès de
nos actions. Notre rôle est de rester à l’écoute des soi-
gnés et, à défaut de pouvoir supprimer la souffrance,
nous devons en tenir compte sans jamais douter de la
véracité de son expression. » En acceptant que la
douleur appartienne à la personne qui l’exprime,
les professionnels pourront mieux la prévenir,
l’analyser, l’évaluer, la modifier et la traiter. S.H.
D’après les propos tenus lors de la conférence
organisée en collaboration avec Mölnlycke.
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Spécial RSTI
Les antiseptiques sur les plaies
chroniques : une controverse !
L’utilisation des antiseptiques dans l’antisepsie du
champ opératoire et dans le nettoyage chirurgical des
plaies aiguës n’est pas remise en question. En revanche,
l’utilisation des antiseptiques dans le traitement des
plaies chroniques fait l’objet d’une controverse.
Les éléments de la controverse sont les suivants :
in vitro, les différents antiseptiques sont actifs
contre les bactéries, les champignons et/ou les virus.
Ces propriétés sont également démontrées in vivo.
En revanche, aucune étude n’a démontré cette ac-
tivité in vivo sur la peau lésée ;
in vitro, l’activité de nombreux antiseptiques comme
la chlorhexidine et la polyvidone iodée est diminuée
en présence de substances interférentes. Ces sub-
stances sont celles présentes dans les exsudats ;
in vitro, les antiseptiques sont cytotoxiques vis-à-vis
des fibroblastes et des kératynocytes en culture. Ces
cellules sont pourtant indispensables à la cicatrisation ;
toute plaie chronique ouverte est colonisée par
des germes. Il est illusoire de vouloir les éliminer car
ils sont alors remplacés par d’autres germes ;
– lorsqu’une plaie est infectée, une antibiothérapie
est nécessaire. Les antiseptiques n’ont donc plus leur
place à ce stade ;
le libellé des propriétés de chaque antiseptique
précise l’activité temporaire du produit. En pratique,
il n’est donc pas concevable d’envisager une anti-
sepsie de la plaie toutes les deux heures et jusqu’à
cicatrisation complète, seule attitude par laquelle
l’antisepsie serait raisonnable ;
– il existe des résistances croisées entre certains an-
tiseptiques et certains antibiotiques. Le recours aux
antiseptiques dans les plaies chroniques pourrait
conduire à sélectionner certaines bactéries résis-
tantes à une antibiothérapie ultérieure ;
quasiment tous les antiseptiques ont été incrimi-
nés dans des dermites de contact. Comme tous les
médicaments, les antiseptiques ont des effets
secondaires ;
la plaie cicatrisant, les germes disparaissent. Le trai-
tement de la colonisation microbiologique des plaies
est donc le traitement des plaies, non des germes.
Historiquement néanmoins, la diminution du nombre
de décès dans les services de brûlés coïncide avec l’ar-
rivée de l’antisepsie et la prise de conscience des pro-
fessionnels de santé sur les infections manuportées.
Mais il est difficile de faire la part de l’apport des règles
d’hygiène ou de celui des produits antiseptiques.
En revanche, il apparaît clairement que l’anti-
sepsie des mains, donc de la peau saine, est, elle,
indispensable !
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Douleur
postopératoire :
un exemple
de pratique
en CHU
A l’hôpital Tenon (AP-HP),
dont la capacité d’accueil est
d’environ 820 lits, l’activité de la prise
en charge de la douleur dépend
principalement du département
d’anesthésie-réanimation (DAR).
L’organisation de la prise en charge de la dou-
leur peut ici se scinder en trois grands
pôles : les consultations externes en douleur
chronique, la prise en charge des douleurs post-
opératoires, les consultations pour les patients
hospitalisés.
Les premières, effectuées par trois médecins
anesthésistes, dont le chef de service du DAR et
la responsable de l’Unité douleur, comportent
un outil supplémentaire dans la prise en charge
classique des patients présentant des douleurs
chroniques : l’approche par hypnose. Pour la
prise en charge des douleurs postopératoires,
les anesthésistes utilisent des techniques d’anal-
gésie spécifiques. Parallèlement, un “référent
douleur” par secteur d’activité est nommé.
« C’est un relais indispensable pour les équipes soi-
gnantes lors des changements de prescription, mais
aussi pour l’infirmière référent douleur, pour les
formations et pour la mise en place de protocoles »,
précise Marie Aubry, elle-même infirmière réfé-
rent douleur dans le service d’anesthésie-réani-
mation de l’hôpital parisien. Enfin, en ce qui
concerne les consultations des patients hospi-
talisés, les membres de l’Unité douleur (le mé-
decin responsable et l’infirmière référent dou-
leur) se déplacent sur appel des services auprès
des patients présentant des douleurs rebelles ou
mal contrôlées.
« L’Unité douleur ne peut prendre en charge direc-
tement l’ensemble des patients douloureux de l’éta-
blissement, explique Marie Aubry. C’est pourquoi
elle joue un rôle d’expert ou de conseiller des
équipes médicales et paramédicales dans les diffé-
rents services où elle est appelée. Elle assure un
suivi des patients en collaboration avec les équipes
jusqu’au soulagement des symptômes ».
L’hôpital Tenon dispose en outre d’un Comité de
lutte contre la douleur qui, depuis sa création en
mars 1999, a déjà mené diverses actions. Il a no-
tamment réalisé des enquêtes dans les services
chirurgicaux afin de cibler les éventuels dys-
fonctionnements dans la prise en charge de la
douleur ou afin d’étudier l’évolution de la
consommation de morphine injectable en colla-
boration avec la Commission d’évaluation du
médicament. Il a également élaboré et validé dif-
férents protocoles avec les services concernés.
Enfin, il a organisé, avec l’appui du service de for-
mation de l’établissement, des séances de forma-
tion pour les équipes paramédicales.
Une pédagogie au quotidien
Autre sujet de satisfaction : pour cette fonction
transversale, l’infirmière référent douleur est un
poste budgété, ce qui lui permet d’avoir une li-
berté d’action au sein des services. Son activité
peut se répartir en trois fonctions.
La fonction des soins s’exerce directement à la
demande des services. Elle consiste à identifier
les patients posant des problèmes de douleur
non résolus puis, après avis des médecins réfé-
rents, d’appliquer les techniques antalgiques et
d’assurer leur suivi en collaboration avec les
équipes. La gestion du parc des pompes d’anal-
gésie autocontrôlée est assurée par l’infirmière
en liaison avec ses consœurs des différentes salles
d’unité postinterventionnelle.
L’organisation des soins et l’évaluation des besoins
(enquêtes auprès de patients et des soignants) sont
une fonction qui consiste à rencontrer les équipes
soignantes, à cibler les dysfonctionnements et à
mettre en place des mesures correctives sur des ac-
tivités de fond qui permettent au service d’amélio-
rer la prise en charge des patients, mais aussi de
s’inscrire dans une démarche qualité par l’élabora-
tion de protocoles de soins et la création d’outils
d’évaluation dans le dossier de soins.
La mise en place d’actions pédagogiques théo-
riques et pratiques constitue la troisième fonc-
tion de l’infirmière référent douleur. « Il s’agit
d’une fonction essentielle pour sensibiliser et appor-
ter de meilleures connaissances sur les mécanismes
de la douleur, son évaluation, les outils utilisés, ainsi
que les différents traitements antalgiques et leur
surveillance,souligne Marie Aubry. Des formations
régulières sont ainsi dispensées sur la manipulation
des pompes d’auto-analgésie et la surveillance de ces
traitements spécifiques. C’est dire si la pédagogie
s’exerce aussi bien au quotidien, au lit du patient, que
lors de réunions formalisées à l’échelle d’une équipe,
d’un service, voire de l’hôpital. » S.H.
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