Professions Santé Infirmier Infirmière - No23 - janvier-février 2001
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Des efforts louables mais insuffisants
Le Dr Blanchet-Bardon, dermatologue à l’hôpital
Saint-Louis, rappelle combien la qualité des soins
infirmiers et des pansements sont la pierre d’angle
du pronostic et de la qualité de vie de certains pa-
tients : « Les soins infirmiers pour les patients atteints
d’épidermolyse bulleuse peuvent demander 1 h 30 à
2 heures par jour. D’où la nécessité d’utiliser des pan-
sements non adhérents et anti-douleur. Ils doivent
permettre une vie sociale et professionnelle conve-
nable». La tolérance d’un pansement est ici jugée
sur la douleur ressentie pendant le port du pan-
sement (sensation de brûlure par exemple), lors
du changement de pansement (adhérence à la
plaie, saignement...) et sur les effets secondaires
observés sur la peau périphérique (essentielle-
ment allergie à l’adhésif, macération et irritation,
ou désépidermisation de la peau périphérique).
« Aujourd’hui, constate Catherine Saleun-Donval,
infirmière à Kerpape (Morbihan), aucun profes-
sionnel de santé ne peut nier la douleur. Pourtant, la
souffrance du patient reste une difficulté pour le soi-
gnant. L’évaluation, le suivi, la concertation et l’ana-
lyse sont souvent mal adaptés au besoin.
Une formation précaire
La formation reste précaire. « Nous avons certes
beaucoup progressé, notamment sur la reconnaissance
de la douleur, poursuit Catherine Saleun-Donval.
La prescription d’antalgiques ou d’anesthésies ponc-
tuelles se fait de manière plus systématique. Mais en
ce qui concerne le rôle préventif qui incombe à l’infir-
mière et consiste à reconnaître et quantifier la douleur,
nous devons poursuivre nos efforts. En effet, l’utilisa-
tion des différentes méthodes d’évaluation, d’une part,
et la participation selon l’état psychique des patients,
d’autre part, ne permettent pas toujours le succès de
nos actions. Notre rôle est de rester à l’écoute des soi-
gnés et, à défaut de pouvoir supprimer la souffrance,
nous devons en tenir compte sans jamais douter de la
véracité de son expression. » En acceptant que la
douleur appartienne à la personne qui l’exprime,
les professionnels pourront mieux la prévenir,
l’analyser, l’évaluer, la modifier et la traiter. S.H.
D’après les propos tenus lors de la conférence
organisée en collaboration avec Mölnlycke.
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Spécial RSTI
Les antiseptiques sur les plaies
chroniques : une controverse !
L’utilisation des antiseptiques dans l’antisepsie du
champ opératoire et dans le nettoyage chirurgical des
plaies aiguës n’est pas remise en question. En revanche,
l’utilisation des antiseptiques dans le traitement des
plaies chroniques fait l’objet d’une controverse.
Les éléments de la controverse sont les suivants :
– in vitro, les différents antiseptiques sont actifs
contre les bactéries, les champignons et/ou les virus.
Ces propriétés sont également démontrées in vivo.
En revanche, aucune étude n’a démontré cette ac-
tivité in vivo sur la peau lésée ;
– in vitro, l’activité de nombreux antiseptiques comme
la chlorhexidine et la polyvidone iodée est diminuée
en présence de substances interférentes. Ces sub-
stances sont celles présentes dans les exsudats ;
– in vitro, les antiseptiques sont cytotoxiques vis-à-vis
des fibroblastes et des kératynocytes en culture. Ces
cellules sont pourtant indispensables à la cicatrisation ;
– toute plaie chronique ouverte est colonisée par
des germes. Il est illusoire de vouloir les éliminer car
ils sont alors remplacés par d’autres germes ;
– lorsqu’une plaie est infectée, une antibiothérapie
est nécessaire. Les antiseptiques n’ont donc plus leur
place à ce stade ;
– le libellé des propriétés de chaque antiseptique
précise l’activité temporaire du produit. En pratique,
il n’est donc pas concevable d’envisager une anti-
sepsie de la plaie toutes les deux heures et jusqu’à
cicatrisation complète, seule attitude par laquelle
l’antisepsie serait raisonnable ;
– il existe des résistances croisées entre certains an-
tiseptiques et certains antibiotiques. Le recours aux
antiseptiques dans les plaies chroniques pourrait
conduire à sélectionner certaines bactéries résis-
tantes à une antibiothérapie ultérieure ;
– quasiment tous les antiseptiques ont été incrimi-
nés dans des dermites de contact. Comme tous les
médicaments, les antiseptiques ont des effets
secondaires ;
– la plaie cicatrisant, les germes disparaissent. Le trai-
tement de la colonisation microbiologique des plaies
est donc le traitement des plaies, non des germes.
Historiquement néanmoins, la diminution du nombre
de décès dans les services de brûlés coïncide avec l’ar-
rivée de l’antisepsie et la prise de conscience des pro-
fessionnels de santé sur les infections manuportées.
Mais il est difficile de faire la part de l’apport des règles
d’hygiène ou de celui des produits antiseptiques.
En revanche, il apparaît clairement que l’anti-
sepsie des mains, donc de la peau saine, est, elle,
indispensable !