L’ischémie intestinale aiguë Acute intestinal ischemia ● P. Zerbib, L. Gambiez* P O I N T S F O R T S P O I N T S F O R T S ischémie intestinale aiguë (IIA) est une urgence vitale dont la prévalence est estimée à 0,9 % des hospitalisations pour douleur abdominale et à 0,4 % des laparotomies effectuées en urgence. Son incidence semble être en constante augmentation. Elle est la conséquence d’une inadéquation entre les besoins et les apports en oxygène dans le territoire splanchnique irrigué par le tronc cœliaque et les artères mésentériques. La forme la plus grave de l’ischémie intestinale se traduit par l’infarctus intestinal. Sous le terme d’IIA, on distingue l’ischémie intestinale occlusive, d’origine artérielle (thrombotique et embolique) et veineuse (infarcissement veineux intestinal), et l’ischémie intestinale non occlusive (à vaisseaux perméables). Récemment, l’American Gastroenterological Association (AGA) a classé l’ischémie digestive en trois catégories, centrées sur la présentation clinique : l’ischémie intestinale aiguë, l’ischémie intestinale chronique (angor digestif) et la colite ischémique. L’ischémie intestinale aiguë a regroupé les ischémies par obstruction artérielle majeure et mineure, les embolies artérielles majeures, les thromboses veineuses mésentériques et les vasoconstrictions splanchniques (ischémies non occlusives). Toutes ces formes ont en commun un défaut de perfusion splanchnique, des phénomènes de translocation bactérienne et une réaction systémique inflammatoire. Cependant, la physiopathologie de l’IIA, particulièrement pour les ischémies non occlusives, reste peu claire. La présentation clinique, la démarche diagnostique et le traitement de chacune des formes d’IIA peuvent être très différents. Le taux de mortalité est élevé, de 60 à 90 % selon les séries. Cependant, une étude rétrospective récente révèle que le pronostic semble s’améliorer ces dernières années, avec un taux de mortalité à 48 % (1). Le pronostic de cette pathologie reste corrélé à la précocité diagnostique, à l’étendue de l’ischémie intestinale et aux moyens thérapeutiques adaptés de revascularisation et de sauvetage digestif. L’ ■ L’ischémie intestinale regroupe des pathologies distinctes nécessitant des traitements très différents. ■ Le diagnostic est difficile en raison d’une séméiologie peu spécifique, et le pronostic global est mauvais. ■ L’infarcissement veineux intestinal est de meilleur pronostic. Son traitement est surtout médical par une anticoagulation prolongée. ■ Toute douleur abdominale chez un patient polyvasculaire doit évoquer une ischémie mésentérique aiguë. ■ Il faut être attentif aux douleurs abdominales postprandiales précoces pour dépister les formes chroniques de l’ischémie intestinale. ■ L’artériographie cœliomésentérique peut apporter le diagnostic de certitude et constitue la première étape du traitement. Si l’on suspecte un infarcissement veineux, la tomodensitométrie abdominale avec injection doit être l’examen de référence. ■ La rapidité de prise en charge constitue un facteur pronostique primordial. ■ Le traitement de l’ischémie intestinale aiguë est aujourd’hui multidisciplinaire et associe dans une même urgence les chirurgiens, les anesthésistes réanimateurs, les urgentistes et les radiologues. ■ Le traitement des ischémies intestinales occlusives artérielles repose sur les revascularisations mésentériques au stade de lésions intestinales réversibles, et sur les résections digestives étendues en cas d’infarctus constitué. ANATOMIE DE LA VASCULARISATION SPLANCHNIQUE Les trois artères principales * Service de chirurgie adulte Ouest, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 – Le tronc cœliaque (TC) : il vascularise l’étage sus-mésocolique de l’abdomen (foie, vésicule biliaire, rate, estomac, pancréas). – L’artère mésentérique supérieure (AMS) : elle vascularise l’ensemble du grêle, le côlon droit et les deux tiers droits du côlon 151 D O S S I E R T transverse. Son débit à l’état basal est d’environ 400 ml/s et double en période postprandiale. Son rôle prépondérant dans la vascularisation splanchnique est actuellement bien établi. – L’artère mésentérique inférieure (AMI) : elle vascularise le tiers gauche du côlon transverse et le côlon descendant. Elle est thrombosée de façon asymptomatique chez 70 % des patients de plus de 70 ans. Selon la règle de Mikkelsen, il faut une obstruction d’au moins 2 des 3 troncs artériels pour qu’une ischémie intestinale s’installe (2). Cette règle est à nuancer : l’obstruction doit porter majoritairement sur l’AMS, dont l’atteinte module la gravité de la symptomatologie. La circulation artérielle de suppléance La vascularisation splanchnique est originale du fait de l’existence d’un riche réseau de circulation de suppléance entre les trois troncs artériels principaux, limitant les conséquences digestives d’une obstruction artérielle. Par exemple, l’arcade de Riolan, qui anastomose l’AMS et l’AMI, a la particularité de pouvoir circuler dans les deux sens, revascularisant une thrombose proximale de l’AMS à partir de l’AMI, et vice-versa. Vascularisation veineuse Elle se calque sur la vascularisation artérielle. La réunion des veines mésentériques et de la veine splénique forme la veine porte. PHYSIOPATHOLOGIE Le débit cardiaque destiné à l’intestin passe de 20 % à l’état basal à 35 % en période postprandiale. Soixante-dix à 90 % de ce débit sont destinés à la muqueuse intestinale, qui est responsable d’environ 90 % de la consommation en oxygène totale de l’intestin. Lors d’une diminution du flux splanchnique, la réponse intestinale locale vise à privilégier le plus longtemps possible la perfusion de la muqueuse, dont la demande métabolique est particulièrement élevée. Une consommation normale en oxygène peut être maintenue avec seulement 20 à 25 % du flux artériel normal par accroissement local de l’extraction en oxygène. En dessous de 40 mmHg ou si le flux artériel chute en dessous de 30 ml/mn pour 100 g de tissu, ce mécanisme est dépassé et l’ischémie intestinale s’installe, avec passage vers un métabolisme anaérobie (3). L’étendue de l’atteinte digestive est directement liée à la durée et à l’importance de l’ischémie. La limite de temps pour laquelle les lésions sont considérées comme définitives sera fonction de la rapidité d’installation de l’obstacle artériel et des possibilités de mise en jeu des suppléances anastomotiques. Ainsi, cette période pendant laquelle les lésions d’ischémie sont encore réversibles est particulièrement courte pour les embolies. Des désordres de l’autorégulation splanchnique expliquent que, même pour une pression de perfusion normale de l’intestin, avec existence d’une circulation collatérale bien développée, des lésions ischémiques peuvent apparaître. Les atteintes tissulaires intestinales surviennent à la fois au cours de la phase ischémique et au cours de la reperfusion. Les effets néfastes de la reperfusion peuvent alors dépasser ceux de l’ischémie et conduire à une défaillance multiviscérale avec atteinte pul152 H É M A T I Q U E monaire, hépatique et rénale. Des abcès hépatiques multiples ont été rapportés après revascularisation de l’AMS. La reperfusion des tissus ischémiés est associée à la libération de composés radicalaires toxiques. Les radicaux libres engendrent une augmentation de la perméabilité tissulaire, une activation des enzymes inflammatoires et des polynucléaires neutrophiles à l’origine d’une réponse inflammatoire locale intense. L’altération de la muqueuse intestinale va favoriser le passage de bactéries, d’endotoxines et de différents facteurs tels que les enzymes digestives depuis la lumière intestinale vers le système porte. L’association d’une lésion digestive initiale compliquée secondairement d’une atteinte infectieuse et/ou inflammatoire constitue un formidable modèle de développement d’un syndrome de défaillance multiviscérale décrit sous le terme de two-hit phenomenon (4). L’IIA OCCLUSIVE : DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT Clinique et facteurs prédisposants La phase précoce La douleur abdominale est le signe le plus fréquent et le plus précoce. Elle est brutale et sévère, souvent discordante avec l’examen abdominal, sans signe d’irritation péritonéale. Dans les IIA par embolie, le début des douleurs est brutal, et elles sont fortement évocatrices du diagnostic lorsqu’il existe une embolie concomitante (ischémie de membre, accident vasculaire cérébral). Dans l’IIA par thrombose, le début des douleurs est plus progressif. Près de 50 % des patients se plaignent depuis plusieurs mois de douleurs abdominales postprandiales précoces en rapport avec une ischémie intestinale chronique non diagnostiquée. D’autre part, 20 % des ischémies intestinales chroniques se révèlent sous une forme trompeuse de cholécystite ischémique ou d’ulcères gastroduodénaux, souvent multiples, récidivants ou résistants au traitement médical. La triade diagnostique de l’angor intestinal (douleur postprandiale, amaigrissement, diarrhée) est complète dans moins de 40 % des cas (5), mais doit être recherchée pour poser le diagnostic au stade précoce d’ischémie intestinale chronique. On peut noter la présence d’un souffle épigastrique ou la disparition d’un souffle connu qui oriente vers la thrombose aiguë. Il n’y a pas de signes généraux ; la tension et la température sont normales. C’est le contexte et le terrain de cette douleur qui doivent guider vers un diagnostic précoce. Dans l’étude de Boley et al., les patients à risque d’IIA étaient âgés de plus de 50 ans, avec une insuffisance cardiaque, des troubles du rythme cardiaque, un infarctus du myocarde récent, une hypovolémie ou un sepsis (6). On a montré une ischémie mésentérique chez 18 % des patients de plus de 65 ans et 70 % des patients opérés de pontage aortobifémoral (7). La phase tardive Lorsque le diagnostic n’est pas fait au stade de lésions réversibles, la clinique se modifie et c’est le classique tableau d’infarctus intestinal : la douleur devient atroce et continue, on perçoit une défense ou une contracture avec une matité des flancs (ascite hémorragique) et un silence auscultatoire (silence sépulcral d’Ameline). La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 Facteurs pronostiques Le taux de mortalité varie en fonction de l’étiologie de l’ischémie intestinale. On peut classer par ordre décroissant de mortalité l’ischémie intestinale à vaisseaux perméables, l’ischémie intestinale occlusive et, enfin, l’infarcissement veineux intestinal, de meilleur pronostic. De façon générale, les patients jeunes, avec une faible extension des lésions d’ischémie digestive et une histoire clinique courte ont une meilleure survie (8). Les lésions d’ischémie intestinale sont en effet réversibles chez plus de 90 % des patients si les symptômes évoluaient depuis moins de 12 heures (9). Les étiologies Les causes thrombotiques sont essentiellement représentées par l’athérome (le contexte est souvent évident : grand fumeur, artérite des MI associée, etc.). Les causes emboliques sont surtout d’origine cardiaque (trouble du rythme, infarctus du myocarde, valvulopathies) ; elles sont parfois aortiques (anévrisme, plaque d’athérome, iatrogénie lors d’une aortographie, etc.). Examens complémentaires L’abdomen sans préparation est de réalisation quasi systématique dans une urgence abdominale. Il ne montre que des signes non spécifiques ou très tardifs et ne sert en pratique qu’à éliminer d’autres causes de douleur abdominale aiguë, comme une perforation d’ulcère duodénal. ● La tomodensitométrie abdominopelvienne pourrait devenir l’examen de référence. Les derniers appareils “multibarette” ont remplacé peu à peu les scanners d’ancienne génération. Des obstructions et des sténoses vasculaires ainsi que des anomalies des parois digestives peuvent être observées. L’IRM permet d’ajouter une information fonctionnelle par l’utilisation de séquences sensibles à la saturation en oxygène de l’hémoglobine dans la veine mésentérique supérieure. Cependant, la supériorité diagnostique de ces scanners de dernière génération doit encore être confirmée. ● L’artériographie cœliomésentérique avec clichés d’aortographie de profil reste l’examen de référence (figure 1). Elle permet le diagnostic des ischémies non occlusives et peut être la première étape thérapeutique en l’absence de signe d’irritation péritonéale. C’est cependant un examen invasif et ses indications restent controversées (10). L’artériographie ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale et on a recommandé la laparotomie exploratrice en cas de forte suspicion clinique d’IIA (11). ● L’échodoppler couleur des vaisseaux mésentériques est un Figure 1. Aspect de “désert mésentérique” sur l’aortographie de profil. mauvais examen en urgence. La On remarque une sténose à l’origine distension intestinale en gêne l’interprétation. du tronc cœliaque. ● La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 La recherche de marqueurs biologiques comme l’amylase, le pH artériel, la leucocytose, les LDH ou les CPK-BB (spécificité de 100 % pour des valeurs supérieures à 20 ng.ml-1) est habituelle, mais leur élévation témoigne le plus souvent d’une ischémie évoluée au stade de lésions irréversibles. Il a été montré que le dosage de l’isomère dextrogyre du lactate (d-lactate) pouvait être utilisé comme un critère biologique intéressant de l’IIA (sensibilité de 90 % et spécificité de 87 % pour une concentration sanguine supérieure à 20 ng.ml-1). Les D-dimères ont été rapportés comme étant un marqueur précoce de l’IIA. Récemment, la sous-unité de la S-glutathion transférase (-GST) s’est révélée être un meilleur marqueur de l’IIA que les tests biologiques standard. Actuellement, l’expérience concernant ces marqueurs biologiques reste limitée. ● Traitement La réanimation À la phase initiale, il faut maintenir une hémodynamique stable et corriger un éventuel troisième secteur. Il faut corriger les troubles hydro-électrolytiques et l’acidose métabolique, installer une aspiration nasogastrique continue pour lutter contre la distension abdominale et instaurer une antibiothérapie prophylactique périopératoire ou curative en présence d’un sepsis à point de départ abdominal. Enfin, dans tous les cas, un traitement cherchant à prévenir les conséquences de la reperfusion (antiradicalaires, vasodilatateurs, spasmolytiques) peut être associé. Cependant, ce type de traitement n’a pas, à l’heure actuelle, fait la preuve de son efficacité. L’anticoagulation est discutée. Elle prévient l’extension de la thrombose et de la CIVD, mais peut être à l’origine d’une hémorragie digestive grave. La chirurgie Le patient est à opérer dès que son état le permet. L’intervention est réalisée par laparotomie médiane. La première étape consiste à apprécier l’étendue de l’ischémie intestinale. Une atteinte ischémique d’autres viscères, comme le foie et la vésicule biliaire, est également recherchée (figure 2). Au terme de cette exploration, différentes situations sont envisageables : – Infarctus constitué (lésions irréversibles) : en présence d’un infarctus étendu à l’ensemble de l’intestin grêle, il n’y a aucune survie possible et l’intervention est limitée à la seule exploration Figure 2. Cholécystite ischémique et plage de nécrose hépatique. 153 D O S S I E R T H É M A T I Q U E La réalisation de stomies temporaires est préférée s’il existe une péritonite ou si la viabilité du grêle conservé est douteuse. Un intestin conservé de viabilité douteuse justifie une réintervention systématique (second look) à 24 ou 48 heures. Cependant, cette laparotomie de contrôle est grevée d’une mortalité propre et pourrait être remplacée avantageusement par une exploration laparoscopique. Traitements endoluminaux Figure 3. Infarctus intestinal constitué. L’ensemble du grêle est nécrosé de façon irréversible. (figure 3). Si l’atteinte du grêle est limitée, la résection intestinale est effectuée sans geste artériel. – Ischémie sans infarctus constitué (lésions réversibles) : une revascularisation digestive est alors pratiquée avant tout geste de résection intestinale (figure 4). La restauration d’une vascularisation mésentérique permet ensuite de déterminer les zones de nécroses digestives irréversibles. Pour les formes emboliques, l’embolectomie par sonde à ballonnet de Fogarty est faite Figure 4. Lésions ischémiques par artériotomie de l’artère réversibles du grêle. mésentérique supérieure. Dans les ischémies par thrombose, la revascularisation est réalisée par pontage aorto- ou iliomésentérique. La discussion reste ouverte entre les partisans de la revascularisation isolée de l’AMS et ceux qui prônent une double revascularisation hépatique et mésentérique supérieure. Il n’y a pas de preuve scientifique pour recommander une revascularisation antérograde (pontage à partir de l’aorte cœliaque) ou rétrograde (pontage à partir de l’axe iliaque ou de l’aorte sous-rénale). De la même façon, aucun matériau (PTFE ou veine) n’a fait la preuve de sa supériorité. Un lavage peropératoire des vaisseaux mésentériques peut minimiser les conséquences de la reperfusion artérielle. Évaluation de la viabilité intestinale : après la revascularisation, les segments jugés non viables sont réséqués. On peut s’aider en peropératoire d’un test à la fluorescéine sous lampe de Wood et/ou d’un doppler pour juger de la viabilité du grêle. Les zones vouées à la nécrose ne se colorent pas sous lampe de Wood. Cette méthode a été plus fiable que l’évaluation clinique (couleur, battements mésentériques, péristaltisme) dans l’évaluation de la viabilité intestinale, mais nécessite une expérience importante pour interpréter les résultats. 154 Ils ne peuvent s’envisager qu’en l’absence de signes d’irritation péritonéale. L’angioplastie endoluminale percutanée avec thromboaspiration a été proposée (NP 4). Elle serait indiquée dans les sténoses serrées juxta-ostiales de l’AMS ou comme test thérapeutique devant une symptomatologie atypique. La thrombolyse intra-artérielle semble efficace si elle est débutée dans les 12 heures qui suivent l’apparition des douleurs, en cas d’obstruction partielle du tronc de l’AMS ou des branches distales de l’AMS (12-15). L’expérience est cependant limitée, et la fibrinolyse expose au risque hémorragique. L’IIA NON OCCLUSIVE C’est la forme la plus grave des IIA, avec un taux de mortalité entre 70 et 100 %. Elle représente 25 à 60 % des infarctus intestinaux. Elle est particulièrement fréquente chez les opérés cardiaques et les patients hémodialysés. Neuf à 20 % des décès en hémodialyse ont été rapportés à une IIA non occlusive (10). Enfin, l’existence d’une colite ischémique associée est un argument diagnostique supplémentaire. En effet, la colite ischémique a été un facteur de comorbidité fréquent de l’IIA non occlusive, avec un mécanisme physiopathologique similaire (10). Clinique Le début progressif des douleurs ainsi que la symptomatologie peu spécifique à type de météorisme et de vomissements retardent souvent le diagnostic. Cette douleur peut manquer chez 15 à 20 % des malades (16). Il faut être attentif aux chocs hémorragiques ou septiques dans les jours précédents. On a incriminé l’angiotensine II et la vasopressine, produites par le rein et la glande pituitaire, dans la vasoconstriction splanchnique permanente à l’origine de l’IIA non occlusive (17, 18). Les étiologies Ce sont tous les états de choc (cardiogéniques, septiques, hypovolémiques), certains médicaments (corticoïdes, digitaliques, diurétiques, etc.), les manifestations allergiques, certaines bactéries (Clostridium). Examen complémentaire et traitement L’artériographie cœliomésentérique est importante pour le diagnostic et afin de débuter le traitement par l’injection de papavérine dans le cathéter intra-artériel. La laparotomie en période de décompensation cardiocirculatoire est formellement contre-indiquée. Il faut avant tout rétablir une hémodynamique stable. L’intervention est programmée de principe à 12 ou 24 heures pour vérifier l’évolution des lésions. Les vasodilatateurs par voie générale et intraartérielle sont à poursuivre pendant et après la chirurgie. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 L’INFARCISSEMENT MÉSENTÉRIQUE VEINEUX (IMV) Clinique Le début de la symptomatologie douloureuse est progressif. L’interrogatoire peut retrouver une douleur abdominale évoluant par crises depuis quelques jours ou quelques semaines. Il peut s’associer des hémorragies digestives (souvent occultes). La présentation clinique peut être plus bruyante, avec un choc septique inaugural. On a décrit une forme aiguë et chronique en fonction de la durée d’évolution. On parle d’IMV aigu si la symptomatologie évolue depuis moins de 4 semaines (5 à 15 % des patients). Seuls 9 % des patients se plaignent de douleurs évoluant depuis moins de 24 heures (19). Les formes chroniques sont de meilleur pronostic que les formes aiguës. Les étiologies L’IMV est classé comme IMV primaire (spontané ou idiopathique) ou secondaire. Les causes d’IMV secondaires sont : les états d’hypercoagulabilité (déficit en protéine S, C, antithrombine III, mutation du facteur V Leiden, thrombocytémie essentielle, syndrome myéloprolifératif, etc.), les foyers d’inflammation abdominale (sigmoïdite, pancréatite, péritonite, etc.), la cirrhose et l’hypertension portale, la grossesse, les cancers, les traumatismes abdominaux, les splénomégalies et, en postopératoire d’une splénectomie, les maladies inflammatoires du tube digestif (Crohn, RCH). Examens complémentaires La tomodensitométrie abdominale avec injection est l’examen complémentaire de choix, montrant une image en cocarde dans l’axe veineux mésentéricoporte, des anses grêles épaissies et une ascite. La valeur diagnostique des D-dimères, très utile dans le diagnostic des phlébites profondes du membre inférieur et des embolies pulmonaires, reste controversée (20) (NP 4). Traitement En l’absence de signe d’irritation péritonéale, une anticoagulation doit être débutée à dose efficace par héparine pour une durée de 7 à 10 jours, relayée par les antivitamines K oraux pendant 3 à 6 mois (21) (NP 3). La thrombolyse a également été proposée, par l’AMS, la veine jugulaire interne ou par voie trans-hépatique. Lors de la découverte d’une thrombose mésentéricoporte sur une tomodensitométrie abdominale systématique, la décision de traiter le patient pendant 3 à 6 mois par antivitamines K ou de ne pas le traiter est à évaluer en fonction du contexte. Il n’y a pas de donnée scientifique pour recommander l’une ou l’autre attitude. CONCLUSION L’IIA regroupe un ensemble de pathologies différentes au pronostic variable. La mortalité reste importante. Les progrès viendront d’une meilleure connaissance des signes cliniques de l’angor intestinal, et donc du dépistage précoce des ischémies digestives à un stade où les revascularisations sont encore possibles et efficaces. Encore aujourd’hui, le délai est de près d’un an pour parvenir au La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 diagnostic d’angor mésentérique. Il faut savoir évoquer l’infarcissement veineux intestinal devant une douleur abdominale subaiguë dans un contexte d’hypercoagulabilité. Nous sommes encore en attente d’un marqueur biologique fiable de l’ischémie sans nécrose. ■ Mots-clés : Douleur abdominale - Artériographie cœliomésentérique - Tomodensitométrie abdominale - Pontage aortomésentérique. Keywords:Abdominal pain - Angiography - CTscan - Aorto-mesenteric by-pass. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Endean ED, Barnes SL, Kwolek CJ et al. Surgical management of thrombotic acute intestinal ischemia. Ann Surg 2001;233:801-8. 2. Mikkelsen WP. Intestinal angina: its surgical significance. Am J Surg 1957; 94(2):262-7. 3. Wilcox MG, Howard TJ, Plaskon LA et al. 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