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COMMENT TRAITER UNE CAPSULITE RÉTRACTILE
Capsulite de l’épaule :
évaluation d’une prise en charge combinée
par arthrodistension et rééducation intensive
À propos d’une série de 39 cas
Capsulitis of the shoulder:
evaluation of a combined strategy with distension arthrographies
and intensive physical therapy
● B. Fouquet*, I. Griffoul*, M.J. Borie*, R. Roger**, B. Bonnin**, J.C. Metivier*, S. Pellieux*
P o i n t s
f o r t s
■ La capsulite rétractile est caractérisée par un tableau d’en-
raidissement de l’épaule, avec une réduction de la cavité articulaire par un épaississement progressif de la capsule, une hypervascularisation synoviale et une fibrose intra-articulaire.
■ Plusieurs études ont montré l’efficacité d’une infiltration
intra-articulaire associée à un programme ambulatoire de
rééducation, par rapport à une infiltration seule ou à la physiothérapie seule, chez des patients ayant une capsulite évoluant
depuis moins d’un an.
L
a capsulite rétractile, ou épaule gelée, est caractérisée par un
tableau d’enraidissement de l’épaule, avec une réduction de
la cavité articulaire par un épaississement progressif de la
capsule, une hypervascularisation synoviale et une fibrose intraarticulaire. À cette phase fait suite une phase en plateau, puis une
dernière phase, de “dégel”. Deux formes sont reconnues : la forme
idiopathique et la forme secondaire à un traumatisme de l’épaule
direct ou iatrogène (1). Les aspects évolutifs ont conduit à proposer une classification en quatre phases, qui pourrait déboucher sur
une approche thérapeutique spécifique (2). Classiquement, la récupération dans des délais de 24 mois est décrite. Celle-ci ne concerne
probablement que 60 à 80 % des patients (3). Dans la série de
Shaffer, le suivi, étalé sur cinq à sept ans, a montré que 50 % des
patients gardaient des douleurs et une raideur fonctionnellement
gênantes (4).
■ Dans les formes rebelles, les solutions semblent se limiter
à trois approches : les distensions capsulaires, la mobilisation
sous anesthésie générale, la capsulotomie chirurgicale.
■ Le meilleur programme thérapeutique pour une capsulite
consiste en la réalisation précoce d’une infiltration intra-articulaire couplée à une rééducation. En cas d’échec, la réalisation
d’une ou deux arthrodistensions, couplée à une rééducation
intensive, est justifiée. En cas d’échec, la réalisation d’une capsulotomie chirurgicale peut se discuter en cas de persistance
d’un déficit important de l’élévation et des rotations.
Mots-clés : Capsulite - Arthrodistension - Rééducation.
Keywords: Capsulitis - Distension arthrography - Physical therapy.
* Fédération de médecine physique et de réadaptation, CHU de Tours – CH
Château-Renault, Tours.
** Service de radiologie, hôpital Trousseau, CHU, Tours.
La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
Si le diagnostic est le plus souvent facile, la capsulite de l’épaule
pose des problèmes thérapeutiques. Les corticoïdes par voie
générale semblent entraîner une amélioration rapide à trois
semaines, mais l’effet à six semaines n’est plus significatif par
rapport au placebo (5). Plusieurs études ont montré l’efficacité
d’une infiltration intra-articulaire, associée à un programme ambulatoire de rééducation, supérieure à trois mois et un an, par rapport à une infiltration seule ou à la physiothérapie seule, chez des
patients ayant une capsulite évoluant depuis moins d’un an (6).
La revue de Green concernant l’emploi de la physiothérapie (3)
et celle de Buchbinder (7) concernant l’intérêt des corticoïdes
dans la capsulite sont en revanche décevantes du fait des problèmes méthodologiques de l’évaluation des traitements dans
la capsulite.
Dans les formes rebelles à la prise en charge ambulatoire, les solutions semblent se limiter à trois approches : les distensions capsulaires (8-14), la mobilisation sous anesthésie générale (15), la
capsulotomie chirurgicale (16). La distension capsulaire pose plusieurs questions qui méritent d’être abordées : est-ce la distension
qui est efficace, ou l’infiltration ?
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COMMENT TRAITER UNE CAPSULITE RÉTRACTILE
COMMENT TRAITONS-NOUS
LES CAPSULITES RÉTRACTILES ?
Depuis 2000, le protocole thérapeutique comprend pour tous les
patients, au cours d’une hospitalisation de quatre semaines, la prise
en charge suivante :
– pendant la première semaine : prise en charge masso-kinésithérapique par rééducation active et passive, deux fois deux heures
par jour ; physiothérapie quotidienne par ultrasons, une séance le
matin pendant 20 minutes ;
– puis, à une semaine d’intervalle, trois fois de suite : réalisation,
par un radiologue interventionnel, d’une arthrodistension par un
produit opaque, xylocaïne couplée à une infiltration de dérivé
retard corticoïde en fin de distension et à une infiltration de l’espace
sous-acromial. Dès la réalisation des arthrodistensions, la rééducation passive, autopassive et active est poursuivie selon les mêmes
modalités que la première semaine.
RÉSULTATS
Trente-six patients (19 femmes et 17 hommes ; âge moyen de
52,6 + 8,6 ans) souffrant d’une capsulite (39 épaules) ont été évalués : 16 avaient une capsulite post-traumatique, 13 une capsulite
après chirurgie de la coiffe et 7 une capsulite primitive.
L’élévation active était significativement plus importante à l’admission chez les patients ayant eu une ou plusieurs infiltrations (n = 10)
que chez ceux qui n’en avaient pas eu (n = 29) (p < 0,03) ; cependant,
il n’existait aucune différence en élévation entre les patients ayant
eu de la masso-kinésithérapie (n = 30) et ceux qui n’en avaient pas
eu (n = 9).
Le gain moyen d’amplitude en élévation active a été de
37,5 + 14,9 degrés et de 13,6 + 16,4 degrés en RE1. L’intensité
douloureuse a diminué en moyenne de 19,1 + 20 mm à l’EVA,
mais elle a progressé dans un cas (+ 15 mm). Le gain moyen des
aires fonctionnelles en ergothérapie a été de 5,4 points, ce qui correspond à une progression moyenne de 19 % des scores.
La récupération dans l’élévation a été significativement rapide dès
la fin de la première semaine (tableau). Comparativement à l’admission, la récupération de la RE1 n’était significative qu’à partir de
la fin de la deuxième semaine (p < 0,02), puis entre la fin de la
troisième semaine et la fin de la deuxième semaine (p < 0,03).
Les valeurs initiales et l’amplitude de la récupération ne différaient
pas de façon significative entre les trois groupes étiologiques.
Parmi les 35 patients revus en consultations de révision, 17 étaient
initialement en arrêt de travail avant la prise en charge ; 7 avaient
pu reprendre une activité professionnelle, 2 avaient été mis au
chômage, 10 étaient toujours en arrêt de travail, 3 avaient pris leur
retraite. Tous les autres étaient inactifs (dont un en invalidité pour
lombalgies).
COMMENTAIRES
L’impact de la prise en charge rééducative est appréciable dans
notre étude au vu du gain de mobilité obtenu après la première
semaine. À ce stade, le gain de mobilité moyen en élévation était
prédictif de la récupération à la fin du programme.
Les arthrodistensions couplées aux infiltrations ont eu un impact
évident sur les phénomènes douloureux et, sans doute, sur la poursuite de la récupération d’amplitude.
Dans l’étude de Piotte (12), chez 15 patients ayant eu une capsulite idiopathique et trois arthrodistensions à trois semaines d’écart
chacune, l’évolution a été plus efficace après les deux premières
arthrodistensions, mais l’a peu été après la troisième. Dans la série
de 60 patients ayant une capsulite primitive de Callinan (9), la récupération d’amplitude a été de 28 ° en élévation et de 26 ° en rotation externe, sans que soit observée de différence entre les patients
diabétiques et les autres, pas plus qu’en fonction de la durée
d’évolution, supérieure ou inférieure à six mois. Dans la série de
Rizk (13), l’amélioration des amplitudes a été comprise entre
49,4 % et 71,4 % à deux semaines, entre 55,9 % et 88,2 % à quatre
semaines et entre 63,7 % et 89,4 % à deux mois.
Nos résultats sont meilleurs que ceux de la série de 22 patients
de Vad (14) ; la récupération après une seule arthrodistension, suivie
de sept séances de rééducation réparties sur quatre semaines, a été
de 112,3° pour l’élévation contre 92° avant la prise en charge, et
de 31,3° pour la rotation externe contre 17,3° avant.
Globalement, la réponse au traitement peut être observée quelle
que soit la durée d’évolution. Cela est à souligner, car la majorité
des études publiées concernent des capsulites dont la durée d’évolution est courte, en moyenne de six mois le plus souvent (15).
Dans la série de Bell de 109 patients ayant une capsulite primitive
ou associée à un diabète dans 15 cas, l’amplitude de l’élévation
Tableau. Protocole d’arthrodistension et rééducation des capsulites de l’épaule. Évolution des amplitudes articulaires et de la douleur.
Paramètres
Semaine 1
Semaine 2
Semaine 3
Semaine 4
Révision*
Élévation (degrés)
Admission
108 ± 16,9
133 ± 21
***
140 ± 19
***
144 ± 21
146 ± 17
148 ± 22
RE1 (degrés)
26,7 ± 13,8
30,3 ± 16,1
33,3 ± 14,7
**
36,4 ± 16,9
41,1 ± 16,7
37,6 ± 20,2
EVA douleur (mm)
30,4 ± 24,3
21,8 ± 21,6
21,2 ± 20,7
***
14,4 ± 13,9
9,3 ± 11,3
8,3 ± 13,7
Aires fonctionnelles
Score/45
31,4 ± 6,2
36,7 ± 6,2
* 27 patients ; ** signification statistique par rapport à l’admission (p < 0,02) ; *** signification statistique par rapport à la semaine précédente (p < 0,001).
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La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
COMMENT TRAITER UNE CAPSULITE RÉTRACTILE
active est passée de 113 à 152° et la rotation externe de 25 à 56°,
à deux mois et après une seule arthrodistension, amplitudes comparables en cas de capsulite primitive ou de capsulite associée à
un diabète (8). Les plus mauvais résultats étaient observés dans
le groupe ayant une évolution supérieure à 12 mois.
La pratique d’une seule arthrodistension semble permettre une récupération comprise entre 20 et 28° dans l’élévation, et une amélioration significative des phénomènes douloureux.
À l’issue de ce travail, il paraît manifeste que le meilleur programme
thérapeutique pour une capsulite consiste en la réalisation précoce
d’une infiltration intra-articulaire couplée à une rééducation.
En cas d’échec, la réalisation d’une ou deux arthrodistensions,
couplée à une rééducation intensive, est justifiée. En cas d’échec,
la réalisation d’une capsulotomie chirurgicale peut se discuter en
cas de persistance d’un déficit important de l’élévation et des
rotations.
■
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