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La Lettre du Sénologue - suppl. 1 au n° 29 - juillet-août-septembre 2005
Quelle surveillance après traitement
pour cancer du sein et guérison apparente ?
What kind of follow-up after the treatment and complete remission of breast cancer?
P. Bey*
Mots-clés : Surveillance, Cancer du sein, Rapport bénéfice-efficité.
Keywords: Follow-up, Breast neoplasm, Effectiveness measures.
L
a découverte d’un cancer du sein amène un boulever-
sement dans la vie de celles qui en sont atteintes. Les
traitements sont toujours agressifs. Si la rémission
complète, guérison apparente, est la règle après traitement ini-
tial d’un cancer du sein localisé, le risque de rechute locale,
régionale et/ou métastatique est réel : globalement autour de
20 % avec une variation de 5 à 60 % selon les caractéristiques
initiales de la tumeur. Cette période de rémission au fil du
temps se transformera en guérison ou bien conduira à une
rechute. Nous sommes dans l’incapacité de prévoir actuelle-
ment avec certitude la non rechute ou la rechute et son délai
d’apparition. Notre connaissance n’est que probabiliste. Elle
ne résout rien pour un cas particulier.
La surveillance post-thérapeutique en cancérologie est ancrée
dans la pratique médicale et souhaitée par les malades avec
l’objectif principal d’être rassurés. Pour les médecins, la sur-
veillance permet d’évaluer les traitements et leurs effets secon-
daires. Elle est donc indispensable.
La surveillance post-thérapeutique après cancer du sein peut
répondre à différents objectifs d’utilité variable :
1. Détecter précocement une rechute locale (sein conservé ou
paroi thoracique) et/ou un nouveau cancer du sein homolatéral
ou controlatéral par examen clinique et mammographie annuelle :
a priori l’utilité est comparable à celle du dépistage systéma-
tique.
2. Détecter précocement une évolution métastatique par des exa-
mens systématiques : aucune démonstration n’existe à ce jour
d’un bénéfice en termes de survie globale, de qualité de survie
par la pratique d’examens systématiques, répétés périodique-
ment par rapport au déclenchement de ces examens en présence
de symptômes ou signes découverts par l’interrogatoire et/ou
l’examen clinique et/ou la patiente elle-même. On connaît l’effet
anxiogène de ces examens, l’effet désastreux des faux positifs,
le coût de ces examens qui, compte tenu du nombre de patientes
concernées (environ 400 000 pour la France), est considérable.
Un bilan annuel complet peut représenter une dépense inutile de
plusieurs centaines de millions d’euros.
3. Prendre en compte les effets secondaires des traitements, les
retentissements psychiques et sociaux de la maladie : l’utilité
semble évidente.
Si l’on s’en réfère à la médecine fondée sur les preuves, seuls
les points 1 et 3 paraissent justifiés. Ils nécessitent, selon les
recommandations habituelles, un interrogatoire et un examen
clinique semestriel pendant 5 ans, annuel pendant 10 ans et une
mammographie annuelle à vie. La règle est une surveillance par
les cancérologues, le plus souvent en alternance entre les diffé-
rents thérapeutes : chirurgien, oncologue radiothérapeute, onco-
logue médical. Le nombre rapidement croissant de femmes à
surveiller (doublement de l’incidence du cancer du sein en
20 ans, augmentation du pourcentage de rémission complète
après traitement qui dépasse 90 % actuellement) pose une vraie
difficulté organisationnelle. Les surveillances déléguées, totale-
ment ou partiellement, par les gynécologues et les généralistes
dans des conditions précises avec une évaluation, démontrent
leur validité. Elles doivent être encouragées. Il faudra peut-être
aller plus loin et expérimenter un transfert de compétences, par
exemple vers des infirmières formées à cette surveillance cli-
nique. L’optimisation des compétences est une nécessité pour
l’avenir.
Nous savons tous que la limitation de la surveillance à l’utile du
moment est de pratique quotidienne parfois difficile. On met
souvent en avant la demande, voire l’exigence des patientes, qui
obtiendraient de la part de leur gynécologue ou de leur généra-
liste ce qu’elles n’ont pas toujours obtenu de leurs spécialistes
de la cancérologie. En fait, les spécialistes de la cancérologie
sont loin d’avoir un discours cohérent, entretenant de fait la
confusion. Beaucoup de patientes, par manque d’informations
clairement explicitées, confondent bilan systématique avec pré-
vention des métastases, comme elles assimilent la mammogra-
phie de dépistage à une action de prévention du cancer du sein.
La communication autour du dépistage n’est d’ailleurs pas à
l’abri de quelques dérapages.
Il me semble que la plupart des femmes traitées pour un cancer
du sein et en rémission complète après ce traitement sont aptes
à entendre et comprendre :
– que la surveillance est nécessaire et utile et qu’elle doit être
prolongée ;
* Institut Curie, Paris.
DOSSIER
– qu’elle doit se limiter à ce qui est démontré utile pour elles, en
termes d’examens, de périodicité et de qualité de ceux qui exer-
cent cette surveillance ;
– qu’une possibilité d’éducation leur est offerte ;
– que ce qui est démontré inutile aujourd’hui est susceptible
d’évoluer (en particulier en fonction des progrès diagnostiques
et thérapeutiques).
Cette adhésion à ces principes de la part des femmes, des gyné-
cologues et des généralistes sera d’autant plus facile que le dis-
cours des différents spécialistes en cancérologie sera sans ambi-
guïté et que leur pratique au quotidien sera conforme au discours
et aux référentiels qu’ils écrivent. Cette adhésion sera d’autant
plus facile que la surveillance et ses modalités seront expliquées
très tôt dans la prise en charge et qu’elles figureront sur le pro-
gramme personnalisé de soins remis à la patiente.
On comprend aussi la nécessité d’évaluer périodiquement les
différentes stratégies prenant en compte les progrès des moyens
diagnostiques et thérapeutiques. La construction d’essais com-
paratifs, même si cela n’apparaît pas facile, est une nécessité
impérieuse.
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