Sémiologie de la marche et des chutes Pr Dominique SOMME Service de Gériatrie 2 Définition de la chute An unexpected event in which the participant comes to rest on the ground, floor, or lower level (definition ProFane) Tout événement inattendu au cours duquel la personne vient à reposer sur le sol, le plancher ou un niveau plus bas. La chute du sujet âgé • 2 millions PA > 65 ans chutent par an (30%) 50 % des plus de 80 ans chutent par an • risque de décès x 4 dans l’année suivant la chute • risque de rechuter x 20 après une chute • banalités des chutes tendance à la sousestimation La chute du sujet âgé La chute est une cause d’entrée en institution (40% d’institutionnalisation dans l’année suivant une chute) 3 x plus de chutes en institution qu’à domicile 50% des personnes âgées institutionnalisées chutent au moins une fois par an le nombre de chute en institution est inversement proportionnel à l’effectif du personnel Un syndrome gériatrique typique Les troubles de la marche et de l’équilibre sont un modèle de syndrome gériatrique : Fréquence liée à l’âge Retentissement sur l’autonomie et la qualité de vie Nécessité d’une approche globale pour améliorer Nombre importants d’étiologie possible souvent associées Pathogénie souvent peu claire et intriquée Les systèmes impliqués dans le maintien de la posture pendant la marche • Le système anti-gravitaire : muscles extenseurs des membres inférieurs et paravertébraux. • Le système de production du pas : activité rythmique d’alternance du poids du corps d’un membre inférieur à l’autre, avec appui monopodal. • Le système d’équilibre et d’adaptation posturale : elle vise au maintien de la posture debout. • intègre les informations de 4 modes de perception : • la vue, • le système vestibulaire, • les voies sensitives afférentes proprioceptives • les voies sensitives afférentes tactiles épicritiques. 7 source: présentation Pr Kressig Les systèmes impliqués dans le maintien de la posture pendant la marche contrôle moteur central vision et audition contrôle vestibulaire contrôle neuromusculaire périphérique sensibilité périphérique posturale et sensitive temps de réaction force et puissance musculaire 8 La marche • composante automatique (centre spinal : Groupe Spinal de la Marche (GSM)) : mouvements rythmiques automatiques • modulation : mésocortex (noyau pédonculopontin = zone locomotrice) • partie attentionnelle (cortex préfrontal) : intégration des paramètres et gestion adéquate de l’environnement (changements de direction, gestion des obstacles...) Circonstances de l’examen Patient se plaint de son équilibre (ou pas…entourage…) Examen de la marche et de l’équilibre Patient ayant fait une chute Examen de la marche et de l’équilibre Patient ayant fait plusieurs chutes Patient ayant des conséquences de la chute (alitement, fracture…) Examen sans possibilité de faire marcher ou de la station debout Interrogatoire Facteur de risque Trouble de l’équilibre sans chute Patient chuteur Conséquences des troubles Facteur de risque de chute Facteur « prédisposant » Tous les traitements psychotropes, tous les hypotenseurs, tous les myorelaxants, tous les hypoglycémiants, polymédication Existence d’une maladie cognitive ou de toute maladie neurodégénérative diagnostiquée (démences, maladie de Parkinson, hydrocéphalie) Perte de poids, sarcopénie Atteintes ostéo-articulaire (arthrose, goutte…), antécédent chirurgicaux orthopédique Pathologie des pieds Trouble de la vision diagnostiquée (cataracte, dégénérescence maculaire) Hypoacousie diagnostiquée Syndrome dépressif Analyse de l’environnement Carence en vitamine D 12 Sarcopénie Baisse en moyenne de 20% de la masse musculaire entre 50 et 80 ans C’est une moyenne pas une normale!! Diminution de la force motrice (en moyenne 1%/an de 60 à 80 ans et 2% après: ce n’est pas physiologique!) surtout aux MI 13 Sarcopénie Origine: Déficit en hormones anabolisantes Excès de substances catabolisantes Dénutrition Sous-utilisation 14 Sarcopénie Conséquences: Capacités d’étirement altérées Force musculaire diminue Variation performances motrices Capacités contractiles diminuent : Raréfaction fibres rapides Diminution temps de relaxation Mauvaise coordination lors d’oscillations déséquilibrantes Diminution de la vitesse de contraction réflexe 15 Vue et vieillissement Diminution de l’AV Diminution de la vision des contrastes Diminution du champ visuel Importance de l’éclairage Importance du suivi ophtalmologique annuel 16 L’environnement Il est en cause dans 30 à 50% des chutes Lieux privilégiés: Chambre Salle de bains/WC Escalier Vérifier l’éclairage Dégager les espaces de circulation Faciliter les moyens d’appel Stabiliser les appuis 17 Personne n’est à l’abri de l ’accident bête Interrogatoire du patient En l’absence de chute: douleur? • impotence fonctionnelle constante (~tb équilibre) avec douleurs permanentes (sciatique L5 ou S1, phlébite, artérite stade IV, arthrite ou arthrose, …). cf • impotence fonctionnelle constante avec douleurs à l’effort (sciatique L5 ou S1, artérite stade II-III, canal lombaire étroit, …). cf • impotence fonctionnelle constante sans douleur (troubles de la marche d’origine neurologique : syndrome parkinsonien, ataxie, …). cf • impotence fonctionnelle à l’effort sans douleur (ischémie médullaire, compression médullaire, myasthénie, syndrome myogène …). cf Interrogatoire Chute • • • • • • mécanisme de la chute: Mécanique : explication plausible à la chute Organique : aucune explication à la chute survenue de façon impromptue ou avec un malaise (cf malaise et perte de connaissance) Imprécis : le plus fréquent possibilité de se relever seul, durée de la station au sol existence d’un malaise d’une perte de connaissance ou d’un traumatisme crânien, existence de signes « post-critiques » (cf perte de connaissance) horaire de la chute (par rapport aux prises médicamenteuses et au repas notamment) chute grave : tout chute entrainant un recours à l’hospitalisation, toute chute traumatisante, toute chute répétée > 2 Interrogatoire Conséquence des chutes Actuelles ou possibles Traumatisme (fractures, plaies, recours aux soins…) Autonomie (QS) Maintien à domicile Anxiété dépression Examen physique De l’équilibre et de la marche Général : facteurs précipitants, conséquences source: présentation Pr Kressig 22 23 Le vieillissement et la marche La marche est une répétition de cycle que l'on peut mesurer en mesure temporelle et spatiale la vitesse de marche (qui diminue)= la cadence (qui semble a peu près constante) x par l’enjambée (qui diminue) diminution du temps d ’appui unipodal irrégularité des pas Le polygone de sustentation= écartement intertalonnier augmente source: présentation Pr Kressig Modification liée à l’âge Longueur et vitesse : pas de différence, augmentation de la variation en largeur 24 25 L’épreuve multi-tâche révèle d’avantage la variabilité de l’enjambée source: présentation Pr Kressig 26 Variabilité en vitesse et chute source: présentation Pr Kressig 27 source: présentation Pr Kressig 28 Et l’exercice peut y faire quelque chose? Forme d’activité physique douce à base de danse sur musique improvisée Groupe contrôle sans activité particulière Examen clinique de la marche Lever possible sans l’aide des mains : si non faiblesse généralisée Station debout : stable ou instable, résiste à des poussées sternales ou pas (rétropulsion), résiste à des poussées derrières les épaules (antépulsion) Occlusion des yeux : empêche la correction par le stimulus visuel, seuls stimuli restant : proprioception et vestibule. Aggravation des troubles si atteinte proprioceptive ou vestibulaire Polygone de sustentation : le cadre dans lequel le centre de gravité doit se trouver pour ne pas tomber (attention aux aides). Son augmentation est majeure en cas de sd cerebelleux mais il est classiquement augmenté Vitesse de marche : elle n’est pas très utile car diminuée dans tous les cas Amplitude du pas « petit pas » : pas très utile non plus car diminuée de façon assez générale sauf en cas d’atteinte vestibulaire ou cérébelleuse Initiation de la marche : très atteinte en cas de Parkinson ou de démarche frontale Balancement des bras : Très diminué en cas de Parkinson peu atteinte par ailleurs Equilibre du pas (bilatéral ou talonnante ou steppage voir sémiologie neurologique) Orientation devant une ataxie Examen de la marche Examen global de la marche et de l’équilibre marche en vitesse normale marche sur une ligne (coordination, polygone) marche en parlant (double tâche) lever et marche chronométrée (timed get up and go test sur 5 m : pathologique si > 12 sec) station unipodale yeux fermés 5 sec marche marche ligne debout Les différents types de démarches « neurologiques » Démarches ataxiques: marche sans déficit moteur mais déséquilibre proprioceptive « talonnante » cérébelleuse « pseudo-ébrieuse » avec dans des tendons vestibulaire « en déviation latérale » Démarches déficitaires: pyramidale « fauchante » paraplégie « en ciseau » périphérique « steppage » musculaire « dandinante » avec signe du tabouret Démarche extrapyramidale: petit pas, antépulsion, perte du ballant, signe du seuil et accélérations, décomposition du 1/2tour Démarche frontale : petit pas, rétropulsion, perte de l’initiative Ataxique talonnante : proprioceptive Ataxique pseudo-ébrieuse : cérebelleuse Fauchante spastique : pyramidale Doublement fauchante spastique : pyramidale*2 Steppage : périphérique Dandinante : myogène extrapyramidale Lacunaire frontale En Gériatrie Des associations ne sont pas rares Fréquence du syndrome post-chute Démarche « apraxique » : chez le patient ayant une démence évoluée perte du schéma de marche Démarche troublée par interaction avec les fonctions executives 48 Approche clinique du contrôle cortical: double tâche Paradigme de double tâche : Réaliser simultanément 2 tâches : Tâche primaire : Tâche attentionnelle Tâche secondaire : Marche Interférences si : Utilisation commune attention Dépassement des capacités attentionnelles Allocation attention perturbée (atteinte fonctions exécutives) Examen : les facteurs précipitants (1) Cardiologiques Hypotension artérielle orthostatique • Par définition une différence de 20 mmHg sur la PA systolique lors du passage en orthostatisme • Prendre le pouls en même temps +++++++++++++++++++ • Accélération compensatrice : traitement excessif inadapté ou mal suivi; déshydratation, anémie, hémorragie, cœur • Pas d’accélération compensatrice : dysautonomie? • Noter les symptômes • Répéter les prises 3j de suite • Attention horaire (par rapport au repas) Troubles du rythme ou de la conduction cardiaque: perte de la systole auriculaire notamment mais aussi infarctus (cf cardiologie) Rétrécissement aortique (cf cardiologie) Embolie pulmonaire (cf cardiologie et pneumologie) Examen : Les facteurs précipitants (2) Neurologique Infarctus cérébral aigu (notamment du tronc cérébral, cervelet ou en zone de proprioception) signes en foyers (cf neurologie) plus rarement: épilepsie signes en foyers, syndrome « postcritique » (cf neurologie) cause périphérique (déficit périphérique douloureux ou non) (cf neurologie) ORL et neurologique Labyrinthite Vertiges paroxystique positionnel benin (cf ORL) Vertiges periphériques (Menière etc…) (cf ORL) Examen : Les facteurs précipitants (3) Vue Perte brutale de la vision d’un œil (cf ophtalmologie) Causes métaboliques hypoglycémies (hémoglucotest) trouble de l’hydratation (chez la personne âgée l’examen clinique est peu discriminant, contexte++, biologie) ivresse (alcoolémie parfois utile) Causes générales Infection notamment (fièvre) Conséquences Fractures: aphorisme : « le patient âgé qui est tombé et qui a mal a une fracture », si on ne la voit pas à la radio, il faut la chercher quand même. (fémur, vertèbres, bassin, côtes…) Plaies, hématomes Points de pression Lors de la station au sol prolongé, il apparait des points de pressions au bout de quelques dizaines de minutes. Ils sont d'abord rouges mais il faut les surveiller car ils témoignent souvent d’escarres en formation qui seront bien plus larges (selon l’état général du patient) Toutes les complications de la perte de mobilité (thombose veineuse, confusion, fécalome, rétention d’urine, infection pulmonaire,…) Le syndrome post chute 53 Syndrome « post-chute » ou désadaptation posturale Fréquent+++ Plus de la moitié des chuteurs Mais près du quart des « non chuteurs » âgés Comprend des éléments moteurs et psychologiques Syndrome « post-chute » ou désadaptation posturale Assis: impossibilité du passage en antépulsion pour le lever Debout: rétopulsion en position debout, flessum des genoux Marche (avec aide): appui unipodal postérieur non fonctionnel, élargissement du polygone, augmentation de l’appui unipodal, diminution de long du pas, flessum Psychologique: anxiété de la chute et du vide, perte des initiatives, refus de mobilisation Post chute Post chute 2 Un point particulier de l’examen clinique Examen du patient déchaussé et déshabillé. Observation +++ Infection cutanée et des ongles (mycose++) Déformations Plaies Points d’appuis Analyse des chaussures (zones d’usure) Adaptées ou non Talon pas trop haut Bien fermées Non traumatisantes Hallux valgus Hallux rigidus : orteil en barquette Arthrite de cheville Goutte du 1er MTP Dactylite Prévenir les chutes Exercice physique régulier (2/sem effort modéré ou 5/sem effort peu intense) Activité psycho-intellectuelle et sociale préservée (réseau) Corriger carence vitamine D éventuelle Nutrition équilibrée et diversifiée Bon chaussage Environnement adapté à la mobilité Corriger les troubles de la vue et de l’audition Traiter les douleurs Crédits Vidéos : collège national des enseignants de neurologie Vidéos de syndrome post-chute : Dr Gaxatte (CHU Lille) Photos pieds : Internet Dernier message : les échelles en Gériatrie Les échelles servent à « apprendre » la sémiologie, à conduire son examen, à partager de l’information entre différents professionnels Elles ne résument jamais un diagnostic ou une affection Elles sont nombreuses en Gériatrie mais ne doivent pas remplacer l’analyse sémiologique 68 Rester actif! Merci de votre attention…