P Actualités sur la biologie du cancer de la prostate d

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TMPRSS2
71
1
1
71 226
4 12
2 3 14
142 366 3 196 37
1 2 3 4 11
139 225 443 3 097
TMPRSS2 : ERGa MET28-LN
ERG
TMPRSS2
71
1
1
71 269
4 12
2 3 14
142 366 3 196 37
1 2 3 4 12
139 225 443 3 097
TMPRSS2 : ETV1a MET26-LN
ETV1
Figure 1.
Fusion génique dans le cancer de la prostate.
Nouvelles perspectives thérapeutiques
Exemple : inhibiteurs HDAC1
Délétions
Réarrangements
TMPRSS-2 ERG
Stimulation de la croissance cellulaire
Réduction de l'apoptose
Dérégulation épigénétique
HDAC1
WNT
TNF, FAS
Autres
Androgènes Facteur
Transcript.
ERG
(facteur oncogénique ETS)
AR AR
ARE
Figure 2.
Oncogenèse médiée par des androgènes après fusion/
translocation TMPRSS-2 dans les cancers de la prostate.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007
Actualités sur la biologie du cancer de la prostate
Recent developments in prostate cancer biology
P. Beuzeboc*, X. Rébillard**
* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
** Service d’urologie, clinique Beau-Soleil, Montpellier.
P
armi les actualités biologiques les plus marquantes, il
faut surtout insister sur la découverte récente de gènes
de fusion ainsi que sur l’émergence de nouveaux biomar-
queurs diagnostiques et de nouvelles cibles thérapeutiques.
GÈNES DE FUSION
présentation de A. Chinnaiyan, université du Michigan)
La mise en évidence récente
(1)
de gènes de fusion dans une
majorité de cancers de la prostate représente une véritable
révolution dans la connaissance biologique de ces tumeurs.
Ces gènes de fusion impliquent la région 5’ non codante de
TMPRSS2 (21q22.3), un gène régulé par les androgènes, et des
membres de la famille de facteur de transcription ETS qui sont
soit ERG (21q22.2), soit ETV1 (7p21.2), soit ETV4 (17q21).
En e et, 70 % des cancers de la prostate en Amérique du Nord
présentent des gènes de fusion TMPRSS2
( gure 1)
:
TEMPRSS2-ERG dans 50 à 70 % des cas, dont 50 à 60 %
avec une délétion et 40 à 50 % sans délétion. Il existe environ
15 variants de ce type de gène de fusion ;
TEMPRSS2-ETV1 dans environ 5 % des cas ;
TEMPRSS2-ETV4 dans environ 1 % des cas ;
avec d’autres membres de la famille ETS.
L’activation d’ERG par la fusion avec TMPRSS2 pourrait
conduire à une reprogrammation épigénétique, une signali-
sation de WNT, et une downregulation des voies de l’apoptose
( gure 2)
Cibler ces gènes de fusion dans le cancer de la prostate pour-
rait représenter un rationnel thérapeutique similaire à celui de
l’imatinib dans la leucémie myéloïde chronique. La course est
lane au screening de banques de produits pouvant inhiber
l’activité du gène de fusion. On pourrait envisager également
dans le futur des techniques de knock down par ARN interférence
(rappelons quAndrew Fire et Craig Mello ont reçu le prix Nobel
de médecine en 2006 pour leur travaux sur les ARNi, qui repré-
sentent le moyen le plus effi cace pour inhiber spécifi quement
l’expression de gènes).
INFLAMMATION, ATROPHIE ÉPITHÉLIALE
ET CARCINOGENÈSE PROSTATIQUE
(présentation de A.M. de Marzo, Johns Hopkins, Baltimore)
Vingt pour cent des cancers résultent d’un état infl ammatoire
chronique secondaire à des agents infectieux ou à des expositions
environnementales. À l’histologie, une majorité des infi ltrats
in ammatoires chroniques de la prostate sont assocs à la
présence d’un épithélium atrophique ou d’une atrophie épithé-
liale focale. Des études morphologiques ont mis en évidence des
zones de transition entre ces anomalies et des PIN (prostatic
intraepithelial neoplasia) de haut grade.
Des études épidémio-
logiques ont montré un lien entre le cancer de la prostate et
la consommation de viande rouge et de graisses animales.
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007
La carcinogenèse serait liée à la formation, lors de la cuisson,
d’amines hétérocycliques (HAC) dont les métabolites actifs
pourraient se lier à l’ADN et être responsables de mutations.
Le PhIP (2-amino-1-méthyl-6-phénylimidazopyridine), la plus
abondante des HAC, agit à la fois comme initiateur et comme
promoteur de la carcinogenèse dans des modèles expérimen-
taux animaux.
BIOMARQUEURS DIAGNOSTIQUES SÉRIQUES
ÉMERGENTS : EPCA2, ISOFORMES DE PSA,
AUTOANTICORPS
(présentation de R. Getzenberg, Johns Hopkins, Baltimore)
Les deux principales limites du PSA dans le cancer de la pros-
tate tiennent à son absence de spécifi cité et à son inaptitude à
distinguer les formes agressives des formes ne menaçant pas le
pronostic vital, ce qui justifi e la recherche et le veloppement
de nouveaux marqueurs diagnostiques. À côté des isoformes du
PSA, du rapport du PSA libre sur PSA total et des pro ls d’auto-
anticorps récemment publiés (2), R. Getzenberg a surtout mis
en exergue le veloppement d’immuno-essais pour détecter
dans le sérum
EPCA-2, une protéine de la matrice nucléaire
assoce au cancer de la prostate
(trois régions diff érentes
xant des anticorps).
Dans une étude menée chez plus de 400 sujets, celle-ci a é
retroue dans le rum des patients avec cancer de la pros-
tate, excepté chez les survivants sans récidive, mais pas en cas
d’hypertrophie bénigne de la prostate, d’autres cancers ou de
pathologies bénignes, avec une sensibilité de 94 % et une spéci-
cité de 97 %.
Des taux éles peuvent aussi être détectés en cas de taux
normaux de PSA et pourraient aider à distinguer des autres
tumeurs celles confi es à la prostate.
Des études sont en cours concernant la poursuite des caracté-
ristiques dans le plasma, la cinétique, la vélocité, le temps de
doublement, la relation avec l’agressivité des cancers de la pros-
tate, notamment une étude concernant des tumeurs Gleason 8-
10 et une étude séparée des tumeurs Gleason 7 progressives et
non progressives.
PCA3 URINAIRE ET DIAGNOSTIC PRÉCOCE
(Marks LS, abstract 4)
De nombreux groupes s’intéressent à la recherche de marqueurs
urinaires. Le laboratoire de W. Isaacs a le premier identifi é la
présence d’ARN non codant (DD-3) comme marqueur du cancer
de la prostate dans les urines. Le test actuellement appliqué
utilise un ratio de niveau d’ARNm PCA-3/DD-3 sur le taux
d’ARNm de PSA.
L.S. Marks et al. (abstract 4) se sont intéressés à ce marqueur
PCA-3 (prostate cancer gene 3) dans les urines pour la détec-
tion d’un cancer de la prostate chez des patients avec biopsies
négatives dans une étude menée chez 233 patients présentant
un PSA supérieur ou égal à 2,5 ng/ml et au moins une série de
biopsies négatives. Les urines étaient collectées après toucher
rectal (3 “massages” par lobe) et les niveaux d’ARNm de PCA-3
étaient quantifi és selon une méthode d’amplifi cation générant
un score PCA-3. Soixante cancers ont été retrous sur des
biopsies répétées chez 226 patients (27 %).
En utilisant un cut off de 35 pour le score PCA-3, la sensibilité
était de 58 % et la spécifi cité de 72 %. Pour un score inférieur
à 5 seulement, il y avait uniquement 12 % de cancers, alors que,
pour un score supérieur à 100, il y en avait 50 %.
LOCITÉ DU PSA POUR UN TAUX DE PSA
INFÉRIEUR À 4 NG/ML
(présentation de S. Loeb, Washington)
Pour un PSA supérieur à 4 ng/ml, le seuil d’augmentation de
la vélocité de 0,75 ng/ml est habituellement admis pour distin-
guer les patients ayant un cancer de la prostate de ceux dont
la pathologie est bénigne. Pour un PSA inférieur à 4 ng/ml,
les
données rapportées par S. Loeb
(abstract 2)
font recommander
un taux de 0,3 à 0,5 ng/ml/an.
INTÉRÊT DE LA RECHERCHE
DE CELLULES CIRCULANTES
ET DE MICROMÉTASTASES MÉDULLAIRES
(présentation de R.L. Vessella, University of Washington
Medical Center)
Les études sur les cellules circulantes périphériques (CTC) et
les micrométastases médullaires (DTC) se sont multipliées
ces dernières années, leur détection pouvant avoir un impact
prédictif et pronostique dans les tumeurs solides. Cependant,
leur présence n’est pas univoque, car il a été montré que toutes
les DTC ne se convertissent pas en métastases cliniques (condui-
sant au concept de cellules dormantes”). Durant les années
1990, leur recherche se faisait à l’aide de marqueurs biolo giques
épithéliaux comme des cytokératines, EpCAM, human epithe-
lial antigen (HEA) ou des antigènes prostatiques tels le PSA
ou le PMSA. Les techniques de RT-PCR ont ensuite permis
de détecter la présence d’ARNm cibles spécifi ques. Mais, bien
qu’elles soient très sensibles, les problèmes de standardisation
ont rendu les comparaisons diffi ciles entre les études. Les CTC
et DTC peuvent ainsi être détectées dans 25 à 80 % des cas au
moment du diagnostic.
De nouvelles techniques ont récemment émergé, faisant appel
à des billes magnétiques couvertes d’anticorps avec des tech-
niques denrichissement et des détections par système auto-
matique (CellSearch
).
Des études ont montré que la présence
de plus de 5 CTC constituait un critère de mauvais pronostic en
termes de survie et que si, sous traitement, le nombre chutait en
dessous de 5, la réponse clinique apparaissait meilleure.
Dans les cancers de la prostate, les données publiées par J.G. Mo-
reno en 2005 (3) vont dans le même sens.
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RANK
RANK
OS
RANKL
Hormones
Cytokines de l'inammation
Facteurs de croissance
Ostéoblastes
Précurseurs
ostéoclastes
Ostéoclastes
OPG
Figure 3.
Voie RANKL/RANK/OPG.
Lostéoprotégérine (OPG) agit en inhibant la stimulation de la diff érenciation
et de l’activation des ostéoclastes par le RANK ligand (RANKL), médiateur de la
résorption osseuse induite par les hormones, les cytokines de l’infl ammation et
les facteurs de croissance produits par les tumeurs. Le dénosumab, en bloquant
RANKL, mime l’eff et de l’ostéoprotégérine, inhibiteur endogène du RANKL.
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Dans l’expérience rapportée par R. Vessela, il a été retrouvé une
fréquence élevée de DTC (près de 75 %), que ce soit chez les
patients au moment du diagnostic ou dans les maladies avan-
cées (tableau). Il existe un moindre pourcentage de patients
présentant des DTC détectables avec l’augmentation de la durée
de survie sans récidive (néanmoins encore 44 % en l’absence
de cidive après 5 ans). Il n’a pas éretroude corrélation
signifi cative entre la présence ou non de DTC et l’augmenta-
tion du stade, le score de Gleason, le taux de PSA, le volume
tumoral.
Tableau.
Pourcentage de détection de micrométastases médullaires.
Témoins normaux > 50 ans 1/15 7 %
Témoins normaux < 50 ans 2/15 13 %
Avant prostatectomie radicale (RP) 395/537 74 %
Post-RPNED < 1 an 10/15 63 %
Post-RPNED 1-5 ans 31/50 62 %
Post-RPNED > 5 ans 16/36 44 %
Récidive non traitée après RP 19/24 79 %
Métastatiques hormonosensibles 7/15 49 %
Métastatiques hormonorésistants 21/30 70 %
Post-RPNED : sans maladie évolutive après prostatectomie radicale.
Signalons que l’équipe de l’European Institute of Oncology de
Milan (Verri E et al., abstract 104) a initié une étude de recherche
de CTC dans une série prévue de 54 patients présentant un
cancer de la prostate hormonorésistant (HPRC) et traités par
chimiothérapie avec des prélèvements programmés avant trai-
tement puis à 3, 6, 9 semaines, etc.
SYSTÈME RANK, RANKL, OSTÉOPROTÉGÉRINE
(Roudier M et al., abstract 62)
DÉNOSUMAB (Fizazi K et al., abstract 272)
De nombreuses données servent de rationnel à l’utilisation du
dénosumab, anticorps humanisé anti-RANKL dans les métas-
tases osseuses de cancer de la prostate. G. Chen et al. (4) avaient
pu montrer que lexpression de RANK/RANKL/ostéoprotégé-
rine (OPG) [ gure 3] était faible dans les cellules prostatiques
normales, mais en revanche élevée dans des lignées de cancer
de la prostate et dans des biopsies de tumeurs primaires. Cette
expression était encore plus marquée dans les formes métasta-
tiques, son importance étant aussi corrélée au score de Gleason,
au stade TNM, au statut hormonal et au taux de PSA.
M. Roudier et al. ont comparé l’expression de RANK, RANKL
et OPG en immunohistochimie dans une série de métastases
osseuses à celle de métastases extra-osseuses en utilisant
400 prélèvements post mortem de 55 patients (os : 87, adéno-
pathies : 44, foie : 24, poumon : 2). Une expression de RANK a
été retrouvée dans 84 % des métastases osseuses et dans 45 % des
métastases des parties molles. Dans l’os, l’expression était plus
diff use et marquée. En revanche, RANKL na pas été détecté au
niveau des cellules tumorales, au contraire de l’OPG, détectée
dans 64 % des tastases osseuses et dans 39 % des tastases
extra-osseuses. Ces données suggèrent que l’expression de RANK
au niveau des cellules de cancer prostatique pourrait être induite
par le micro-environnement osseux et/ou que RANKL pourrait
agir comme un facteur local induisant préférentiellement pour
les cellules RANK+ des métastases osseuses.
Les résultats biologiques préliminaires de l’étude de phase II
randomisée (110 patients prévus) comparant, chez des patients
avec métastases osseuses présentant des taux élevés de N-télo-
peptide urinaire après traitement par zolédronate, le dénosumab
à la poursuite du zolédronate montrent que le dénosumab réduit
les marqueurs du turnover osseux (N-télopeptide urinaire) dans
une proportion au moins équivalente à celle du zolédronate
(K. Fizazi et al.).
ERBB4, CIBLE DE THÉRAPEUTIQUE MOLÉCULAIRE
(Ben-Yosef R et al., abstracts 71 et 25)
Cette équipe israélienne s’est intéressée à l’expression d’ErbB4
dans des lignées cellulaires de cancer de la prostate et à son
rôle dans la motilité, la migration, la prolifération des cellules,
ainsi qu’à l’intérêt d’un anticorps anti-ErbB4 sur la prolifération
des cellules tumorales prostatiques in vitro, mais également in
vivo, sur modèles de xénogreff es. Les lignées PC-3 et Du-145
pré sentent des niveaux d’expression élevés pour seulement
50 % des cellules Cl-1. Il a été retrouvé une corrélation entre
l’expression élevée d’ErbB4 et les capacités de prolifération et de
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motilité dans les cellules Cl-1.
Laction inhibitrice des anticorps
anti-ErbB4 à la fois in vitro et in vivo suggère qu’ErbB4 pour-
rait représenter une cible thérapeutique intéressante.
NOUVELLE LIGNÉE CELLULAIRE DÉVELOPPÉE
À L’INSTITUT GUSTAVEROUSSY IGR,
APPELÉE IGRCAP1
(Chauchereau A et al., abstract 59)
Il existe actuellement environ une dizaine de lignées cellulaires
de cancer de la prostate disponibles, la plupart obtenues à
partir de métastases. Une équipe de l’IGR, à partir de patients
présentant un cancer localisé, a veloppé une nouvelle lignée
caractérie par une perte d’expression d’EpCAM (molécule
d’adhésion cellulaire) et une expression forte de vimentine
suggérant des cellules fortement engagées dans le processus
d’invasion tumorale. Cette lignée nexprime ni PSA ni récepteur
aux androgènes (RA), mais possède une expression forte de
p53 et une activité télomérase élevée. Ses propriétés tumorigé-
niques importantes pourraient en faire un modèle potentielle-
ment intéressant pour l’étude de la progression tumorale et
des e ets thérapeutiques des drogues en expérimentation
animale.
RéféRences bibliogRaphiques
1. Tomlins SA, Rhodes DR, Perner S et al. Recurrent fusion of TMPRSS2 and ETS
transcription factor genes in prostate cancer. Science 2005;310(5748):644-8.
2. Wang X, Yu J, Sreekumar A et al. Autoantibody signatures in prostate cancer.
N Engl J Med 2005;353(12):1224-35.
3. Moreno JG, Miller MC, Gross S, Allard WJ, Gomella LG, Terstappen LW.
Circulating tumor cells predict survival in patients with metastatic prostate
cancer. Urology 2005;65:713-8.
4. Chen G, Sircar K, Aprikian A, Potti A, Goltzman D, Rabbani SA. Expression
of RANKL/RANK/OPG in primary and metastatic human prostate cancer as
markers of disease stage and functional regulation. Cancer 2006;107(2):289-98.
1 / 4 100%