
402 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 6 - juin 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du poumon Perspectives : le traitement des cancers bronchiques de 2011 à 2020
cibler environ 30 % des CBNPC (figure 1, p. 401) [4].
L’objectif des 10 prochaines années est donc claire-
ment la découverte et la validation d’autres anoma-
lies ou cibles thérapeutiques dans l’espoir de parvenir
à laisser l’ensemble des CBNPC. Le CBNPC ne sera
alors plus une pathologie d’organe mais une patho-
logie relevant d’anomalies biologiques et il s’agira
alors d’un ensemble de maladies rares. Aujourd’hui,
avec les progrès de la biologie et de la biochimie, il
est relativement facile de créer des molécules visant
une anomalie moléculaire déterminée. Ce qui, en
revanche, constitue une gageure est l’identification
des cibles moléculaires responsables des addictions
oncogéniques. Le véritable défi réside donc dans
nos capacités actuelles et futures à disposer des
outils biologiques nécessaires à l’identification de
ces cibles.
Étudier le nombre de copies de l’ADN
Les aberrations du nombre de copies de l’ADN indui-
sent une modification de la quantité et, ainsi, une
modification de l’organisation du matériel géno-
mique, ce qui peut conduire à une augmentation ou
à une diminution de l’activité transcriptionnelle de
gènes clés ou de l’ARN régulateur. Ces aberrations
du nombre de copies d’ADN peuvent être à l’origine
de la modification d’un seul gène ou affecter une
région chromosomique plus importante comportant
plusieurs gènes. Ces aberrations du nombre de copies
de l’ADN sont soit héréditaires, soit causées par des
anomalies somatiques telles que les délétions, dupli-
cations, inversions ou translocations. De nombreux
gains (1q31, 3q25-27, 5p13-14, 8q23-24, etc.) ou
pertes de chromosomes ou de fragments de chro-
mosomes (3p21, 8p22, 9p21-22, 13q22, 17p12-13,
etc.) sont retrouvés dans les CBNPC (5). Les techno-
logies à haut débit incluent différentes techniques
– comme l’hybridation génomique comparative, le
caryotype numérique, les microarrays d’oligonucléo-
tides (Representational Oligonucleotide MicroArray
[ROMA]), les microarrays de polymorphismes nucléo-
tidiques simples, les sondes moléculaires d’inversion
ou le séquençage de nouvelle génération – qui sont
maintenant capables de détecter rapidement et effi-
cacement des modifications du nombre de copies à
travers un génome tumoral entier.
Jusqu’à récemment, les réarrangements chromo-
somiques, comme les translocations, ne faisaient pas
partie du tableau des anomalies chromosomiques
des CBNPC. Or, il est clair aujourd’hui qu’une trans-
location comme ALK-EML4 (étude par hybridation
in situ en fluorescence ou fluorescence in situ hybri-
dization [FISH]) est une voie oncogénique impor-
tante dans certains CBNPC (4 %) avec un ciblage
moléculaire possible (2).
Étudier la présence de mutations
de l’ADN
La présence de mutations au niveau de certains gènes
représente actuellement le critère le plus prédictif à
la fois du risque de développer certains cancers et
de réponse à certaines thérapies ciblées (1, 6). Cette
analyse est relativement simple par séquençage du
gène cible permettant de déterminer la présence
ou l’absence de la mutation d’un gène. Cette étude
génomique paraît d’interprétation plus aisée que celle
du transcriptome ou du protéome (7). L’enjeu des
années futures va donc être de déterminer si l’éva-
luation de diverses mutations est le reflet ou non
d’une meilleure compréhension de la biologie cellu-
laire et si elle constitue un meilleur facteur prédictif
pour l’adaptation thérapeutique que l’analyse de
la génomique fonctionnelle (6). Cela est probable-
ment vrai lorsque la mutation isolée concerne un
oncogène majeur de l’oncogenèse dont l’expression
de la protéine “anormale” constitue un “driver” du
processus tumoral. L’exemple par excellence est celui
que fournissent les mutations du gène de l’EGFR, dont
l’inhibition seule par les ITK de l’EGFR suffit à bloquer
efficacement l’oncogenèse tumorale (1). Le deuxième
exemple est celui du gène ALK et de l’inhibition de la
protéine de fusion ALK-EML4 par le crizotinib (2). Cela
est sans doute aussi le cas pour d’autres anomalies
génomiques, le bénéfice de leur inhibition restant par
ailleurs à valider (mutations de KRAS, HER2, PI3K,
etc.). À l’inverse, d’autres mutations vont ne participer
qu’à la prolifération, à la croissance, à l’invasion, à
l’angiogenèse… tumorales, sans être de véritables
“drivers” de l’oncogenèse. Dans ce cas, l’analyse
génomique devra être plus complexe (séquençage à
haut débit) et devra s’intéresser à l’étude de plusieurs
milliers de gènes pour en dégager des profils (8).
Étudier le profil épigénétique
Les modifications épigénétiques liées à des anoma-
lies de la méthylation sont des événements fréquents
dans les CBNPC (9). L’inactivation génique par
méthylation dans des régions promotrices est
fréquente dans les CBNPC (par exemple l’inactiva-
tion par méthylation des gènes CDKN2A, MGMT,