Calcul algébrique élémentaire
Henri Roudier
Si l’on trouvera dans ce chapitre la plupart des définitions courantes qui sont celles de l’algèbre
moderne (réunies autrefois sous le masque des ”mathématiques modernes), on fera dans un premier
temps l’effort d’apprendre les règles élémentaires pratiques qui la gouvernent ; le vocabulaire devrait
être familier au lecteur : addition, multiplication, développer, factoriser.
NB. On suppose que le lecteur a quelque connaissance des ensembles de nombres usuels : N,Z,Q,
R,C.
aAse lit : aappartient à A” ou encore aest un élement de A.
BAse lit : ”l’ensemble Best inclus dans l’ensemble A; cela signifie que tout élément appara-
tenant à Bappartient nécessairement à A.
: note l’ensemble vide.
1 Nombres usuels
1.1 Jeu à deux opérations
1.1.1 L’ordinaire
Le calcul algébrique ordinaire, qui met en jeu addition et multiplication s’est inscrit jusque là dans un
des ensembles suivants: où sont définies les opérations familières que sont l’addition et la multiplication.
N: ensemble des entiers naturels : 0, 1, 2, ... dont l’essence est dans le raisonnement par récurrence.
On y définit addition et multiplication, le 0 et le 1. On observera que:
si nest entier naturel strictement positif, il n’existe pas d’entier naturel n
tel que n+n
= 0.
Z: ensemble des entiers relatifs. Il est constitué des entiers naturels et de leurs opposés. On
observera que si mest un entier différent de 0, il n’existe d’entier m
tel que mm
= 1 que dans les
cas où m= 1 ou 1.
Q: ensemble des nombres rationnels ; il sont représentés par des fractions notées
n
d
dappartient
àN
et nappartient à Z. On suppose connu du lecteur les régles pratiques decalcul qui leur sont
attachées ainsi que la notion de fraction irréductible.
D: ensemble des nombres décimaux..Il s’agit des rationnels qui se mettent sous la forme
a
10
n
nNet aZ; ce sont les flottants du ”calcul numérique mis en oeuvre dans les machines.
Bien entendu : NZDQ, les inclusions étant strictes.
– Bien entendu, la somme, la différence et le produit de deux éléments de N( resp. Z, resp. D,
resp. Q) est un élément de N( resp. Z, resp. D, resp. Q). Par contre l’inverse d’un décimal n’est
pas nécessairement décimal (
1
3
n’est pas un nombre décimal).
R: ensemble des nombres réels. On démontre qu’il n’existe pas de nombre rationnel dont le
carré est égal à 2. On pourrait également démontrer que ramener la géométrie élementaire plane
aux calculs dans une repère se heurte à das difficultés analogues si l’on considère que abscisses et
ordonnées sont des rationnels. Ainsi il n’est pas sûr que, C(Ω, r)étant un cercle de centre et
de rayon r > 0, une droite se trouvant à une distance de inférieure à rcoupe le cercle en deux
points ! La géométrie qu’on ”voit n’est pas celle des rationnels. Si l’inclusion suivante est stricte
QR
elle ne donne pas la mesure de ce passage des uns aux autres.
Les nombres réels qui ne sont pas rationnels sont appelés nombres irrationnels.
1
On suppose le lecteur averti des régles ordinaires qui gouvernent le calcul des nombres usuels.
Exercice 1 Que pensez-vous de la somme (du produit) d’un rationnel et d’un irrationnel?
Que pensez-vous de la somme (du produit) de deux irrationnels ? On pourra examiner des exemples tels
21et 2 + 1.
Ensemble des nombres complexes. Inventés à la fin du XVI-ème siècle, ils interviennent alors dans
la résolution algébrique des équations, comme nombres ”imaginaires”. Là encore
RC
Précisons que l’ordre naturel des nombres, noté ,s’arrête aux réels et ne se prolonge pas aux
complexes.
1.1.2 Opposé
Mieux vaut connaitre les définitions qui se cachent derrière ce mot. Soit Aun des ensembles précédents,
aet a
deux éléments de A:
aet a
sont opposés si a+a
= 0.On peut démontrer que si aadmet un opposé, il en admet
un seul, noté .a. On en déduit que (a) = a. On suppose connu du lecteur la définition de
ab=a+ ()bet les règles qui vont avec.
Jeu sur les différences – Ou comment faire entre sur la scène (xα)et (yβ)dans l’expression
xy αβ:
Il suffit de le .. vouloir :
xy αβ =x(yβ) + βx αβ =x(yβ) + β(xα)
ou aussi bien
xy αβ = (xα)y+αy αβ = (xα)y+α(yβ)
1.1.3 Simplification. A propos du produit
Il est bien connu que si aest un nombre usuel a.0 = 0. (sauriez vous le démontrer? )
Réciproquement. On peut démontrer que, Aétant un des ensembles précédents, quels que soiientr a
et bappartenant à A:
ab = 0 (a= 0 ou b= 0)
On en déduit le résultat suivant qui est fondamental.
Théorème 1 Soit a, x, y trois nombres ”usuels”
(a= 0
A
et ax =ay)x=y
Preuve
1
– Il suffit d’observer que ax =ay équivaut à a(xy) = 0.
1.1.4 Puissances
Soit Aun des ensembles précédents .on définit les puissances successives d’un élement ade Ade ”proche
en proche” en posant :
a
0
= 1
a
1
=a
a
2
=a.a
pour tout nappartenant à N:a
n+1
=a
n
a
(1)
On vérifie alors sans difficulté que pour tout m, n appartenant à N, tout a, b appartenant à A:
a
m+n
=a
m
a
n
; (a
m
)
n
(ab)
n
=a
n
b
n
Nous verrons que ces égalités ne se généralisent pas dans des structures de calcul plus ”compliquées”.
Exemple 1 Jeux avec 1. Soit nun entier naturel. Il faut savoir que (1)
n
est égal à 1si nest pair,
que (1)
n
est égal à 1si nest impair.
1
Observer que la preuve na rien à voir avec l’existence éventuelle d’un inverse de a.
2
1.1.5 Développer / factoriser
Développer et factoriser sont les deux actions de base du calcul littéral.
Développer une expression revient à transformer un produit en une somme (ou une différence). Le
principe de base est celui de la distributivité de la multiplication par rapport à l’addition
a(b+c) = ab +ac
(a+b) (c+d) = ac +ad +bc +bd
Factoriser une expression revient à l’écrire sous la forme d’un produit ; en général, cela se fait en
”repérant” un facteur commun
ab +ac =a(b+c)
ab a=a(b1)
Attention : cela dépend du cadre concret du calcul. Le débutant méditera devant les deux égalités :
x
2
10
3x+ 1 = x
2
110
3x+1
x
2
x
2
10
3x+ 1 = (x3) x1
3
Théorème 2 Soit r
1
et r
2
deux réels (resp complexes) Quel que soit zappartennant à C
z
2
(r
1
+r
2
)z+r
1
r
2
= (zr
1
) (zr
2
)
Résultat qu’on retrouvera dans le cadre du ”second degré” et qu’il faut absolument connaitre.
Preuve – L’égalité précédente se prouve en développant (zr
1
) (zr
2
)et en regroupant les
termes de ce développement suivant les puissances de l”’objet” zqui joue un rôle un peu particulier.
Observer que lire l’égalité précédente de gauche à droite relève d’une factorisation ; après tout, on
aurait pu aussi bien observer que
z
2
(r
1
+r
2
)z+r
1
r
2
=z
2
r
1
zr
2
z+r
1
r
2
=z(zr
1
)r
2
(zr
1
) = (zr
1
) (zr
2
)
1.1.6 Carrés et identités remarquables
On prendra très au sérieux l’exercice suivant.
Exercice 2 Soit zun entier relatif. Démontrer que z
2
= 4 (z= 2 ou z=2) .
Solution cf plus bas...
Les identités remarquables ci-dessous donnent quelques outils classiques de développement et de
factorisation, suivant qu’on les lit de gauche à droite ou de droite à gauche...
Théorème 3 Les plus célèbres des identités remarquables : soit xet y, z des nombres complexes.
On dispose des égalités
(x+y)
2
=x
2
+ 2xy +y
2
(xy)
2
=x
2
2xy +y
2
x
2
y
2
= (x+y) (xy)
Presquaussi connue
(x+y+z)
2
=x
2
+y
2
+z
2
+ 2xy + 2yz + 2zx
Preuves – Développer (x+y)
2
,(x+y) (xy)en tenant compte de ce que xy =yx. Idem avec
(x+y+z)
2
.
Théorème 4 Soit , aet bdeux nombres complexes :
a
2
=b
2
(a=bou a=b)
Preuve – Nous l’avons dit, si a=±b, alors a
2
=b
2
. Réciproquement, vu ce qui précède :
a
2
=b
2
a
2
b
2
= 0 (a+b) (ab) = 0
Or (a+b) (ab) = 0 (a+b= 0 ou ab= 0),cqfd.
Par contre déduire l’égalité a=bde l’égalité a
2
=b
2
est une ERREUR GROSSIERE.
3
1.1.7 Vers l’égalité de Bernoulli
Théorème 5 Mieux vaut également savoir que, xet yétant des nombres complexes :
x
3
y
3
= (xy)x
2
+xy +y
2
x
3
+y
3
= (x+y)x
2
xy +y
2
On dispose également de l’égalité
x
4
y
4
= (xy)x
3
+x
2
y+xy
2
+y
3
Remarque – Par contre il est impossible d’obtenir une égalité, valide pour tout xet tout ycomme
x
4
+y
4
= (x+y)x
3
+??x
2
y+??xy
2
+y
3
. Si c’etait le cas que se passerait-il lorsque x=y?
1.1.8 Exercices
Si le principe élémentaire de tout calcul littéral est bien : développer/simplifier/factoriser, il faut
parfois savoir le contourner...
Exercice 3 Transformer x
2
+ 1(x1) + (x+ 1)
2
.
Solution : x
2
+ 1(x1) + (x+ 1)
2
=... =xx
2
+ 3. Peut-on aller plus loin?
Exercice 4 Transformer x
2
+ 1(x1) + (x1)
2
Solution : x
2
+ 1(x1) + (x1)
2
=.... =x(x1) (x+ 1).
Exercice 5 Développer a
0
+a
1
x+a
2
x
2
b
0
+b
1
x+b
2
x
2
+b
3
x
3
. On évitera de distribuer ”bêtement”.
La bonne méthode consiste à jouer le jeu des puissances de x: chercher le coefficient constant, les termes
mettant en jeu x, ceux mettant en jeu x
2
, etc. cf section plus bas 6.2.1
a
0
+a
1
x+a
2
x
2
b
0
+b
1
x+b
2
x
2
+b
3
x
3
=a
0
b
0
+ (???) x+ (???) x
2
+ (???) x
3
+etc..
Exercice 6 Factoriser p(x) = x
3
3x
2
+ 2 en observant que p(1) = 0. On considèrera alors
p(x)p(1) = ... =x
3
1 + 3 x
2
13
Variante : forcer le destin
x
3
3x
2
+ 2 = (x1) x
2
+??x+??
Exercice 7 Factoriser x
5
3x
4
+ 2x
2
.
Exercice 8 Plus généralement : soit p(x) = ax
3
+bx
2
+cx +d; observer que, αétant un nombre
quelconque :
p(x)p(α) = ax
3
α
3
+bx
2
?+c???
D’où
p(x)p(α) = (xα) (???)
NB. On en déduit, ce qui n’est pas sans importance, que αest racine du polynôme p, i.e. p(α) = 0
si, et seulement si il est possible de mettre (xα)en facteur dans p(x), c-à-d si est seulement si il existe
un polynôme qtel que, pour tout x:
p(x)p(α) = (xα)q(x)
Ceci est d’ailleurs vrai en général.
Exercice 9 Factoriser xy +x+y+ 1.
4
1.1.9 Inverse
Soit Aun des ensembles précédents (Z,Q,R,C),aet a
deux éléments de A:
aet a
sont inverses si a.a
= 1.On peut démontrer que si aadmet un inverse, il en admet un seul,
noté a
1
ou (dans la tradition
1
a
). On en déduit que a
1
est inversible et que a
1
1
=a. On
observera que 0n’est pas inversible. On suppose le lecteur familier avec la définition de
a
b=ab
1
=b
1
a
et les règles qui vont avec (cf cependant exercice 12).
On observera que si l’on se contente de calculer dans l’ensemble Zdes entiers, seuls 1et 1sont
inversibles. De ce point de vue, 2n’est pas inversible. C’est dans un des trois ensembles Q,Rou
Cque se déploie le concept d’inverse. L’usage est de désigner par Kun de ces trois ensembles de
nombres lorsqu’il s’agit de résultats mettant en jeu les ”quatre opérations”. K
désigne l’ensemble
des éléments de Kdifférents de 0.
On peut alors étendre la définition de a
n
aux cas où aest différent de 0 et nun entier relatif en
posant dans le cas où nest un entier négatif (n < 0) :
a
n
=a
1
n
Moyennant quoi, on a également pour tout entier relatif n: (a
n
)
1
=a
n
. Les règles (1) se
généralisent sans difficulté. On observera ainsi que si cela a un sens, on a :
a
k
=a
n
a
nk
Exemple 2 Jeux avec 1. Soit nun entier. Il faut savoir que (1)
n
= (1)
n
.
1.1.10 Exercices
Exercice 10 Transformer ou simplifier
2
21
3
7
+
16
9
=
Exercice 11 On suppose que nest un entier. Vrai ou faux?
2
2n
= (2
n
)
2
? 2
2n
= 2
2
n
? ( 2
n
)
1
= 2
n
=1
2
n
? 2
n
+ 2
n
= 2
n+1
?
Exercice 12 On suppose aet bdifférent de 0 ; démontrer (oui démontrer) que (ab)
1
=b
1
a
1
..
Solution De la méthode ! Démontrer que machin (ici ab) a pour inverse truc (ici b
1
a
1
) revient
à démontrer que machin.truc = 1 ; dans le cas qui nous intéresse : (ab)b
1
a
1
=.... = 1.
Exercice 13 Transformer ou simplifier (lorsque cela a un sens) :
1
1
a
+
1
b
=etc ;1
1
a
1
b
=etc
Exercice 14 Additionner
1
xy+1
x+y=etc ;1
x
2
y
2
+1
x+y=etc
Exercice 15 On suppose a, b, c différents de 0. Transformer
ab +bc +ca =abc (???)
1
ab +1
bc +1
ca =1
abc (???)
1
a+1
b+1
c=1
abc (???)
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