DOSSIER THÉMATIQUE XXIIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Biopathologie : quoi de neuf ? Biopathology: what’s new? F. Bibeau* HER2 et cancer gastrique : vers un raffinement des techniques de détection * Service de pathologie, CRLC de Montpellier. Le trastuzumab, en association avec la capécitabine ou le 5-fluorouracil et le cisplatine, a été approuvé par l’agence européenne des médicaments (autorisation de mise sur le marché [AMM], le 19 janvier 2010) pour le traitement des adénocarcinomes gastriques ou de la jonction œsogastrique métastatiques. Cette AMM est sous-tendue par un statut HER2 positif en immunohistochimie (IHC) de score 3+ ou de score 2+ avec hybridation in situ montrant un rapport HER2/CEP17 > 2 (rapport sonde HER2 sur sonde centrométrique du chromosome 17 > 2) [1]. Initialement, l’hybridation in situ fluorescente ou FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) avait été retenue. Une extension d’AMM a été apportée le 6 août 2010 incluant désormais la technique d’hybridation in situ argentique ou SISH (Silver In Situ Hybridization). C’est cette dernière qui devrait plutôt être utilisée car elle permet de repérer, avec plus de précision que la FISH, les marquages hétérogènes. Compte tenu de l’importance de la détermination du statut HER2 dans le cancer gastrique, il faut signaler que des tests d’assurance qualité ont été proposés en 2010 par l’Association française d’assurance qualité en anatomie et cytologie pathologiques (AFAQAP), à l’instar de ce qui a été fait dans le cancer du sein. D’après les dernières données de l’ESMO, il ne semble pas exister de disparité majeure du statut HER2 entre tumeur primitive et métastases (ESMO 2010. F. Negri et al. Abstract 823P). Cependant, l’évaluation du statut HER2 sur le site métastatique est préférable quand cela est réalisable. Par ailleurs, une publication récente a fait état de possibles faux négatifs après traitement néoadjuvant des cancers de l’œsophage (2). Ces dernières données sont à confirmer. 84 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 Instabilité microsatellitaire : l’évidence stable Ce statut particulier concerne 15 % des cancers colorectaux dans un contexte soit sporadique, soit héréditaire (syndrome de Lynch). Il est objectivable par immunohistochimie et biologie moléculaire qui sont concordantes dans la très grande majorité des cas. Cependant, une publication récente a montré qu’une perte d’expression de MSH6 par HC pouvait s’observer dans les cancers du rectum après traitement néoadjuvant par radiochimiothérapie, sans instabilité microsatellitaire associée (3). Les études présentées lors du congrès de l’ASCO en 2010, ont encore souligné l’impact pronostique favorable de l’instabilité microsatellitaire (ou profil dMMR [deficient MisMatch Repair]) [ASCO 2010. G. Hutchins et al. Abstract 3517 ; F. Sinicrope et al. Abstract 3519 ; G.P. Kim et al. Abstract 3518]. L’histoire naturelle des cancers MSI (microsatellite instable) a par ailleurs été précisée, montrant une proportion plus élevée de récidives intra-abdominales (F. Sinicrope et al. Abstract 3519) et un impact pronostique favorable maintenu au cours de l’évolution naturelle de la maladie, que les patients aient reçu ou non une chimiothérapie adjuvante par 5-FU après exérèse de la tumeur primitive (ASCO 2010. G.P. Kim et al. Abstract 3518). Les raisons du pronostic plus favorable des tumeurs dMMR sont encore à préciser, mais la réponse immune semble être une piste prometteuse. À ce titre, une communication affichée de J.F. Fléjou et al. a souligné qu’un plus grand nombre de ganglions lymphatiques était objectivé dans les pièces de résection chirurgicale de cancers colorectaux MSI que dans les cancers colorectaux MSS (microsatellite stable), notamment dans les cancers du côlon droit, dans les cas sans ganglions métastatiques et lors d’une perte Résumé L’année 2010 n’a pas fait émerger de nouveaux biomarqueurs mais a confirmé la place de certains d’entre eux dans des situations cliniques précises. Le statut de l’oncogène HER2 dans les cancers gastriques métastatiques et la détermination de l’instabilité microsatellitaire dans les cancers du côlon deviennent ainsi des paramètres incontournables. Les mutations du gène BRAF dans le cancer colorectal s’intègrent plus à un cadre pronostique que prédictif. L’année 2010 renforce aussi l’importance des techniques associées à la mise en évidence de ces biomarqueurs, devant s’inscrire dans le cadre d’un contrôle qualité. d’expression d’hMLH1 (ASCO 2010. J.F. Fléjou et al. Abstract 3607). La valeur prédictive du statut MSI a aussi fait l’objet de plusieurs travaux. Deux études ont confirmé l’absence de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante par 5-FU en cas de tumeurs MSI de stade II (ASCO 2010. G.P. Kim et al. Abstract 3518 ; F. Sinicrope et al. Abstract 3519). La publication de D.J. Sargent et al., parue dans Journal of Clinical Oncology en juillet 2010, renforce ces données et suggère que le statut MSI ou dMMR devrait être recherché après exérèse d’un cancer colique de stade II, afin d’éviter une chimiothérapie à base de 5-FU (4). L’ensemble de ces données confirme ainsi, dans les cancers colorectaux de stade II, l’intérêt du 5-FU seulement chez les patients ayant un statut MSS ou pMMR. En première ligne métastatique, aucune différence d’efficacité de chimiothérapie à base d’irinotécan n’a été objectivée entre patients MSI et MSS. Une tendance non significative concernant une meilleure survie sans progression a cependant été observée chez les patients avec statut MSI (ASCO 2010. J. Kim et al. Abstract 3579). Mutations BRAF : pour l’instant pronostiques Au cours de l’année 2010, le caractère pronostique des mutations du gène BRAF dans le cancer colorectal a été une nouvelle fois mis en évidence. Ces mutations surviennent en aval du gène KRAS et sont mutuellement exclusives de celui-ci (5). Elles ont été analysées dans le cadre de plusieurs études biologiques satellites de différents essais thérapeu- tiques et leur fréquence s’est avérée dans l’ensemble comparable, atteignant 8 %. Leur caractère péjoratif a ainsi été objectivé en situation adjuvante (essai PETACC3 : cancer du côlon de stade II ou III, traité par LV5FU2 seul ou avec irinotécan [ASCO 2010. A.D. Roth et al. Abstract 3504 ; S. Tejpar et al. Abstract 3505], et en première ligne métastatique (essais CRYSTAL [FOLFIRI versus FOLFIRI + cétuximab]), OPUS (FOLFOX4 versus FOLFOX4 + cétuximab) et COIN (chimiothérapie à base d’oxaliplatine associé au 5-FU ou à la capécitabine selon le choix de l’investigateur) [ASCO 2010. C. Bokemeyer et al. Abstract 3506 ; T.S. Maughan et al. Abstract 3502]. Il est nécessaire de préciser que ce caractère péjoratif n’est présent qu’au sein des cancers colorectaux sans instabilité microsatellitaire. Dans les tumeurs MSI, dont le pronostic favorable vient d’être évoqué, les mutations de BRAF servent à distinguer les cancers MSI sporadiques (si mutation de BRAF) des cancers MSI héréditaires (non mutées pour BRAF !) [5, 6]. Il reste maintenant à comprendre pourquoi la mutation du gène BRAF est délétère dans le groupe des cancers colorectaux pMMR et non dMMR. Une partie de ces études a également souligné que les mutations de BRAF ne pouvaient être considérées à l’heure actuelle comme un facteur prédictif de résistance aux anticorps anti-EGFR (ASCO 2010. C. Bokemeyer et al. Abstract 3506). Dans les essais CRYSTAL et OPUS poolés, chez les patients porteurs de tumeurs BRAF mutées, le pronostic s’avère en effet particulièrement mauvais tant dans le bras recevant la chimiothérapie et le cétuximab que dans le bras recevant la chimiothérapie seule, ce qui en fait, à l’heure actuelle, un marqueur essentiellement pronostique. ■ Mots-clés HER2 Hybridation in situ Instabilité microsatellitaire Mutations BRAF Abstract In 2010, no new biomarker was validated for the clinical practice in digestive oncology. HER2 status in metastatic gastric cancer and MSI status in colorectal cancers are now becoming mandatory. BRAF mutations found in colorectal cancers have to be consi­ dered rather prognostic than predictive. At last, in 2010, biomarkers testing should be performed with a quality assuranced program. Keywords HER2 In situ hybridization Microsatellite instability BRAF mutations Références bibliographiques 1. L, Doglioni C. HER2 testing in gastric cancer. Adv Anat Pathol 2011;18(1):53-9. 2. Schoppmann SF, Jesch B, Friedrich J et al. Expression of Her-2 in carcinomas of the esophagus. Am J Surg Pathol 2010;34(12):1868-73. 3. Bao F, Panarelli NC, Rennert H, Sherr DL, Yantiss RD. Neoadjuvant therapy induces loss of MSH6 expression in colorectal carcinoma. Am J Surg Pathol 2010;34:1798-804. 4. Sargent DJ, Marsoni S, Monges G et al. Defective mismatch repair as a predictive marker for lack of efficacy of fluorouracil-based adjuvant therapy in colon cancer. J Clin Oncol 2010;28:3219-26. 5. Lièvre A, Rouleau E, Buecher B, Mitry E. Intérêt clinique des mutations de BRAF dans le cancer colorectal. Bull Cancer 2010;12:1441-52. 6. Sharma SG, Gulley ML. BRAF mutation testing in colorectal cancer. Arch Pathol Lab Med 2010;134:1225-8. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 85