Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o 4 - octobre-novembre-décembre 2006
240
revue
de pr e
Des matrices
de collagène augmentent
la survie de cellules
souches transplantées
et contribuent à l’amélioration
fonctionnelle de cœurs
ischémiques
L
a transplantation de cellules souches
en cardiologie est actuellement en
plein développement pour traiter les
cardiomyopathies d’étiologie isché-
mique, ainsi que les non ischémiques.
Cependant, ce procédé est limité par la
faible viabilité des greffons. Des tech-
niques visant à augmenter la survie des
cellules transplantées en utilisant des
matrices de collagène associées à des
facteurs de croissance ont été proposées,
inspirées par les avancées d’une nouvelle
discipline : l’ingénierie tissulaire.
Dans cet article expérimental, les auteurs
utilisent un modèle de transplantation
cardiaque hétérotopique chez le rat, le
working heart, qui permet d’évaluer
fonctionnellement les résultats de tech-
niques de réparation des infarctus utili-
sant la thérapie cellulaire associée aux
matrices en collagène et aux facteurs de
croissance. Les cellules choisies sont des
cardiomyoblastes H9c2 (American Type
Culture Collection) “transduits” par un
vecteur lentiviral a n qu’ils expriment la
luciférase de luciole et la protéine uo-
rescente verte (GFP). Des rats Lewis
ont subi une ligature de l’artère coro-
naire gauche induisant un infarctus de
la paroi antérieure du ventricule gauche.
Les cœurs ont été prélevés et restaurés ex
vivo grâce aux cellules H9c2 génétique-
ment marquées. Des études comparatives
ont été réalisées en associant :
Des matrices tridimensionnelles de
collagène (Gelfoam® [GF]) produites à
partir de peau de porc.
Des matrices sous forme de gel
(Matrigel® [MG]) provenant de sarcomes
de souris. Ce matériel est constitué de
protéines extracellulaires composées de
laminine et de collagène type IV.
Le facteur de croissance endothélial
vasculaire (VEGF) [vascular endothelial
growth factor].
✓
✓
✓
Le facteur de croissance de fibro-
blastes (FGF) [fibroblast growth
factor].
Cinq groupes ont été créés. Groupe 1 :
cellules diluées en suspension saline ;
groupe 2 : cellules semées sur une
matrice de collagène (Gelfoam®) ;
groupe 3 : cellules semées sur GF/
Matrigel
®
(GF/MG) ; groupe 4 : cellules
semées sur GF/MG/VEGF (10 µg/ml) ;
groupe 5 : cellules semées sur GF/MG/
FGF (10 µg/ml). Les cœurs ont alors
été réparés ex vivo et ensuite trans-
plantés en région abdominale chez des
rats receveurs syngéniques (modèle de
cœur fonctionnel). Les contrôles ont
subi un infarctus suivi de l’implanta-
tion de GF ou d’une injection saline.
La survie des cellules a été évaluée en
utilisant la bioluminescence optique à
J1, J5, J8, J14 et J28 en postopératoire.
À 4 semaines, la fraction de raccourcis-
sement et la fraction d’éjection ont été
déterminées en utilisant respectivement
l’échocardiographie et l’imagerie par
résonance magnétique. Les caractéris-
tiques du greffon ont été évaluées par
immunohistologie.
Résultats. Les signaux bioluminescents
à J5, J8 et J14 étaient plus élevés pour
les greffons à base de GF comparative-
ment aux simples injections de H9c2
(p < 0,03). Les signaux étaient plus
élevés pour les greffons GF/MG que
pour GF seul (p < 0,02). Des cellules
H9c2, GFP positives et fusiformes, ont
été trouvées intégrées dans les zones
limitrophes d’infarctus à J28. La fonction
ventriculaire gauche des cœurs implantés
avec les greffons à base de collagène
était meilleure qu’avec les contrôles
(p < 0,05). Le VEGF ou le FGF n’ont
pas amélioré davantage la viabilité du
greffon ni la fonction cardiaque.
Conclusions. Les matrices de colla-
gène augmentent la survie précoce des
cardiomyoblastes après transplantation
dans les cœurs ischémiques et mènent à
une fonction VG améliorée. Une opti-
misation plus avancée de la concep-
tion du greffon devrait rendre ef cace
✓
la restauration de grands infarctus du
myocarde par des approches d’ingé-
nierie tissulaire.
Commentaires. Le développement de
nouveaux médicaments a amélioré le
pronostic de l’insuf sance cardiaque.
Cependant, malgré un traitement
médical idéal, un pourcentage signi -
catif de malades évolue vers une progres-
sion de l’insuf sance cardiaque, et ces
malades sont candidats à une thérapie
plus invasive (transplantation cardiaque,
assistance mécanique circulatoire, cœur
artificiel). Le traitement consistant à
transplanter des cellules souches vivantes
dans le myocarde pathologique ainsi
qu’à injecter des facteurs de croissance
(angiogéniques et/ou myogéniques)
entraînerait un processus de régénéra-
tion capable de réduire la brose ventri-
culaire survenue lors d’un infarctus du
myocarde. Ces approches deviennent
progressivement de nouvelles voies
thérapeutiques de la défaillance ventricu-
laire postischémique. Le développement
de la biologie cellulaire et moléculaire
associé maintenant au développement
de nouveaux biomatériaux offerts par
l’ingénierie tissulaire permet d’envisager
l’application clinique à large échelle de
ces stratégies.
J.C. Chachques, Paris
Kutschka I et al. Collagen matrices enhance survival
of transplanted cardiomyoblasts and contribute to
functional improvement of ischemic rat hearts. Cir-
culation 2006;114(Suppl. 1):I167-73.
Complexité temporo-
spatiale des interactions
conduisant à l’établissement d’une
tolérance : le système immunitaire
en 4D
D
e nombreux travaux expérimentaux
ont démontré qu’il était possible
d’induire la survie indé nie d’un greffon
allogénique vascularisé par l’induction
d’un état de tolérance chez le rece-
veur murin. Par la suite, l’analyse des