Dossier
tmiqu
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o 4 - octobre-novembre-décembre 2006
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complexe de la néphropathie chronique
d’allogreffe. Rappelons que toutes les
études montrent qu’une des principales
causes de perte de greffon est le décès du
patient, principalement du fait de compli-
cations cardiovasculaires, la fonction du
greffon restant satisfaisante. À ce stade, il
est important de mentionner que l’anémie
est un facteur de risque cardiovasculaire
bien établi chez le patient en IRC (3).
La transplantation rénale corrige large-
ment le déficit de fonction endocrine
et exocrine du rein présent chez les
patients en insuffisance rénale termi-
nale. En théorie, le retour à une fonc-
tion rénale satisfaisante après la greffe
doit s’accompagner de la correction de
l’anémie chez la plupart des patients.
De fait, une majorité de patients trans-
plantés rénaux a un poids d’hémoglo-
bine normal trois mois après la greffe, la
synthèse rénale d’érythropoïétine étant
normalement régulée chez ces patients.
Certains d’entre eux développent même
une polyglobulie, qui nécessite parfois un
traitement spécique. Depuis une dizaine
d’années, plusieurs études ont analysé la
prévalence de l’anémie chez ces patients
ainsi que les facteurs impliqués dans sa
survenue. Celle-ci est en fait fréquente, et
sa prise en charge reste à optimiser.
PrévaLence de L’anéMIe
en transPLantatIon rénaLe
Rappelons que la dénition hématolo-
gique de l’anémie correspond à un poids
d’hémoglobine inférieur à 130 g/l chez
l’homme et à 120 g/l chez la femme.
Cela est important car malheureuse-
ment, et comme souvent, la dénition
retenue dans les études publiées n’est
pas toujours la même, et l’interprétation
qu’on en donne en est bien sûr gênée.
Avant l’utilisation large des ASE, tous
les patients transplantés étaient sévère-
ment anémiques dans la phase précoce
suivant la greffe. L’anémie préopéra-
toire, quasi constante chez les patients
dialysés, était aggravée par le saignement
postopératoire. Le recours à une transfu-
sion sanguine était la règle. La restaura-
tion d’une fonction rénale satisfaisante
après greffe permet la reprise d’une
sécrétion endogène d’EPO et la correc-
tion, au moins partielle, de l’anémie
dans les six premiers mois. Cependant,
l’anémie post-transplantation n’a pas
disparu depuis l’utilisation des ASE chez
une majorité de patients dialysés. De
nombreuses études observationnelles
ont bien montré que l’anémie, aussi bien
dans les périodes précoce que tardive
post-greffe, restait fréquente.
Moore et al., dans une étude prospec-
tive portant sur 51 patients, retrouvent
une prévalence de l’anémie supérieure à
80 % dans les deux premières semaines
post-transplantation et de 30 % après un
an de greffe. Dans ce travail, les auteurs
ont utilisé le seuil de 38 % d’hématocrite
chez l’homme et de 35 % chez la femme
pour dénir l’anémie (4). Mix et al., dans
une étude rétrospective de 240 patients,
retrouvent une prévalence d’anémie
(hématocrite < 36 % quel que soit le
sexe) de 76 % au moment de la greffe,
de 21 % après un an, et de 36 % quatre
ans post-greffe ; les femmes avaient
un hématocrite moyen plus bas. Seuls
36 % des patients sévèrement anémiques
(hématocrite < 30 %) ont bénécié d’une
évaluation biologique des réserves en fer,
et moins de 40 % de ces patients étaient
traités par un ASE (5). Dans l’étude
publiée par Shibagaki et al., 20 % des
patients avaient une anémie sévère
(Hb < 120 g/l chez l’homme, Hb < 110 g/l
chez la femme). Dans cette étude nord-
américaine, l’élévation de la créatinine
plasmatique et l’origine africaine étaient
des facteurs prédictifs de l’anémie (6).
Finalement, c’est l’étude TRESAM
(Transplant European Study on Anemia
Management) qui fournit le plus d’in-
formations sur le sujet (7). Cette étude
observationnelle réalisée dans seize pays
européens entre le 15 novembre 2000
et le 31 mai 2001 a permis d’évaluer la
prévalence et les modalités de prise en
charge de l’anémie chez 4 263 patients
transplantés rénaux. Les auteurs ont
utilisé dans cette étude la définition
hématologique de l’anémie : moins de
130 g/l chez l’homme, moins de 120 g/l
chez la femme. Quatre périodes post-
transplantation ont été analysées, les
six premiers mois (n = 1 003), un an
(n = 960), 3 ans (n = 1 254) et 5 ans
(n = 1 046) post-greffe. La proportion
d’hommes et de femmes était identique
dans les quatre groupes, respectivement
de 62 % et 38 %. Dix pour cent des
patients ont été greffés à partir d’un
donneur vivant. L’hémoglobine moyenne
au moment de la greffe s’échelonnait de
108 à 119 g/l selon les groupes ; de façon
non surprenante, les patients les plus
récemment greffés avaient en moyenne
une hémoglobine plus haute.
L’hémoglobine moyenne dans la cohorte
de l’étude TRESAM était de 132 g/l, mais
d’importantes variations ont été obser-
vées, de 45 à 201 g/l ! Dans la cohorte
globale, 1 645 patients (38,6 %) étaient
anémiques et 364 (8,5 % du total) avaient
une hémoglobine inférieure à 110 g/l
(homme) ou 100 g/l (femme), ce seuil
dénissant le groupe ayant une anémie
sévère. La proportion de patients anémi-
ques était sensiblement identique dans les
quatre groupes de patients “classés” en
fonction de l’ancienneté de la transplan-
tation. Les patients receveurs d’une
première greffe avaient une hémoglobine
moyenne plus élevée que les receveurs de
2e ou 3e greffe, respectivement 132 ± 19,
128 ± 19 et 127 ± 21 g/l. Enn, l’hémo-
globine était également plus basse chez
les patients ayant reçu un traitement pour
rejet aigu.
Dans cette étude, les auteurs ont retrouvé
une corrélation entre le niveau de fonc-
tion rénale, créatinine plasmatique ou
clairance de la créatinine, et le poids
d’hémoglobine, les patients dont la
fonction rénale est la moins altérée étant
moins souvent anémiques. Enn, l’utili-
sation de protocoles d’immunosuppres-
sion qui comportent du mycophénolate
mofétil (MMF) ou des médicaments
antihypertenseurs inhibant les effets de
l’angiotensine II (IEC et ARAII) était
associée à une prévalence plus impor-
tante d’anémie. De façon surprenante,