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pharmaJournal 22 | 11.2009
Pharmazie und Medizin · Pharmacie et médecine
Tableau 1. Prescription «off label» de médicaments psychotropes:
Les «4 D»: diagnostic, démographie, dose et durée [11]
Catégorie
«off label»
Description Exemple
Diagnostic
(«disorder»)
Prescription d’un médicament pour lequel
il n’existe aucune autorisation de
prescription pour le trouble psychiatrique
à traiter
Topiramate dans les toxicomanies
Démographie Prescription d’un médicament pour lequel
il n’existe expressément aucune
autorisation de prescription pour un
groupe de population donné
Antipsychotiques chez les enfants
et les adolescents
Dose Prescription de doses en dehors de la
plage posologique admise dans
l’autorisation de prescription
Chez les non-répondeurs, prescripti-
on d’antidépresseurs à des doses
plus élevées qu’autorisées
Durée du
traitement
Prescription d’un médicament au-delà de
la durée admise dans l’autorisation de
prescription
Traitement au long cours de
troubles du sommeil par des
benzodiazépines
Résumé des caractéristiques du produit
(RCP)), tels que publiés p.ex. dans le
Compendium Suisse des Médicaments
[10]. Dans la plupart des cas, il s’agit
d’utilisations dans une indication diffé-
rente (ou modifiée), avec un autre dosage
(p. ex. dose administrée, laps de temps
entre deux prises, vitesse de perfusion
etc.), chez une autre population de pa-
tients (p. ex. âge et sexe) ou en suivant
d’autres instructions techniques et phar-
maceutiques (p. ex. prolongation de la
durée de conservation, utilisation d’un
autre solvant, mélanges différents, etc.).
Le concept d’«off label use» d’un médica-
ment ne doit pas être confondu avec celui
d’«unlicensed use» (littéralement: utilisa-
tion non autorisée), qui sous-entend
qu’aucune autorisation officielle (de mise
sur le marché suisse) n’a été délivrée pour
le médicament en question.
Le Royal College of Psychiatrists s’est
penché sur la question de l’«off label use»
dans la pratique psychiatrique (www.rc-
psych.ac.uk/files/pdfversion/cr142.pdf;
janvier 2007). Dans un travail de revue, il
a défini quatre situations de prescription
«off label» que l’on peut résumer par les
«4 D»: diagnostic («disorder»), démogra-
phie, dose, durée (tableau 1).
La responsabilité dans la prescription
«off label»
Les situations sont nombreuses où un
médecin prescripteur, confronté à des cas
cliniquement difficiles, sinon désespérés,
ne peut que difficilement s’en tenir à une
application stricte du RCP et se base sur
des guidelines et autres recommandations
générales pour tenter une prescription
«off label». En vertu des recommandations
APC-Swissmedic sur l’«off label use»
(2006) citées plus haut, le médecin a le
devoir d’informer le patient que sa pres-
cription est «off label» et d’obtenir son
accord. Ce document définit aussi le de-
voir de diligence des pharmaciens: «Tout
d’abord, c’est au pharmacien qu’il revient
de valider les prescriptions médicales. En
cas de doute, ce dernier doit prendre
contact avec le médecin prescripteur ou,
dans certaines circonstances, refuser de
délivrer les médicaments prescrits.»
Valider une prescription est une tâche
difficile pour le pharmacien qui n’a a
priori que la prescription sous les yeux et
ne possède souvent que peu d’informa-
tions sur le patient.
Remboursement de prescriptions
«off label»
En Allemagne, selon une décision rendue
en 2002 qui a fait jurisprudence, une pres-
cription «off label» ne peut être facturée
aux caisses-maladie que si elle a pour but
de traiter une maladie grave qui engage le
pronostic vital ou compromet durablement
la qualité de vie. Aucun autre traitement ne
doit être disponible et les résultats d’études
doivent indiquer qu’un traitement par le
médicament «off label» a de bonnes
chances de succès [12]. La pratique clinique
montre que de nombreux patients psychia-
triques réunissent ces conditions, si bien
que la prescription de médicaments psy-
chotropes «off label» est en principe indi-
quée dans certaines situations. En Suisse, il
n’existe aucune obligation pour l’assurance
obligatoire des soins de rembourser des
médicaments prescrits «off label».
Le texte qui suit traite des prescrip-
tions «off label» en psychiatrie dans l’ordre
donné par les «4 D»: diagnostic, démogra-
phie et durée. Les doses «off label» feront
l’objet de l’article à paraître dans le pro-
chain numéro du pharmaJournal.
Diagnostic
On connaît trois situations classiques:
1. Un médicament enregistré pour
d’autres indications est prescrit dans une
maladie psychiatrique pour laquelle le
principe actif n’est pas officiellement au-
torisé. C’est souvent le cas lorsque le
mécanisme d’action du médicament ou
des études cliniques prometteuses per-
mettent de supposer qu’il devrait conve-
nir pour cette indication.
Exemple: le traitement des toxicomanies peut
être considéré comme l’un des plus grands défis
de la psychiatrie à l’heure actuelle. Cela explique
pourquoi toutes les stratégies de traitement pos-
sibles ont été explorées, y compris la prescription
de topiramate dans le sevrage des opiacés. Des
études relativement prometteuses [13] ont eu
pour effet d’encourager l’utilisation du topira-
mate dans cette indication, du moins en Suisse
romande. Ceci a conduit le fabricant à adresser
en 2008 une lettre aux médecins pour les mettre
en garde contre une prescription «off label» de
son produit pour le sevrage des opiacés.
On est frappé par la fréquence croissante
des prescriptions d’antipsychotiques aty-
piques dans des indications autres que
classiques et dans des groupes de popula-
tion chez lesquels de tels médicaments ne
sont pas autorisés ou sont soumis à des
limitations [16,17]. On les prescrit volon-
tiers pour traiter les troubles affectifs et la
démence chez les adultes, et pour le
TDAH (trouble du déficit de l’attention/
hyperactivité, ADHD = attention deficit
hyperactivity disorder) chez les adoles-
cents. Une revue systématique d’études
cliniques, portant sur l’utilisation d’anti-
psychotiques atypiques hors indications
usuelles, fait état d’une vingtaine de
champs d’application différents, dont
l’addiction au jeu, les troubles de la per-
sonnalité, les tics, le syndrome de Gilles
de la Tourette, la trichotillomanie, les
troubles de comportement et l’anorexie.
Ce sont toutes des pathologies qui posent