Pour Mathilde, il était une sorte de figure paternelle au quotidien, plus présente physiquement que son propre père.
Plus érudit aussi. Tellement complexe que parfois elle avait du mal à le suivre dans ses réflexions !
Ainsi David lui avait laissé un message. Elle soupira en souriant. Il ne changerait ses habitudes pour rien au monde,
celui-là ! Il lui proposait de se voir le soir même, prétextant un nouvel achat de livre dont il voulait lui confier la
teneur. La jeune femme n’était pas vraiment d’humeur à recevoir un invité, mais elle se dit qu’à défaut de
comprendre le livre qu’il allait ramener, elle allait pouvoir lui demander son avis sur le sujet qui la préoccupait en ce
moment.
Alors même qu’elle allait le rappeler, son portable lui annonça un nouveau message. Cette fois, c’était Marion qui
voulait elle aussi passer. Apparemment, une journée sans se voir et son amie était déjà dans tous ses états ! Elle
allait faire d’une pierre deux coups : Marion connaissait déjà très bien David et ainsi, Mathilde ne se répèterait pas.
Ni une, ni deux, elle leur envoya à chacun un message d’invitation.
Elle savait qu’avec ces deux là dans son salon, la soirée allait être animée, alors elle s’enroula dans une couverture,
alluma la télévision en sourdine et commença à somnoler.
C’est le bruit agressif de l’interphone qui la réveilla. Se levant dans un sursaut, elle jeta un coup d’œil à l’heure et se
dépêcha d’appuyer sur la commande de la porte vitrée du bâtiment. Elle entrouvrit la porte d’entrée et comme à
son habitude, son chat descendit de son perchoir chauffant pour aller monter la garde sur le paillasson.
« Ma petite, heureusement que vous êtes là ! Avec mon genou qui est déjà bien usé, monter le dernier étage
n’aurait pas été une partie de plaisir sans votre bras ! »
« Je vous en prie David ! Et vous pouvez me tutoyer ! Depuis le temps que nous nous connaissons ! »
« Je ne me fais pas à l’idée, excusez-moi ma douce. »
Les voix de ses amis dans la cage d’escalier étaient étouffées, et Mathilde retint difficilement un rire qui se
transforma en gloussement. David n’était qu’un vieux charmeur, qui, pour preuve de sa courtoisie avec les femmes,
fit un baisemain à Marion à l’entrée de l’appartement. Cette dernière rougit violemment avant d’aller serrer son
amie dans ses bras. Elles regardèrent sévèrement le soixantenaire et éclatèrent de rire.
« Tu n’es qu’un vil flatteur David ! » le réprimanda Mathilde en l’enlaçant.
Par-dessus son épaule, l’homme adressa un clin d’œil à Marion qui rigola toute seule.
« Hé bien ! Vous venez bien tard ! Vous ne m’aviez pas prévenue que vous vouliez me voir, alors vous excuserez ma
tenue un peu ... » D’un geste vague la jeune femme engloba son pull à col roulé un peu détendu et son jogging noir à
la couleur passée.
« Ne t’inquiète pas ! Marion et moi te trouvons très bien comme ça ! » lui sourit David avant de s’installer sur l’un
des hauts tabourets devant le plan de travail. La scène qui s’ensuivit fut mémorable : l’homme essaya tant bien que
mal de grimper sur le siège, légèrement trop haut pour lui et les deux femmes rirent à gorge déployée quand il prit
un air dépité et une moue boudeuse.
L’hôtesse de maison décida d’aller dans le salon, plus confortable et plus chaud. Après leur avoir servi un café, elle
s’enroula dans sa couverture et laissa David commencer le récit d’un nouveau livre de philosophie qui,
contrairement aux livres plus anciens, avait apparemment passionné les étudiants. La jeune femme sourit
doucement à la chaleur humaine que dégageait son ancien professeur : la passion de sa matière faisait luire ses
yeux, ses gestes étaient plus fluides, il paraissait presque rajeuni. Elle aurait bien voulu être si passionnée par son